- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Métier ›
- Les salariés non vaccinés compliquent la vie de l’officine
Les salariés non vaccinés compliquent la vie de l’officine
Depuis le 15 septembre, date de l’entrée en vigueur de la première étape de l’obligation vaccinale, plusieurs préparateurs ont fait état, sur les réseaux sociaux, de leur non-vaccination malgré l’intérêt qu’ils portent à leur métier. Témoignages.
« Depuis le début, nous sommes sur le front, pour reprendre les termes du président de la République. Nous avons rassuré les patients, distribué des masques, fait des tests, des vaccins, au début dans des conditions limites, sans être considérés comme des professionnels de santé. Nous n’avons pas de numéro SI-DEP. Pour seule récompense, le gouvernement nous oblige à nous faire vacciner », détaille Marina, préparatrice en Charente (17). Même sentiment pour Audrey, préparatrice dans les Yvelines (78) : « Nous n’avons eu aucune valorisation, et en remerciement ? Vaccination obligatoire ! J’ai l’impression d’avoir été prise pour une gamine.
Chacun cherche son motif
« Attention, je ne suis pas contre les vaccins, mais là, je refuse car je n’ai pas de facteur de risque », ajoute Marina. Ce discours est partagé par toutes les préparatrices que nous avons interviewées. « Le vaccin me fait plus peur que la Covid. Je suis jeune, je n’ai pas de facteur de risque, pourquoi je me ferais vacciner ? Mes risques d’aller aux urgences sont minimes. Je fais des tests régulièrement, je respecte scrupuleusement les gestes barrières pour protéger mes patients, papi et mamie », ajoute Aurore, préparatrice dans les Yvelines. Les arguments les plus cités pour expliquer ce rejet sont l’absence de recul, l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle (voir encadré), ou un rapport bénéfice/risque insuffisant. La conséquence de ce refus est la suspension du contrat de travail, imposée par la loi du 5 août. « Quand je suis partie de la pharmacie, nous pleurions tous car nous savions que je ne reviendrais pas. Pourtant, j’aime mon métier, l’équipe est sympa et les patients, adorables », regrette Marina.
Licenciement ou pas ?
Depuis le 15 octobre, les officinaux sans statut vaccinal complet ne peuvent plus être au comptoir. Leur contrat de travail est suspendu, sans versement de salaire. « Cette situation n’est pas confortable pour l’employeur. Jusqu’à quand va-t-elle durer ? On ne peut pas remplacer de façon durable le préparateur. Il reste dans l’équipe mais chez lui, alors que nous en avons besoin au comptoir », explique François, titulaire en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette situation est d’autant plus compliquée à gérer que nombre de pharmacies sont en sous-effectif. « J’ai demandé à mon expert-comptable si je pouvais la licencier, mais là encore, rien n’est clair », déplore François. La question du licenciement reste entière. Certains pensent, comme Rodolphe Meneux, avocat en droit social chez Fidal, que le licenciement est possible. « Dans un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de cassation a pu considérer que le refus pour un salarié du secteur des pompes funèbres de se faire vacciner contre l’hépatite B constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cette décision pourrait permettre de justifier le licenciement pour un salarié non vacciné. »
Pour d’autres, ce n’est pas si simple. Pierre Fernandez, directeur général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), syndicat de titulaires, estime que « la suspension du contrat de travail, imposée par la loi, est déjà une sanction. Or, le Code du travail interdit à l’employeur de sanctionner deux fois le salarié pour les mêmes faits. » Un salarié suspendu ne pourrait donc pas être licencié. Pierre Fernandez invite ses adhérents à la prudence. Seul un juge tranchera entre ces deux argumentaires de même valeur juridique.
Un choix dangereux
Face à la pénurie de préparateurs, certains titulaires ont choisi de maintenir au comptoir des salariés non vaccinés, dans le strict respect des mesures barrières. « Je n’avais pas d’autre choix. Je n’arrive pas à remplacer une absence longue, type arrêt maternité, alors vous pensez que pour ce cas ! J’ai pris le risque de la sanction en maintenant au comptoir ce salarié », explique un titulaire qui souhaite rester anonyme. La loi prévoit une amende de 135 € pour méconnaissance de l’interdiction d’exercer en cas de non-respect de l’obligation vaccinale. Cette peine est de six mois d’emprisonnement, de 3 750 € d’amende et une peine complémentaire de travail d’intérêt général si ces violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours. Une sanction disciplinaire pourrait être envisagée pour les pharmaciens, « sanctions actuellement en cours d’arbitrage » selon l’Ordre des pharmaciens.
L’autre choix est de convaincre les récalcitrants. « J’ai une préparatrice qui travaille bien. Mon intérêt était de la garder au comptoir. Alors, à force de dialogue et de persuasion, j’ai réussi à la faire changer de position », se félicite Laurent, titulaire à Toulouse (31). « Je me suis fait vacciner les larmes aux yeux pour ne pas mettre mes collègues et mon employeur dans la panade », explique Audrey.
En attendant demain
« Quand je me réveille, je me répète que je ne suis plus préparatrice, mais après vingtcinq ans, ce n’est pas facile », confie Aurore. Idem pour Léa : « Je travaille dans mon officine depuis vingt-huit ans, j’y ai fait mon apprentissage, j’ai grandi avec les patients. Nous avons un lien fort, qui me manque. Ce métier est difficile mais très stimulant. » Beaucoup n’ont pas réfléchi à l’après. Une éventuelle suspension de l’obligation vaccinale les fait tenir. Après viendront sans doute les boulots alimentaires, puis la reconversion, mais pour l’heure, aucune ne souhaite revenir sur son choix. « Je ne céderai pas au chantage des hommes politiques. C’est mon corps », conclut Léa. Pour Nora, préparatrice depuis seize ans dans les Hauts-de-Seine (92), « cette goutte d’eau a été une opportunité. La pharmacie est proche de chez moi, je ne travaille pas le samedi, mais je tourne en rond. Je rêve de faire de la pâtisserie. J’ai négocié une rupture conventionnelle et je me lance dans une formation pour faire de ma passion mon métier. »
Merci à Marina, Léa, Aurore, Nora, Audrey, François, et les autres qui se reconnaîtront, pour leurs témoignages.
L’autorisation de mise sur le marché conditionnelle
→ L’autorisation de mise sur le marché des vaccins contre la Covid-19 n’est pas définitive, mais conditionnelle. Cette procédure autorise l’accès au marché à un médicament qui répond à un besoin médical non satisfait avant que des données à long terme sur son efficacité et sa sécurité ne soient disponibles. Les bénéfices de la disponibilité immédiate du médicament doivent l’emporter sur le risque inhérent à l’absence de recul important. Une fois l’autorisation accordée, les laboratoires doivent fournir les données complémentaires d’études nouvelles ou en cours, dans des délais fixés par l’Agence européenne du médicament (EMA), pour confirmer le rapport bénéfices/risques positif.
Les refus du vaccin
« Derrière le refus de se faire vacciner, il y a tout un éventail émotionnel complexe qui teinte les comportements et les choix », écrit Geneviève Beaulieu-Pelletier(1). Hormis des motifs religieux, culturels ou de santé, d’autres facteurs influencent le choix de ne pas se faire vacciner : l’incompréhension et le manque d’information, les craintes liées aux piqûres et aux effets indésirables, le sentiment d’impuissance face à une maladie qui va durer, un manque de connaissances sur la maladie et la vaccination qui font dire « Je suis en bonne santé, ça me protège ». En raison de ce manque de connaissances, ces personnes « ne sont pas particulièrement préoccupées par les impacts néfastes du virus sur leur santé et sur les risques de transmission. À noter qu’elles ne sont pas réellement en opposition au vaccin. » Autres facteurs : les dynamiques relationnelles et la confiance en ses pairs, la méfiance de ce qui est introduit dans le corps, le déni face à une situation anxiogène, et le sentiment de rejet et d’exclusion. « Lorsqu’on ne se sent ni représenté ni écouté par les autorités, quand on se fait parodier ou critiquer par d’autres groupes de la société, on réactive les blessures d’un passé déjà marqué de rejet et on les rejoue dans un actuel souffrant. » La personne se sentira davantage exclue et moins ouverte à suivre les recommandations.
(1) Neuf barrières psychologiques derrière le refus de la vaccination, Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et professeure associée à l’université du Québec, à Montréal, dans theconversation.com, 20 septembre 2021.
- Retrait des tests Covid-19 aux préparateurs : le ministère n’était pas au courant !
- Tests de dépistage du Covid-19 : les préparateurs ne peuvent plus les réaliser
- [VIDÉO] Damien Chamballon : « Les préparateurs sont prêts à s’engager dans les nouvelles missions »
- Tests Covid-19 interdits aux préparateurs : la profession interpelle le ministère
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- La carte Vitale numérique s’impose dans toute la France
- Prévention et vaccination : les nouvelles recommandations de la HAS sur les méningites et le VRS
- Salaires en officine : l’accord signé le 18 mars entérine une hausse de 1,1 %
- La pharmacie challengée sur le conseil associé
- Préservatifs remboursés : la liste s’allonge


