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Des pubs pour la vente en ligne de médicaments ?
La cour d’appel de Paris a décidé que les règles interdisant aux officines de faire de la publicité ne s’appliquaient pas aux pharmacies en ligne étrangères livrant en France.
Quelle est l’historique de cette décision ?
En 2015, Shop Apotheke, pharmacie en ligne de droit néerlandais, distribue près de 3 millions de flyers dans les colis envoyés par La Redoute, Zalando et Showroomprivé. Ils indiquent des promotions sur des médicaments non soumis à prescription obligatoire vendus en ligne. Estimant que cette société ne respecte pas le droit français, l’Union des groupements des pharmaciens d’officine (UDGPO) l’attaque en justice.
Pourquoi saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ?
Après une première décision favorable aux pharmaciens français en 2017, la cour d’appel de Paris est saisie par Shop Apotheke pour rejuger l’affaire. Estimant que le droit français n’est pas conforme au droit européen, la cour d’appel se tourne vers la CJUE pour répondre à la question suivante : l’interdiction de solliciter la clientèle par des procédés et moyens considérés comme contraires à la dignité de la profession de pharmacien, ou l’obligation de respecter les bonnes pratiques de dispensation des médicaments, notamment la nécessité d’un questionnaire de santé dans le processus de commande, sont-elles conformes aux règles européennes ?
Les spécificités du droit français sont-elles conformes au droit européen ?
En octobre 2020, la CJUE rappelle que les États membres peuvent déroger aux règles européennes pour des raisons liées à la protection de la santé publique. À condition que les règles dérogatoires adoptées par l’État membre soient proportionnelles et nécessaires à la protection de la santé publique. « Cette décision reconnaît la spécificité du droit français, nous pouvons en être fiers », se félicite Laurent Filoche, président de l’UDGPO. La CJUE pose aussi une règle de procédure : ces règles dérogatoires doivent être notifiées à la Commission européenne pour être applicables aux sociétés des autres États membres faisant du commerce en France. Les magistrats européens laissent toutefois le soin aux magistrats français de contrôler la proportionnalité des règles dérogatoires.
Que dit la cour d’appel de Paris ?
Après la décision de la CJUE, la cour d’appel récupère l’affaire pour trancher le litige le 17 septembre 2021. Les magistrats constatent que le ministère de la Santé n’a pas notifié les règles encadrant la publicité pour les pharmacies. Faute de quoi, ils retiennent qu’elles ne sont pas applicables aux pharmacies d’un autre État membre livrant des médicaments à prescription facultative sur notre sol. Les magistrats laissent aussi entendre que les règles françaises ne seraient pas proportionnées à l’objectif de protection de santé publique.
Pourquoi cette absence de notification ?
Selon Laurent Filoche, « à cause d’un rond-de-cuir du ministère de la Santé, les pharmacies françaises se retrouvent en concurrence avec des pharmacies en ligne européennes qui n’ont pas les mêmes règles du jeu. » Mais le problème est peut-être plus juridique. Les magistrats ont relevé que les règles interdisant aux officines de solliciter la clientèle par des procédés contraires à la dignité de la profession sont « abstraites et en inadéquation avec le commerce électronique », et ne permettent pas de « contrôler leurs nécessité et proportionnalité au regard de l’objectif de protection de santé publique. » Le ministère de la Santé est dans une position délicate. S’il notifie, il est probable que les règles soient considérées non conformes au droit européen par les juridictions françaises. Et s’il ne notifie pas, les officinaux vont se retrouver en concurrence avec des pharmacies en ligne géantes.
Comment la profession se mobilise ?
Elle demande la notification. Sous peu, « les pharmacies basées dans un autre État membre pourront faire de la publicité sans contrainte alors que les françaises ne le pourront pas », s’insurge Philippe Besset, président de la FSPF. Télé, radio, réseaux sociaux, tout est permis ! « Nous pourrions voir un spot pour du paracétamol à 1 € ou cinq boîtes achetées et une offerte », tempêtent Pierre-Olivier Variot et Alain Grollaud (voir Experts). Un courrier signé par l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), Federgy, l’UDGPO et l’USPO a été envoyé au ministère de la Santé pour qu’il clarifie sa position. La FSPF a opté pour un courrier à part.
NOS EXPERTS INTERROGÉS
→ Laurent Filoche, président de l’UDGPO (groupement).
→ Philippe Besset, président de la FSPF (syndicat de titulaires).
→ Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO (syndicat de titulaires).
→ Alain Grollaud, président du groupement Federgy
Repères
→ 2015 : distribution de flyers promotionnels de médicaments OTC par Shop Apotheke, qui est attaqué par l’UDGPO.
→ 11 juillet 2017 : le tribunal de commerce de Paris considère que c’est contraire à la dignité de la profession de pharmacien.
→ 28 septembre 2018 : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est saisie pour apprécier la conformité des règles encadrant la publicité au droit européen.
→ 1er octobre 2020 : la CJUE juge conformes au droit européen les règles particulières de publicité auxquelles sont soumis les pharmaciens, hormis l’interdiction d’achat de mots clés.
→ 17 septembre 2021 : la cour d’appel de Paris constate l’absence de notification des règles spécifiques à la France.
→ 15 et 19 octobre 2021 : envoi de courriers au ministère de la Santé pour connaître les raisons de cette absence de notification. Produits
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