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Le renouveau des fonds d’investissement
Présents depuis 2016 sur le marché, les fonds d’investissement qui interviennent dans le financement des pharmacies ont fait du bruit à leur arrivée. Désormais plus discrète, l’offre s’est assainie, les montages déviants laissant la place à des modèles plus respectueux des fondamentaux de l’officine.
Parmi les quelques dossiers qui nous ont été soumis au début des obligations convertibles en actions (OCA), nous nous sommes positionnés très tôt contre des projets conduisant à un endettement exagéré et avons refusé de financer ceux dans lesquels le refinancement de l’emprunt obligataire arriverait trop tôt, alors que la pharmacie n’aurait pas encore suffisamment amorti la dette senior », explique Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo. Ces fameuses OCA étaient pourtant présentées comme une opportunité tant par leurs promoteurs que par les groupements ayant cédé à leurs charmes pour développer leur réseau. La philosophie de ces fonds dits spéculatifs n’était pas exactement en phase avec les attentes de la pharmacie, certains d’entre eux cherchant un retour sur investissement le plus rapide possible et à capter la création de valeurs en appliquant des taux de rendement prohibitifs.
Les fonds trop gourmands marginalisés
« L’intervention de ces fonds était jusqu’ici un épiphénomène, mais de nos jours nous n’en rencontrons plus dans les dossiers que nous examinons », poursuit Jérôme Capon. Même constat de la part de Luc-Bertrand Manry, avocat associé du cabinet Havre Tronchet : « On ne voit plus beaucoup d’opérations de ce genre et on n’entend plus parler de ces fonds de captation spéculative, car ils se rendent compte que les investissements qu’ils ont engagés sont disproportionnés par rapport aux résultats escomptés. »
En parallèle, le financement externe des officines se diversifie de plus en plus, au travers des boosters d’apport et du nombre croissant de pharmaciens investisseurs. « Dans ce contexte d’abondance donnant l’impression qu’il y a beaucoup d’argent à investir dans l’officine, les candidats à l’installation n’éprouvent plus le besoin d’aller chercher de l’argent cher auprès de ces fonds dont les process de financement et de négociation sont trop compliqués et inadaptés à l’acquisition d’officines », complète Serge Gilodi, responsable de la société Serendipity Conseil.
Fabien Blatière, du cabinet Channels, avance une autre raison pour expliquer leur déclin : « Dans une période où les banques prêtent très facilement de l’argent à des taux extrêmement bas (0,5 à 0,6 % hors assurances), elles n’acceptent pas de refinancer des OCA. Par ailleurs, le Covid-19 a remis certaines idées en place chez les pharmaciens, entre la désaffection des grandes pharmacies touristiques parisiennes sur lesquelles certains fonds avaient misé et l’impact de la crise sanitaire sur le pouvoir d’achat que rencontrent une partie d’entre elles. » A l’heure des comptes, le bilan est parfois désastreux. « Dans une pharmacie parisienne hautement touristique durement frappée par la crise, il y a plus de dette obligataire que de chiffre d’affaires », glisse Serge Gilodi.
Ces mêmes fonds spéculatifs ne sont plus un gage de confiance pour les vendeurs. « Ils préfèrent une offre de reprise moins-disante avec un financement plus classique », ajoute-t-il.
Ceux qui marchent…
Les OCA n’ont pas pour autant complètement disparu. Celles fondées sur un modèle de répartition durable se maintiennent. Les groupements en quête de croissance rapide s’intéressent en effet toujours autant aux fonds d’investissement pour faire grossir leur réseau tout en se souciant de préserver leur image. Détenu par le fonds d’investissement Five Arrows, le réseau Pharmacie Lafayette est aujourd’hui associé à un nouveau fonds, A plus Finance, une société de gestion indépendante destinée à financer le développement des pharmacies Lafayette recélant un fort potentiel de croissance ou en phase de transmission. « Notre groupe jouit d’une notoriété de marque et, au travers du financement de pharmacies et de leur passage à l’enseigne Lafayette, nous engageons et exposons notre marque », explique Hervé Jouves, président du Groupe Laf Santé, faisant comprendre que des montages risqués et déséquilibrés, qui conduiraient à des défaillances de pharmaciens, seraient du plus mauvais effet pour le réseau. Pas question de faire n’importe quoi qui pourrait discréditer l’enseigne, à commencer par le taux de rendement des OCA, de 8 %, attestant d’une opération sécurisée et équilibrée. « Aucun montage financier de l’opération ne se fait sans l’assistance d’au moins un avocat et d’un expert-comptable désignés par le pharmacien », précise-t-il.
Fondée sur une répartition équitable de la valeur entre les acteurs (le pharmacien, l’opérateur, le fonds), la plateforme entrepreneuriale Arpilabe travaille elle aussi avec des fonds d’investissement et propose des coûts limités à un niveau supportable par la pharmacie, permettant au titulaire d’être le premier à tirer parti de la performance de son officine.
D’une façon générale, les fonds aujourd’hui mis en place correspondent davantage aux valeurs éthiques, générationnelles et participatives du groupement. Par exemple, dans le nouveau booster d’apport Giropharm, le dispositif repose sur les OCA et un financement via une filiale d’investissement qui permet de lever des fonds auprès des pharmaciens coopérateurs du groupement : Giro Invest. La mutualisation des ressources permet à cette filiale, cofinancée par le même partenaire financier que la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), la société Esfin Gestion, filiale du Crédit coopératif, de souscrire aux emprunts obligataires émis par les pharmaciens qui ont un projet d’installation. L’indépendance du pharmacien installé est garantie, il n’y a pas de prime de non-conversion des obligations et ce modèle de fonds équitable offre aux investisseurs un taux annuel de l’obligation non convertible de 5,5 %.
… et les autres
Depuis son lancement en 2019, le fonds de la CAVP est au-dessus du lot, en matière de dossiers financés et de succès rencontré auprès des primo-accédants (voir encadré). Ce fonds obligataire a déjà été reconduit par deux fois (création d’un troisième fonds de 20 M€ en juin dernier). Nicolas Baldo, expert-comptable chez KPMG à Marseille (Bouches-du-Rhône), pointe seulement du doigt la lenteur du processus de financement du fonds CAVP : « L’accord de financement intervient sous deux mois environ, ce qui peut être trop long dans les cas où les ventes doivent se réaliser rapidement. »
S’intercalant entre les boosters d’apport et les fonds d’investissement, la plateforme de crowdfunding (levée de fonds grâce au financement participatif) Pharméquity, créée à l’initiative d’Interfimo en partenariat avec deux syndicats de titulaires, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), n’a pas rencontré le succès escompté. « Nous avons beaucoup de pharmaciens investisseurs inscrits, mais en face très peu de porteurs de projets. Par ailleurs, notre partenaire financier a été en stand-by à cause de la crise liée au Covid-19 », indique Luc Fialletout, ancien directeur général d’Interfimo et aujourd’hui président du comité pour le développement de Pharméquity. Les frais de dossier de 5 000 € pour l’acquéreur, qui doit payer également une commission de 7 % sur le montant de la levée des fonds, sont probablement en cause. « Une réflexion est en cours pour repositionner l’offre de cette plateforme à la fin de cette année », annonce-t-il.
À RETENIR
– Les fonds d’investissement agressifs ont atteint leurs limites et sont aujourd’hui en déclin.
– D’autres acteurs, plus en phase avec l’officine (plateformes entrepreneuriales, participatives ou groupements) peuvent apporter une aide financière aux primoaccédants, avec plus ou moins de succès.
– Le fonds de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) est aujourd’hui le leader en matière de dossiers financés et de succès rencontré auprès des primo-accédants.
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