- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Métier ›
- Faut-il diffuser la naloxone le plus largement possible ?
Faut-il diffuser la naloxone le plus largement possible ?
La plaquette « Intérêt d’une diffusion large de naloxone », du centre d’addictovigilance de Marseille
Qu’est-ce que la naloxone ?
C’est un antidote spécifique indiqué en cas de surdose (= overdose) d’opioïdes, licites (voir Repères) ou illicites, telle l’héroïne. Lorsque cet antagoniste pur et spécifique des morphinomimétiques est administré à un sujet qui a pris des opioïdes, il vient antagoniser leurs effets délétères, c’est-à-dire la dépression respiratoire et la sédation, en deux ou trois minutes. Seule, la naloxone n’a pas d’effet pharmacologique.
Sous quelle forme existe-t-elle en ville ?
La naloxone se présente par voie intramusculaire dans Prenoxad, en vente libre depuis 2019, et par voie nasale dans Nyxoid(2), sur liste I depuis 2021. Ces deux spécialités sont indiquées dans le traitement d’urgence des surdoses opioïdes, dès 14 ans pour Nyxoid et à partir de 18 ans pour Prenoxad.
Les surdoses sont-elles fréquentes ?
En 2019, le nombre d’hospitalisations en lien avec une intoxication accidentelle aux opioïdes est estimé à 2 920, soit 8 par jour. En 2016, il y a eu 246 décès, soit 5 par semaine(3). La méthadone est la plus incriminée, avec 1 100 morts en dix ans. En 2019, sur 503 décès autopsiés, 178 lui sont imputables(4).
Y compris sous antalgiques opioïdes ?
Selon l’enquête « Décès toxiques par antalgiques », il y a eu 84 décès en 2016, dont 37 (44 %) sont imputables au tramadol, 22 à la morphine, 16 à la codéine et 8 à l’oxycodone. « Les surdoses peuvent aussi concerner les patients douloureux chroniques », explique Joëlle Micallef, responsable du centre d’addictovigilance de Marseille (13) (voir Nos experts). Tous les opioïdes sont à risque. Il faut enlever cette dichotomie “faibles” et “forts”. Le tramadol, extrêmement prescrit, peut être à risque de surdose et être fatal. » Son métabolite, le O-desméthyl tramadol, est d’ailleurs deux à quatre fois plus actif.
Quels patients sont à risque de surdose ?
« Les personnes qui ont déjà des addictions, des comorbidités psychiatriques, une douleur mal soulagée pouvant les amener à se surdoser, celles qui pratiquent l’automédication pour elles ou leur entourage, qui prennent aussi prégabaline, benzodiazépine, alcool…, celles qui recherchent d’autres effets que l’antalgie : anxiolytique, sédatif, antidépresseur. Ce sont elles qui vont faire des accidents de prise de médicaments », expliquent Joëlle Micallef et Nicolas Authier, spécialiste de la douleur (voir Nos experts).
Faut-il prescrire de la naloxone aux patients sous antalgiques opioïdes ?
« On ne peut plus rester sur cette vision caricaturale de la naloxone “qui ne sert qu’à des toxicos”, analyse Joëlle Micallef. La naloxone est un antidote qui sauve des vies.On devrait presque la proposer à toute personne qui a un antalgique opioïde et à son entourage. La proposer, c’est déjà informer plus concrètement et sensibiliser davantage. » L’experte raisonne en utilisation : « On ne sait pas ce que va faire le patient avec ce traitement. Quand il a très mal, il risque de doubler la dose prescrite. » Même s’il estime l’intention louable, Nicolas Authier, est plus nuancé : « La grande majorité des patients n’a pas de difficultés avec les opioïdes.Il vaudrait mieux cibler d’abord les populations qui ont des facteurs associés à des risques de surdose [voir plus haut] et les repérer. »
Comment repérer ces patients à risque ?
Pour Nicolas Authier, ce sont ceux « qui viennent un peu trop souvent chercher des opioïdes, qui changent de pharmacie de temps en temps, qui disent qu’ils n’en ont pas eu assez parce que la douleur est trop forte, qui ont sur leur ordonnance des benzodiazépines, Lyrica et oxycodone… »
De quelle façon en parler ?
Dire « Il faut faire attention avec votre traitement pour la douleur parce qu’il y a des risques. Cela vous est-il déjà arrivé de vous trouver un peu dans le gaz, fatigué, ralenti, d’avoir des altérations de la vigilance, somnolent après l’avoir pris ? » Que son usage est associé à un risque de surdosage en opioïdes qui entraîne un arrêt respiratoire, voire un décès. Qu’il y a un antidote, mais qu’il doit être administré par quelqu’un d’autre. Pour Nicolas Authier, « il faut d’abord créer un échange serein autour du risque de surdose, pas alarmiste. La dispensation viendra si c’est nécessaire ». Pour nos experts, la naloxone est en soi un outil éducatif. En parler permet déjà de sécuriser prescription et utilisation des antalgiques.
(1) Sur le site www.addictovigilance.fr
(2) Nyxoid est disponible seulement auprès du dépositaire CSP : pharmacie@ csp-epl.com ou par fax au 09 71 00 70 35.
(3) Source : Observatoire français des médicaments antalgiques (Ofma).
(4) Dispositif Drames (Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances), résultats 2019.
NOS EXPERTS INTERROGÉS
→ Pr Joëlle Micallef, médecin pharmacologue au CHU de Marseille (13), directrice du centre d’addictovigilance Paca-Corse à Marseille et présidente du réseau français d’addictovigilance.
→ Pr Nicolas Authier, psychiatre, chef du service de pharmacologie médicale et du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur au CHU de Clermont-Ferrand (63).
Repères
→ Médicaments opioïdes en ville : buprénorphine, codéine, dihydrocodéine, fentanyl, hydromorphone, méthadone, morphine, nalbuphine, oxycodone, poudre d’opium, tramadol.
→ Antidote : substance spécifque qui retarde ou neutralise les effets nocifs d’un poison.
→ En 2018, 17,4 % de Français (11 millions) ont eu au moins une prescription d’antalgiques opioïdes(3), dont 10 millions des opioïdes « dits faibles à tort, tramadol, codéine et poudre d’opium, le tramadol étant le numéro 1 », explique Nicolas Authier. 1 million de Français consomment morphine, oxycodone et fentanyl.
- Formation à la vaccination : pas de DPC pour les préparateurs en 2025
- [VIDÉO] De la grossesse à la naissance : un accompagnement en officine personnalisé proposé par Amandine Greco, préparatrice
- [VIDÉO] Accompagnement post-natal en officine : les papas aussi !
- Entretiens pharmaceutiques en oncologie : tous concernés !
- Coqueluche : « Les bénéfices de la vaccination pendant la grossesse sont incontestables »
- 5 outils d’IA qui ont fait leurs preuves à l’officine
- Administration des vaccins : la formation des préparateurs entre dans le DPC
- Diaralia : retrait de lot
- Prevenar 20, Voltarène, Talzenna… Quoi de neuf côté médicaments ?
- Biosimilaires : 10 milliards d’économies potentielles, un enjeu majeur pour l’officine
![Devenir secouriste en santé mentale](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/11/iStock-1326469138-680x320.jpg)
![Le trouble obsessionnel compulsif](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/07/article-defaults-visuel-680x320.jpg)