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Les créances ont la vie dure

Publié le 29 janvier 2022
Par Francois Pouzaud
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La réglementation des cessions de fonds de commerce exige que les tiers, notamment les créanciers, soient informés de la vente et puissent avoir la possibilité de recouvrer le montant dû sur le prix perçu par le vendeur.

Afin de garantir le paiement des créanciers (Trésor public, Urssaf, banques, fournisseurs, etc.) ayant des droits sur le prix de vente du fonds, celui-ci est déposé entre les mains d’un séquestre choisi par les parties (en général, l’avocat ou le notaire conseil du vendeur). Sa mission durant la période d’au minimum trois mois et demi durant laquelle le prix est bloqué consiste à payer les créanciers opposants et à remettre le solde au vendeur. « Les créanciers sont informés de la cession par la publication qui en est faite dans un journal d’annonces légales du département où se trouve le fonds cédé et par une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Les deux publications sont obligatoires », précise Guillaume Varga, avocat associé du cabinet Havre Tronchet.

Les créanciers du vendeur, avertis de la cession du fonds et de son prix par les mesures de publicité, peuvent former opposition au paiement du prix entre les mains du vendeur. Et ce quelle que soit la nature de la créance (civile ou commerciale). Elle peut être exigible postérieurement à la vente, du moment qu’elle existe dans le délai d’opposition. Les créances doivent être certaines. Par exemple, le bailleur peut faire opposition seulement pour les loyers échus et non pour ceux en cours ou à échoir.

Sur la forme, l’opposition, pour être régulière, est réalisée par exploit d’huissier signifié au domicile élu par l’acquéreur dans ses publications ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit énoncer le montant et les causes de la créance et contenir une élection de domicile dans le ressort du tribunal de la situation du fonds (lieu désigné afin de permettre l’exécution de toutes les formalités procédurales).

« L’opposition des créanciers doit impérativement avoir lieu dans un délai de 10 jours à compter de la dernière publication, avertit Guillaume Varga. Formée hors délai, elle est nulle, sauf si l’avis de publication ne mentionnait pas ce délai. La nullité de l’opposition ne signifie toutefois pas l’extinction de la créance. Dès lors qu’il y a une ou des oppositions de créanciers, le vendeur ne peut plus obtenir le versement du prix entre ses mains. »

Déblocage des sommes à régler

Lorsque le montant des oppositions est inférieur au prix de vente du fonds, « le séquestre peut remettre au vendeur une partie des fonds avant la fin des délais légaux d’indisponibilité tout en conservant une somme représentative de l’impôt, mais il le fait sous sa responsabilité », indique cet avocat. En effet, le vendeur doit continuer à assurer le paiement des échéances, d’où une situation financière inconfortable. Pour y parer, le séquestre propose un accord contractuel entre le vendeur et l’acquéreur prévoyant le déblocage de fonds pour le paiement des créanciers inscrits (le plus souvent la banque) et de ceux ayant fait opposition et la remise du solde au vendeur. Vendeur qui peut aussi, après l’expiration du délai des 10 jours, demander en référé au président du tribunal de commerce de pouvoir percevoir la différence. L’autorisation est délivrée à condition que la somme égale au montant des oppositions et des créances soit déposée entre les mains d’un tiers (ce qui est le cas avec le séquestre) et que l’acquéreur atteste, sous sa responsabilité, qu’il n’a pas reçu d’autres oppositions que celles déclarées dans l’assignation en référé.

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Dans le cas où le montant des inscriptions et oppositions est supérieur à la somme séquestrée, le séquestre peut, sans le concours et hors la présence des parties, après le paiement des taxes et impôts privilégiés, remettre le dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ou aux mains d’un séquestre judiciaire, qui gérera la répartition du prix entre les différents créanciers.