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Et si l’on se décidait (enfin) à appliquer le concept One Health ?

Publié le 26 février 2022
Par Magali Clausener
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Le Sars-CoV-2 étant une zoonose, le Conseil scientifique Covid-19 a évalué ce qu’aurait pu apporter une démarche « une seule santé » pour la gestion de la pandémie. Et émet des propositions afin de développer le concept en France en vue de futures émergences infectieuses.

Quelles leçons tirer de la crise sanitaire en matière d’approche One Health ou « une seule santé », concept reposant sur une prise de conscience des liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique général, et qui vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires ? Dans son avis du 8 février, le Conseil scientifique Covid-19 fait le point.

Ce qui a manqué durant la crise…

Dans un premier temps, il dresse un constat sur « ce qui a manqué durant la gestion de la crise ». En premier lieu, il estime que le concept de franchissement d’espèce n’est pas suffisamment étudié : « La compréhension des mécanismes de transmission et d’adaptation de ces virus zoonotiques à l’homme est la base de la recherche sur le franchissement de la barrière d’espèce », explique-t-il. Il en est de même pour la rétrozoonose. Car, à l’heure actuelle, le Covid-19 a été détecté dans 32 pays chez 17 espèces animales : visons mais aussi chats, chiens, lions, tigres et plus récemment des cervidés en Amérique du Nord !

Deuxième point, qui a déjà été souligné à plusieurs reprises durant la crise, notamment par les vétérinaires : les différents acteurs ont mené « une action commune insuffisante ». Le Conseil scientifique observe ainsi qu’une « implication plus précoce et plus importante du monde de la santé animale et une meilleure articulation avec le monde de la santé humaine aurait certainement eu une valeur ajoutée », en particulier en raison de la capacité de tests diagnostiques et de dépistage en laboratoire vétérinaire, ainsi que de séquençage de masse. Mais aussi pour l’expérience « avérée de gestion au niveau populationnel de crises sanitaires » du monde de la santé animale.

Certes, des avancées ont eu lieu au niveau international depuis le début de la pandémie comme la création, le 20 mai 2021, d’un One Health high level expert panel (OHHLEP), un panel d’experts de haut niveau. Mais la démarche One Health doit être développée en France.

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… Et ce qui devrait être mis en place

Le Conseil scientifique propose donc dix mesures pour renforcer cette approche. Il préconise notamment de mettre en place une plateforme interministérielle One Health ou une gouvernance interministérielle qui associerait différentes expertises scientifiques. Cette instance serait chargée d’analyser régulièrement « les risques majeurs d’émergence de pathogènes dans l’environnement, chez les animaux ou chez l’homme ». Il recommande ensuite d’établir une surveillance conjointe de la santé animale et de la santé humaine pour les zoonoses.

L’organisation consultative émet aussi plusieurs propositions afin de développer des partenariats et des actions communes entre les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement et les différentes agences couvrant ces domaines.

Elle souhaite également que l’hôpital, « des infectiologues jusqu’aux réanimateurs », soit impliqué pour rapporter des événements cliniques anormaux et sévères sans étiologie repérée (maladie X), en particulier si elle se révèle d’importation. Concernant le monde de la santé animale, les 16 membres du conseil incitent à « lever les blocages administratifs pour la mobilisation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires sur le diagnostic et le séquençage en temps de crise ».

Et de conclure qu’un tel renforcement des approches One Health devrait permettre à la France « d’être aussi plus visible, voire moteur dans les actions à développer aux niveaux européen et international ».