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Vaccins à ARNm, des messagers de bon augure
Après Spikevax et Comirnaty, développés en un temps record contre le Sars-CoV-2, la plateforme de vaccination à ARN messager (ARNm) pourrait permettre d’accélérer la recherche sur des vaccins visant à protéger des maladies infectieuses et des cancers. Encore perçue comme une thérapie futuriste il y a peu, cette technologie alimente de nouveaux espoirs pour les toutes prochaines années.
Lorsque nous avons commencé à travailler, il y a 25 ans, sur les vaccins à ARN messager contre le cancer ou les maladies infectieuses, nous avions coutume de dire que nous travaillions sur les vaccins du futur. Aujourd’hui, le futur est devenu réalité. Et les deux vaccins contre le Covid-19 devraient être les premiers d’une longue liste. » Directeur de recherche CNRS à l’institut Immunology and New Concepts in Immunotherapy de Nantes (Loire-Atlantique) et fondateur de la start-up In-Cell-Art, Bruno Pitard résume l’optimisme de la communauté scientifique quant au potentiel de développement des plateformes de vaccination à ARNm, après les succès de Spikevax et de Comirnaty contre le Sars-CoV-2.
Un optimisme nourri par les mécanismes d’action induit par cette technologie. « Un vaccin traditionnel se contente de produire des anticorps, rappelle Bruno Pitard. Avec l’ARNm, vous générez des anticorps, mais lorsque le virus réussit malgré tout à infecter des cellules, vous boostez aussi la production de lymphocytes T qui vont les détruire. C’est ce double effet qui explique l’efficacité remarquable des vaccins contre le Covid-19. »
Une production simple et rapide
L’autre gros avantage de l’ARNm, c’est sa vitesse d’exécution. « Les technologies de séquençage à haut débit permettent désormais de séquencer facilement et rapidement le génome d’un virus. Une fois que vous connaissez le gène que vous souhaitez surexprimer, il suffit de produire l’ADN qui va servir de vecteur pour la synthèse de l’ARNm », précise Palma Rocchi, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et responsable du groupe cancer de la prostate, ARNm, nanomédecine et théranostic au Centre de recherche en cancérologie de Marseille (Bouches-du-Rhône). « Or, la fabrication de l’ARNm se révèle simple et rapide, alors que les vaccins à virus inactivés, à protéines recombinantes ou à adénovirus impliquent, eux, des process industriels fastidieux, longs et coûteux, ajoute Bruno Pitard. Et maintenant que l’on maîtrise deux des trois composantes du triptyque qui caractérise ces vaccins, c’est-à-dire le format de la molécule d’ARN et le système de transport, il suffit de trouver l’antigène pour conduire à la neutralisation d’un virus. »
Le potentiel de cette nouvelle technologie attire bien des convoitises. Avec en première ligne Moderna et BioN-Tech, qui ont développé Spikevax et Comirnaty. « Les pipelines de ces deux biotechs forcent l’admiration, reconnaît Bruno Pitard. Tout y passe : grippe, cytomégalovirus (CMV), infection à virus respiratoire syncytial (VRS), Zika, dengue, chikungunya, Ebola… Il faut aussi dire qu’elles ont les moyens de leurs ambitions, car avec les revenus générés par la vente de leurs vaccins contre le Covid-19, elles disposent de comptes bancaires à faire pâlir tous les industriels de la terre. » Les choses pourraient d’ailleurs aller assez vite car la communauté scientifique n’a pas attendu la pandémie du Sars-CoV-2 pour envisager des vaccins à ARNm. « Les premiers essais précliniques sur la grippe ont commencé dès 2014, rappelle Chantal Pichon, professeure des universités à l’université d’Orléans (Loiret) et chercheuse au centre de biophysique moléculaire du CNRS à Orléans. S’ils n’ont pas abouti, c’est parce qu’ils se concentraient sur un vaccin universel qui pourrait fonctionner sur tous les mutants du virus de la grippe. Mais maintenant que l’on a compris que ce rêve de vaccin universel était difficile à atteindre, je pense que d’ici trois à cinq ans nous disposerons d’un vaccin qui pourrait protéger à la fois contre la grippe et le Covid-19. »
Des essais cliniques sont également en cours pour le virus Zika, la dengue, le chikungunya et le CMV. Avec un horizon qui pourrait être sensiblement le même que celui de la grippe. Mais c’est sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) que les plateformes de vaccination à ARNm suscitent le plus d’espoir chez les virologues. « Deux essais de phase 1 viennent de démarrer chez Moderna », confirme Chantal Pichon. L’un des vaccins testés, le mRNA-1574, contient un ARNm codant pour un antigène trimère. « C’est là que cette technologie devient très intéressante, grâce à la fabrication d’un trimère d’antigènes qui va à la fois stimuler un clone de lymphocytes B connu pour la production d’anticorps neutralisants et booster la production de ces anticorps », souligne la chercheuse.
Le cancer en ligne de mire
L’ARN messager est aussi porteur d’espoirs dans le domaine de la vaccination thérapeutique contre le cancer. « Lorsqu’un cancer survient, en général à partir de 50 ans, c’est parce que notre système immunitaire devient plus défaillant avec l’âge. Une fois installées, les cellules cancéreuses malignes parviennent à le détourner. Au lieu de les détruire, il va les aider à proliférer, explique Chantal Pichon. Avec la vaccination thérapeutique à ARNm, on stimule au maximum le système immunitaire pour qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses comme étant à détruire, en ciblant les antigènes de la tumeur les plus immunogènes afin de booster la formation de cellules tueuses. » C’est d’ailleurs dans l’immunothérapie cancéreuse que la recherche sur les vaccins à ARNm a le plus de recul. « C’est là qu’il y a eu le plus de preuves de concept, avec des vaccins à ARNm développés et testés cliniquement avant même le début de la pandémie, relève Palma Rocchi. Un premier vaccin, le Sipuleucel-T, du laboratoire Dendreon, a même été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis, dès 2011, pour le cancer de la prostate. »
Les résultats les plus encourageants à ce jour sont probablement ceux enregistrés par BioNTech avec sa plate-forme Fixvac qui regroupe trois candidats vaccins en essai de phase 1 : le BNT111 contre le mélanome métastatique, le BNT113 testé pour les cancers de la tête et du cou HPV positifs (infection à papillomavirus humains) et le BNT114 pour le cancer du sein triple négatif. « Ces candidats vaccins injectés en intraveineuse ont la particularité d’encapsuler dans un liposome un ARNm codant pour quatre gènes tumoraux », précise Palma Rocchi.
Du surmesure
Les plateformes de vaccination thérapeutique à ARNm devraient enfin ouvrir la voie à la personnalisation des traitements. « Dans les prochaines années, nous devrions être en capacité de produire des vaccins de manière très spécifique et rapide pour une prise en charge personnalisée des cancers, pronostique Palma Rocchi. En prélevant un bout de la tumeur afin de déterminer sa carte génétique grâce au séquençage haut débit, nous pourrons identifier les gènes défectueux d’un patient et concevoir un vaccin sur mesure qui corrigera efficacement les dysfonctionnements du système immunitaire en produisant des antigènes capables d’éliminer les cellules anormales ».
La directrice de recherche se montre même résolument optimiste. « Pour les pathologies cancéreuses monogéniques comme les leucémies, nous pourrions voir arriver les premiers vaccins d’ici un an, si des moyens financiers substantiels sont débloqués pour accélérer les recherches, avance-t-elle. Pour les pathologies plus complexes, il reste encore du travail à faire sur la caractérisation moléculaire des tumeurs. Mais je sais que BioNTech est en train de développer une plateforme de vaccins à ARNm à partir des oncogènes les plus fréquemment rencontrés. J’ai donc tendance à penser que, dans cinq à dix ans, nous pourrions avoir des propositions vaccinales concrètes et efficaces pour lutter contre tous les cancers. »
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