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Jouer à l’apprenti sorcier avec un contrat est risqué
Un apprenti dont le contrat est rompu hors des cas prévus par la loi peut prétendre au paiement des salaires et des congés payés dus jusqu’au terme dudit contrat. Explications.
LES FAITS
M. E. et la carrosserie M signent un contrat d’apprentissage à durée déterminée du 1er septembre 2014 au 31 août 2016. Le 16 décembre 2014, tout en régularisant le contrat, l’employeur signe un document intitulé « Constatation de la rupture du contrat d’apprentissage », précisant que celle-ci aurait eu lieu le 31 octobre 2014 au cours de la période d’essai de deux mois, alors applicable à l’époque des faits. M. E. conteste cette rupture devant les tribunaux.
LE DÉBAT
L’article L.6222-18 du Code du travail prévoyait, à l’époque, que le contrat d’apprentissage pouvait être rompu par l’une ou l’autre des parties pendant les deux premiers mois de l’apprentissage. Au-delà de ce délai, la rupture ne pouvait intervenir qu’après un commun accord écrit et signé par l’apprenti et l’entreprise. Depuis le 1er janvier 2019, la rupture sans formalité peut se produire non plus dans les deux premiers mois, mais dans les 45 premiers jours de présence en entreprise, consécutifs ou non.
En l’espèce, M. E. reprochait à la carrosserie M de lui avoir signalé le 16 décembre 2014 la rupture de son contrat d’apprentissage, donc bien au-delà des deux premiers mois. En réponse, la carrosserie M. indiquait connaître des difficultés financières qui lui imposaient de prendre cette décision. Ces difficultés se sont d’ailleurs soldées par la liquidation judiciaire de la carrosserie en août 2015.
Le 17 janvier 2019, la cour d’appel de Rouen (Seine-Maritime) constate que la rupture unilatérale du contrat d’apprentissage par l’employeur était intervenue hors des cas prévus par la loi. Elle est donc sans effet. Les magistrats condamnent la carrosserie M à verser à M. E. 12 201,14 € à titre d’indemnité pour rupture irrégulière. Cette somme est égale aux salaires que l’apprenti aurait dû percevoir pendant la durée du contrat. En revanche, les magistrats refusent à M. E. le paiement des jours de congés payés. Il forme un pourvoi en cassation.
LA DÉCISION
Le 16 mars 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats retiennent que la loi n’a effectivement pas été respectée, ce qui donne droit au paiement des salaires. Qui eux-mêmes, complètent-ils, ouvrent droit au paiement des congés payés afférents. Aux 12 201,14 € dus par la carrosserie s’ajoute donc le paiement des congés payés pour l’ensemble de la durée du contrat, soit 1 220 €. La carrosserie ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, la Cour de cassation précise que cette somme sera versée par le régime des garanties des salaires (AGS). Rappelons que depuis le 1er janvier 2019, outre la rupture pendant les 45 premiers jours, l’employeur peut rompre unilatéralement le contrat d’apprentissage en cas de force majeure, de faute grave de l’apprenti ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. Le juge détermine, en fonction des situations, si l’événement invoqué est bien un cas de force majeure autorisant cette rupture. La jurisprudence a déjà retenu qu’un incendie ou un cyclone détruisant totalement la pharmacie sans possibilité de reconstruction rapide, ou encore le retrait de la licence pouvaient être des événements considérés comme cas de force majeure.
Source : Cass. Soc., 16 mars 2022, n° 19-20.658.
À RETENIR
Passés les 45 premiers jours de présence dans l’entreprise consécutifs ou non, le contrat d’apprentissage ne peut pas être rompu unilatéralement par l’employeur hors cas de force majeure, faute grave de l’apprenti et inaptitude constatée.
Si la décision intervient hors des cas prévus par la loi, la rupture est sans effet, l’apprenti peut obtenir le versement d’une indemnité égale aux montants des salaires dus pendant la durée du contrat, ainsi qu’à l’indemnité de congés payés.
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