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Le vrai-faux de la financiarisation
Depuis quelques mois, la menace de la financiarisation plane sur l’ensemble du réseau officinal. Officiellement, elle est impossible. Dans les faits, certaines « associations » pourraient déjà en être les prémices. Le point sur ce dispositif et ses potentiels impacts sur le maillage.
Etat des lieux dit
1 – La financiarisation consiste à faire entrer des tiers non pharmaciens au capital de son officine.
Vrai. Mais cette pratique est interdite à l’heure actuelle. « Jusqu’à présent, la France a fait le choix de ne pas autoriser des investisseurs extérieurs à la profession de pharmacien d’officine. Cela a été conforté par plusieurs décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), alors Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), en mai 2009 », note Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En outre, la Cour a également considéré que le lien de subordination inhérent au contrat de travail conclu entre un exploitant non pharmacien et un pharmacien est de nature à mettre en péril l’indépendance de ce dernier. « En clair, ces arrêts proscrivent l’association d’un pharmacien avec un non-pharmacien au risque de remettre en cause l’indépendance de ce professionnel de santé », poursuit le président.
2 – Certains montages permettent néanmoins de commencer à financiariser l’officine.
Vrai. « Via des montages financiers complexes certains fonds de pension ont déjà pris des parts dans des groupements. Certes, ils ne sont pas majoritaires, mais c’est une tendance de fond. Forcément, ces actionnaires ont des exigences de rentabilité fortes auquel doivent d’ores et déjà répondre les pharmaciens de ces groupements. Notre syndicat a eu entre les mains des dizaines de contrats liant les pharmaciens à ces groupements. Nous les avons jugés très inquiétants. Quand les titulaires ne sont pas en mesure de satisfaire les critères financiers requis, ils peuvent être licenciés en quelques semaines », explique Guillaume Racle, membre du bureau de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
3 – Le maillage officinal n’est pas encore ébranlé par la financiarisation.
Faux. « Nous observons déjà dans certaines grandes villes des pharmacies mises à mal par la politique des groupements. En effet, le fait d’être adossé à ces structures permet de jouer sur les volumes et donc de conduire une politique d’achat et de vente de médicaments ou de parapharmacie très agressive. Face à cette concurrence, des pharmacies de moindre envergure ne peuvent pas lutter », déplore Guillaume Racle.
4 – La possible vente en ligne de médicaments est une autre forme de financiarisation délétère au maillage.
Vrai. Le gouvernement a manifesté à plusieurs reprises son souhait de développer la vente en ligne. Or, à terme, cette dématérialisation du commerce pour le médicament pourrait attirer des géants de l’e-commerce et accélérer le déclin du maillage des pharmacies. Dans tous les pays autorisant la vente en ligne, les pharmacies de briques et de mortier ont du mal à faire face. Au Danemark où la vente en ligne de médicaments est possible, on compte 7 pharmacies pour 100 000 habitants, contre 32 officines pour 100 000 habitants en France. Idem pour la Suède, fervente promotrice du commerce de médicaments sur Internet, dont le maillage est trois fois moins dense que celui de la France. Beaucoup d’experts jugent cette possibilité très menaçante pour le maillage, salué jusqu’ici comme vertueux.
5 – Aucune solution n’existe pour faire face à cette lame de fond.
Faux. Auditionnés par le Sénat sur les risques inhérents à la financiarisation, les deux syndicats de pharmaciens se sont dits opposés à des structures financières faisant main basse sur l’officine. Tous deux préconisent une série de mesures visant à empêcher l’accès de financiers non pharmaciens au capital des officines. « Nous souhaitons une modification législative subordonnant la mise en œuvre de ces montages à un avis conforme de l’Ordre national des pharmaciens, avec obligation pour les pharmaciens d’officine de communiquer les contrats d’émission d’obligations à l’institution ordinale, pour un contrôle préalable », note Philippe Besset. Lors de l’achat d’une officine, l’USPO et la FSPF souhaitent aussi le traçage de l’origine des fonds (économies du pharmacien, prêt familial ou apport d’une structure extérieure) et une certification par les banques. Il leur paraît également indispensable d’informer les étudiants, pendant leurs études, des risques inhérents à la financiarisation. Enfin, l’USPO plaide pour aider les jeunes à s’installer dans de bonnes conditions, notamment grâce à la mise en place « d’un fonds éthique géré par une structure de type groupement d’intérêt économique (GIE) avec tous les acteurs de la profession. L’idée n’est pas de vendre une officine plus chère, mais de permettre à davantage de jeunes confrères d’en reprendre », précise Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.
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