LE CONFORT À L’ÉTAT PUR
Guidé par un idéal d’exercice centré sur l’empathie et la dimension humaine de la délivrance, Jérémie Assayag a transféré avec l’ambition de créer un cocon apaisant. Chaque détail compte : la bibliothèque, les œuvres d’art, la couleur des chaises en écho au papier peint, la musique… Et même, voire surtout, l’absence de produits.
Les nouvelles missions ? Pour Jérémie Assayag, titulaire de la pharmacie Paul Santy à Lyon (Rhône), ce n’est pas LA priorité. « Nous nous intéressons d’abord à notre mission principale : la délivrance et le confort du patient ». Installé dans cette officine depuis 2014, il a déménagé de 20 mètres en juin dernier, avec l’intention d’accueillir plus douillettement ses patients. Située dans un quartier populaire de Lyon, la pharmacie neuve tranche avec les commerces voisins peu marketés (un kebab, une boucherie halal…). Dans son bâtiment déstructuré, gris, qui n’a rien à envier aux façades des salles de concert contemporaines, sa mise en scène interpelle. On voit d’abord le mot “pharmacien” en gros caractères. Le message est clair : ici, on met en avant le cœur de métier.
L’atout confort.
À l’intérieur, la théâtralisation surprend encore davantage. Elle est signée Cubik Agenceur (lire p.15) qui a reçu le brief « d’améliorer le confort du patient et de diminuer la commercialité », selon les mots du titulaire. Résultat, le look est à mi-chemin entre une salle d’attente cosy et une pièce de vie, sans produits. Un long banc en bois clair, en forme d’arc de cercle et surmonté d’un mini jardin de cailloux blancs et de fausses plantes, invite à s’asseoir. Là, le papier peint orné de végétaux et de fleurs exotiques contraste avec le blanc clinique traditionnel des officines. Plusieurs chaises monochromes font écho à ces touches de couleur : orange, marron, vert… D’un côté, des étagères exposent des livres sur la santé, telle la bibliothèque d’un salon. De l’autre, elles y présentent de vieux objets pharmaceutiques comme des pots d’apothicaire, un mortier et un pilon, un dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques en trois épais tomes. Au sol, une imitation de carreaux de ciment renforce la modernité du lieu. Depuis l’entrée, côté rue, on est frappé par un bureau installé devant un monumental caducée en plumes, orchidées et feuilles, au serpent orange (de l’artiste Plum). Le style “comme à la maison” s’inspire davantage des magazines de déco que du quotidien de ce quartier populaire. « Il y a eu un curseur à trouver pour ne pas tomber dans le trop luxueux et que les gens se sentent à l’aise », explique le titulaire.
Proximité, intimité et confidentialité.
À la pharmacie Paul Santy, tous les arbitrages ont été pensés pour le confort du patient. L’ambiance se veut apaisante. Les cinq sens sont sollicités durant le parcours client. De discrètes notes boisées de la société Scentair sont diffusées dans l’air. La musique (Neil Young le jour de notre reportage début mars) rend les conversations au comptoir moins audibles dans le reste du point de vente. « On gagne en confidentialité. Et pas seulement. La musique apaise les tensions », estime Jérémie Assayag, guitariste amateur qui ne supporte pas de travailler sans. L’aménagement incite aussi à ralentir le rythme. Outre le banc et les chaises pour attendre, chacun des trois comptoirs est équipé d’un tabouret assis-debout. Presque tous les patients s’y posent. Le bureau situé à l’entrée permet à l’équipe de recevoir elle aussi, assise. Le jour de notre reportage, une vieille dame choisit de passer son tour pour être certaine d’être reçue à cet endroit, qu’elle trouve plus confortable. Au-delà de l’agrément d’une chaise, cette façon d’accueillir contribue à donner l’image qu’on ne se presse pas. De même que le titulaire a fait le choix de ne pas poser de signalétique, ni de proposer un rayon en libre accès dans l’optique de mieux servir ses patients. Ainsi, ces derniers sont obligés de formuler leur demande et bénéficient du même coup d’un conseil. C’est également un moyen de valoriser la compétence de l’équipe. « Ici, un patient attend en moyenne moins de 5 minutes et est reçu trois fois plus longtemps. Ces datas sont mesurées par le système de gestion d’attente ESII par ticket », explique Jérémie Assayag. « Cela tranquillise la patientèle qui ne craint plus de perdre sa place ! », ajoute-t-il.
La sérénité, ça paie !
L’esprit de sérénité provient aussi des éclats de rire qu’on entend volontiers en back-office. L’équipe semble joviale malgré la turbulence actuelle due à un cumul d’arrêts maladie et avant le départ à la retraite de Florence, une préparatrice là depuis plus de 30 ans. Chacun continue à conseiller sans hâte, à laisser les gens s’asseoir, à tâcher de trouver une solution quand untel a oublié sa carte de mutuelle ou tel autre n’a plus de médicament faute d’avoir pris un rendez-vous avec son médecin à temps. Dans cet écrin apaisé, loin des cadences des centres commerciaux, la santé économique de l’officine est bonne. Après un investissement de 220 000 €, le chiffre d’affaires augmente d’environ 15 %.
ÉQUIPE
1 titulaire,
2 pharmaciens adjoints,
2 préparateurs,
2 brevets pros préparateurs
DATE DU TRANSFERT
18 juin 2021
INVESTISSEMENTS
200 000 € pour les travaux
+ 20 000 € pour le système gestion file d’attente
SURFACE TOTALE
(avant/après transfert)
148 m2/148 m2
SURFACE DE VENTE
(avant/après transfert)
82 m2/82 m2
CA 2021 HT (à fin août)
1,74 M€
RÉPARTITION DU CA ACTUEL PAR TAUX DE TVA
80,5 % de TVA à 2,1 %
11,4 % de TVA à 5,5 %
2,6 % de TVA à 10 %
5,5 % de TVA à 20 %
TAUX DE MARGE COMMERCIALE
29,85 % (- 1,6 pt)
PANIER MOYEN ACTUEL
Total : 48,54 €
(+ 10 %)
Ordo : 46,44 €
(+ 4 %)
Hors ordo :
10,34 € (- 4 %)
FRÉQUENTATION EN NOMBRE DE CLIENTS/JOUR
136 clients / jour
(+ 16 %)
GROUPEMENT
Pharm-Upp
PRÉSENCE SUR INTERNET
Site en mai 2022 (sans vente en ligne)
SERVICES
Vaccination et PDA (55 lits)
DAMIEN COURT FONDATEUR DE CUBIK AGENCEUR
Le titulaire de la pharmacie Paul Santy, Jérémie Assayag, s’est senti écouté par Cubik Agenceur. Et le gérant de cette société d’agencement spécialisée dans l’officine aussi.
Sur quel brief de départ avez-vous travaillé ?
Jérémie Assayag m’a d’abord montré le mode de fonctionnement de son officine avant le transfert, déjà tournée vers l’humain et le service. Peu de produits étaient mis en avant et il y avait bricolé une salle d’attente. Avant de m’expliquer sa vision du métier, il m’a ensuite parlé de l’ergonomie des postes de travail de chacun de ses collaborateurs. Souvent, on pense “développement” et “client” avant “collaborateur” ! Jérémie Assayag cherchait à valoriser son métier. […] Il voulait que le patient soit pris en charge et accueilli dès l’entrée, un peu comme chez le médecin. À la pharmacie Paul Santy, le patient prend un ticket, s’installe et sait qu’il va être appelé.
Quelle a été votre réponse face à cette volonté de monter en gamme dans la qualité de l’accueil ?
Pour Jérémie comme pour nous, il était important qu’un lien se crée entre l’équipe officinale et le patient. Ainsi, on a assuré un maximum de transparence et de visibilité entre les zones de travail et les espaces publics. Où que l’on soit situé dans la pharmacie, on voit l’arrière, le stock, les gens qui y travaillent. De même, on aperçoit l’intérieur des deux salles de confidentialité (N.D.L.R. vitrées), que l’on peut aussi à discrétion fermer. Nous avons aussi créé un noyau central, sous un cercle végétal au plafond, qui incarne un carrefour avec d’un côté la bibliothèque et en face les comptoirs. Pour garder l’orientation métier, nous avons tenu à maintenir le vert. On l’a agrémenté avec beaucoup de bois et un peu de végétaux, pour s’y sentir “comme à la maison” dans la zone d’ attente. Jérémie souhaitait également que les patients puissent s’asseoir à chacun des comptoirs. Notre avons donc proposé du mobilier compact pour ne pas créer de barrière physique entre le client et le pharmacien. Quant à la déco, l’énorme caducée ancre le message que nous sommes bien dans une pharmacie !
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