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LE MARCHÉ FAIT SON TROU

Publié le 1 mai 2022
Par Carole De Landtsheer
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Traditionnellement pour les sportifs, le marché de la nutrition sportive cherche de nouveaux relais de croissance. Après avoir connu un coup d’arrêt pendant la pandémie du Covid-19, le secteur reprend sa course.

LA NUTRITION SPORTIVE, EN PHARMACIE, RESTE UN PETIT MARCHÉ, LARGEMENT DISPUTÉ PAR LES CIRCUITS CONCURRENTS. Ce que pointe une récente étude de la société Xerfi Precepta* qui met en avant l’impulsion donnée à ce secteur par les distributeurs qui n’ont de cesse de lancer leur propre marque : au-delà de Decathlon et de sa célèbre marque Aptonia, de nombreux acteurs lui ont emboîté le pas à l’image de Go Sport, de Système U, ou encore, de Fitness Boutique. Sa croissance annoncée (+ 8 % en moyenne, tous circuits confondus, d’ici 2024, selon l’institut d’études) attire également les géants de l’agroalimentaire (Danone, Mars, etc) dont la présence s’intensifie en grande distribution. Côté consommateurs, ils fréquentent majoritairement les magasins de sport (46 %) où ils peuvent également s’équiper et les grandes surfaces (46 %). Seulement 12 % d’entre eux font le choix de la pharmacie et/ou parapharmacie, d’après l’étude Arcane Research “Nutrition sportive” (2018). Un pourcentage susceptible d’être relevé alors qu’« une personne sur deux qui rentre en pharmacie pratique un sport », fait remarquer Diane Ballard, chef de gamme STC Nutrition au sein du laboratoire Ineldea. Si le Covid-19 a temporairement fait chuter les ventes, la reprise est à l’œuvre. Le marché s’est, à cette occasion, redéfini, selon Karine Tournier, responsable marketing chez Nutergia : « Les marques se repositionnent et marquent leur territoire : certaines ont revu leur offre et s’orientent, par exemple, vers des produits sport-santé naturels et bio ; d’autres vont se concentrer sur la construction musculaire… ».

Croissance en vue.

Le circuit officinal se distingue par son offre qualitative et ses compositions garanties “clean” qui répondent aux normes anti-dopage et à la défiance d’une partie des consommateurs envers les promesses des produits. Mais, aussi, par le conseil personnalisé du pharmacien, attendu des sportifs amateurs et occasionnels. Un conseil qui s’exercera, notamment, pour délivrer des protéines, commente Florian Guiho, chef de produits au sein du laboratoire Les Trois chênes : « En fonction du métabolisme de chacun, il est nécessaire d’orienter chaque sportif avec la bonne protéine pour répondre à son objectif ». Petit mais costaud, ce marché est promis, comme sur les autres circuits, à prendre du galon. D’abord, en raison d’une demande en hausse : « La pratique du sport va un peu plus augmenter alors que le contexte épidémique lié au covid-19 restera gravé dans les esprits et sensibilisera un peu plus aux effets bénéfiques du sport sur la santé », pronostique la société Xerfi Precepta. A cette tendance s’ajoute la consommation élargie à Monsieur Tout-le-monde de produits protéinés, « la protéine étant désormais perçue comme un ingrédient santé », poursuit l’étude. Sans compter « les adeptes des régimes sans viande désireux de consommer des protéines de bonne qualité dans le cadre d’une bonne alimentation ». La seule ombre au tableau concerne l’augmentation à venir des coûts de revient en raison de la hausse des prix des matières premières qui auront un impact d’ici un à deux ans sur ceux des produits, selon Olivia Perin, chef de groupe sport chez Ea Pharma.

Eafit mène le jeu.

Dominée par la vente de compléments alimentaires (capsules, comprimés, gélules) qui composent 39 % de l’offre en volume, l’officine réalise l’essentiel de ses ventes sur les segments de la construction musculaire et de la récupération. Leur poids respectif est de 38 % et 35 % de parts de marché en valeur (source Ospharm). Quant aux produits dédiés à l’endurance, s’ils composent une sphère mineure de l’offre (20 % en valeur), ils enregistrent néanmoins une progression notable (+ 14 %) à l’instar des références positionnées sur le contrôle du poids (+ 9 % en valeur, Ospharm). Peu d’acteurs sont installés en officine et une poignée de poids lourds continuent de faire le jeu du marché. En commençant par la marque pionnière Eafit (laboratoire EA Pharma). Leader du secteur et distribuée dans 6 000 pharmacies, elle se démarque avec ses références Pure Whey, et Gainer Max, pour la prise de masse musculaire, qui figurent au top 5 produits. Sa 3ème meilleure vente, réalisée par la barre protéinée au chocolat, est symptomatique de ce qui se trame actuellement sur le marché de la nutrition sportive, c’est-à-dire son ouverture aux non-pratiquants.

La nutrition sportive pour les… non-sportifs.

Si les protéines sont regardées par les sportifs comme les alliées d’une pratique soutenue et performante en favorisant la prise de masse musculaire, « il est de plus en plus compliqué de renouveler cette offre arrivée à saturation. Pour cette raison, le marché, en pleine mutation, s’est tourné vers une nouvelle cible, non sportive, qui recherche une alimentation saine », résume Olivia Perin. Ainsi, une barre protéinée, prise en en-cas, évitera de craquer sur une collation sucrée sans avantage nutritionnel. Cette nouvelle mouvance lifestyle n’exclut pas une note de gourmandise : deux nouvelles barres, chocolat cacahuète et cookies & cream, sont lancées en juin par EA Pharma. Ces produits, qui apportent une sensation de satiété et permettent, si besoin, de mieux contrôler son poids, peuvent prendre leur place au comptoir ou en tête de gondole, « créant l’opportunité pour le pharmacien de générer des achats d’impulsion et de booster le panier moyen », abonde Diane Ballard. De son côté, la marque STC Nutrition s’enrichit d’une barre protéinée vegan (Protein Bar Vegan), riche en protéines et en fibres, au goût chocolat et noisette. Et la marque Overstim.s, qui a récemment lancé sa gamme de protéines, propose, de son côté, des cookies protéinés bio.

Place à la diversité.

Au rang des autres acteurs phares du marché, STC Nutrition met en avant son approche holistique : « On va plus loin que la nutrition, on s’attache au bien-être dans sa globalité », explique Diane Ballard. Incluant des références protéinées (dont Premium whey, à la deuxième place du podium), énergétiques et généralistes (performance globale, bien-être), l’offre multiplie les présentations. « L’efficacité, la praticité d’usage et le goût composent les trois critères clés recherchés par les consommateurs », poursuit notre interlocutrice. Lancés il y a quatre ans, les Guarana shot packs, des stimulants coups de fouet, à base de caféine, taurine et guarana, en flacons prêts à l’emploi, font partie des top ventes de STC Nutrition. Quant aux Protein chips, commercialisées début 2022, elles constituent une variante salée aux habituels snackings sucrés. Présent sur le marché français depuis 2016, le pure player Foodspring est référencé dans une centaine de pharmacies avec une vingtaine de produits spécialement sélectionnés : poudres de protéines, barres et snacks protéinés et compléments alimentaires (perte de poids, prise de muscle, performance sportive et rééquilibrage nutritionnel). Son credo : « La nutrition sportive saine et gourmande », résume Margaux Venet, en charge du marketing de la marque berlinoise qui affiche un positionnement premium. Son best of, le produit Whey Protein à la vanille, décliné dans 14 saveurs, est proposé, depuis mars, au cheese cake myrtille. Cette variété des goûts s’étend à l’ensemble des gammes (dont les boissons de pré-entraînement Energy Aminos).

Des gammes larges et extracourtes.

Si la tendance est à des gammes larges et ultra-segmentées, pour répondre à tous les besoins, la marque Isoxan (Menarini) constitue un contreexemple avec seulement trois références au compteur. Le produit le plus universel, en cela qu’il s’adresse à tous les sportifs, Isoxan Sport Pro, à prendre sous forme de boisson et source de nutriments et de glucides pendant l’effort physique, est la 4ème meilleure vente du marché, suivi deux rangs plus loin par Isoxan Endurance. Les raisons de ce succès ? « La gamme Isoxan est une gamme courte et claire, facile à conseiller et adaptée à tous types de sports et de sportifs », allègue Stéphanie Chavigneau, chef de gamme OTC. Tout aussi concentrée et principalement positionnée sur la préparation à l’effort et la récupération, la marque de micronutrition Ergysport (Nutergia), labellisée Sport Protect (conforme à la norme anti-dopage), se distingue avec son produit de reminéralisation Récup (au top 10 des meilleures ventes).

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Forte concurrence.

S’il infuse tous les marchés de la pharmacie, le bio (1 % de parts de marché, selon Ospharm) ne constitue pas encore un critère d’achat à part entière. La marque Eric Favre (laboratoire Les Trois Chênes), dans le peloton de tête du marché, prend de l’avance en commercialisant, le plus possible, des produits bio, tels ses boissons de l’effort, barres et gels énergétiques (en sticks) enrichis en thé matcha pour son pouvoir antioxydant, « une vraie valeur ajoutée », pointe Florian Guiho. Se différenciant sur le segment de l’endurance et de la performance, le best-seller de la marque est le brûleur de graisses Iron Ultra Fat burner. Spécialistes des acides aminés, les laboratoires NHCO taillent la route avec les références Pondimax, whey IC80 Pro et BCAA 2:1:1, pour améliorer la récupération musculaire. Enfin, pour Apurna (Lactalis), qui se démarque avec ses références Isolat Whey Elite, l’année 2022 a démarré sur les chapeaux de roue avec le lancement de sept compléments alimentaires dont un Burner au thé vert et un Complex Vitamines & Minéraux. La compétition entre les marques est relancée.

* Étude Xerfi Precepta “La nutrition sportive : de la niche au mass market. Essor des MDD, ultra segmentation de l’offre : quelles perspectives de croissance à l’horizon 2024 ?”

– 6 %

450 000 unités vendues

Les nombreux lancements, l’ouverture du marché aux nonsportifs et la période estivale devraient rejaillir rapidement sur les volumes du marché et renouer avec les progressions pré-Covid.

– 4 %

4,7 M€ de chiffre d’affaires

Encore en involution, la catégorie de produits relevant de la sphère “nutrition sportive” se remet progressivement du choc provoqué par la crise sanitaire et l’interruption des manifestations sportives. La reprise est en cours.

Source : Iqvia, en cumul annuel à fin mars 2022.

Gagner en visibilité

Rien de tel pour apporter une caution à une marque que d’être consommée par un sportif de haut niveau. Pour toucher leur public, les acteurs de la nutrition sportive multiplient les points de contact : événements sportifs, presse sportive, affichage, digital, applications mobiles, réseaux sociaux (Facebook, Instagram, etc) et points de vente sur lesquels se déploient des PLV. Car l’un des enjeux de cette catégorie de produits, en officine, est bien de gagner en visibilité pour se faire mieux connaître et interpeller les sportifs qui, par ailleurs, fréquentent le circuit officinal. Meubles de sol, présentoirs, kakémonos, panneauxvitrines, brochures explicatives, etc, « c’est grâce à la mise en avant des produits sur le point de vente que ce public saura qu’il peut acheter ses produits de nutrition sportive dans sa pharmacie », rappelle Olivia Perin.

CHIFFRES-CLÉS

TOP 3 DES LABOS

PARTS DE MARCHÉ, EN VALEUR, EN CUMUL ANNUEL MOBILE, À FIN JANVIER 2022

Source : Ospharm

RÉPARTITION, EN VALEUR, DU MARCHÉ DE LA NUTRITION SPORTIVE PAR GALÉNIQUE. EN CUMUL ANNUEL MOBILE À FIN JANVIER 2022.

Source : Ospharm

RÉPARTITION, EN VALEUR, DU MARCHÉ DE LA NUTRITION SPORTIVE PAR USAGE. EN CUMUL ANNUEL MOBILE À FIN JANVIER 2022.

Source : Ospharm

TOP 5* DES PRODUITS

PARTS DE MARCHÉ, EN VALEUR, EN CUMUL ANNUEL MOBILE À FIN JANVIER 2022.

Source : Ospharm

1 Mag 2 cramp (Cooper) 22,4 %

2 Pure Whey (Eafit) 5,7 %

3 Myocalm C (ex Eficramp) (Les Trois Chênes) 3,7 %

4 Gainer Max (Eafit) 3 %

5 Isoxan Sport Pro (Menarini) 3 %

+ 8 %

C’est la croissance, en volume, estimée du marché de la nutrition sportive d’ici 2024, tous circuits confondus.

(Source : Xerfi Precepta. )