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La dysfonction érectile

Publié le 23 mai 2022
Par Nathalie Belin
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L’incapacité d’obtenir ou de maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante est un symptôme fréquent. Le diagnostic de la dysfonction érectile implique de dépister des pathologies et comorbidités associées.

Le trouble

Définition

• La dysfonction érectile est définie comme l’incapacité persistante ou répétée à obtenir et/ou maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante. Celle-ci englobe le retentissement psychologique, notamment la souffrance de l’homme ou du couple qui consulte pour ce trouble.

• Une durée minimale de trois mois du trouble érectile est admise pour poser le diagnostic. Cette notion permet de relativiser ou de rassurer les hommes et/ou les couples rapportant une symptomatologie récente ou occasionnelle. Elle ne doit pas pour autant repousser des explorations diagnostiques et une prise en charge. Plus cette dernière est précoce, notamment avant que ne s’installe le cercle vicieux de l’anxiété de performance (voir encadré p. 36), plus elle est efficace.

Physiopathologie

Un peu de physiologie

• Le pénis est composé de trois corps érectiles : le corps spongieux entourant l’urètre et se terminant par le gland, sensible aux stimuli érogènes, et deux corps caverneux, symétriques. Tous comportent un réseau de fibres musculaires lisses délimitant des espaces vasculaires, les espaces sinusoïdes, qui sont tapissés d’un revêtement endothélial, comme l’endothélium vasculaire. Les corps érectiles sont entourés d’une tunique peu extensible, l’albuginée.

• L’innervation du pénis fait intervenir le système nerveux sympathique et parasympathique, ainsi que des fibres nerveuses non adrénergiques et non cholinergiques (NANC) impliquant notamment le monoxyde d’azote (NO).

Mécanisme de l’érection

• L’érection est un phénomène neurovasculaire réflexe modulé par des stimuli psychiques (désir…), sensoriels (vision, toucher, odeurs…) et hormonaux via notamment la testostérone. Elle survient spontanément aussi, avec des érections nocturnes ou matinales accompagnant le sommeil paradoxal, ou parfois dans la journée. Ces érections spontanées « entretiendraient » la capacité érectile du pénis.

• Les mécanismes locaux de l’érection reposent sur la relaxation des fibres musculaires lisses de la paroi des artères péniennes et la relaxation des fibres musculaires lisses entourant le tissu érectile des corps caverneux et spongieux. Le tonus des fibres musculaires lisses est sous la dépendance du système nerveux autonome.

• Sous l’effet de stimuli sexuels, il se produit une inhibition du système sympathique et une stimulation du système parasympathique et des fibres NANC.

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→ En réponse à une stimulation sexuelle, l’augmentation du débit sanguin local permet au tissu érectile de se remplir de sang.

Ces stimuli sexuels, via une neurotransmission dopaminergique au niveau de l’hypothalamus, activent le parasympathique et des fibres NANC, ce qui induit localement la libération de facteurs relaxants, dont le monoxyde d’azote, ou oxyde nitrique, qui est libéré à la fois par l’endothélium vasculaire et des terminaisons nerveuses.

→ Le monoxyde d’azote active la formation de guanosine monophosphate cyclique (GMPc), qui induit la relaxation des fibres musculaires lisses et la dilatation des espaces sinusoïdes où le sang afflue. Il reste alors emprisonné car les veines assurant le retour sanguin sont comprimées contre l’albuginée. La tumescence de la verge s’installe, conduisant à l’érection.

• L’érection persiste jusqu’à l’éjaculation, puis, sous l’influence du système sympathique, les artérioles se contractent et le sang est évacué par le réseau veineux. L’érection est suivie d’une période réfractaire pendant laquelle une nouvelle érection est impossible.

• À l’état de flaccidité (pénis mou), le système nerveux sympathique contracte les fibres musculaires lisses, réduisant ainsi au minimum l’afflux sanguin. L’innervation sympathique adrénergique maintient les fibres musculaires lisses contractées, limitant l’ouverture des espaces sinusoïdes.

• Ce « frein » sympathique est levé par le désir. Dès que l’homme sent un danger physique ou psychologique (deuil, stress, anxiété…, voir encadré ci-dessous), le « frein » sympathique est permanent et l’homme rencontre des problèmes d’érection.

Étiologies

Trouble multifactoriel

• De nombreux facteurs interfèrent sur la sexualité et peuvent se potentialiser et générer ou pérenniser une dysfonction érectile. Il peut s’agir de facteurs psychogènes, de lésions impliquant les fibres nerveuses ou d’anomalies vasculaires : afflux de sang insuffisant dans les corps caverneux en raison de l’athérosclérose…, dysfonctionnement endothélial du tissu érectile à cause du diabète, d’un tabagisme, d’une hypertension artérielle (HTA)…, réseau veineux anormal induisant une sortie de sang trop précoce des corps caverneux, etc.

• Les troubles sont souvent d’origine multifactorielle.

Causes organiques

Outre l’âge, il peut s’agir :

→ de pathologies métaboliques ou cardiovasculaires : surpoids et obésité, notamment abdominale, diabète, angor, insuffisance cardiaque, HTA, dyslipidémie ;

→ de pathologies neurologiques : maladie de Parkinson, sclérose en plaques, accident vasculaire cérébral, neuropathie périphérique… ;

→ de pathologies endocriniennes : dysthyroïdie… ;

→ de troubles mictionnels : adénome prostatique ;

→ de traumatismes abdomino-pelviens ;

→ d’un déficit androgénique : baisse de la libido, du nombre ou de la qualité des érections nocturnes ou matinales, etc.

« Les fuites caverno-veineuses, responsables d’une sortie trop précoce du sang des corps caverneux, rendant impossible le maintien d’une érection, sont également fréquentes, explique le Pr Éric Allaire, chirurgien vasculaire à Paris et auteur du Guide de l’impatient – Les Maladies de l’érection. On estime qu’elles touchent la moitié des patients dont la dysfonction érectile résiste aux inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 ».

Causes iatrogènes

Sont impliqués des antihypertenseurs, notamment les diurétiques thiazidiques, la spironolactone et les bêta-bloquants non sélectifs, des hypolipémiants, tels les fibrates, les antidépresseurs, les neuroleptiques, les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase, les agonistes et antagonistes de la GnRH, mais aussi les chirurgies des cancers de la prostate et colorectal ou la radiothérapie.

Causes psychologiques

• Un syndrome dépressif, des troubles de l’humeur, du sommeil, tel le syndrome d’apnées du sommeil, des pathologies psychiatriques et les addictions (tabac, alcool, substances illicites) influencent ou aggravent les troubles.

• Une dépression et l’« angoisse de performance » peuvent aussi être des conséquences de la dysfonction érectile. Très fréquente, l’anxiété de « performance sexuelle » peut maintenir un cercle vicieux renforçant les troubles de l’érection .

Facteurs sociaux et relationnels

Stress, perte d’emploi, décès, accident, divorce, conflits familiaux ou au sein du couple, violences physiques/psychologiques peuvent également être en cause.

Un symptôme sentinelle

La dysfonction érectile est un indicateur d’une comorbidité qu’elle peut révéler, notamment un diabète. C’est aussi un marqueur de surrisque cardio-vasculaire. Elle est en particulier un symptôme sentinelle d’une athérosclérose coronaire encore asymptomatique. Sa survenue incite donc à rechercher et à corriger les facteurs de risque cardio-vasculaire.

Diagnostic

Il repose sur l’interrogatoire du patient et/ou du couple et sur l’examen clinique du patient. Des examens complémentaires dépistent des pathologies ou des comorbidités associées et précisent parfois l’étiologie.

Interrogatoire et examen clinique

• L’interrogatoire clarifie le début des troubles : primaire, depuis le début de la vie sexuelle, ou secondaire. Il recherche la présence d’érections conservées : spontanées – matinales – ou non – masturbation. Il évalue leur qualité et le retentissement psychologique, ainsi que les conséquences sur la qualité de vie pour le patient et le couple via des échelles et des auto-questionnaires.

L’interrogatoire recherche un éventuel syndrome dépressif, des troubles anxieux et précise le contexte affectif, sexuel, familial, professionnel.

• L’examen clinique vérifie l’absence de phimosis (voir Dico+), de déformation pénienne (= maladie de Lapeyronie, voir Dico+), de gynécomastie. Un toucher rectal est pratiqué en cas de troubles urinaires.

• Les facteurs de risque cardio-vasculaire sont recherchés : poids, tension artérielle… L’aptitude du patient à soutenir un exercice physique comparable à l’activité sexuelle est évaluée ; elle correspond à la montée, facilement, de deux étages ou à une marche rapide d’une durée de vingt minutes. Pour les patients présentant un risque cardio-vasculaire élevé, avec angor instable, hypertension artérielle non contrôlée…, un avis cardiologique est recommandé.

Bilan biologique

Adapté à l’âge et au contexte clinique, il inclut notamment : glycémie à jeun et HbA1c chez le patient diabétique, numération formule sanguine et ionogramme, créatininémie, bilan lipidique et dosage de la testostéronémie.

Examens complémentaires

• En fonction de l’évaluation clinique, il peut être proposé des examens neurologiques ou cardio-vasculaires complémentaires.

• En cas de résistance au traitement médical, il convient de s’assurer de l’absence d’un déficit androgénique si les dosages de testostéronémie n’ont pas été réalisés.

Une échographie-doppler avec test pharmacologique doit aussi être proposée. L’examen consiste en une injection intracaverneuse d’alprostadil, une prostaglandine vasodilatatrice, suivie d’une échographie-doppler des vaisseaux péniens. Si l’érection induite est faible, l’examen oriente vers une cause vasculaire et identifie une anomalie artérielle ou une fuite caverno-veineuse.

Complications

• La dysfonction érectile peut refléter une maladie cardio-vasculaire encore asymptomatique, notamment une coronaropathie. Les troubles de l’érection peuvent précéder de plusieurs années un infarctus du myocarde ou un AVC. D’où l’importance du bilan diagnostique, d’une prise en charge précoce et des conseils d’hygiène de vie.

• Elle altère la qualité de vie, avec un retentissement général familial, social et professionnel, associé à une baisse de l’estime de soi et une souffrance psychologique qui retentit sur le couple. Elle peut entraîner d’autres troubles sexuels qui complexifient la prise en charge : diminution de la libido, difficultés relationnelles au sein du couple…

Le traitement

Objectifs

• La prise en charge a pour but de permettre au patient d’avoir une activité sexuelle satisfaisante et de prévenir et contrôler le risque cardio-vasculaire. Elle tient compte du couple et des comorbidités.

• Lorsqu’il existe une pathologie organique, elle peut relever du médecin généraliste et d’un spécialiste : cardiologue, endocrinologue, urologue, psychiatre… Une adaptation de certains traitements peut être nécessaire. En cas d’hypertension, recours préférentiel aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), sartans ou inhibiteurs calciques par exemple. En cas de déficit androgénique confirmé par des dosages de la testostéronémie, un traitement hormonal est indiqué.

• Pour les patients qui le souhaitent, un traitement permet d’éviter le cercle vicieux de l’anxiété de performance. Un homme qui rencontre des problèmes d’érection peut éprouver des sentiments de dévalorisation, « Je n’y arrive plus ». De même, un homme qui souffre d’un mal de dos peut penser lors du rapport sexuel « Si je bouge, je vais avoir mal ». Concentré sur des pensées agressives négatives, il ne parvient plus à maintenir son sexe en érection, il n’arrive plus à lever le frein du système sympathique. Un médicament peut l’aider à lever le frein de l’érection plus rapidement, via l’action pharmacologique et le sentiment d’être aidé.

Stratégie

• Après avoir pris en compte les facteurs psychologiques, médicaux et iatrogènes, le traitement vise l’obtention d’une érection suffisante pour une relation sexuelle satisfaisante. Parfois, la simple éviction des médicaments responsables ou une écoute suffit.

• Les solutions diffèrent selon l’étiologie, les antécédents médicaux du patient et son choix, voire celui de son couple.

La conservation d’érections réflexes ou provoquées de bonne qualité évoque une problématique psychogène dominante. Il peut alors s’agir d’expliquer le mécanisme par lequel l’anxiété de performance peut perturber l’érection et d’aider à sortir du cercle vicieux créé par une baisse de l’estime de soi. Dédramatiser la situation peut améliorer la situation. À l’inverse, la disparition des érections réflexes peut faire craindre une prise en charge plus compliquée liée à un déficit en testostérone, ou un problème vasculaire par exemple.

• Médicamenteux systémiques ou locaux, ou mécaniques, tous les traitements sont « à la demande », c’est-à-dire qu’ils nécessitent d’être utilisés avant chaque tentative de rapport sexuel. Les traitements de l’érection sont purement symptomatiques.

• Il n’y a jamais d’urgence à prescrire un médicament pour faciliter l’érection. Les mésententes dans le couple, le sentiment de dévalorisation ne seront jamais résolus par un médicament. Parfois, la prise en charge associe médicament et consultation avec un sexologue, un psychiatre, technique de relaxation…

• Parmi les traitements, on distingue :

→ les médicaments facilitateurs, qui réclament une stimulation sexuelle pour être actifs ;

→ les médicaments inducteurs de l’érection, qui ne nécessitent pas de stimulation sexuelle pour exercer leur action pro-érectile ;

→ la pompe à vide, ou vacuum ;

→ les implants péniens ;

→ les techniques de revascularisation.

• La prescription d’un traitement s’accompagne dans tous les cas d’explications sur ses modalités de prise/d’administration, les bénéfices attendus, les effets indésirables.

• Le patient doit être sensibilisé aux mesures hygiéno-diététiques afin de réduire le risque cardio-vasculaire, mais aussi d’obtenir une meilleure réponse au traitement pharmacologique : sevrage du tabac, lutte contre la sédentarité, alimentation équilibrée. Ces mesures peuvent suffire à corriger une dysfonction érectile liée à l’âge notamment.

• Législation. Les traitements ne sont pas remboursés, à l’exception de certaines indications pour l’alprostadil topique et en injection intracaverneuse : neuropathie diabétique avérée, para- ou tétraplégie, séquelles de chirurgie (prostatectomie radicale, anévrisme de l’aorte …) ou de radiothérapie abdomino-pelvienne, sclérose en plaques, séquelles de priapisme et traumatismes du bassin compliqués de troubles urinaires.

Pour donner lieu au remboursement, la prescription doit être rédigée sur une ordonnance d’exception. Elle est autorisée par tout médecin.

Médicaments

Inhibiteurs de la phosphodiéstérase 5 (IPDE-5) par voie orale

Généralités

• Place en thérapeutique : sauf contre-indications (voir encadré) ou préférences du patient, ils sont proposés en première intention dans la plupart des situations. La stimulation sexuelle est nécessaire à leur action car elle initie la libération de monoxyde d’azote (NO), indispensable à l’érection.

• Mécanisme d’action : ils agissent en favorisant l’afflux de sang dans les corps caverneux et la relaxation des fibres musculaires lisses du tissu érectile, en inhibant la destruction du NO libéré par une enzyme (la phosphodiestérase).

• Quatre molécules disponibles. Elles diffèrent par leurs délai et durée d’action et la prise par rapport à la nourriture (voir tableau p. 40). Leur effet peut être visible dès la première prise, mais s’améliore souvent avec le temps. Quatre à six essais sont recommandés avant de conclure à un échec.

• Administration à la demande ou quotidienne pour le tadalafil. Les prises se font à la demande, le plus souvent à une dose faible, qui peut être augmentée en fonction de l’efficacité et de la tolérance. Pour les patients répondeurs au tadalafil et qui prévoient un usage fréquent, au moins deux fois par semaine, son administration quotidienne à faible dose, 2,5 ou 5 mg, est une option.

• En cas d’inefficacité. Vérifier les modalités de prise : heure d’administration par rapport à l’activité sexuelle, prise de nourriture pouvant retarder l’action du sildénafil, de l’avanafil et du vardénafil, prise d’inducteurs enzymatiques.

Produits

• Molécules : avanafil, sildénafil, tadalafil, vardénafil.

• Mode d’action. La phosphodiestérase de type 5 (PDE-5) est responsable de la dégradation du guanosine monophosphate cyclique (GMPc) produit en présence de monoxyde d’azote libéré lors d’une stimulation sexuelle. L’inhibition de la PDE-5 augmente le taux de GMPc dans les corps caverneux, ce qui favorise le relâchement musculaire et l’afflux sanguin permettant l’érection.

• Effets indésirables. Les plus fréquents : céphalées, rougeurs du visage, inconfort digestif, palpitations, congestion nasale et myalgies, notamment douleurs dorsales, pour le tadalafil surtout. La survenue de troubles cardio-vasculaires est rare si les contre-indications sont respectées, tout comme un priapisme (voir Dico+) ou une neuropathie optique ischémique. Une baisse ou une altération de la vision ou du champ visuel nécessite une consultation ophtalmologique rapide. Sous tadalafil et avanafil, une perte soudaine de l’audition nécessite un avis médical rapide.

Analogue des prostaglandines E1 par voie locale

Généralités

• Principe : il s’agit de délivrer, dans ou à proximité du tissu érectile, une substance ayant la capacité de provoquer une relaxation des fibres musculaires lisses caverneuses. Pour exercer leurs effets, ces traitements ne nécessitent pas de stimulation sexuelle. Le délai d’obtention de l’érection est très court, dans les minutes suivant la délivrance locale du produit.

Ces traitements ne sont pas pris en charge, excepté pour l’alprostadil en injection intracaverneuse (Edex et Caverject) sous certaines conditions.

• Indication : outre le choix personnel, ils sont une alternative pour les patients en cas d’échec ou d’intolérance ou de contre-indication des IPDE-5. Ils sont également prescrits dans certaines indications ouvrant droit à un remboursement (voir Législation p. 38), notamment dans la rééducation des érections après prostatectomie.

• Mécanisme d’action : l’alprostadil en injection intracaverneuse ou par voie topique est un inducteur de l’érection ; une stimulation sexuelle n’est pas nécessaire à son effet, sauf par voie topique, où elle peut l’optimiser.

• Deux voies. La voie topique a l’avantage d’être moins invasive que la voie intracaverneuse mais son délai d’action peut être un peu plus long et son efficacité, moindre. Plusieurs essais sont parfois nécessaires avant d’obtenir une réponse optimale. Quelle que soit la voie, les modalités d’application et d’injection sont expliquées au patient. Concernant les injections, la dose efficace induisant une érection en cinq à dix minutes durant trente minutes à une heure est déterminée avec le médecin.

• Précautions. Ces traitements nécessitent de s’assurer de l’absence de grossesse de la partenaire car l’alprostadil passe dans le sperme et le liquide séminal. L’usage d’un préservatif est recommandé afin de limiter les effets indésirables susceptibles de survenir chez la partenaire (voir ci-dessous).

Produits

• Molécule : alprostadil par voie topique en crème et en injection intracaverneuse.

• Mode d’action : la prostaglandine de type E1 exerce une vasodilatation des vaisseaux sanguins et augmente le débit des artères caverneuses, ce qui induit l’érection.

• Injection en pratique : l’injection est réalisée dans le corps caverneux, sur la face latérale, à droite ou à gauche du pénis. Prendre garde à ne pas injecter dans les veines du pénis ou les nerfs du côté supérieur, et dans l’urètre du côté inférieur. L’injection doit être terminée dans les cinq à dix secondes et le point d’injection doit être comprimé manuellement durant deux à trois minutes pour éviter un hématome. Toute solution non utilisée doit être éliminée.

• Effets indésirables. Douleurs avec les injections intracaverneuses mais diminuant au fil du temps et hématome au point d’injection, sensations de brûlures pour la voie topique chez l’homme et la partenaire, à type de brûlure vaginale. Peu fréquent, un priapisme est rapporté mais plus rare avec la voie topique, sensations de vertiges possibles pour la voie topique.

• Conservation. La crème se garde au réfrigérateur ou trois jours maximum à température ambiante (moins de 25 °C).

Autres traitements

Vacuum

Utilisé seul ou en complément des traitements pharmacologiques, le vacuum est un dispositif comportant un cylindre placé sur la verge et une pompe manuelle ou électrique permettant de faire le vide. L’érection est obtenue suite à la dépression créée, et maintenue par un anneau élastique compressif placé à la base de la verge. Celui-ci doit être retiré au bout de trente minutes pour éviter les lésions hypoxiques. Des douleurs sont possibles et une impression de froideur du pénis peut être ressentie chez la ou le partenaire. Inconvénient : l’anneau peut empêcher le sperme d’être expulsé au moment de l’éjaculation. Il s’écoulera lors du retrait de l’anneau. Nécessite une bonne communication avec la ou le partenaire. Avantage : traitement économique vite amorti.

Implants péniens

Ils sont proposés en cas d’échec ou d’insatisfaction des traitements pharmacologiques ou du vacuum. Il en existe deux types.

• Prothèses semi-rigides. Il s’agit de cylindres insérés chirurgicalement à l’intérieur des deux corps caverneux. Ces prothèses rendent le pénis suffisamment rigide pour la pénétration, même en l’absence de véritable érection. Leur extrémité est fixée à l’intérieur du ventre sur les os du pubis. Le patient peut placer manuellement le pénis selon la position la plus adaptée à la situation (rapport sexuel, uriner, repos). Inconvénient : l’érection semi-permanente est difficile à dissimuler et pas toujours suffisante pour un rapport satisfaisant. Avantage : le prix.

• Prothèses gonflables. Deux cylindres, placés chirurgicalement dans les corps caverneux, sont gonflés à partir d’un troisième réservoir externe inséré par exemple sous la paroi abdominale. Une mini-pompe manuelle fait passer un liquide soit dans les prothèses pour obtenir une érection suffisante, soit dans le réservoir pour la faire disparaître. Avantage : aspect plus naturel du pénis. Inconvénient : prix élevé et matériel assez compliqué.

« C’est un choix de dernier recours puisque l’implant se substitue définitivement au tissu érectile. 70 % des patients en sont satisfaits », note le Pr Allaire.

Les conseils aux patients

Observance

Clarifier l’utilisation des traitements

• Sensibiliser aux effets indésirables, qui peuvent être gênants sous IPDE-5 : « Environ 20 % des patients les abandonnent en raison de céphalées, flushs, douleurs dorsales ou dyspepsies », relève le Pr Allaire.

• Rassurer sur les risques cardio-vasculaires, rares si les contre-indications et les doses prescrites sont respectées.

• En cas d’échec, vérifier les délais (de 15 minutes à 1 heure) et durées d’action (de 4-5 heures à 36 heures pour le tadalafil) par rapport à l’activité sexuelle, et s’informer de la prise de nourriture avec certains traitements (voir tableau p. 40).

Rappeler que les IPDE-5 ne sont efficaces que s’il y a un désir sexuel et que leur action s’améliore au fil des prises. Il n’est pas nécessaire d’avoir un rapport sexuel si le médicament est ingéré, mais il ne faut pas dépasser une prise par jour. Il est possible de prendre le médicament et de se faire un restaurant avant !

• Vérifier le respect des précautions. Sous alprostadil, le préservatif est nécessaire si la partenaire est enceinte. Avec la crème (Vitaros), son emploi est recommandé dans tous les cas pour éviter l’irritation des muqueuses du partenaire. En cas d’érection prolongée, l’application de glace ou une douche froide et l’effort physique intense des membres inférieurs (série de flexions, monter et descendre les escaliers) est conseillée. Une érection persistant plus de deux à trois heures requiert un avis médical urgent.

• Vérifier systématiquement les co-prescriptions sous IPDE-5 : dérivés nitrés, certains antibiotiques, azolés… Mettre en garde contre le pamplemousse, qui augmente l’exposition à la molécule (ne pas en consommer durant la « plage d’action » du traitement), l’alcool qui potentialise le risque d’hypotension ou de vertiges, les poppers (voir Dico+), dont la prise est à proscrire en raison d’un risque d’hypotension fatale.

• Ne pas arrêter soi-même un autre traitement associé, anti-hypertenseur ou antidépresseur, même si le médicament pris peut être en cause dans les troubles de l’érection. Il existe un risque important d’aggraver ou de déstabiliser la pathologie. Il peut être possible de substituer le médicament en cause par un autre, mais seulement après avoir fait le point avec le médecin généraliste ou un spécialiste.

Activité quotidienne

Hygiène de vie

• Débuter une activité physique régulière et perdre du poids si nécessaire améliorent la fonction érectile. L’activité physique favorise la libido, entretient la synthèse de testostérone, améliore la vascularisation du pénis, en favorisant la circulation sanguine et le risque cardiovasculaire. Selon les capacités, recommander au moins trente minutes d’activité quotidienne : marche rapide, jardinage…

• L’arrêt du tabac et une consommation modérée d’alcool sont associés à une diminution des troubles. Ils sont à encourager, comme le contrôle d’un diabète, l’équilibre d’une hypertension artérielle et/ou d’une dyslipidémie ou d’apnées du sommeil, qui perturbent le fonctionnement du tissu érectile.

• Stress, anxiété et manque de sommeil aggravent les troubles. Selon les affinités, la pratique d’un sport ou de techniques psychocorporelles (yoga, méditation, sophrologie, hypnose…) aide à évacuer les tensions du quotidien, à améliorer la confiance en soi, voire à rompre le cercle vicieux de « l’angoisse de performance ».

Consulter sans attendre

Il est important de dédramatiser une panne sexuelle car cela arrive à tout le monde, mais il ne faut pas minimiser des troubles qui se répètent. Un problème de dysfonction érectile, parfois facile à résoudre s’il débute, peut s’aggraver s’il n’est pas rapidement pris en charge. « Les troubles de l’érection sont un symptôme comme la fièvre, explique le Pr Allaire. Quand un patient évoque ce problème, il faut l’inciter à consulter pour en trouver la cause ».

Encourager la consultation de son médecin généraliste, qui peut décider de mettre en place un traitement, et/ou orienter vers un spécialiste : urologue, accompagnement psychologique ou psychiatrique… Parfois, une consultation avec un sexologue ou une psychothérapie de couple peut être bénéfique une fois les causes organiques éventuelles détectées et prises en charge.

Tous nos remerciements au Pr Éric Allaire, chirurgien vasculaire et endovasculaire, spécialisé dans la chirurgie de l’érection et auteur du Guide de l’impatient-Les Maladies de l’érection, paru aux Éditions Bookelis.

Info +

→ La testostérone intervient sur la libido et agit sur le taux de monoxyde d’azote (NO).

→ La dysfonction érectile ne doit pas être confondue avec la stérilité, les troubles orgasmiques ou ceux de l’éjaculation. Certains hommes ont des rapports sexuels tout à fait satisfaisants malgré une érection modérée.

L’érection en situation de danger

→ L’homme a un système physiologique lui permettant de bloquer l’érection en cas de danger quel qu’il soit. Comme pour toutes les espèces animales, le coït est une situation dangereuse pour l’homme, dans le sens où l’humain est vulnérable durant l’acte sexuel. Ce frein physiologique est représenté par le système sympathique, celui qui permet au pénis d’être flaccide dans la vie quotidienne, au travail par exemple !

→ La verge est molle mais n’est pas au repos ; elle est contractée par le système nerveux sympathique, qui freine l’érection. En dehors des circonstances de désir et de reproduction, le système de l’érection est bloqué. Lorsque le désir ou des fantasmes surviennent, le frein est levé. En cas de situations dangereuses, réelles ou psychologiques, le frein est remis. Plus l’homme se concentre sur ses problèmes, plus le frein est maintenu. Ainsi commence le cercle vicieux de l’anxiété de performance.

Dico +

→ Phimosis : rétrécissement de l’extrémité du prépuce empêchant le décalottage du gland et entraînant des difficultés ou des douleurs lors de l’érection.

→ Maladie de Lapeyronie : épaississement fibreux des corps caverneux à l’origine d’une courbure de la verge survenant en général chez le garçon de plus de 5 ans.

Info +

→ La yohimbine (Yocoral), un alpha-2 bloquant, est indiquée en traitement d’appoint de la dysfonction érectile. Mal évaluée, elle n’est pas citée dans les recommandations.

Principales contre-indications

→ IPDE-5 : infarctus du myocarde ou AVC récent, angor instable, insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme ou hypertension artérielle non contrôlés, hypotension artérielle, perte de la vision d’un œil due à une neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique.

Avanafil : insuffisance rénale ou hépatique sévère. Vardénafil : insuffisance hépatique sévère, insuffisance rénale nécessitant une dialyse. Tadalafil : prise en continu contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère.

→ Alprostadil : patients prédisposés au priapisme (drépanocytose, leucémie…), déformation anatomique du pénis, implant pénien.

Avis du spé

Les fuites caverno-veineuses peuvent également toucher des hommes jeunes

Pr Éric Allaire, spécialiste de la chirurgie vasculaire et endovasculaire de l’érection à Paris (75), auteur du livre Guide de l’impatient – Les Maladies de l’érection (Éd. Bookelis, 2021).

Quelle efficacité pour les IPDE-5 au final ?

Ces traitements fonctionnent pour une grande majorité des patients mais sont inefficaces pour 30 à 40 % d’entre eux. Il peut s’agir d’hommes jeunes ou plus âgés, dont les troubles de l’érection sont récents ou anciens et remontent à l’adolescence… Tous les profils sont possibles. Lorsque les IPDE-5 ne sont pas efficaces, il faut d’abord rechercher l’absence de désir, qui concerne 10 à 20 % des patients et renvoie à des problèmes psychologiques ou dans le couple. Si les érections spontanées ou provoquées sont faibles ou n’existent plus, c’est un signe d’alerte qui nécessite de réaliser une échographie-doppler du pénis. Le plus souvent, celle-ci oriente vers des fuites veineuses qui ne permettent pas une érection suffisante car la pression sanguine ne monte pas dans les corps caverneux.

Qui est concerné par ces fuites caverno-veineuses ?

Il peut s’agit d’hommes à partir de 50-60 ans mais également de patients jeunes. On estime que 1 à 4 % des hommes âgés de moins de 25 ans n’ont pas d’érections nocturnes, et parmi eux, la moitié ont des fuites veineuses. C’est une véritable souffrance pour ces hommes jeunes qui tardent à évoquer leur problème et à consulter. Très souvent, ils sont soulagés lorsque le diagnostic tombe car ce n’est pas dans leur tête ! La prise en charge est chirurgicale et s’est considérablement améliorée ces dernières années, avec un taux de succès d’environ 80 %. Un tiers des patients se passent même complètement des médicaments. Pour les autres, l’angoisse de la performance entre sans doute en jeu et nécessite encore d’y recourir.

Dico +

→ Priapisme : érection anormale prolongée et douloureuse pouvant conduire à des lésions irréversibles du tissu pénien.

En savoir +

→ Association française d’urologie (AFU) Les recommandations sur la dysfonction érectile et de nombreux articles sur les troubles de l’érection et les traitements sont disponibles sur son site. urofrance.org

→ Syndicat national des médecins sexologues (SNMS) On peut notamment y consulter l’annuaire des médecins sexologues. snms.org

→ Société française de cardiologie (SFC) On peut y télécharger un consensus d’experts sur le dépistage et la prise en charge de la dysfonction érectile chez les sujets hypertendus. sfcardio.fr

→ Guide de l’impatient – Les Maladies de l’érection, d’Éric Allaire, Éd. Bookelis, 2021. Ce livre tout public, complet et clair, vise à faire sortir de leur solitude les hommes malades de l’érection en abordant toutes les questions et les traitements disponibles.

Dico +

→ Poppers : liquide inhalé renfermant des nitrites dissous dans des solvants, utilisé à des fins récréatives ou pour augmenter le plaisir sexuel. Ils entraînent euphorie, dilatation des vaisseaux et accélération du rythme cardiaque durant quelques minutes.

À RETENIR

SUR LA PATHOLOGIE

→ Une dysfonction érectile est l’incapacité persistante ou répétée à obtenir ou maintenir une érection pour permettre une activité sexuelle satisfaisante. Une durée de six mois est requise pour poser le diagnostic.

→ Elle est le plus souvent d’origine multifactorielle, intégrant des facteurs organiques (pathologies cardio-vasculaires, neurologiques, endocriniennes…), iatrogènes (diurétiques thiazidiques, antidépresseurs…), psychologiques, sexuels, relationnels.

→ C’est un symptôme sentinelle qui peut révéler une pathologie sous-jacente, notamment une coronaropathie asymptomatique.

→ Elle doit dans tous les cas faire rechercher des comorbidités, qui peuvent l’aggraver (diabète, HTA, dyslipidémies, surpoids, apnées du sommeil, troubles mictionnels…) ou un trouble psychologique (syndrome dépressif, addictions…).

SUR SA PRISE EN CHARGE

→ Les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 (IPDE-5) sont le plus souvent le traitement de première ligne en l’absence de contre-indications et d’interactions médicamenteuses (dérivés nitrés, poppers, pamplemousse). Les prises se font à la demande 30 minutes à 1 heure avant l’activité sexuelle. Le tadalafil 2,5 ou 5 mg a une indication en administration quotidienne.

→ L’alprostadil par voie topique ou intracaverneuse est en général proposé en deuxième intention. Contrairement aux IPDE-5, il ne nécessite pas de stimulation sexuelle.

SUR LES CONSEILS

→ Une prise en charge précoce peut limiter l’aggravation des troubles, notamment l’instauration d’une angoisse de performance qui entretient les troubles.

→ Les conseils d’hygiène de vie sont essentiels. Ils peuvent prévenir ou améliorer une dysfonction érectile : perte de poids, initiation d’une activité physique régulière, arrêt du tabac, traitement d’un diabète, d’une hypertension ou d’une dyslipidémie.

→ Une prise en charge sexologique ou psychologique en consultation individuelle ou en couple peut être bénéfique seule ou en complément des traitements pharmacologiques.