- Accueil ›
- Conseils ›
- Pathologies ›
- Dernières innovations en cancérologie : on fait le point
![Dernières innovations en cancérologie : on fait le point](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/08/1a8d26b63f6ae58f6d91a97af8c97-1-1040x621.jpg)
© Getty Images
Dernières innovations en cancérologie : on fait le point
Les innovations en cancérologie connaissent une accélération exponentielle ces dernières années. Anticorps conjugués, thérapies ciblées, cellulaires TCR, CAR-T, TIL… Voici un guide pour mieux comprendre ces appellations et abréviations.
Les différents congrès de cancérologie mettent en lumière des progrès fulgurants dans le domaine des traitements. Parmi eux, deux champs d’action font l’objet de toutes les attentions : les médicaments visant à cibler spécifiquement les cellules cancéreuses et les thérapies destinées à combattre la tumeur par le biais du système immunitaire.
« Les thérapies ciblées ont pour objectif de bloquer la croissance ou la propagation de la tumeur, en interférant avec des anomalies moléculaires ou avec des mécanismes qui sont à l’origine du développement ou de la dissémination des cellules cancéreuses », peut-on lire comme définition sur le site de l’Institut national du cancer (INCa). « Classiquement, sont désignées sous ce terme des molécules chimiques, souvent prises par voie orale, avec une action directe sur la cellule tumorale, précise Steven Le Gouill, directeur de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie à Paris. Les cibles sont identifiées grâce à une cartographie de plus en plus précise des anomalies moléculaires des cellules tumorales. Une fois leur talon d’Achille identifié, des molécules chimiques extrêmement précises sont mises au point, capables de se loger exactement là où nous le souhaitons. »
Bloquer la prolifération
De très nombreux médicaments de ce type ont déjà vu le jour. « Il s’agit essentiellement d’inhibiteurs d’enzymes, des kinases, qui vont bloquer la prolifération anarchique des cellules tumorales ou leur capacité à échapper à l’apoptose », poursuit l’hématologue. L’inhibition peut intervenir à trois niveaux : en bloquant soit un récepteur à la surface de la cellule tumorale, soit les voies de signalisation entre ce récepteur et l’ADN, soit directement l’ADN pour empêcher son fonctionnement.
Certaines de ces spécialités sont délivrées dans les officines sur prescription par un médecin spécialiste. Steven Le Gouill cite en exemple les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (ibrutinib, zanubrutinib, acalabrutinib) pour traiter des leucémies lymphoïdes chroniques ou des lymphomes des cellules du manteau. Leur avantage est d’être beaucoup moins toxiques pour les cellules saines, puisqu’ils visent de manière plus spécifique les cellules tumorales. Ils ne sont pas dénués d’effets secondaires pour autant et peuvent engendrer des atteintes cutanées ou encore des nausées et vomissements.
Ne rentrant pas stricto sensu dans la définition délivrée par l’INCa, d’autres approches thérapeutiques peuvent tout de même être qualifiées de thérapies « ciblées », de par leur mode d’action. C’est le cas des anticorps conjugués, combinant un anticorps monoclonal et un médicament, administrés en perfusion. Sélectionnés pour s’accrocher à un récepteur très spécifique de la cellule tumorale, ces anticorps conduisent le traitement cytotoxique de manière ciblée vers la tumeur. Ils favorisent ainsi sa destruction et réduisent la toxicité systémique des chimiothérapies classiques. La technologie est à l’origine de médicaments qui ont révolutionné la prise en charge de certains cancers, comme le brentuximab vedotin (Adcetris) pour les lymphomes hodgkiniens ou le trastuzumab emtansine (Kadcyla) pour les cancers du sein HER2 positifs.
Trois types d’approches thérapeutiques
« Un traitement d’immunothérapie consiste à stimuler les défenses immunitaires du patient pour que celles-ci détruisent elles-mêmes les cellules cancéreuses », détaille Stéphane Champiat, oncologue médical à l’Institut Gustave-Roussy à Villejuif (Val-de-Marne). Les approches thérapeutiques les plus récentes – toutes administrées par voie intraveineuse – peuvent être classées en trois catégories : les inhibiteurs de checkpoints ou inhibiteurs des points de contrôle, les T cell engagers et les thérapies cellulaires faisant intervenir des lymphocytes T modifiés.
Les inhibiteurs de checkpoints, désormais intégrés dans la prise en charge de nombreux cancers liquides et solides, sont constitués d’anticorps capables de bloquer des récepteurs ou ligands (molécules qui se lient aux récepteurs) à la surface des cellules tumorales, responsables d’une inhibition du système immunitaire. On y retrouve trois grandes classes thérapeutiques : les anti-CTLA-4 (trémélimumab, ipilimumab, etc.), les anti-PD1/anti-PDL1 (pembrolizumab, cémiplimab, nivolumab, etc.) et, plus récents, les anti-LAG-3 (relatlimab, entre autres). « Ils peuvent être responsables d’effets secondaires spécifiques appelés irAE (pour immune-related adverse events), d’ordre auto-immuns ou inflammatoires. Ils restent le plus souvent peu sévères et transitoires, prenant le plus souvent la forme d’éruptions cutanées, de troubles thyroïdiens ou de douleurs articulaires, et peuvent plus rarement mener à des formes graves avec des inflammations d’organes vitaux », explique l’immunologiste.
Les T-cell engagers, anticorps activateurs de lymphocytes T bi- ou tri-spécifiques (pouvant se lier à deux ou trois antigènes différents), sont capables de créer une synapse immunologique entre la cellule tumorale et la cellule immunitaire. « Ils reconnaissent une sous-unité du récepteur TCR (pour T cell receptor) des lymphocytes, appelée CD3, et peuvent ainsi activer les lymphocytes même si le TCR ne reconnaît pas la cible tumorale. » Ces médicaments sont administrés de manière régulière, contrairement aux thérapies cellulaires qui ne nécessitent qu’une perfusion unique. Ils sont approuvés pour plusieurs cancers hématologiques et pour un type de cancer solide : le mélanome uvéal.
T comme « complexe »
Au sein des thérapies cellulaires impliquant des lymphocytes T, les acronymes pleuvent et il est parfois un peu complexe de démêler les différentes approches. Stéphane Champiat éclaire : « Les tumor infiltrating lymphocytes (TIL) font intervenir des lymphocytes T déjà présents dans la tumeur. La thérapie consiste à faire un prélèvement de la tumeur, en extraire les lymphocytes infiltrés, les stimuler et les réinjecter au patient par voie intraveineuse. » En parallèle, deux autres types de traitements font intervenir des lymphocytes T sur lesquels un récepteur spécifique a été ajouté ou modifié : les thérapies par TCR et par cellules CAR-T. « Les thérapies par TCR consistent à prélever des lymphocytes du patient et à les modifier afin qu’ils expriment un nouveau récepteur TCR à leur surface, spécifique de la cible cancéreuse déterminée, puis à les réinjecter dans le sang. Les thérapies par cellules CAR-T partent un peu du même principe. Au lieu d’un récepteur classique d’un lymphocyte, on fait s’exprimer à leur surface un récepteur chimérique, qui n’existe pas dans la nature. D’où l’appellation CAR, pour chimeric antigen receptor. » Ces lymphocytes modifiés réinjectés s’attaquent ainsi spécifiquement aux cellules cancéreuses.
Les thérapies par TCR nécessitent de connaître le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) ou système HLA (human leucocytes antigens) du patient. Les thérapeutiques existantes ont été développées pour correspondre au HLA le plus commun dans la population caucasienne (HLA A201). Elles excluent donc, pour l’heure, plus de 50 % de la population caucasienne ainsi que les autres ethnicités, où ce HLA est moins fréquent. Ce n’est pas le cas pour les thérapies par cellules CAR-T, où la même thérapeutique est administrable à tous les patients. « Les deux approches demeurent complémentaires, informe Stéphane Champiat. A cause de cette restriction au HLA des patients, les applications des TCR pourraient sembler plus réduites, mais elles permettent de cibler des protéines tumorales présentes au niveau intracellulaire. Les cellules CAR-T, elles, ne peuvent cibler que des protéines extracellulaires, présentes à la surface de la cellule tumorale. »
- Du biberon aux médicaments : une exposition retrace l’histoire de la pharmacie et de la pédiatrie
- Le « challenge paracétamol » : un phénomène inquiétant aux portes de la France ?
- Aspartame : une pétition réclame son interdiction à l’échelle européenne
- Vapotage de substances psychoactives : l’ANSM tire la sonnette d’alarme
- Un patient a entendu dire qu’il pouvait désormais prendre son comprimé de Lévothyrox le soir au coucher. Est-ce vrai ?
![Modèles miniatures : tout devient « organoïde » dans notre vie](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/01/organoides-680x320.jpg)
![Dates de péremption des médicaments : leur utilisation après cette limite comporte-t-elle des risques ?](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/12/peremption-680x320.jpg)
![Soins post-cancer : reprendre la main après la maladie](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/10/82f7936dbfef1dcd4f5e8df932da5-680x320.jpg)