« Les Français doivent changer leurs habitudes de protection solaire »

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« Les Français doivent changer leurs habitudes de protection solaire »

Publié le 5 août 2024
Par Delphine Guilloux
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Entre le vieillissement de la population et l’augmentation des activités à l’extérieur, le nombre de cancers cutanés a plus que triplé entre 1990 et 2024. Leur principale cause restant l’exposition au soleil, il faut plus que jamais rappeler les recommandations de protection solaire et de dépistage. Dans cette interview, la professeure Gaëlle Quereux apporte des éclaircissements essentiels sur les mesures préventives à adopter et l’importance du dépistage précoce pour contrer cette tendance inquiétante.

Quels sont les sujets les plus à risque ?

Si les personnes les plus exposées sont bien sûr les phototypes clairs et particulièrement ceux présentant des taches de rousseur, celles comptant plus de 50 grains de beauté sur l’ensemble du corps et celles ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer de la peau, tout le monde doit se protéger du soleil car les dégâts liés à ce dernier touchent tous les phototypes, même les phototypes foncés. Bien que ces derniers possèdent un capital soleil plus important, ils ne doivent pas pour autant s’affranchir de protection solaire.

Quels sont les différents cancers cutanés ?

Les cancers cutanés se divisent en deux types : les carcinomes et les mélanomes. Les premiers, qui se divisent en carcinomes basocellulaires (70 % des cancers cutanés) et en carcinomes épidermoïdes (20 % des cancers cutanés), sont les plus fréquents. Parmi eux, seuls les cancers épidermoïdes peuvent métastaser. Les mélanomes sont quant à eux les plus graves car ils présentent un potentiel métastatique élevé, mais ce sont également les plus rares puisqu’ils représentent environ 10 % des cancers cutanés.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Étant donné les délais de prise de rendez-vous liés à la désertification médicale, les patients ont tout intérêt à prendre l’habitude de s’auto-examiner, les points à connaître relevant de la règle ABCDE (A pour asymétrie, B pour bords irréguliers, C pour couleur non homogène, D pour diamètre en augmentation et/ou supérieur à 6 mm, et E comme évolution de taille, de forme, de couleur et/ou d’épaisseur) ainsi que le principe du « vilain petit canard » qui consiste en l’apparition d’un grain de beauté ou d’une tache qui ne ressemble pas aux autres. Cet auto-examen doit idéalement être pratiqué deux fois par an, et même tous les trois mois en présence de facteurs de risque, toute modification d’un grain de beauté, survenue d’une tache pigmentée ou d’une lésion ne cicatrisant pas devant amener à consulter un dermatologue en urgence.

Quels sont les grands messages à faire passer ?

En dehors du vieillissement de la population, l’augmentation constante des cancers de la peau est principalement liée à une surexposition solaire, qu’elle soit volontaire ou non. Un changement d’habitude doit donc être opéré. Parmi les mesures à mettre en place, il faut vivre à l’ombre au maximum, adopter une protection solaire vestimentaire et réserver les crèmes solaires aux zones qu’on ne peut pas protéger. Outre l’impact sur la santé, certains patients sont également sensibles à l’argument écologique et économique qui en découle. Je me rends compte en consultation que ce mode de protection (vêtements et ombre) est bien plus facilement accepté par les personnes qui s’exposent « involontairement », c’est-à dire celles qui prennent le soleil sans chercher particulièrement à bronzer. Ces dernières suivent alors le plus souvent les conseils que je leur donne dès lors qu’elles en prennent conscience. Il est en revanche souvent plus compliqué à mettre en place chez les personnes qui cherchent à bronzer. Je leur propose alors l’application d’autobronzant et/ou la prise de compléments alimentaires en précisant bien, toutefois, que cela ne remplace aucunement la protection solaire. Je rappelle également toujours que les dispositifs de protection solaire doivent être appliqués toutes les deux heures, et davantage en cas de baignade. Quant aux crèmes de jour avec un SPF, elles sont à mon sens inutiles, et même contre-productives puisqu’elles donnent le sentiment d’être protégé alors qu’il faudrait renouveler l’application toutes les deux heures pour que ce soit le cas, ce qui n’est pas fait en pratique.

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Quelles sont les principales idées reçues des patients ?

Les patients ont tendance à confondre chaleur et UV, et à se protéger davantage lorsqu’il fait chaud. Juin est le mois de l’année où il y a le plus d’UV dans nos contrées métropolitaines, c’est donc théoriquement là où l’on devrait se protéger le plus. Or, les patients n’achètent souvent leur crème qu’avant de partir en vacances, en juillet/août ! De même, on ne se méfie jamais assez des UV par temps nuageux, or les UVA ne sont pas arrêtés par les nuages, ni par les vitres d’ailleurs. Ce sont pourtant ces UVA qui, en pénétrant profondément dans le derme, sont responsables du photovieillissement de la peau. A contrario, les patients utilisent parfois comme contre-argument la nécessité de synthèse de vitamine D par la peau grâce au soleil mais il faut savoir que, même si nous n’avons pas de chiffres précis, quelques minutes par jour suffisent largement, y compris lors de journées nuageuses.