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PHARMACIEN RÉFÉRENT EN EHPAD : UNE MISSION EN GESTATION
Le profil du pharmacien référent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes s’affirme au fil des expérimentations. Reste à l’imposer définitivement au sein de l’équipe soignante et à fixer sa rémunération.
Qu’est-ce qu’être pharmacien référent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ?
C’est la loi hôpital, patients, santé et territoires de 2009 qui institue la mission de pharmacien référent en Ehpad sans pharmacie à usage intérieur (PUI). Une circulaire du ministère de la Santé de novembre 2009 énumère ses attributions dans le cadre d’une expérimentation. Mais elle ne précise pas le profil du pharmacien référent. Dans les faits, il peut être titulaire d’officine ou, plus souvent, adjoint. « Cela peut lui permettre de diversifier son activité », estime Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D de l’Ordre des pharmaciens. D’autre part, il faut distinguer le pharmacien référent de celui qui fournit les médicaments aux résidents des Ehpad, le plus souvent sous forme de préparation des doses à administrer (PDA). Les deux se confondent généralement. « Il est difficile d’imposer un protocole sur la préparation des ordonnances à délivrer si l’on n’est pas les deux à la fois », pointe Christophe Wilcke, président de l’URPS pharmaciens du Grand-Est, à l’origine d’une expérimentation sur cette nouvelle fonction. Rien n’indique qu’il faille un pharmacien référent unique par Ehpad. La mission peut être assurée conjointement par deux adjoints d’une officine ou par deux pharmaciens qui approvisionneraient l’établissement.
Quelles sont ses missions ?
La circulaire de novembre 2009 détaille ses prérogatives. Elles doivent être mentionnées dans la convention qui lie l’officine à l’Ehpad. Le pharmacien référent établit avec le médecin coordonnateur la liste des médicaments utilisés de façon préférentielle dans chaque classe pharmacothérapeutique. Cette liste permet aussi de ne pas multiplier les références prescrites et de faciliter la PDA. Le pharmacien référent veille à l’organisation et à la sécurisation du circuit des médicaments entre officine et établissement. En outre, il est chargé de former et d’informer les soignants sur les nouveautés en matière de médicaments. Les pharmaciens référents peuvent aussi réaliser des bilans de médication. « Faisant partie intégrante de l’acte de dispensation, ils sont plutôt du ressort du pharmacien qui fournit les médicaments », considère Christophe Wilcke. Pharmacienne adjointe et référente en Ehpad dans les Yvelines, Marie Leterme effectue des bilans de médication dans le cadre de l’expérimentation Optimed (voir encadré) : « Ils sont facilités par l’accès donné aux dossiers médicaux des patients, avec leur accord ». Cette énumération des missions n’est pas exhaustive. « Le pharmacien référent peut aussi s’impliquer dans la mise en œuvre de thérapies non médicamenteuses, avec des propositions en aromathérapie par exemple », complète Christophe Wilcke. Cela peut aller jusqu’à aider les Ehpad à mieux gérer leurs commandes de dispositifs médicaux auprès de plateformes d’achat.
Comment est-il perçu par le personnel de l’Ehpad ?
« Equipes soignantes et patients ont besoin de la présence d’un pharmacien au sein d’un Ehpad. Elle semble absolument nécessaire même si aucun texte ne la rend obligatoire à ce jour », insiste Jérôme Parésys-Barbier. Les pharmaciens référents sont souvent les bienvenus. « Le conseil pharmaceutique délivré aux médecins en ville est aussi profitable en Ehpad. Les pharmaciens ont un avis plutôt intéressant et utile pour les résidents », affirme Pascal Meyvaert, président du Syndicat des médecins coordonnateurs d’Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres-Confédération des syndicats médicaux français (SMCG-CSMF). A la différence du fournisseur de médicaments, le pharmacien référent n’est généralement pas perçu comme un prestataire de l’établissement. Il est intégré au sein de l’équipe soignante. « Le modèle est proche de celui de l’hôpital, où nous serions en quelque sorte chargés de la conciliation médicamenteuse », témoigne Marie Leterme. Mais le pharmacien n’est pas salarié de l’établissement au même titre que les infirmières. « Pourtant l’Ehpad nous demande de tenir un rôle de contrôle, par exemple du stock d’urgence. Je préfère donner en amont des recommandations pour constituer ce stock plutôt que d’avoir à le contrôler », rapporte l’adjointe. Le pharmacien référent constitue plus encore un appui en l’absence de médecin coordonnateur, ce qui est le cas dans le tiers des établissements. Il peut aussi être « juge de paix » quand un différend survient entre médecins. Et reste un point de stabilité dans un secteur où les postes d’infirmiers et de directeurs d’Ehpad connaissent d’importants turnover.
Quelle rémunération ?
La mission de pharmacien référent n’est pas rémunérée à l’heure actuelle. Elle était fixée à 0,35 € par résident et par jour lors de l’expérimentation lancée en 2009. Un montant insuffisant qui devrait plutôt avoisiner 0,50 €. « Le pharmacien peut prendre toute sa place dans notre pratique de la déprescription. Cette implication serait en opposition avec une démarche commerciale. C’est donc une anomalie que sa mission ne soit pas rémunérée », relève Pascal Meyvaert. Reste également à fixer la régularité de la présence en Ehpad, selon un modèle qui pourrait être calqué sur celle du médecin coordonnateur (équivalent temps plein en fonction du nombre de résidents). « Pour moi, cela ne fait pas un temps complet, relève Marie Leterme. L’officine qui m’emploie comme pharmacienne référente me rémunère aussi pour laPDA de sorte que je lui apporte tout de même une certaine productivité. » En pointe sur ce sujet de la rémunération, Christophe Wilcke reste en alerte. « Nous avons en main un décret
* Décret n° 2026-1814 du 21 décembre 2016.
UN MODÈLE D’ACTIONS ET DE RÉMUNÉRATION EN EXPÉRIMENTATION
Le projet Optimed est une expérimentation lancée en Ile-de-France en juillet 2021 sur le modèle « article 51 » (voir page 80). Huit pharmaciens d’officine y participent en appui dans sept Ehpad pendant une durée de trois ans. L’objectif est d’évaluer la mission de pharmacien référent, portée à hauteur de quatre heures par semaine (au taux horaire de 40 €, soit un forfait annuel de 8 320 €). Un paiement à la performance partagé à parts égales entre pharmacien, établissement et médecins traitants est également expérimenté.
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