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Vaccin antipaludique : on l’entend approcher, sans le voir
Les vaccins anti-Covid-19 ont été mis à disposition un an à peine après le début de la pandémie, et sont toujours sous les feux de la recherche. Le paludisme attend, lui, son premier vaccin, alors que la maladie a causé plus de 600 000 morts rien qu’en 2020.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 241 millions de personnes ont été atteintes de paludisme dans le monde en 2020, dont 94 % des cas dans les zones tropicales d’Afrique. L’objectif de diminution de 40 % de l’incidence globale et du taux de mortalité en 2020 par rapport à 2015, défini par l’institution, n’a donc pas été atteint. La situation est d’autant plus préoccupante que, depuis plusieurs années, les moustiques craignent de moins en moins les insecticides et les parasites acquièrent des résistances aux molécules antipaludiques. D’où les nouvelles recommandations en matière de chimioprophylaxie et l’abandon de la chloroquine, en 2022, dans cette indication en raison d’une balance bénéfice/risque défavorable. La question d’un vaccin antipaludique semble donc légitime, mais celui-ci tarde à arriver sur le marché.
Une cible difficile à cerner
Les recherches ont débuté il y a des décennies mais elles se heurtent à un ensemble de facteurs. Selon Olivier Silvie, médecin et directeur de l’équipe biologie et immunologie du paludisme au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Inserm/Sorbonne Université/CNRS), « la première difficulté vient de la maladie en elle-même. Si on compare au Sars-CoV-2, on ne connaissait pas spécifiquement ce virus mais sa structure était proche de tous les autres coronavirus et on avait déjà identifié la protéine Spike, ce qui a facilité la création d’un vaccin. Dans le cas des Plasmodium, nous retrouvons deux hôtes différents, le moustique et l’homme, et les antigènes exprimés ne sont pas les mêmes selon les stades de développement du parasite ». Un véritable obstacle pour sélectionner une cible vaccinale, indispensable pour mettre en place une stratégie de recherche.
Et ce n’est pas le seul rencontré par les chercheurs. Une autre difficulté tient à la diversité des variants du parasite. Cette diversité est non seulement temporelle mais aussi géographique. « D’un pays d’Afrique à l’autre, nous ne retrouvons pas forcément le même Plasmodium et, quand les recherches en laboratoire portent sur un génome, celui-ci peut être différent de ceux qui circulent au même moment. Avoir une cible conservée dans ces conditions est très compliqué », explique Olivier Silvie. Il existe également un phénomène d’échappement spécifique au parasite qui possède 60 gènes variants et qui peut, de ce fait, exprimer des protéines différentes au cours de l’infection des cellules humaines de sorte que les anticorps neutralisants ne puissent pas jouer leur rôle.
Autre frein : l’infection n’induit pas de réponse immunitaire protectrice immédiate. En fait, au fil des infections, les personnes voient leur sensibilité diminuer, jusqu’à devenir parfois porteuses asymptomatiques. Il s’agit d’une protection clinique qui explique le nombre de cas graves et le taux de mortalité chez les enfants en bas âge. Dans ce cas, « créer un vaccin capable d’induire une réponse immunitaire protectrice revient à faire mieux que la nature, c’est compliqué ! », regrette Olivier Silvie.
Enfin, le paludisme reste « une maladie d’Afrique centrale et cela représente une population peu rentable pour les entreprises pharmaceutiques à but lucratif. C’est sans conteste un autre frein pour le développement clinique et les investissements », lance l’expert.
Un espoir en « ix »
Malgré tous ces obstacles, le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) a mis au point RTS, S, autrement nommé Mosquirix, premier vaccin antipaludique susceptible d’être mis sur le marché à court terme. Il utilise la technologie des vaccins sous-unitaires recombinants (comme pour les infections à pneumocoques ou à papillomavirus) grâce à une protéine de P. falciparum (la protéine circumsporozoïte) combinée à des antigènes de surface du virus de l’hépatite B. Le vaccin contient également l’adjuvant AS01 pour stimuler la réponse immunitaire.
Conçu en 1987 par la firme britannique, il a fait l’objet d’une étude clinique de phase III auprès d’un peu plus de 15 000 enfants dans sept pays d’Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie). Les résultats ont conclu à une réduction significative des cas graves et mortels avec une protection d’environ 30 à 40 %. « Pouvoir sauver 4 enfants sur 10, quand on voit le nombre de décès annuels, c’est déjà beaucoup », assure Olivier Silvie. Compte tenu de ces résultats encourageants, une étude à plus grande échelle a été mise en place et, sans attendre les résultats définitifs, l’OMS a recommandé en octobre 2021 l’utilisation de Mosquirix pour la prévention du paludisme à P. falciparum chez les enfants vivant dans des régions où la transmission est modérée à élevée. Indiquée chez les enfants âgés de 6 semaines à 17 mois, cette vaccination suit un schéma d’administration en quatre doses, trois doses à un mois d’intervalle et une dose de rappel 18 mois après. « Cette dose de rappel n’était dans un premier temps pas prévue, mais l’immunité tend à diminuer au fil du temps, d’où l’incorporation d’une quatrième dose au schéma vaccinal. Elle peut être problématique dans le cadre du suivi des campagnes de vaccination qui n’est pas aisé dans ces pays », souligne l’expert.
De nouvelles pistes à l’étude
Loin de se satisfaire de ces premières avancées, la lutte contre le paludisme ne compte pas en rester là. Plusieurs pistes sont désormais envisagées pour améliorer le RTS, S ou favoriser l’émergence de nouveaux vaccins.
Ainsi, le remplacement de l’adjuvant AS01 par un autre plus puissant, notamment le Matrix-M, fait actuellement l’objet d’études (candidat vaccin R21). Tout comme l’association du vaccin Mosquirix à une chimioprévention du paludisme saisonnier (association sulfadoxine/pyriméthamine et amodiaquine) qui, selon les premiers résultats obtenus, a réduit d’environ 70 % les épisodes cliniques de paludisme, les hospitalisations pour paludisme grave et les décès de personnes contaminées.
La recherche de nouveaux vaccins s’oriente, elle, vers d’autres familles. Alors que les essais de vaccins à vecteurs viraux n’ont pour le moment pas démontré de réelle efficacité, la technologie des vaccins à ARN messager semble plus prometteuse. La piste des vaccins vivants atténués est aussi à l’étude mais ne semble pas probante pour une vaccination de masse, notamment en raison d’une approche expérimentale très coûteuse à la réalisation et à la production.
Pour le voyageur, la prévention du paludisme repose d’abord sur la protection personnelle contre les piqûres de moustique et, dans les zones à risque modéré ou élevé, sur une chimioprophylaxie antipaludique. Encore pour un moment.
UN PARASITE POTENTIELLEMENT MORTEL
Le paludisme est une maladie infectieuse pouvant être mortelle, qui touche surtout les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Le parasite responsable du paludisme humain est un Plasmodium. On en dénombre cinq espèces dont deux sont particulièrement dangereuses : P. falciparum (le plus répandu sur le continent africain et celui qui provoque le plus de décès) et P. vivax. Ils se transmettent par piqûre d’un moustique femelle du genre Anophèle, lui-même infecté après avoir piqué une personne malade. Les populations les plus à risque de développer une affection sévère sont les enfants de moins de 5 ans (ils représentent trois quarts des décès en 2020), les femmes enceintes et les personnes à faible immunité, qu’il s’agisse d’une immunodéficience due au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou d’une absence d’immunité chez les personnes jamais exposées au Plasmodium, comme les voyageurs.
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