La téléconsultation prend du galon
Quatre ans après la crise sanitaire qui a contribué à son décollage, où en est la téléconsultation aujourd’hui ? La simplicité d’installation et d’utilisation des dispositifs actuellement sur le marché facilite ce service qui dynamise les missions officinales. Témoignages.
Avant la pandémie de Covid-19, rares étaient les officines qui proposaient un service de téléconsultation. Et l’usage qu’en faisaient leurs patients était encore assez exceptionnel. Passé la période exceptionnelle de crise sanitaire, il semble que la mayonnaise soit en train de prendre. A la Grande Pharmacie de Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, Morgan Remoleur vient de faire installer une cabine de téléconsultation juste à côté de la rangée des comptoirs. Le titulaire est en train de réaménager l’officine qu’il a reprise il y a quelques mois dans l’optique notamment de développer la vente de médicaments sur ordonnance. « Quand on met en place ce type de dispositif, c’est un élément marqueur, cela montre que la pharmacie est investie dans les nouveaux services », explique-t-il. Morgan Remoleur est loin d’être le seul. Déjà plus d’un millier de dispositifs de téléconsultation ont été déployés dans le réseau officinal par la marque Tessan, créée en 2018. « Les pharmaciens représentent plus de 90 % de nos clients partenaires. Nos solutions de téléconsultations ont été pensées pour eux. Celles qui existaient jusqu’alors n’étaient pas forcément les plus adaptées aux officines », explique Jordan Cohen, fondateur de la jeune entreprise.
Des heures de pointe au cabinet médical
Tessan propose ainsi plusieurs types de dispositifs de téléconsultation, de la télécabine fermée entièrement équipée et insonorisée mais relativement encombrante aux bornes et autres consoles qui peuvent être installées dans l’espace de confidentialité. « Depuis le début de l’année, nous comptons environ 2,5 téléconsultations par jour en moyenne dans nos pharmacies partenaires, indique Jordan Cohen. C’est plus que dans les autres lieux où nos dispositifs sont implantés, comme les mairies, les magasins d’optique ou les cabinets infirmiers. » Les patients peuvent trouver un rendez-vous de téléconsultation en officine sur l’application Doctolib ou se présenter directement. Dans ce cas, le temps d’attente pour obtenir un médecin est estimé à 8 minutes en moyenne. Le dispositif est loué au pharmacien sous forme d’abonnement. Le tarif pour une cabine est de 489 € par mois avec un engagement de 60 à 72 mois. Il s’élève à 229 € pour une borne et à 99 € pour une console. « L’investissement peut être remboursé grâce à la participation financière de l’Assurance maladie et à la rémunération sur objectifs de santé publique », précise le dirigeant. Les médecins téléconsultants travaillent pour un centre de santé qui salarie environ 200 praticiens. Tessan pourra prochainement internaliser la ressource médicale, ayant obtenu son agrément en tant que société de téléconsultation. Neuf fois sur dix, la téléconsultation donne lieu à la rédaction d’une ordonnance que le patient a la possibilité de se faire délivrer dans la même officine, s’il le souhaite. « Les téléconsultations ont surtout lieu au moment où les généralistes sont le moins disponibles, soit le lundi et le vendredi, et en journée entre 11 heures et 14 heures et entre 17 heures et 20 heures », observe Jordan Cohen. Sa société vise un objectif de 1 500 dispositifs installés à la fin de l’année et 2 500 l’an prochain.
D’abord rendre service aux patients
A L’Union, dans l’agglomération toulousaine, la Pharmacie Lafayette a installé une borne Medadom dans le plus petit de ses quatre espaces consacrés aux services pharmaceutiques. Le dispositif comprend otoscope, dermatoscope, stéthoscope, oxymètre, thermomètre et tensiomètre. L’espace est restreint mais de taille suffisante pour pouvoir y accompagner les patients en cas de besoin. « L’idée est qu’ils n’attendent pas leur téléconsultation à l’intérieur de la pièce car nous avons parfois constaté des dégradations de matériel pendant les temps d’attente, explique le titulaire Julien Chhuy. Dès que le médecin est disponible, le patient qui n’a pas pris rendez-vous est prévenu par SMS. » La personne peut être guidée, que ce soit pour s’enregistrer si elle n’est pas à l’aise avec l’appareil ou si elle doit être accompagnée dans la consultation, par exemple pour la prise des constantes ou l’auscultation. Les téléconsultations durent cinq minutes en moyenne et la fréquentation est de trois à quatre patients par jour dans cette pharmacie. « Nous ne proposons pas la téléconsultation pour la rémunération que l’on peut en tirer mais pour rendre service aux patients. C’est un outil qui prend en charge un certain nombre de situations, notamment le samedi », témoigne le pharmacien de Haute-Garonne. Ce service peut tout de même engendrer des prescriptions et dynamiser les missions officinales. « Dans le cas des angines, il est fréquent que le médecin téléconsultant prescrive un test avec une ordonnance conditionnelle pour l’antibiotique. » Outre la simplicité d’installation et d’utilisation des dispositifs de téléconsultation actuellement sur le marché, le décollage de la pratique doit à la fois à la progression des déserts médicaux et à la modification de la réglementation. C’est à partir de septembre 2019 que les pharmaciens ont pu commencer à proposer des téléconsultations mais dans le cadre strict d’un parcours de soins et en structure d’exercice coordonné. La crise sanitaire a fait sauter ces verrous réglementaires. Les téléconsultations mises en œuvre à l’officine ont ensuite été cadrées dans la convention pharmaceutique de mars 2022 avec la création d’un code traceur. D’où le décollage de la pratique à laquelle on assiste actuellement.
Les gardes pharmaceutiques revalorisées
L’avenant à la convention nationale pharmaceutique signé le 10 juin 2024 prévoit une revalorisation des astreintes et des honoraires de garde et crée également, à la demande des syndicats, un nouvel honoraire de garde de « nuit profonde » entre minuit et 6 heures du matin. Concrètement, l’indemnité d’astreinte est rehaussée à 200 € au lieu de 190 euros pour la nuit, la journée du dimanche et le jour férié. Les honoraires de garde sont fixés à 10 € TTC par ordonnance entre 20 heures et minuit et entre 6 et 8 heures, à 20 € TTC entre minuit et 6 heures et à 6 € les dimanches et jours fériés. Au départ, le sujet n’était pas au programme des négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les syndicats de pharmaciens. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), en premier, a voulu le mettre sur la table. Les secteurs de garde avaient été définis dans les années 2010 avant que le maillage ne commence à connaître une déstabilisation dans certains départements. Avec les fermetures d’officines, les tours de garde reviennent plus souvent au risque d’épuiser les pharmaciens. Les syndicats revendiquent une réorganisation des secteurs des gardes qui est en train de s’opérer dans certains départements sous l’égide de la profession. L’USPO souhaiterait également la généralisation de solutions expérimentées sur le terrain comme la délivrance de la première dose d’antibiotiques par les urgences hospitalières qui ont pris en charge le patient. Les syndicats réclament en outre une redéfinition claire de la notion d’urgence pharmaceutique. Ceci pour éviter de nouvelles condamnations disciplinaires comme celle qui a frappé récemment un pharmacien des Pays de la Loire qui avait refusé d’ouvrir son rideau pour délivrer un tire-tique.
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