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Pharmaciens de ville et hospitaliers : l’union sacrée autour des entretiens

Publié le 22 juin 2024
Par Véronique Hunsinger
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Plusieurs expérimentations en cours visent à faire travailler, main dans la main, pharmaciens d’officine et hospitaliers. Cette étroite collaboration, testée notamment dans le cadre de bilans partagés de médication et pour le suivi de patients sous anticancéreux oraux, porte déjà ses fruits. 

 

Le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a ouvert la voie à des expérimentations permettant de déroger aux règles habituelles et de tester des schémas innovants. Elle a été l’occasion pour les pharmaciens hospitaliers et officinaux de travailler ensemble. Avec, à la clé parfois, la mise en œuvre de bilans médicamenteux en officine. C’est, par exemple, le cas de l’expérimentation Octave qui a pour objectif de sécuriser l’accompagnement médicamenteux des patients de plus de 65 ans dans le cadre d’une hospitalisation en Bretagne et dans les Pays de la Loire. En pratique, lors d’une hospitalisation programmée dans l’un des 12 établissements de santé participants, le patient bénéficie de deux bilans médicamenteux réalisés par le pharmacien d’officine, un avant et l’autre après son séjour à l’hôpital. Parallèlement, une conciliation des traitements d’entrée et de sortie est également réalisée par l’établissement. Un accompagnement au domicile du patient peut être effectué par l’infirmière libérale et/ou le kinésithérapeute. Enfin, un bilan partagé de médication est effectué par le pharmacien d’officine en lien avec le médecin traitant.

 

« Les porteurs de projets ont été les unions régionales des professionnels de santé (URPS) pharmaciens des deux régions en collaboration avec les URPS des autres professions, notamment médecins et infirmiers, rapporte Axel Carde, pharmacien chef du projet Octave. Donc, au départ, c’est parti de la ville. » Certains hôpitaux se sont immédiatement portés volontaires pour participer au projet, d’autres ont d’abord dû être convaincus. Dans les deux régions, ce sont 675 officines qui sont à présent parties prenantes. « Nous avons presque été surpris par l’adhésion et l’intérêt de nos confrères de ville, témoigne le chef de projet. 90 % des pharmacies que nous avons sollicitées ont donné une suite favorable. Cela dénote une volonté affirmée de la profession de s’ouvrir et de valoriser ses compétences. » Après trois prolongations – notamment en raison de la crise du Covid-19 –, l’expérimentation arrivera à son terme le 31 juillet prochain. Viendra ensuite le temps d’en tirer un bilan définitif.

Un repérage du risque en officine

 

C’est en revanche de l’hôpital qu’est partie l’expérimentation Iatroprev. Menée selon le modèle de l’article 51, elle affiche des objectifs similaires : réduire l’iatrogénie médicamenteuse chez les patients âgés. Portée par les centres hospitaliers universitaires (CHU) d’Amiens (Somme) et de Lille (Nord), elle est soutenue par les URPS médecins et pharmaciens des Hauts-de-France. « Les pharmaciens étaient, dès le départ, plus partants que les médecins. Ceux-ci se méfient peut-être davantage de ce qui vient de l’hôpital », considère Chloé Cornille, interne en pharmacie au service de médecine gériatrique du CHU d’Amiens.

 

L’entrée dans le dispositif du patient, qui doit avoir plus de 75 ans et prendre plus de 10 médicaments prescrits, peut se faire en théorie par deux voies : en ville, à la suite d’un repérage par le médecin traitant ou le pharmacien d’officine ou à l’hôpital, au détour d’une hospitalisation. « En pratique, il y a très peu de patients qui ont été proposés par la ville, sauf quand il y a des étudiants de 6e année en stage à l’officine, constate Chloé Cornille. Le principal motif d’inclusion, c’est quand il y a trois modifications thérapeutiques sur l’ordonnance du patient à sa sortie d’hospitalisation. Dans ce cas, nous proposons une réunion pluridisciplinaire par téléphone entre le gériatre, le pharmacien clinicien de l’hôpital, le pharmacien d’officine et le médecin traitant. Cela dure en moyenne une dizaine de minutes. Nous discutons des modifications qui ont été faites pendant l’hospitalisation, ainsi que des recommandations de suivi clinicobiologiques et de vaccination ». L’hôpital peut demander un bilan de médication à l’officine en amont, mais ce n’est pas systématique.

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Les anticancéreux oraux au cœur d’une expérimentation

 

Pour sa part, l’expérimentation Partage GHT 49, lancée dans le Maine-et-Loire en septembre 2020, a la particularité de ne pas avoir été montée dans le cadre d’une expérimentation de type article 51. Mais sa philosophe est comparable aux exemples précédents. Financé par l’agence régionale de santé, le projet est né, selon elle, des « difficultés récurrentes dans la transmission des données, en particulier médicamenteuses, et par un déficit de communication entre pharmacies officinales et hospitalières ». Pour renforcer ce lien, deux solutions ont été mises en place : la création d’une plateforme numérique de conciliation et de partage de données, nommée Hospiville, et l’organisation de rencontres locales dans tout le département. Dans le Grand-Est, l’expérimentation article 51 Onco’Link concourt au suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux et inclut à la fois le médecin traitant et le pharmacien d’officine. Ce dernier a pour rôle de recueillir les autres traitements en cours, d’expliquer la prise médicamenteuse et d’évaluer la compréhension du patient.