Un modèle d’organisation
En s’installant dans une « grosse officine » de centre commercial, Christophe Drocourt et Simon Dupuit savaient qu’il fallait pratiquer des prix compétitifs. Mais pas seulement. C’est grâce à leur sens de l’organisation que la croissance est toujours au rendez-vous six ans plus tard.
Quand, en juin 2007, Christophe Drocourt et Simon Dupuit achètent la Pharmacie du centre commercial Val de Fontenay (Val-de-Marne), les deux titulaires – qui se sont rencontrés sur les bancs de la fac et associés depuis 15 ans – pressentent son potentiel. Le point de vente est installé à la sortie de l’hypermarché Auchan – parmi les plus grands de France avec ses 60 caisses –, dans la galerie marchande où se trouvent Yves Rocher, Marionnaud, Alain Afflelou… Une variété de d’enseignes qui draine tant la clientèle multiethnique et populaire du quartier que les milliers d’employés de bureaux des alentours. Les pharmaciens estiment dès le départ que l’activité hors prescription, qui pèse alors 22 % du chiffre d’affaires, peut largement progresser et les ventes totales décoller. Ils ont vu juste.
Le secret du succès de cette officine de la proche banlieue est de Paris n’est pas uniquement dû à son emplacement, il tient surtout à son organisation. La répartition actuelle des tâches résulte d’une longue expérience. Dans leur première pharmacie, à Montgeron (Essonne), les titulaires ont appris à gérer la croissance, en renforçant l’équipe de 4 à 11 personnes en moins de 10 ans. Pas de doute pour eux, il ne peut y avoir de développement sans un minimum d’ordre et de méthode. Rendre le point de vente conforme à la norme ISO 9001, il y a deux ans, a poussé à structurer davantage les process. Christophe Drocourt et Simon Dupuis ont peaufiné l’organisation au fil du temps. « Pendant les trois premières années, nous avons organisé une réunion mensuelle avec l’équipe pour expliquer notre démarche. Désormais, il n’y en a plus qu’une par an. Nous avons appris à déléguer », remarque Christophe Drocourt.
Aujourd’hui, toutes les tâches sont dispatchées au sein de l’équipe. Et le rôle de chacun est clair. Même pour les titulaires. Christophe Drocourt s’occupe du sell-out (du flux des produits depuis la réserve jusqu’en rayon) et de la gestion du personnel, Simon Dupuit des achats. Fait rare en pharmacie, ce dernier est largement épaulé par deux collaboratrices – lesquelles, de plus, ne sont pas pharmaciennes. Evelyne, préparatrice, consacre 80 % de son temps aux commandes et la conseillère, Hassiba, 20 % (en se concentrant sur les cosmétiques). Elles ont été sollicitées pour leur « caractère propice à la négociation » et, là aussi, les titulaires ont vu juste. Aujourd’hui la moitié des achats passe entre leurs mains.
Les adjointes, supérieures hiérarchiques du reste de l’équipe, ont également chacune leur rôle. Par exemple, Arberie définit les challenges commerciaux tous les mois : elle fournit à chacun une fiche des objectifs, récompensés par des bons d’achats. Elle a aussi la mission de résoudre les conflits avec la clientèle au comptoir (en particulier à propos des génériques). Sa collègue Mai, elle, s’occupe du planning. De même, les préparatrices ont chacune une responsabilité (homéopathie, orthopédie, vétérinaire…) en doublon avec un suppléant. Quant aux conseillères, elles disposent d’un rayon cosmétique attitré qu’elles doivent maintenir en ordre. « Il nous faudrait une sorte d’adjoint pour superviser et gérer la parapharmacie, mais c’est difficile à trouver », confie Christophe Drocourt. Enfin, les quatre rayonnistes savent également à quoi s’en tenir. Deux approvisionnent l’automate, et deux autres gèrent les flux de la réserve hors médicament, située à l’extérieur de l’officine. Ici, grâce à la répartition précise des tâches, l’officine peut tourner sans les titulaires, même si en réalité les deux hommes sont toujours sur le terrain.
Améliorer l’offre et la logistique
Déléguer a permis au duo de se concentrer sur la stratégie : développer la parapharmacie, rendre la surface de vente plus attractive et rationaliser le back officine. Des premiers travaux sont réalisés en 2007. Coïncidence ou pas, c’est à ce moment-là que le supermarché Auchan voisin choisit d’ouvrir sa propre para, dans la galerie marchande, à deux pas de là. La pharmacie s’habille de codes inspirés du bio et de la nature avec un sol aux allures de parquet. Côté logistique, une organisation bien huilée devient obligatoire pour anticiper une montée en puissance des ventes. C’est dès le départ que l’officine se dote d’un automate de 3 000 canaux (d’environ 150 000€). Aujourd’hui 90 % des médicaments y transitent à l’étage.
En parapharmacie, depuis le début, les titulaires augmentent la quantité de références. « Il faut avoir tous les leaders », explique Christophe Drocourt. L’officine a petit à petit accueilli des marques comme Uriage et Bioderma, développé la médecine naturelle et les huiles essentielles… Résultat de la stratégie, entre 2007 et 2010, le chiffre d’affaires grimpe de 5,6 à près de 7 millions d’euros. A l’occasion de la reprise d’un local voisin, une seconde vague de travaux a été réalisée en 2010. Objectif : agrandir de 60 m2 la surface de vente pour valoriser l’offre et les promotions. Le rayon bébé passe de un à quatre linéaires (avec trois marques de lait et de lingettes…) et devient un « point fort » de la boutique. Aujourd’hui, la Pharmacie Val de Fontenay dispose de plus de 6 000 références.
Gérer le parcours client
Le point de vente actuel a aussi été pensé et structuré pour limiter l’attente aux caisses. Il faut dire qu’avec plus de 1 000 clients par jour, c’est un véritable challenge. En forme d’U – une configuration difficile pour assurer la fluidité –, le point de vente s’organise en deux grandes zones thématiques. A gauche, l’espace, tout en longueur, est essentiellement réservé aux produits pour bébé et aux cosmétiques « plaisir » (Nuxe, Caudalie…). On y trouve également les produits pour la minceur, le sport et les cheveux. Cet espace « bébé et beauté » est doté d’une caisse spécifique pour la parapharmacie, gérée par deux conseillères en cosmétique. Le côté droit, beaucoup plus vaste, est plus proche du cœur de métier. Il débute par le rayon de médicaments en libre accès et une caisse « hors ordonnance ». Les muraux sont consacrés à la dermocosmétique, au médicament derrière les 8 comptoirs, et à la diététique (avec les compléments alimentaires, l’aromathérapie et la phytothérapie). Au centre, les gondoles basses présentent l’offre de parapharmacie classique comme l’hygiène, les dentifrices ou les solaires. Avec trois pôles de caisses (pour les ordonnances, pour le « hors ordonnances » et pour le « hors médicaments »), l’officine a finalement réussi à répartir le flux de clientèle.
Pour optimiser le sell-out, les titulaires ont aussi rejoint le tout jeune groupement Côté Pharma en 2010. Objectif : bénéficier de son concept merchandising et de ses supports de communication. Si la pharmacie est sous enseigne Côté Pharma, les titulaires ont pris le temps de réfléchir l’agencement et le parcours client avec le groupement, mais aussi avec le consultant Hubert Gobin-Daudet.
Multiplier les promotions
Les titulaires ont fait le pari de la profusion de l’offre, mais également celui de tarifs bas, pour répondre aux attentes de leur clientèle, et pour faire face à la concurrence voisine de l’hypermarché Auchan et de sa parapharmacie. L’officine affirme son image prix sans complexe dans le cadre d’une stratégie elle aussi structurée. Leur pari : utiliser l’attractivité de leur offre en parapharmacie pour faire revenir la clientèle avec une ordonnance. Ainsi, les produits leaders bénéficient de prix planchers tout au long de l’année, comme le lait Gallia vendu à raison de 1 000 boîtes par mois, quasi sans marge. « Les laits que nous avons en commun avec Auchan sont moins chers chez nous », se félicite Christophe Drocourt.
Depuis 2010, aux promotions maison s’ajoutent toutes celles de Côté Pharma. Certaines font mouche. Comme celle où, pour 30 € d’emplettes en juillet, on décroche un bon d’achat de 7,50 € sur un achat de 30 € en septembre. Aujourd’hui, dès l’entrée principale, les prix bas ne peuvent échapper aux chalands, qu’il s’agisse du libre accès ou de la parapharmacie. De la vitrine aux caisses, l’officine est ponctuée de plots promotionnels. Se succèdent les têtes de gondole, les bacs, le mur promotionnel, les opérations « prix bas », « prix légers », « promo lots »… (lire l’analyse d’Actes d’achats page 25). En vitrine, une affiche « Le Mieux du mois » présente les produits en promotion et un écran la campagne du mois. Dans les rayons, la couleur jaune annonce des tarifs préférentiels. Comme chez Auchan ! Toutefois, l’ambiance est plutôt chaleureuse grâce à un fond musical permanent, un sol qui imite le bois, un diffuseur d’odeur changé au fil des saisons. En prime, le rangement des produits est en permanence impeccable. La signalétique claire et les codes couleurs sobres semblent adaptés à une clientèle variée et métissée.
Continuer à innover
Sans cesse en réflexion, les titulaires continuent à innover. En juin, ils ont testé un coin discount (voir ci-contre). Bien conscients également qu’à l’heure actuelle il faut trouver un équilibre entre la parapharmacie et le cœur de métier, ils comptent aussi se lancer dans les entretiens pharmaceutiques et valoriser davantage leur offre en orthopédie. Mais, déjà, l’organisation structurée a porté ses fruits. Depuis l’agrandissement (ajout de l’aile gauche), les rayons bébé et dermocosmétique sont devenus leaders. La part du hors prescription est passée de 22 à 44 % ! Et 2013 s’annonce un bon cru. A fin juin, si les ventes des médicaments délivrés sur ordonnance stagnaient, celles de la médication familiale augmentaient de 5 % et la para de 10 %. Et ce, après avoir affiché pendant deux années consécutives respectivement + 20 % et + 30 % !
Pharmacie Val de Fontenay, Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne)
→ Equipe : 2 titulaires, 4 adjoints, 9 préparateurs, 4 conseillères, 4 rayonnistes, 2 secrétaires.
→ CA TTC 2012 : 8,32 M€ (+ 9,5 % versus 2011)
→ CA TTC à l’achat en juin 2007 : 5,6 M€
→ Taux de marge remise génériques incluses 2012 : 29,98 %
→ Taux de marge remise génériques incluses 2011 : 30,12 %
→ Coût des travaux : 190 000 €
→ Surface totale : 300 m2 (+ une réserve de 200 m2)
→ Surface de vente : 180 m2
→ Fréquentation : 1 100 clients/jour
→ Panier moyen : 26,06 €
→ Répartition :
• 56,60 % de médicaments remboursables
• 23,72 % de médication familiale
• 19,68 % de parapharmacie
→ Groupement : Côté Pharma
→ Enseigne :
Côté Pharma
Back-officeLa réserve en lien permanent
Le stock de parapharmacie – et notamment les volumineux colis de laits Gallia – est entreposé dans une réserve de 200 mètres carrés installée à l’extérieur de la galerie commerciale. Recevoir les colis, les déballer, les contrôler et les renvoyer, c’est le travail de deux rayonnistes, assistés du titulaire Christophe Drocourt en personne. Ils sont en mesure de changer un linéaire d’une journée sur l’autre, par exemple pour implanter les eaux thermales en cas de chaleur soudaine. Un client veut acheter trois cartons de laits ou telle crème hydratante épuisée en rayon ? A tout moment, le lien avec l’équipe de vente dans la pharmacie est assuré. Cédric (à droite sur la photo) est doté d’un émetteur de la taille d’une boîte d’allumettes fixé à son épaule. Fini le temps où le jeune homme devait porter le combiné du téléphone dans sa poche ou traverser la réserve pour le retrouver ! L’organisation efficace se niche parfois dans des détails.
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