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Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH)

Publié le 1 octobre 2022
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PATHOLOGIE

Le TDAH en 4 questions

Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est un trouble du neurodéveloppement, aux causes encore méconnues à ce jour, altérant significativement le fonctionnement scolaire et social, ainsi que la qualité de vie.

1 DE QUOI S’AGIT-IL ?

• Le TDAH est un trouble du neurodéveloppement qui se manifeste généralement avant l’âge scolaire. Si certaines de ses caractéristiques peuvent se remarquer avant l’âge de 4 ans, le diagnostic est souvent posé beaucoup plus tardivement.

• Le TDAH est un syndrome associant trois symptômes dont l’intensité et les manifestations varient selon les patients :

– un déficit de l’attention : l’enfant est incapable de maintenir son attention et sa concentration (y compris avec ses jouets) ; facilement distrait par des stimuli externes, il donne l’impression d’être dans la lune, il lui arrive fréquemment d’oublier quelque chose et il perd souvent ses affaires ; il a des difficultés à s’organiser, à mémoriser, à mener un devoir ou une tâche ménagère à son terme et change d’activité sans réussir à en terminer une ;

– une hyperactivité motrice : l’enfant est en perpétuel mouvement, remue sans cesse les mains ou les jambes, a du mal à rester assis et à tenir en place lorsque les conditions l’exigent (en classe, il se lève au moindre prétexte) ;

– une impulsivité : l’enfant a du mal à attendre son tour, parle de façon excessive, a tendance à interrompre la conversation, à prendre la parole de lui-même, à répondre aux questions avant qu’elles soient finies ; il s’incruste dans les jeux sans avoir été invité à y participer (il peut se faire rejeter) ; il s’énerve facilement lorsqu’il n’arrive pas à accomplir une tâche. Cela peut faire le lit d’une intolérance à la frustration et d’accès de colère (60 % des cas).

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• Selon l’importance des symptômes, on distingue trois formes de TDAH : l’une avec prédominance des troubles de l’attention (47 % des cas), une autre avec prédominance de l’hyperactivité et de l’impulsivité (36 % des cas) et une troisième combinant les symptômes (17 % des cas). La forme avec prédominance du déficit de l’attention est plus fréquemment observée chez les filles. Plus discrète, elle est souvent repérée plus tardivement.

2 QUELLES SONT LES ÉVOLUTIONS ET LES COMORBIDITÉS ?

• En général, l’hyperactivité motrice tend à diminuer avec l’âge. L’inattention persiste mais n’est globalement pas majorée. Cependant, son retentissement est plus important à l’adolescence du fait d’une exigence scolaire accrue.

• Le TDAH est associé dans 20 à 60 % des cas à un trouble des apprentissages (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie). On peut rencontrer aussi un trouble de la coordination motrice (dyspraxie) ou un retard d’acquisition du langage oral (dysphasie). Le TDAH est aussi fréquemment associé à un trouble de l’opposition avec provocation ou TOP (désobéissance, contestation des règles, attitude provocatrice) et à des troubles des conduites (transgression des règles sociales) pouvant donner lieu à des comportements à risque à l’adolescence, notamment quand ils sont présents avant l’âge de 10 ans.

• Les répercussions familiales et scolaires en l’absence de diagnostic et d’une prise en charge adaptée ont des conséquences délétères : faible estime de soi, anxiété, dépression, difficultés relationnelles et sociales. Les conduites à risque et/ou addictives (par exemple consommation précoce d’alcool, de tabac, de cannabis, de stupéfiants, risque de suicide), souvent en relation avec l’impulsivité, sont également plus fréquentes à partir de l’adolescence.

• C’est pourquoi il est primordial de repérer précocement le TDAH et de le prendre correctement en charge. Le retard de diagnostic peut aggraver les conséquences scolaires, psychologiques et sociales alors que les traitements médicamenteux du TDAH ont montré une action protectrice au regard de ces risques. Par ailleurs, ils améliorent l’efficacité des séances de rééducation orthophonique. L’évolution est souvent meilleure que ce qui était supposé au début des prises en charge, moyennant aussi des aménagements pédagogiques (plan d’accompagnement personnalisé ou PAP) et un entraînement aux habiletés parentales en cas de trouble oppositionnel avec provocation (TOP).

3 COMMENT EST ÉTABLI LE DIAGNOSTIC ?

• C’est souvent à l’école que le TDAH est repéré. Le médecin traitant ou le pédiatre sont consultés en premier recours et orientent si besoin l’enfant vers un psychiatre, un pédopsychiatre, un neuropédiatre, un neurologue ou un pédiatre spécialiste du TDAH.

• En l’absence de tests de laboratoire ou d’imagerie spécifiques, le diagnostic repose sur l’anamnèse et l’examen clinique. Le diagnostic chez l’enfant est fondé sur une liste de 18 symptômes classés en deux groupes (inattention et hyperactivité/impulsivité). On évalue les symptômes pendant les six derniers mois et par rapport à un enfant du même sexe et du même âge. Le seuil est fixé à 6 symptômes sur les 9 listés dans chaque groupe.

• Ces symptômes doivent être observés dans au moins deux environnements différents (école, maison, loisirs), doivent perturber le fonctionnement scolaire et social et être apparus avant l’âge de 12 ans.

• Différents questionnaires remplis par les parents et les enseignants permettent d’explorer le comportement et le développement de l’enfant. L’échelle comportementale de Conners est un des questionnaires les plus fréquemment utilisés pour cette évaluation complémentaire, mais aussi pour surveiller l’efficacité de la prise en charge.

• Certains diagnostics différentiels doivent être exclus et des comorbidités recherchées : simple turbulence (souvent consécutive à une éducation inadaptée), déficit visuel ou auditif qui peut induire des difficultés attentionnelles, précocité intellectuelle, dysthyroïdie, trouble de l’élimination (énurésie, encoprésie), maladie atopique, troubles du spectre de l’autisme (lesquels sont fréquemment associés à d’autres troubles neurodéveloppementaux, notamment au TDAH dans 40 à 70 % des cas), trouble des apprentissages, dyspraxie, dysgraphie.

4 QUELLE EST L’ÉTIOLOGIE ?

La cause exacte du TDAH n’est pas connue. Les facteurs étiopathogéniques sont multiples et intriqués, précoces voire prénataux : des facteurs multigéniques, la prématurité, un faible poids de naissance, une souffrance néonatale, l’exposition au tabac, à l’alcool ou à la cocaïne pendant la vie utérine, une carence en fer, l’exposition au plomb seraient incriminés.

Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en institut de formation en soins infirmiers (IFSI)

PATHOLOGIE

Physiopathologie et pharmacodynamie

L’origine du TDAH n’est pas identifiée à ce jour. Un dysfonctionnement des transmissions catécholaminergiques est vraisemblablement impliqué.

PHYSIOPATHOLOGIE DU TDAH

• Le TDAH est un trouble du neurodéveloppement. Un retard de maturation notamment au niveau cortical est évoqué, avec un dysfonctionnement des systèmes noradrénergiques et dopaminergiques du cortex préfrontal (qui intervient dans la focalisation de l’attention) et du striatum (zone du cerveau qui régule la motivation et les impulsions et comprend entre autres le noyau accumbens).

• Le système noradrénergique est impliqué dans les processus d’attention et d’inhibition de réponse à des stimuli environnementaux perturbateurs. Le système dopaminergique l’est, pour sa part, dans la régulation des fonctions motrices et comportementales et dans le circuit de la récompense.

• Une hypoactivation catécholaminergique au niveau mésocortical (voie partant de l’aire tegmentale ventrale vers le cortex) expliquerait la sensibilité à l’interférence de stimuli parasites et les troubles des fonctions exécutives rencontrées dans le TDAH (comme les troubles de la mémoire de travail qui permet d’enchaîner les actions pour parvenir à un but, le déficit d’attention soutenue, les troubles de la programmation et de la séquentiation de l’action).

• Un dysfonctionnement des mécanismes de récompense au niveau du système mésolimbique (voie partant de l’aire tegmentale ventrale vers le noyau accumbens) expliquerait les troubles du contrôle des impulsions, l’intolérance à l’attente et à la frustration et le besoin de renforcement (récompense, gratification) immédiat.

LE TRAITEMENT DU TDAH

• Le traitement du TDAH est multimodal et pluridisciplinaire, associant une prise en charge psychothérapeutique et psychopédagogique et éventuellement un traitement médicamenteux. En France, la seule molécule à disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement du TDAH est le méthylphénidate. Il est indiqué chez l’enfant à partir de 6 ans. Son utilisation doit se fonder sur une évaluation rigoureuse de la gravité et de la chronicité des symptômes et être associée à la prise en charge non médicamenteuse. Cette approche plurielle s’avère la plus efficace pour agir sur l’ensemble des symptômes du TDAH.

• Le méthylphénidate est un stimulant du système nerveux central au mode d’action non parfaitement élucidé. C’est un sympathomimétique indirect qui augmente la concentration en monoamines dans les fentes synaptiques. Il agirait en inhibant la recapture présynaptique de la dopamine et de la noradrénaline par un mécanisme allostérique (c’est-à-dire en provoquant une modification de la conformation des protéines de recapture de la dopamine et de la noradrénaline).

• D’autres sympathomimétiques indirects (dexamfétamine, lisdexamfétamine) ou un inhibiteur de recapture de noradrénaline (atomoxétine) peuvent être parfois proposés hors AMM, en milieu hospitalier, en cas d’échec ou d’intolérance au méthylphénidate.

Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Institut de formation en soins infirmiers (IFSI)

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter le TDAH ?

La prise en charge du TDAH est multimodale, combinant différentes approches non médicamenteuses, et, éventuellement chez l’enfant de plus de 6 ans, un traitement médicamenteux, classiquement un psychostimulant.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Enfants de moins de 6 ans

Chez l’enfant de moins de 6 ans, seules les approches psychoéducatives (psychoéducation, guidance parentale, thérapie cognitivo-comportementale adaptée à l’âge, etc.) éventuellement associées à de la rééducation psychomotrice et/ou orthophonique en cas d’altérations des fonctions d’apprentissage, sont autorisées. Les prescriptions de médicaments hors autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette tranche d’âge restent exceptionnelles pour des cas complexes uniquement.

Enfants à partir de 6 ans

• Chez l’enfant à partir de 6 ans, les traitements psychoéducatifs sont proposés en première intention. Leur efficacité est appréciée au travers de divers critères (intensité des symptômes, difficultés scolaires, retentissement familial).

• Si les mesures non médicamenteuses s’avèrent difficiles à instaurer ou insuffisantes, le méthylphénidate leur est associé. Il est parfois prescrit d’emblée par certains spécialistes devant des symptômes très sévères. C’est le seul médicament à disposer en France d’une AMM pour le TDAH. Il permet d’améliorer l’efficacité des approches non médicamenteuses.

• L’instauration du traitement est généralement progressive, rarement d’emblée à dose pleine. D’après les résumés des caractéristiques du produit (RCP), la titration est habituellement réalisée avec 1 ou 2 prises de la forme à libération immédiate ou LI (1/2 comprimé de Ritaline LI 10 mg, 1 à 2 fois par jour). Cependant, en pratique, les formes à libération prolongée (LP) ou modifiée (LM) peuvent être utilisées dès le début du traitement, notamment quand les circonstances de la vie quotidienne et la scolarisation rendent difficile un rythme d’administration avec plusieurs prises par jour, et lorsque le poids corporel le permet ou que les journées de classe sont longues (au collège ou au lycée).

• Une troisième dose LI peut être nécessaire (ou 1 dose LI ajoutée aux traitements LP) pour la fin d’après-midi, car le retour à la maison est souvent synonyme de relâchement après que l’enfant a fait de gros efforts de contrôle de son comportement en classe.

• Après détermination de la posologie optimale efficace en 2 ou 3 prises de la forme LI par jour, le traitement est poursuivi tel quel ou peut être converti en traitement LP.

• Selon les RCP, l’absence d’amélioration des symptômes après une adaptation posologique adéquate sur une période de 1 mois impose l’arrêt du traitement. En pratique courante, le prescripteur réévaluera la situation et pourra décider de recourir à un traitement différent. Il n’est pas rare d’observer qu’un changement de spécialité peut s’avérer efficace.

• S’il est efficace, le traitement sera poursuivi. Sa durée n’est pas prévisible car elle est intimement liée aux conséquences des symptômes du TDAH. Des interruptions ont néanmoins pu être recommandées, notamment pendant les vacances scolaires, à moins que les symptômes soient trop intenses.

• En cas d’inefficacité, d’intolérance ou de contre-indications au méthylphénidate, des médicaments disponibles en accès compassionnel (anciennement sous autorisation temporaire d’utilisation nominative) tels que l’atomoxétine (Strattera), la dexamfétamine (Attentin) ou la lisdexamfétamine (Vyvanse, Elvanse) sont proposés par certains spécialistes hospitaliers.

Cas de l’adulte

• Les adultes peuvent, avec les années, développer des stratégies d’adaptation qui atténuent certains symptômes du TDAH. Mais inversement certaines comorbidités peuvent s’aggraver au fil des ans. La prise en charge de l’adulte nécessite donc avant tout de traiter les comorbidités tels que les addictions, la dépression ou l’anxiété.

• Le traitement du TDAH en lui-même peut faire appel chez l’adulte aux thérapies cognitivo-comportementales et au méthylphénidate. Ritaline LP a une AMM spécifique pour l’adulte, chez qui c’est le seul médicament qui peut actuellement être initié. Depuis le mois de juin 2022, Ritaline LP est remboursé chez l’adulte pour lequel un impact du TDAH est mis en évidence pour au moins deux composantes (professionnelle et/ou universitaire, sociale y compris familiale) et lorsque la présence de symptômes dans l’enfance a été établie. Un avis cardiologique est nécessaire avant l’initiation du traitement. Si le traitement est poursuivi plus de 12 mois, il convient de réévaluer sa pertinence.

TRAITEMENTS

Mesures non médicamenteuses

• Les mesures psychologiques, éducatives et sociales sont indispensables à la prise en charge et constituent le seul traitement autorisé chez l’enfant de moins de 6 ans et celui de première intention chez celui de plus de 6 ans. Elles doivent rester associées au traitement médicamenteux.

• Les thérapies cognitivo-comportementales ont pour but d’apprendre aux patients à repérer et à modifier des comportements et réactions inadaptés, sources de souffrance et de difficultés d’intégration sociale. Elles permettent d’améliorer l’attention, de développer l’autocontrôle et de contrôler l’impulsivité, d’apprendre aux enfants à mieux s’organiser et de développer l’acquisition de compétences sociales.

• La psychoéducation et les programmes d’entretien aux habiletés parentales visent à aider les parents à mieux réagir au comportement de leur enfant et à mettre en place des stratégies positives : encourager l’enfant, lui donner des responsabilités, soutenir ses compétences sociales, mettre en place des routines, donner un ordre efficacement avec une seule consigne à la fois, poser des limites, établir des règles claires, etc.

• Une prise en charge psychomotrice ou des soins d’ergothérapie sont spécialement proposés en cas de dyspraxie ou de défaut de contrôle de la motricité fine. Elle améliore aussi l’impulsivité.

• La prise en charge orthophonique est indispensable en cas de trouble des apprentissages (dyslexie, dysorthographie et dyscalculie).

• Des mesures d’accompagnement d’ordre pédagogique (consignes courtes et claires, proposer un seul exercice à la fois, valoriser l’enfant en le félicitant régulièrement pour son comportement ou ses résultats), adaptées à chaque enfant, sont indispensables notamment en cas de difficultés scolaires. Un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) peut être mis en place par le médecin scolaire. Le projet personnalisé de scolarisation (PPS) permet de définir les besoins et modalités d’accompagnement d’un élève en situation de handicap et de coordonner les actions nécessaires au bon déroulement de sa scolarité. Les parents doivent en faire la demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Le soutien d’un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) entre uniquement dans le PPS.

Médicaments

Méthylphénidate

• Le méthylphénidate est un stimulant du système nerveux central qui augmente la libération de noradrénaline et de dopamine dans les fentes synaptiques. Il possède une structure amphétaminique mais sans l’effet de libération massive de neuromédiateurs que peuvent avoir les amphétamines.

• L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) édite une brochure à destination de parents d’enfants traités, Vous et le traitement du trouble du déficit de l’attention/hyperactivité par méthylphénidate, afin d’informer les patients et leur entourage sur certains risques liés à l’utilisation du méthylphénidate.

• Effets indésirables : les principaux effets décrits dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) sont de très fréquents troubles du sommeil avec difficultés d’endormissement (justifiant d’éviter les prises de méthylphénidate LI dans les 4 heures précédant le coucher), une fréquente diminution de l’appétit, des nausées et vomissements, une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, des céphalées, une somnolence, des troubles visuels (attention à la conduite de véhicules ou à l’utilisation de machines dangereuses), une possible aggravation ou développement de tics verbaux ou moteurs, des troubles de l’humeur voire une dépression (avec de très rares cas de comportements suicidaires), une diminution du seuil épileptogène (l’utilisation chez les épileptiques non traités spécifiquement doit être prudente). Des cas de priapisme ont en outre été signalés. Le méthylphénidate peut fausser les tests de contrôle antidopage chez les sportifs de haut niveau.

• Certaines études suggèrent cependant que le méthylphénidate protégerait du risque suicidaire ou de récidive suicidaire. En outre, un traitement par méthylphénidate permettant de réduire l’anxiété du patient (puisque celui-ci peut mieux s’adapter à son environnement), une amélioration des tics peut être, tout au contraire, observée en pratique.

• D’après les RCP, le méthylphénidate est contre-indiqué en cas de glaucome, de phéochromocytome, d’hyperthyroïdie, de dépression sévère, de tendance suicidaire, de schizophrénie, de trouble bipolaire sévère et mal contrôlé, de trouble anorexique, de comorbidités cardiovasculaires (hypertension artérielle sévère, cardiomyopathie, maladie coronarienne, insuffisance cardiaque, arythmies), de comorbidités cérébrovasculaires (anévrisme cérébral, accident vasculaire cérébral).

• Suivi du traitement : toute prescription de méthylphénidate nécessite au préalable d’évaluer les antécédents cardiovasculaires et psychiatriques. Du fait d’un risque de retard staturopondéral (moins de 1 enfant sur 10), il est nécessaire de mesurer le poids et la taille de l’enfant avant le début du traitement et de les surveiller au moins tous les 6 mois. Les fenêtres thérapeutiques sont destinées à limiter un éventuel impact sur le développement staturopondéral. Le pouls et la pression artérielle doivent être également contrôlés à chaque adaptation posologique, puis tous les 6 mois au moins. L’apparition de troubles psychiatriques (ou l’aggravation de troubles préexistants) doit être impérativement signalée au médecin. Une liste des points de vigilance figure dans un guide à l’usage des prescripteurs élaboré dans le cadre du plan de gestion des risques européen et consultable sur le site de l’ANSM.

• Par ailleurs, le risque d’usage détourné (utilisation à des fins récréatives), de mésusage (par voie nasale ou intraveineuse) ou d’abus de méthylphénidate doit être étroitement surveillé. En effet, lorsque le méthylphénidate n’est pas utilisé dans le strict respect de la prescription, il peut entraîner une accoutumance et une dépendance associée à des troubles du comportement. Les patients ayant des antécédents d’addiction, un trouble de l’opposition avec provocation (TOP) ou un trouble bipolaire sont davantage exposés au risque d’abus.

• Interactions : voir tableau page 8. Il est recommandé de ne pas consommer d’alcool. Le méthylphénidate augmentant les taux de dopamine dans les fentes synaptiques, la prudence est de mise en cas de traitements dopaminergiques (y compris indirects, comme les antidépresseurs tricycliques) ou par des antagonistes dopaminergiques comme les antipsychotiques. Si un traitement neuroleptique est nécessaire, une molécule atypique (de type rispéridone, par exemple) est souvent privilégiée.

Médicaments utilisés hors AMM

• L’atomoxétine (Strattera) est un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. En France, son utilisation doit faire l’objet d’une demande d’autorisation d’accès compassionnel pour le traitement du TDAH des enfants et adolescents après échec du méthylphénidate ou celui de l’adulte.

• Certaines amphétamines comme la dexamfétamine (Attentin) et la lisdexamfétamine (Vyvanse, Elvanse), prodrogue de la dexamfétamine, sont parfois utilisées dans le cadre d’une demande d’autorisation d’accès compassionnel en cas d’échec ou de réponse insuffisante au méthylphénidate. Ce sont des sympathomimétiques agissant indirectement sur les récepteurs adrénergiques.

• La clonidine (Catapressan) est un antihypertenseur d’action centrale, exerçant une action agoniste α-adrénergique postsynaptique, utilisé hors AMM dans le traitement du TDAH, notamment en cas d’agressivité. Il peut être prescrit en préparation magistrale pour limiter le risque de somnolence.

• Le bupropion (Zyban), inhibiteur sélectif de la recapture neuronale de la noradrénaline et de la dopamine est rarement employé hors AMM comme traitement de deuxième ligne.

• Les antidépresseurs et les neuroleptiques n’ont pas d’AMM spécifique pour le TDAH. Ils peuvent néanmoins être utilisés pour traiter certaines comorbidités. Les antidépresseurs le sont en cas d’épisode dépressif ou de dysthymie, fréquemment rencontrés chez les adultes présentant un TDAH. Les neuroleptiques sont prescrits à très faibles doses en cas de TOP.

• La mélatonine est parfois utilisée en cas de difficultés d’endormissement sous forme de gélules en préparation magistrale (non remboursables par l’Assurance maladie), lorsque les mesures d’hygiène du sommeil (voir « Accompagner le patient » page 14) s’avèrent insuffisantes. Cependant, elle n’a pas d’AMM spécifique dans le TDAH et, en 2018, l’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a précisé que l’usage de compléments alimentaires à base de mélatonine est déconseillé en pédiatrie. La spécialité Slenyto a une AMM chez l’enfant à partir de 2 ans et l’adolescent présentant un trouble du spectre de l’autisme. La mélatonine peut provoquer de la somnolence, des céphalées, des troubles de l’humeur et des troubles gastro-intestinaux. Elle est impliquée dans de nombreuses interactions. L’utilisation concomitante de fluvoxamine, d’imipramine ou de benzodiazépines est notamment déconseillée, ainsi que la consommation d’alcool.

Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Institut de formation en soins infirmiers (IFSI)

ANALYSE D’ORDONNANCE

Lola, 13 ans, n’arrive plus à faire ses devoirs

Lola V., est traitée depuis 3 ans par méthylphénidate à libération prolongée (Quasym LP). Depuis la rentrée en classe de 4e, elle n’arrive plus à se mettre à ses devoirs aussi bien que l’an dernier, ce qui se ressent sur ses notes et les appréciations de ses enseignants. Son professeur principal a alerté ses parents qui l’ont conduit chez un pédopsychiatre. Celui-ci décide d’ajouter à son traitement habituel une forme de méthylphénidate à libération immédiate, à prendre à la fin du goûter. Ce samedi 1er octobre 2022, Mme V. présente à la pharmacie l’ordonnance ci-dessous.

QUEL EST LE CONTEXTE DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

• Lola a un petit frère de 9 ans.

• Son trouble de l’attention a été diagnostiqué en classe de CE2 après que l’institutrice a alerté ses parents. En effet, elle devait faire des efforts pour capter l’attention de Lola : l’appeler à plusieurs reprises, claquer des doigts ou lui tapoter sur l’épaule. Le bilan réalisé par le pédopsychiatre avait confirmé le diagnostic de trouble de l’attention à présentation inattentive prédominante. Un soutien orthophonique et orthoptiste avait alors été mis en place et le spécialiste avait prescrit du méthylphénidate à libération prolongée (Ritaline LP 10 mg) car Lola déjeunait à la cantine. En CM2, l’instituteur avait signalé que, l’après-midi, Lola avait du mal à se concentrer et le pédopsychiatre avait donc décidé d’augmenter la posologie de méthylphénidate au regard du poids de l’enfant et de changer de forme à libération prolongée, en prescrivant Quasym LP 20 mg. Les premières années de collège se sont bien passées, jusqu’à ces derniers mois où les résultats de Lola ont à nouveau baissé et les conflits familiaux liés aux devoirs sont devenus de plus en plus fréquents.

Que lui a dit le médecin ?

Le pédopsychiatre a expliqué à M. et Mme V. que la forme LP n’agissait vraisemblablement pas susffisamment longtemps pour permettre à leur fille de faire ses devoirs après la journée de cours durant laquelle elle a maintenu sa concentration. Il décide d’ajouter au Quasym LP 1/2 comprimé de Ritaline 10 mg à libération immédiate que Lola devra prendre à la sortie du collège.

L’ordonnance est-elle recevable ?

• Oui. Quasym et Ritaline LI sont des médicaments dont la prescription initiale est réservée aux spécialistes en neurologie, en psychiatrie ou en pédiatrie.

• Ce sont des stupéfiants qui doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée, pour une durée maximale de 28 jours. L’ordonnance peut être rédigée manuellement ou informatiquement mais doit comporter le nombre d’unités par prise, le nombre de prises et le dosage en toutes lettres.

• Le nom de la pharmacie en charge de la délivrance est dûment mentionné pour permettre le remboursement.

• L’ordonnance datée du 30 septembre est présentée à la pharmacie du Moniteur le 1er octobre, elle peut donc être délivrée en totalité (soit 28 gélules de Quasym LP 20 mg et 14 comprimés de Ritaline LI 10 mg). Les comprimés restants, sous blister, seront conservés dans le placard des stupéfiants.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

Le méthylphénidate est un psychostimulant apparenté aux amphétamines à action sympathomimétique indirecte. Les gélules de Quasym associent 30 % de méthylphénidate à libération immédiate et 70 % de méthylphénidate à libération prolongée, ce qui assure en théorie une durée d’action d’environ 8 heures. Les comprimés de Ritaline LI permettent une action dans les 15 à 30 minutes perdurant environ 4 heures.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui. Le méthylphénidate est le seul traitement ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le TDAH, prescrit lorsque des mesures correctives non médicamenteuses seules s’avèrent insuffisantes.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui. La posologie est fonction du poids du patient, de la tolérance et de la réponse au traitement. Selon le résumé des caractéristiques du produit, la posologie maximale journalière de méthylphénidate est de 60 mg.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant la forme à libération prolongée

S’agissant d’une reconduction de traitement pour Quasym, le pharmacien vérifie la bonne observance des modalités de prise et la surveillance de la tolérance au traitement.

Observance

Lola prend Quasym LP 20 mg tous les matins avant le petit déjeuner. Interrogée par le pharmacien, Mme V. confie que sa fille n’arrive toujours pas à avaler les gélules. Elle a donc l’habitude, comme le lui avait conseillé le pharmacien, de les ouvrir et de les mélanger à de la compote ou du yaourt et de boire un verre d’eau après.

Tolérance

Au cours d’un traitement par méthylphénidate, il faut surveiller la courbe de croissance, même si le ralentissement de la vitesse de croissance des premiers mois de traitement est généralement rattrapé dans le temps. Le poids doit être surveillé tous les 3 mois (6 mois à partir de l’adolescence) ; la taille, la fréquence cardiaque et la pression artérielle doivent quant à eux être contrôlés tous les 6 mois. Mme V. rapporte que le pédopsychiatre est satisfait des courbes de Lola qui ne présente pas de retard staturopondéral.

Concernant la forme à libération immédiate

La Ritaline LI étant délivrée pour la première fois à Lola, le pharmacien dispense des conseils d’administration.

Utilisation

• Lola doit prendre son 1/2 comprimé de Ritaline 10 mg de retour chez elle après les cours, idéalement avant 17 h 30 pour éviter l’impact sur le sommeil. Elle peut l’avaler avec ou sans nourriture. Elle doit garder le 1/2 comprimé dans un pilulier ou dans une petite boîte qui lui sera spécifiquement destinée. La grand-mère de Lola, qui garde les enfants après l’école jusqu’au retour de Mme V., vérifiera qu’elle prend bien son traitement.

• Le jeudi après les cours, Lola se rend à des séances d’orthophonie. Elle devra prendre son 1/2 comprimé à la sortie du collège dans la voiture avant d’aller chez l’orthophoniste.

Que faire en cas d’oubli ?

Lola ne devra pas prendre le comprimé oublié car cela risque de l’empêcher de s’endormir le soir même. Il ne faudra pas non plus doubler la prise suivante pour compenser l’oubli.

Lola et ses parents pourront-ils juger de l’efficacité du traitement ?

• Oui, l’enfant et ses parents devraient se rendre compte au bout de quelques jours de l’efficacité de l’ajout de la forme à libération immédiate. Cette forme devrait en effet avoir un effet sur la réalisation des devoirs le soir après l’école et le climat familial devrait s’en retrouver plus serein.

• L’orthophoniste devrait également constater que Lola tire un meilleur bénéfice de ses séances de rééducation.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Des troubles de l’endormissement, des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des céphalées d’intensité légère, une irritabilité et une diminution de l’appétit sont possibles. Ne pas administrer le méthylphénidate dans les 4 heures précédant le coucher permet d’éviter les problèmes d’endormissement. Les troubles digestifs peuvent être prévenus en prenant le médicament au cours d’un repas (ici, le goûter).

Par Delphine Guilloux, pharmacienne

CONSEILS ASSOCIÉS

Accompagner le patient

Le TDAH est fréquemment à l’origine de difficultés scolaires, comportementales et sociales. Le pharmacien doit avoir conscience de ces difficultés pour pouvoir accompagner au mieux le patient et son entourage.

LE TDAH VU PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

• Le TDAH est souvent à l’origine d’une baisse de l’estime de soi. L’enfant a plus ou moins conscience de son trouble sans arriver à le maîtriser. Ses efforts ne sont pas récompensés et il culpabilise de ne pas réussir à faire ce qu’on lui demande ; en conséquence il se sent souvent « différent ». Le TDAH peut aussi être associé à de véritables troubles psychiatriques tels que la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil.

• En l’absence de traitement, le TDAH peut augmenter le risque de développer des conduites dangereuses et des addictions comportementales et/ou à des produits, notamment au moment de l’adolescence.

• Une fois le diagnostic posé, les parents changent le regard qu’ils portent sur leur enfant et appréhendent différemment son comportement.

Impact sur la vie quotidienne

• L’impact du TDAH au quotidien dépend de sa forme (inattention prédominante, hyperactivité/impulsivité prédominante ou combinaison des deux). L’hyperactivité se manifeste comme une agitation motrice sans but, difficile à freiner, qui peut être à l’origine de blessures et de passages répétés aux urgences.

• Les réactions impulsives, parfois combinées à une certaine maladresse, sont souvent difficilement acceptées par les autres et entraînent des difficultés relationnelles. Les enfants se retrouvent alors isolés, souvent exclus des goûters d’anniversaire.

• Un trouble oppositionnel avec provocation (TOP) peut être associé au TDAH et entraîner des difficultés relationnelles familiales (climat tendu avec les parents, rapports conflictuels avec la fratrie).

• A l’âge adulte, les relations de couple peuvent être plus compliquées.

Impact sur la vie scolaire et professionnelle

• L’inattention et l’incapacité à mener une tâche à terme entraînent des difficultés scolaires. Rêveries fréquentes, fautes d’étourderie, oublis, distractibilité en classe et pendant les devoirs sont autant de signes qui alertent généralement les instituteurs et les parents. Cependant, le TDAH peut également toucher des enfants à haut potentiel intellectuel qui parviennent pendant un certain temps à compenser leur trouble de l’attention.

• Chez l’adulte les troubles de l’attention peuvent être à l’origine de difficultés à garder le même métier durablement.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental qui ne doit pas être confondu à tort avec la turbulence souvent observée entre 3 et 5 ans, liée à un appétit de découverte et n’ayant pas de retentissement fonctionnel. Des difficultés de concentration peuvent être liées à un environnement stressant (mésentente intrafamiliale) et pas nécessairement à un TDAH. De même une manifestation occasionnelle d’hyperactivité (excitation liée à une fête par exemple) doit être différenciée du TDAH qui est un trouble chronique.

• Une prise en charge précoce et adaptée permet de limiter le retentissement scolaire et social. Le suivi permet de réévaluer régulièrement les comorbidités.

• Il est important, en cas de doute, de dépister les adultes même si cela est complexe, et surtout les parents des enfants avec un TDAH. Les patients dépistés sont souvent soulagés de pouvoir mettre un nom sur des symptômes qu’ils n’expliquaient pas depuis leur enfance.

A propos du traitement

Non médicamenteux

• La prise en charge non médicamenteuse est la base du traitement. Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) visent à remplacer un comportement inadapté par un comportement adapté. Les programmes d’entraînement aux habiletés parentales, tels que celui de Barkley, sont fondés sur les principes des TCC et sont destinés à permettre aux parents de mieux réagir aux comportements d’opposition et de provocation. Ainsi, l’enfant renforce sa confiance en lui et le climat familial s’améliore. Ce programme, en dix étapes, repose sur deux points essentiels : le renforcement positif (attention particulière, sourire, câlin, etc.) et l’anticipation avec arrêt le plus précocement possible des comportements inappropriés. Les punitions sont contre-productives.

• Organiser le quotidien de l’enfant pour l’aider à séquencer des tâches, comme donner une seule consigne à la fois, instaurer des routines, adopter des horaires réguliers de repas, de devoirs et de coucher. La pratique d’une activité physique peut permettre de diminuer l’agitation, d’aider à l’intégration sociale et d’améliorer le sommeil.

• En cas de difficultés d’endormissement, certains conseils sont parfois utiles à rappeler comme éviter les activités ou environnements excitants avant de se mettre au lit (courir, sauter, jouer sur ordinateur, musique ou lumière trop forte). Instaurer un rituel du coucher apaisant et court (durant entre 15 et 30 minutes). En cas de troubles importants, la tenue d’un agenda de sommeil peut être utile pour faire le point avec le spécialiste.

• Des aménagements scolaires peuvent être mis en place éventuellement via un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) ou un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Une prise en charge orthophonique peut être nécessaire en cas de trouble des apprentissages associé.

Médicamenteux

• La plupart des effets indésirables du méthylphénidate sont bénins et/ou transitoires et sont limités par une augmentation progressive des doses. Une prise au cours des repas diminue la fréquence des troubles digestifs. Une prise à la fin du petit-déjeuner plutôt qu’au réveil peut permettre d’éviter un effet coupe-faim pour ce premier repas et d’assurer une action un peu plus tardive dans la journée. Les insomnies sont limitées par une administration des formes LP avant 10 heures et des formes LI avant 16 ou 17 heures. L’éventuel ralentissement de la vitesse de croissance est généralement rattrapé durant les périodes d’arrêt du traitement (vacances scolaires).

• Les troubles cardiaques et psychiatriques sont exceptionnels mais nécessitent qu’on s’y intéresse lors des consultations de suivi. La survenue de troubles de l’humeur ou du comportement doit être impérativement signalée au médecin. Le risque d’abus de substances, souvent craint par les parents, est plus important sans traitement que sous traitement, avec parfois des conséquences judiciaires.

• L’observance est essentielle. En cas d’oubli, ne pas doubler la prise suivante. Sensibiliser au fait que, pour que la totalité du traitement puisse être délivrée, l’ordonnance doit être présentée dans les 3 jours.

• Ne pas prendre d’autres médicaments sans avis médical (attention notamment aux interactions avec les médicaments « antirhume »). Déconseiller la consommation d’alcool.

Par Delphine Guilloux, pharmacienne

L’ESSENTIEL À RETENIR

LE TDAH

À PROPOS DU TDAH

→ Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental associant à des degrés divers un trouble de l’attention, une hyperactivité et une impulsivité.

→ Il est fréquemment associé à certaines comorbidités (troubles des apprentissages, du comportement, conduites à risque, etc.).

→ Un repérage et un diagnostic précoce permettant une prise en charge adaptée sont nécessaires pour éviter les conséquences délétères sur le plan familial, scolaire et social et l’impact négatif sur le patient (par exemple, faible estime de soi, toxicomanie) : lutter contre les idées reçues et lever les freins à l’accès au diagnostic et aux soins en cessant de stigmatiser à tort les parents est fondamental.

À PROPOS DU TRAITEMENT

Non médicamenteux

→ La prise en charge non médicamenteuse est essentielle : c’est le seul traitement recommandé chez l’enfant de moins de 6 ans, et chez l’enfant de plus de 6 ans, elle constitue le traitement de première intention. Elle fait appel à différentes approches (psychoéducation, guidance parentale, thérapie cognitivocomportementale, rééducation orthophonique, accompagnement scolaire, etc.) qui doivent être adaptées à l’âge du patient et à ses besoins et être régulièrement réévaluées.

→ Apporter des conseils aux parents pour organiser le quotidien de l’enfant (comme instaurer des routines, respecter des horaires réguliers) et adopter une pédagogie qui redonne à l’enfant confiance en lui (par exemple, délivrer une seule consigne à la fois, encourager l’enfant, le valoriser en le félicitant régulièrement).

Médicamenteux

→ Seul le méthylphénidate dispose d’une AMM en France à partir de 6 ans, en complément de la prise en charge non médicamenteuse. Vérifier qu’il est prescrit sur une ordonnance sécurisée, en toutes lettres, pour une durée maximale de 28 jours et que le nom de la pharmacie figure sur l’ordonnance. La prescription initiale (valable 1 an) est réservée aux psychiatres, aux neurologues et aux pédiatres. Elle doit être présentée conjointement aux ordonnances de renouvellement (autorisé à tout médecin).

→ S’assurer que le patient ou son entourage ont bien compris les modalités de prise : les formes à libération prolongée (LP) sont généralement à prendre avant 10 heures et les formes à libération immédiate (LI) avant 16 ou 17 heures, pour éviter les difficultés d’endormissement. Le contenu des gélules de Medikinet, Quasym et Ritaline LP peut être saupoudré sur une cuillère de compote. Il est possible de fractionner les comprimés de Ritaline LI pour en faciliter l’administration. En revanche, les comprimés de Concerta ne peuvent être écrasés ou divisés. Medikinet ne doit pas être administré à jeun.

→ Attention aux interactions avec les sympathomimétiques (spécialités antirhume notamment, y compris par voie nasale).

CHIFFRES

– 3,5 % à 5,6 % de la population scolaire (soit en moyenne 1 enfant par classe).

– Prévalence plus élevée chez les garçons : 2 à 4 garçons pour 1 fille.

– Age moyen du diagnostic : 9-10 ans.

– Prévalence en population adulte estimée à 2,5 %.

LE TDAH CHEZ L’ADULTE

Le TDAH est un trouble chronique qui peut persister tout au long de la vie. Certaines études montrent qu’un tiers des patients voient leurs symptômes évoluer favorablement à l’âge adulte, et que dans deux tiers des cas, ces derniers persistent (en particulier lors de prédominance des troubles de l’attention). La moitié des adultes confrontés à cette situation parvient à composer avec, l’autre éprouve des difficultés importantes.

Dans certains cas, le TDAH était passé inaperçu (ou n’avait pas été diagnostiqué) pendant l’enfance ou l’adolescence. Le diagnostic est plus difficile à poser chez l’adulte et doit exclure certains diagnostics comorbides ou différentiels (troubles psychiatriques, addictions). Il s’appuie sur trois éléments : un diagnostic rétrospectif qui peut nécessiter l’examen du dossier scolaire du patient, une évaluation avec des outils spécifiques – comme l’entretien de développement des intérêts et valeurs de l’adulte (Diva) – et le ressenti du patient.

L’hyperactivité s’amende le plus souvent chez l’adulte. Les fonctions exécutives peuvent en revanche rester touchées avec un retentissement négatif dans la vie professionnelle. Chez l’adulte, les symptômes évocateurs sont : une difficulté à se concentrer, à terminer des tâches, à gérer des tâches séquentielles ou le temps, de piètres aptitudes pratiques (désorganisation), des oublis fréquents comme le paiement des factures ou le respect des rendez-vous, une incapacité à rester immobile longtemps, une irritabilité, une difficulté à entretenir durablement une relation.

Du fait des conséquences du TDAH sur les relations intrafamiliales et de ses facteurs génétiques, le dépistage du TDAH doit être fortement encouragé chez les parents d’enfants diagnostiqués (par exemple à l’aide de l’autoquestionnaire ASRS, pour adult self-report scale, échelle d’autoévaluation pour adultes).

L’ESSENTIEL

– L’étiologie du TDAH est encore méconnue à ce jour.

– Le TDAH est fréquemment associé à des troubles des apprentissages, à une dyspraxie, à une dysphasie, à un trouble de l’opposition ou des conduites.

– Le risque de conduite addictive augmente chez les patients non diagnostiqués et non traités.

– Le TDAH peut persister à l’âge adulte. Il est important de dépister les parents d’enfants diagnostiqués.

ENCOPRÉSIE

Emission incontrôlée de selles au-delà de l’âge de 4 ans.

MODALITÉS DE PRESCRIPTION ET DÉLIVRANCE DU MÉTHYLPHÉNIDATE

Prescription : le méthylphénidate est un stupéfiant prescrit sur une ordonnance sécurisée. Le dosage, la posologie et la durée de traitement doivent être écrits en toutes lettres. La durée de prescription est limitée à 28 jours. La prescription initiale (valable 1 an) est réservée aux neurologues, aux psychiatres, aux pédiatres exerçant à l’hôpital ou en ville (depuis le 13 septembre 2021, la prescription initiale hospitalière n’est plus requise afin de faciliter l’accès au traitement). Les renouvellements mensuels de prescription peuvent être effectués par tout médecin dans l’intervalle de 1 an. La prise en charge par l’Assurance maladie est subordonnée à la mention du nom de la pharmacie de délivrance (choisie par les parents ou le patient adulte) sur la prescription.

Délivrance : l’ordonnance doit être présentée à la pharmacie dont le nom est mentionné sur l’ordonnance dans les 3 jours à compter de la date de prescription. Au-delà, elle n’est exécutée que pour la durée de traitement restant à courir. Pour la délivrance d’un renouvellement de prescription, l’ordonnance de renouvellement et l’ordonnance initiale du spécialiste datant de moins de 1 an doivent être présentées conjointement.

ACCÈS COMPASSIONNEL

Nouveau cadre d’accès aux médicaments utilisés hors AMM, dans lequel ont basculé en juillet 2021 les médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative et recommandation temporaire d’utilisation (RTU).

PRIAPISME

Erection du pénis indépendante de toute libido, douloureuse, durant au moins 2 heures et n’aboutissant pas à l’éjaculation.

PHÉOCHROMOCYTOME

Tumeur de la médullosurrénale pouvant produire un excès d’adrénaline et de noradrénaline.

POINT DE VUE

« La stigmatisation fait barrage à l’accès aux soins »

Dr HERVÉ CACI, psychiatre et pédopsychiatre, des hôpitaux pédiatriques du centre hospitalier universitaire Lenval de Nice (Alpes-Maritimes).

Quels sont, selon vous, les messages importants à diffuser concernant le TDAH ?

Le regard porté sur le TDAH doit changer, il faut cesser de stigmatiser les parents. On leur reproche injustement un défaut d’éducation. Pensant que le problème vient d’eux, ils ne cherchent pas à consulter. Certains rigidifient l’éducation de leurs enfants, parfois à la limite de la maltraitance, d’autres ne trouveront pas le spécialiste qui fera le diagnostic. La stigmatisation crée une véritable barrière à l’accès aux soins et une perte de chance. Les réseaux sociaux y contribuent : ce que l’on peut y dire inquiète quant aux effets indésirables du méthylphénidate. Or, le méthylphénidate ne rend pas « drogué ». Au contraire, un patient non traité risque de devenir toxicomane. Ainsi, dans des situations de souffrance intense des parents et de l’enfant, il peut arriver de prescrire immédiatement, sans passer par l’étape initiale non médicamenteuse. A propos des durées d’efficacité des formes à libération prolongée (LP), en pratique, on peut observer des différences avec ce qui est écrit dans la monographie et, parfois, l’effet perdure 10 heures (et non 8) ou, au contraire, seulement 5 heures. Dans ce cas, j’adapte la prescription afin de garantir une durée d’action satisfaisante tout en aménageant une fenêtre méridienne pour réduire le risque de diminution d’appétit à midi : je scinde la dose journalière LP nécessaire en une dose LP le matin et une autre à 14 heures.

En quoi consiste le neurofeedback ?

C’est une technique de réhabilitation cognitive, visant à entraîner le cerveau à recruter l’énergie nécessaire pour maintenir l’attention. Deux électrodes sont placées sur la tête et, sur le principe des jeux vidéo, on sollicite l’attention de l’enfant, sans manette de jeu. L’électroencéphalogramme est enregistré, l’enfant peut donc visualiser le moment où il devient attentif. On lui attribue alors des points pour renforcer immédiatement ce comportement. Il apprend ainsi à se concentrer. Il faut 20 séances de 20 minutes (à raison de 1 à 2 par semaine) pour être efficace. Mais il faut que l’enfant soit motivé et que la technique soit assurée par des professionnels très bien formés. Elle n’est pas prise en charge par l’Assurance maladie.

L’ESSENTIEL

– Avant l’âge de 6 ans, seules les thérapies non médicamenteuses sont autorisées. A partir de 6 ans, elles sont à utiliser en première intention. Le méthylphénidate est employé en seconde intention, associé aux mesures non médicamenteuses. Son recours impose une surveillance staturopondérale, un contrôle de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle.

– Depuis septembre 2021, les neurologues, psychiatres et pédiatres de ville peuvent instaurer le traitement.

– Pour Ritaline LP, Quasym LP, Medikinet LM : 1 dose journalière de 10 mg est équivalente à 2 doses journalières de 5 mg de Ritaline LI. Pour Concerta LP : 1 dose journalière de 18 mg équivaut à 3 doses journalières de 5 mg de Ritaline LI.

QU’EN PENSEZ-VOUS ?

Mme V. s’enquiert des éventuelles difficultés de Lola à avaler les formes orales. Pourra-t-elle écraser le demi-comprimé de Ritaline 10 mg ?

1) Oui, cela ne pose aucun problème particulier.

2) Non, car l’écrasement du comprimé modifie le délai et la durée d’action de la forme à libération immédiate.

Réponse : les comprimés de Ritaline 10 mg LI font partie de la liste des comprimés écrasables éditée par l’Omédit Normandie qui alerte toutefois sur un risque de perte de principe actif au moment du broyage et qui précise que le comprimé broyé, qui ne doit pas être dissous au préalable, doit être administré de façon extemporanée sur un aliment semi-solide. Selon la monographie de la spécialité, il est aussi possible de fractionner le comprimé en petits morceaux plus faciles à avaler. Il fallait choisir la première proposition.

QUESTION DE PATIENT

J’ai entendu dire que les acides gras oméga 3 étaient intéressants chez les enfants ayant un TDAH. Qu’en pensez-vous ?

« Les compléments alimentaires à base d’acides gras oméga 3 ont des effets sur le maintien des fonctions normales du cerveau sous certaines conditions de teneur et de quantité consommée. En revanche, ils ne peuvent pas être donnés pour réduire le risque de troubles de l’attention chez les enfants atteints de TDAH ni celui de comportement oppositionnel associé. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, EFSA) a d’ailleurs interdit l’usage de cette allégation. »

TÉMOIGNAGE

ARNAUD, 19 ANS, ÉTUDIANT

« Mon TDAH a été diagnostiqué tardivement, j’étais en seconde. C’est mon professeur de français qui a alerté mes parents. J’avais des difficultés scolaires depuis longtemps et j’étais incapable de me concentrer. Mes parents m’ont alors emmené voir un médecin dans un centre spécialisé. Après plusieurs consultations, le diagnostic a été établi et j’ai été traité par Concerta, sauf le week-end et les vacances scolaires. Il y a eu des effets gênants : je n’avais plus faim, la bouche pâteuse, une sensation de vertige et des maux de ventre. Mais j’ai vu assez vite un impact positif sur ma concentration et mes notes ont remonté. Maintenant je vais mieux, et j’ai pu arrêter progressivement le traitement. »

EN SAVOIR PLUS

HyperSupers TDAH France

tdah-france.fr

L’association HypersSupers TDAH France existe depuis 2002 et est une véritable mine d’informations pour les patients, enfants et adultes et leur entourage. Ces derniers peuvent échanger sur le forum ou même se rencontrer.

Toi, moi et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité

Par le Dr Hervé Caci et Marie-Pierre Samitier (Flammarion).

Cet ouvrage présente des témoignages de patients et de leur entourage, ainsi que les différentes options thérapeutiques pouvant être proposées.