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Un homme de cultures
Préparateur et enseignant de 39 ans à Rennes, Loïc Melin aime semer des graines. Au propre comme au figuré. •
Le doux rêveur, comme il se dépeint lui-même, ne fait pas les choses à moitié. Sur les trois hectares qui entourent sa nouvelle maison à Saint-Meen-le-Grand (Ille-et-Vilaine) trône sa serre de 150 m2. « Pour 3000 e, nous avons acheté 2,5 tonnes de tuyaux que nous avons recouverts de plastique », annonce fièrement Loïc Melin, préparateur en pharmacie de 39 ans qui partage sa passion du jardinage avec Muriel, sa compagne.
La terre dans le sang. Derrière l’homme grand et posé, au regard malicieux, il y a le gamin « naïf » qui se faisait chahuter par ses camarades de classe à l’école communale de Bain-de-Bretagne. Son refuge, c’était la pêche en solitaire sur le lac à cinquante mètres de chez lui ou le jardinage avec son père dans le potager familial. « Vers l’âge de 6 ans, j’ai semé pour la première fois des graines de haricots », se souvient Loïc. Que ces graines donnent une plante le ravit. Et que cela repousse, saison après saison, l’émerveille encore plus. « La nature est un éternel recommencement. Cela me rassurait sans doute. » Respectueux de la nature, son père n’a jamais traité chimiquement ses légumes, répétant à lui et ses trois frères et soeurs : « il poussera ce qu’il poussera. » Lui, Loïc, pousse comme une plante sauvage. Entre un père taciturne et une maman préoccupée par la santé de Sylvain, myopathe. Loïc a 14 ans quand ce jeune frère de 12 ans meurt « trop tôt ». Sa solitude est immense.
La jungle scolaire. Deuxième choc, le départ à Rennes. Loïc commence à fréquenter « des gens qu’il ne fallait pas » dans l’anonymat d’un gigantesque lycée de 3 000 élèves. « J’ai commencé à fumer des clopes, et petit-à-petit, je me suis mis à faire n’importe quoi, je ne voyais pas la finalité de vivre , avoue Loïc qui se dégrade physiquement. J’avais besoin de supplétif… » Mais sa mère, fine observatrice, veille au grain : « Tu fais ce que tu veux, lui dit-elle, mais, toi, tu as eu la chance d’avoir la santé, alors… » et Loïc se ressaisit. Certes, il n’a jamais été un bon élève, « je me suis souvent ennuyé. Rares sont les professeurs qui m’ont intéressé. Je bossais les matières qui me racontaient des histoires, le français. » Mais il réussit le bac S7*, et part faire son service militaire dans l’infanterie de Marine, en Picardie, « où je n’ai pas vu un bateau », plaisante-t-il. Il rencontre sa première femme Christel, puis décide de travailler, « poursuivre des études ne me tentait guère. » Grâce à une amie, il est embauché dans l’unité de fabrication d’une entreprise de staff, « une sorte de plâtre dont on fait des corniches ». Au bout d’un an, on lui propose de tenir un magasin sur Orly, en région parisienne.
Nourri par l’officine. « J’ai cru mourir », analyse Loïc, seul, sans son lac, ni son jardin. La vente lui plaît, mais il se fiche de faire du chiffre. Un soir, dans une pharmacie, il repère « élève préparateur » sur la blouse de la personne qui le sert. Curieux, Loïc demande en quoi cela consiste. Et là, c’est une découverte. « Cela me « bottait » ce qu’il racontait. Moi qui aimais la biologie et le contact, je savais que je pouvais enfin concilier les deux. » Loïc annonce la nouvelle à ses parents. « Je vais devenir préparateur. » Son père, « un anxieux de nature », le freine dans ses ardeurs, tandis que sa mère lui dit : « Fonce ! » Loïc entend aussi la petite voix de Sylvain : « Mon frère était quelqu’un de très positif. » Au CFA de Rennes, le jeune homme travaille avec acharnement et, lors de son apprentissage à Bain, découvre avec plaisir « ce fourmillement incessant de la pharmacie ». BP en poche en 1995, il part à Plouguerneau, au nord de Brest (Finistère). Dans une pharmacie « vieille France », il apprend à confectionner des dizaines de litres de sirop, des shampoings et autres suppositoires. La peur de s’ennuyer l’incite à postuler à l’hôpital de Bains, mais c’est le centre hospitalier privé de Saint-Grégoire à Rennes qui l’embauche en 1997.
Une nature généreuse. En 1998, ses anciens professeurs du CFA le sollicitent pour enseigner les dispositifs médicaux, puis les travaux pratiques. Côté professionnel, il s’éclate, ravi de pouvoir « transmettre sa passion du métier » mais, sur le plan personnel, le couple endure la stérilité et les traitements qui vont avec. Ambre – son petit bonheur – arrive enfin en 2002 dans un couple trop ébranlé par les échecs des fécondations in vitro précédentes. « Christel a fait une dépression et moi j’ai sombré dans une hyper activité, changeant de maison et de voiture tous les six mois. » Son jardin sera son réconfort. Il plante des arbres fruitiers, mirabelles, pommes, prunes, sans oublier les pêchers jalousie, « qui donnent des pêches plates ». Ni les fleurs. Il aime les parterres bigarrés, les vieux rosiers « Pierre de Ronsard » ou les agapanthes, « ces fleurs annuelles vivaces qui donnent une tige avec de toutes petites fleurs bleues ». Et comme son papa, il n’utilise pratiquement pas de traitement chimique, « seulement la bouillie bordelaise, ce fongicide à base de sulfate de cuivre et de chaux ». Déménagement à Plumaugat où le préparateur se donne à coeur joie sur 1 500 m2. Outre les fruitiers, il plante un catalpa bignoides aura « dont les feuilles prennent une teinte mordorée à l’automne. » Dans ce village, il croise Muriel et en tombe amoureux. « Nous nous sommes réveillés à la vie ensemble. »
Le cycle de la vie. En 2007, le nouveau couple emménage à Saint-Meen-Le-Grand. La maison à peine finie, la serre voit le jour. Chaque soir, après le travail, ils investissent cet espace dédié à la culture biologique. Mieux, biodynamique. « Nous travaillons avec les phases lunaires et les constellations, explique Loïc, en plantant la même espèce de prunier à des jours différents, les prunes des deux arbres n’auront ni la même saveur, ni la même texture. » Loïc commande ses graines de variétés anciennes à la coopérative Kokopellis via Internet. Des semences non industrielles issues d’espèces naturelles. Dans la serre, 20 pieds de poivrons, d’aubergines et plus de 80 pieds de tomates dont, chaque année, il diversifie les espèces. De la rose de Berne, « petite et pâle » à la noire de Crimée, « aux fruits ronds et charnus rouge brun, sans acidité ». Quel plaisir de découvrir que tel plant a poussé ou d’enlever les « gourmands » d’un pied trop généreux. La nature lui a aussi donné un Arthur James début 2008. Un fils…
* Équivalent au bac STL d’aujourd’hui.
Retrouvez Loïc Melin en vidéo sur
LoIc Melin
Âge : 39 ans.
Formation : préparateur.
Lieu d’exercice : Centre hospitalier privé SaintGrégoire à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Ce qui le motive : « que vais-je découvrir aujourd’hui ? »
Portrait chinois
• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Une pêche ronde, charnue et sucrée qui, sous la peau, révèle des arômes différents selon les espèces. J’aime découvrir les autres petit à petit.
• Si vous étiez une forme galénique ? Une pompe à morphine permettant de délivrer du plaisir avec des bolus. Je peux être excessif dans ma recherche du plaisir…
• Si vous étiez un médicament ? Un médicament qui ferait pousser les oreilles pour écouter. Aujourd’hui, la pensée unique fait rage dans les médias et tout le monde se tait.
• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Une aiguille pour se « shooter » au plaisir. Pour accéder au plaisir dans la vie, il faut parfois du temps, et cela peut nous paraître douloureux.
• Si vous étiez un vaccin ? Un vaccin contre tout ce qui handicape.
• Si vous étiez une partie du corps ? Le coeur. Le rythme cardiaque, c’est magnifique, c’est la vie avec ce quelque chose d’infini. D’ailleurs, ma signature ressemble à un tracé d’ECG.
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