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le pied diabétique

Publié le 1 septembre 2009
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Le traitement du pied diabétique repose sur le traitement de l’artériopathie, de la neuropathie et du diabète et des soins locaux. La prévention et l’approche pluridisciplinaire sont essentielles.

Définition

On appelle « pied diabétique », toute lésion tissulaire au niveau du pied qui résulte des complications du diabète, l’altération progressive des parois des vaisseaux. La microangiopathie (altération des petits vaisseaux) entraîne une atteinte des fibres nerveuses, la neuropathie. La macroangiopathie (altération des gros vaisseaux) entraîne, par le dépôt de plaques d’athérome dans les artères une ischémie chronique et crée une artériopathie. Enfin, l’infection, favorisée par l’hyperglycémie aggrave les troubles trophiques..

La stratégie thérapeutique

Approche pluridisciplinaire

Si des lésions superficielles peuvent être traitées par le médecin traitant, des plaies profondes, ischémiques et/ou infectées doivent être prises en charge par des spécialistes (diabétologues, chirurgiens orthopédistes et vasculaires, pédicures podologues, podo-orthésistes, infectiologues, radiologues, médecins de médecine nucléaire, laboratoire de bactériologie) travaillant si possible en réseau.

Exploration de la plaie

Mais une plaie d’allure superficielle peut être en fait profonde et entraîner parfois des atteintes osseuses sous-jacentes (ostéite). Seul un découpage de la kératose pouvant obstruer l’orifice de la plaie et une exploration de la cavité avec un stylet mousse permettront d’explorer la plaie et rechercher un éventuel contact osseux.

Traitement global

Des traitements médicamenteux seront envisagés en fonction de l’étiologie de la lésion (neuropathie, artériopathie), et de l’infection éventuelle.

Prévention

Chez tout diabétique, l’idéal est de prévenir « le pied diabétique » par l’équilibration de la glycémie, la mise en décharge mécanique et l’éviction des facteurs de risque (tabac, alcool, alimentation riche).

Prévention des plaies en fonction du grade de risque

En 2002, le comité de suivi du plan diabète a adopté la classification internationale du risque podologique de plaie chez le diabétique (élaborée par un groupe d’experts internationaux en 1999), qui permet de grader le risque de lésion de manière rapide et simple. Il suffit de répondre à quatre questions :

– Le patient a-t-il des déformations des pieds ?

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– A t-il une perte de la sensibilité au monofilament de 10 g ?

– A t-il une artérite ?

– A t-il un antécédent d’ulcération chronique du pied ayant duré plus de quatre semaines ou d’amputation des membres inférieurs ?

Prévention au grade 0

Les pieds ne présentent ni neuropathie, ni artérite et les possibles déformations sont indépendantes du diabète. L’examen clinique annuel et la consultation chez le pédicure podologue (non remboursée par la sécurité sociale) sont annuels et permettent un dépistage précoce des déformations et de la perturbation des appuis.

Prévention au grade 1

Il existe une neuropathie isolée. À partir de ce grade, il est nécessaire d’éduquer les patients et leur entourage par des messages simples afin de les sensibiliser sur la perte de sensibilité, les situations à risque, l’importance de l’auto examen, l’intérêt de l’hygiène et de l’entretienquotidien de leur pied. Il est recommandé un examen des pieds et une évaluation du chaussage à chaque consultation. Le suivi médical et les soins podologiques (non remboursés par la sécurité sociale) sont conseillés.

Prévention au grade 2

La neuropathie est associée à une artérite des membres inférieurs et éventuellement à une déformation du pied. Les mesures de prévention restent les mêmes qu’au grade 1 mais des soins de pédicurie sont recommandés (prise en charge de quatre séances par an auprès d’un pédicure podologue formé et agréé). À ce stade, il est nécessaire de corriger les hyperpressions, les frottements et les troubles de la statique par le port d’orthèses correctrices ou de répartition de décharge (semelles sur mesure) et de chaussures orthopédiques ou semi-orthopédiques.

Prévention au grade 3

Il existe des antécédents d’ulcération du pied évoluant depuis plus de quatre semaines et/ou d’amputation des membres inférieurs. À ce stade, les soins de prévention par un pédicure podologue sont pris en charge par l’assurance maladie à raison de six séances par an dans les mêmes conditions que dans le grade 2 mais il est aussi nécessaire d’orienter vers une consultation spécialisée pluridisciplinaire.

Les médicaments de la neuropathie

Il n’existe pas de traitement médicamenteux agissant sur les mécanismes physiopathologiques de la neuropathie mais on peut lutter contre la douleur. On associe parfois au traitement antalgique (paracétamol, tramadol, morphiniques) des molécules telles que les antiépileptiques et des antidépresseurs tricycliques (inhibiteurs non sélectifs de la recapture de la sérotonine) agissant sur le mécanisme physiopathologique en cause en fonction des données d’un questionnaire simple (DN4) basé sur les symptômes (décharge électrique, fourmillement, engourdissement, picotement, froid douloureux, brûlure, démangeaison, contact douloureux du drap) et l’examen clinique.

L’équilibre optimal du diabète (pompe à insuline transitoire suivie d’un relais par multi injections) contribue à l’amélioration de la symptomatologie douloureuse.

Antalgiques

Paracétamol. Indiqué dans le traitement des douleurs légères à modérées et dans les états fébriles, il agit de façon centrale et périphérique. Mode d’emploi : il est nécessaire de respecter 4 heures entre les prises qui ne sont pas liées aux heures de repas. Contre-indications : hypersensibilité à la molécule, insuffisance hépatocellulaire.

Tramadol. Analgésique central grâce à son effet opioïde et son effet monoaminergique central, il est indiqué dans les douleurs modérées à intenses. Mode d’emploi : il est nécessaire d’augmenter progressivement les doses. Contre-indications : insuffisances respiratoires et hépatocellulaires sévères, épilepsie non contrôlée, association à des antidépresseurs IMAO.

Antalgiques morphiniques. Il sont parfois nécessaires.

Antiépileptiques

Carbamazépine. Mode d’emploi : à administrer pendant ou après les repas ; les comprimés ne doivent pas être écrasés ; les doses sont augmentées jusqu’à disparition de la douleur. Surveiller la formule sanguine. Contre-indications : BAV, porphyrie hépatique.

Gabapentine. Agissant sur les récepteurs au GABA selon un mécanisme d’action encore inconnu, il est indiqué dans les douleurs neuropathiques périphériques. Mode d’emploi : l’adaptation des doses est progressive. Les gélules sont avalées au cours ou en dehors des repas avec une quantité d’eau suffisante. Contre-indications : hypersensibilité à la substance. •Prégabaline. Analogue de l’acide gamma-aminobutyrique, il est indiqué dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques et centrales. Mode d’emploi : adaptation progressive des doses et prises au cours ou en dehors des repas. Contre-indications : hypersensibilité à la substance.

Inhibiteurs non sélectifs de la recapture de la sérotonine

Amitriptylline. Indiqués dans le traitement des douleurs neuropathiques et des algies rebelles. Mode d’emploi : initiation du traitement à faibles doses, puis augmentation progressive. Contre-indications : risque de glaucome, risque de rétention urinaire, infarctus du myocarde récent.

Duloxetine. Il potentialise les voies ascendantes de la douleur au niveau du système nerveux central. Il est indiqué dans le traitement des douleurs neuropathiques diabétiques de l’adulte. Mode d’emploi : prise en dehors ou au cours des repas. Évaluation du traitement au bout de deux mois. Contre-indication : maladie hépatique, insuffisance rénale sévère, hypertension artérielle non équilibrée.

Le traitement de la l’artériopathie

Bien que la prévention soit un facteur fondamental, certains traitements médicamenteux peuvent être mis en place en fonction de l’avancée de l’ischémie. Le traitement chirurgical peut s’avérer nécessaire. Il repose sur la revascularisation des tissus (angioplastie, pose de stent, pontage distal) en améliorant l’oxygénation des tissus lésés et empêchant ainsi une évolution vers la gangrène et l’amputation. Il améliore également la pénétration des antibiotiques au sein des tissus infectés. En cas d’échec, on peut recourir parfois à l’oxygénothérapie hyperbare. Mais aucune preuve formelle (étude prospective) n’est établie quant à son efficacité dans le pied diabétique artériopathique. Devant certaines lésions très graves, douloureuses évoluant rapidement et dégradant l’état général, la décision d’amputer est prise sans tarder.

Les médicaments antiischémiques

Vasodilatateurs périphériques, ils sont tous indiqués dans le traitement de la claudication intermittente des artériopathies chroniques des membres inférieurs.

Buflomédil. Mode d’emploi : prendre les comprimés avec un verre d’eau. Précaution d’emploi : évaluer la fonction rénale au moins une fois par an. Contre indications : épilepsie, insuffisance rénale sévère, hémodialyse.

Pentoxyfiline. Mode d’emploi : administration des comprimés au cours des repas. Précautions d’emploi : chez le sujet âgé, réduire la posologie et surveiller la tension artérielle. Contre-indications : risque hémorragique majeur, grossesse, allaitement.

Naftidrofuryl Praxilene. Mode d’emploi : les prises sont réparties au cours des repas et les comprimés et les gélules sont avalés avec un grand verre d’eau. Précautions d’emploi : maintenir un apport hydrique suffisant pour maintenir une diurèse suffisante et éviter la formation d’une lithiase rénale. Contre-indications : antécédents de lithiase rénale.

Ginkbo biloba. Mode d’emploi : répartir la dose en trois prises quotidiennes et prendre le médicament au cours des repas.

Les médicaments antiagrégants plaquettaires

Clopidrogel. Bloque l’agrégation plaquettaire par inhibition sélective de la fixation d’ADP sur le récepteur plaquettaire. Mode d’emploi : la prise quotidienne est administrée au cours ou en dehors des repas. Précaution d’emploi : allongement du temps de saignement. Contre-indications : insuffisance hépatique sévère, lésion hémorragique évolutive.

Dipyridamole/acide acétylsalicylique. Association d’un antiagrégant plaquettaire et d’un inhibiteur de l’activation plaquettaire. Mode d’emploi : gélules à prendre entières au cours des repas. Contre-indications : ulcère gastroduodénal, maladie hémorragique constitutionnelle, goutte.

Iloprost. Analogue de la prostacycline, il est indiqué dans le traitement de l’ischémie sévère des membres inférieurs chez des patients ayant un risque d’amputation et lorsque la chirurgie a échouée ou n’est pas indiquée. Mode d’emploi : utilisation en milieu hospitalier et administration en perfusion à l’aide d’une seringue automatique ou d’une pompe. La dose est adaptée en fonction de la tolérance. Précautions d’emploi : surveiller la tension artérielle, ne pas mettre en contact avec la peau ou les muqueuses. Contre-indications : infarctus du myocarde dans les six mois précédents, insuffisance cardiaque, troubles du rythme sévères, oedème pulmonaire, grossesse, allaitement.

Le traitement de l’infection

Antibiotiques probabilistes

Amoxicilline/acide clavulanique. Actif sur de nombreux germes Gram + et Gram grâce à l’association d’une bêtalactamine et d’un puissant inhibiteur des betalactamases. Mode d’emploi : la prise se fait au début des repas. Précautions d’emploi : surveiller la formule sanguine, les fonctions rénales et hépatiques. Contre-indications : allergie aux bêtalactamines, atteinte hépatique.

Gentamicine, amikacine, nétilmicine. Les aminosides sont indiqués dans les infections cutanées sévères et sont associés à l’Augmentin en intraveineux. Contre-indications : allergie aux aminosides, myasthénie.

Les pansements

Les pansements hydrocellulaires. Ce sont des pansements en mousse de polyuréthane à cinétique d’absorption rapide qui sont adaptés aux plaies modérément à fortement exsudatives (allevyn, tielle s, biatain, mepilex, askina, permafoam, cellosorb). Ils sont utiles de la fin de la détersion jusqu’à l’épidermisation.

Les pansements aux ions argent. Ils agissent localement sur les plaies infectées et stimulent la cicatrisation (Urgotul SAg, biatain Ag, altreet, aquacel Ag).

Les pansements au charbon actif (actisorb) sont utilisés pour absorber les mauvaises odeurs.

Matrice à effet antiprotéase (Promogram).

Les pansements gras sont des « tulles » imprégnés d’un corps gras (vaseline, paraffine) utilisés en phase d’épidermisation (grassölind, jelonet, urgotul, physiotulle, adaptic…).

Les pansements à base d’acide hyaluronique modulent l’inflammation, stimulent la production de cytokines et facilitent la prolifération cellulaire et la formation de vaisseaux (hyalogran, ialuset).

Les facteurs de croissance.

Becaplermine Regranex. Facteur de croissance humain recombinant ayant l’AMM pour le traitement des maux perforants plantaires de 5 cm2 maximum, il stimule la prolifération des cellules impliquées dans la cicatrisation des plaies. Mode d’emploi : après un débridement initial, il est appliqué une fois par jour en couche fine sur toute la surface ulcérée. Ne doit jamais être utilisé en première intention et doit toujours s’accompagner d’une décharge stricte.

Matériel et orthèses

Lorsque le pied présente une plaie, il est nécessaire d’assurer une mise en décharge la plus totale jusqu’à cicatrisation. Plusieurs moyens existent : port de chaussures de décharge, d’orthèses plantaires, repos au lit, fauteuil roulant avec horizontalisation du membre inférieur concerné. La zone de décharge la plus difficile à réaliser est le médio-pied. Le malade doit être très observant et la tolérance cutanée de l’appareillage vérifiée régulièrement.

Les chaussures de décharge

Ce sont des chaussures médicalisées à usage temporaire (CHUT) qui permettent la décharge de l’avant pied (chaussure de barouk, chaussure de décharge à semelle prolongée) ou la décharge du talon (sanital).La décharge est rapidement mise en place et génère un faible coût. Par contre, ce sont des chaussures de série qui n’assurent pas une adaptation personnalisée et qui s’usent rapidement. La marche est instable et elles peuvent créer de nouvelles zones de frottements. Il faut rappeler au patient que ce ne sont pas des chaussures de marche mais uniquement de décharge pour des déplacements courts.

Les orthèses de marche

Elles ssurent un meilleur équilibre et une meilleure répartition des zones de pression. Il existe des bottes gonflables ou platrées. Le patient doit être vu régulièrement pour vérifier la tolérance de ce matériel.

Chirurgie

Responsable du retard de cicatrisation des plaies, l’insuffisance artérielle est évaluée simplement par l’échographie Doppler. Si le malade présente des douleurs au repos, une claudication intermittente invalidante ou une infection menaçant l’intégrité du membre, il est nécessaire de revasculariser.

Angioplastie endoluminale

Elleconsiste en l’introduction d’un petit ballon cylindrique dans une artère et à l’amener jusqu’au rétrécissement. On gonfle alors le ballon qui écrase la plaque d’athérome.

Pose de stent

Il s’agit d’une endoprothèseconstitué d’un grillage métallique qui repousse la plaque d’athérome.

Pontage artérioveineux

Il se pratique grâce au prélèvement d’une veine saphène ou à l’aide d’un matériel prothétique qui est ensuite suturée au dessus de la lésion à traiter).

Amputation

Les progrès de la chirurgie ont modifié les pronostics péjoratifs mais l’amputation s’impose devant des lésions évoluant rapidement vers la nécrose. Elle doit être le plus conservatrice possible tout en évitant les récidives qui nécessiteraient de nouvelles interventions. Le degré d’exérèse repose sur des examens cliniques (recherche des pouls, mesure de l’indice de pression systolique à la cheville) et paracliniques (artériographie, angio IRM, mesure de la pression transcutanée en oxygène) et doit permettre un appareillage rapide et fonctionnel.

Vie quotidienne

Hygiène des pieds

Toilette. Les pieds doivent être lavés quotidiennement à l’eau tiède et bien séchés plus particulièrement entre les orteils. Éviter les bains de pieds qui dessèchent la peau et favorisent la macération des plaies. Réaliser tous les jours un examen à l’aide d’un miroir ou d’une personne afin de déceler les petites lésions et de traiter l’hyperkératose, les durillons, les fissures, les crevasses et les mycoses.

Soins et surveillance. Conserver l’intégrité cutanée de ses pieds en les hydratant correctement avec des produits adaptés en réalisant des visites régulières chez le pédicure podologue. Se limer les ongles et ne pas utiliser d’objets métalliques ou de corricides pour éliminer les cors et les durillons. Eviter l’exposition au froid et au chaud.

Chaussures adaptées

Le port de chaussures adaptées est essentiel. Elles doivent être achetées en fin de journée et plusieurs paires sont nécessaires pour modifier les zones d’appuis et de frottements. Il est préférable de les choisir fermées à lacets sans couture intérieure. Pour les pieds présentant des déformations importantes, il existe des chaussures médicalisées (pododiabète, maia, morphee). Les éventuelles orthèses plantaires sont réalisées dans des matériaux adaptés. Un diabétique doit toujours porter des chaussettes (en fibre ou en coton) été comme hiver. Lors du chaussage, il faut vérifier l’absence de corps étrangers.

Activité physique

Une activité physique régulière est préconisée. Marcher régulièrement pour améliorer la circulation sanguine. Les déplacements ne s’effectuent jamais pieds nus même chez soi afin de limiter le risque de blessures.

Acceptation de la maladie diabétique

L’équilibration stricte du diabète et l’élimination des facteurs de risque (alcool, tabac, alimentation grasse) permettent d’éviter de nombreuses complications. Pour cela, le malade (et son entourage) doit accepter sa maladie. En effet, le patient est l’acteur central de la prévention et adopter un mode de vie et des règles d’hygiène strictes permet d’éviter les complications du pied diabétique. l;