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La montagne au corps
Après des années à courir les sommets, Sara Berthelot, préparatrice en Haute-Savoie, a obtenu en juin son diplôme de guide de haute montagne. La seule femme de la promotion 2009.
A gripper la roche à mains nues, défier le vide d’une falaise, braver le froid et les intempéries, avancer toujours malgré la souffrance… La haute montagne est une mise à l’épreuve. Un flirt avec la mort… Car le danger est omniprésent : un pied mal assuré, une roche friable, un névé qui s’effondre ou l’orage qui menace. En se lançant à l’assaut des plus hauts sommets, Sara Berthelot reconnaît qu’elle avait « quelque chose à prouver ». Elle a appris à dompter le risque, mieux, elle assure désormais la sécurité des autres. Depuis juin dernier, elle fait partie du cercle très prisé des femmes guides de haute montagne, la quinzième du genre sur un total de 1 500 guides en France.
Cinquante-cinq courses de haut niveau. La seule inscription à la formation de guide exige la réalisation d’au moins cinquante-cinq courses de haut niveau, dont dix dans la neige, dix en mixte (neige et rochers) et dix dans la glace. Sans compter ensuite, des semaines de formation. Une fois diplômés, les guides sont en mesure de proposer de multiples activités à leurs clients : randonnées sur des glaciers, expéditions lointaines ou sur plusieurs jours, ski hors piste ou de randonnée, canyoning… « Il faut maîtriser parfaitement les techniques de l’alpinisme, mais il faut aussi savoir prendre en compte la météo, gérer les besoins en matériel type corde, baudrier, et rechercher l’itinéraire », détaille Sara dont les biceps généreux témoignent des longues heures passées à tirer et remonter des mètres de corde. Le goût de la montagne lui vient de son enfance : « Tous les étés, avec mes parents, mon frère et ma soeur jumelle, nous partions en excursion dans le Mercantour ». Parce que ses parents ne peuvent financer des études d’infirmière, elle entame la formation de préparatrice via CAP et mention complémentaire dès 15 ans. Quand elle obtient son diplôme, en 1998, la jeune fille quitte Cannes (Alpes-Maritimes) pour Courchevel (Savoie). Tous les matins, avant d’aller à la pharmacie, elle fait 500 m de dénivelé. Puis elle rencontre Bilou, son mentor, dans une salle d’escalade. Sara a 20 ans. C’est le début d’une histoire d’amour et de passion partagée pour la montagne.
Se sentir vivre. Lui veut devenir guide et doit accumuler les cinquante-cinq courses indispensables. Elle, a besoin d’un « leader », qui tient la corde de sécurité. Tous les week-ends, ils se lèvent tôt ou dorment en refuge pour partir avant l’aurore. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, ils enchaînent les ascensions. « Il faut savoir affronter le mauvais temps, le froid, la faim même, quand on s’est perdu ou qu’on a raté le dernier téléphérique. En montagne, tu as le strict minimum et tu fais marcher la machine, ton corps. Tu te sens vivre ! » Sara connaît le massif du Mont-Blanc comme sa poche avec l’aiguille d’Argentière (3 900 m) ou celle du Chardonnet (3 824 m) ou encore les Grandes Jorasses (4 208 m). Au sommet, elle s’émerveille de « la neige qui brille », irisée par la lumière surpuissante des hauteurs, de la beauté minérale qui l’entoure… Grisée par une sensation de « liberté, de pureté », Sara est aux antipodes du confinement dans lequel elle a grandi. Pour vivre son histoire d’amour, Sara a dû couper les ponts avec ses parents, membres des témoins de Jéhovah.
Retour en moyenne montagne. En 2004, Sara passe le brevet d’État d’accompagnateur et, deux étés successifs, prend des congés sans solde pour accompagner des randonnées en moyenne montagne. Puis enchaîne avec la préparation du diplôme de guide de haute montagne. « J’étais boulimique », lâche-t-elle. Mais, en 2006, elle dévisse quarante mètres dans une cascade de glaces et se fracture le tibia avec à la clé un mois d’hospitalisation et quatre mois de rééducation. « Quand j’ai eu cet accident, j’étais en train de me séparer de mon ami. » Un moment douloureux qui fait écho à la rupture familiale six ans plus tôt. Son compagnon l’avait aidée à se reconstruire. « Mais j’étais passée d’une emprise à une autre », analyse-t-elle. En 2008, une expédition au Pakistan, avec l’équipe nationale filles d’alpinisme, est une énorme bouffée d’oxygène. Mais son patron ne supporte plus ses absences et la licencie. Quelques mois plus tard, elle obtient le diplôme de guide et démarre une nouvelle vie professionnelle. Aujourd’hui, elle propose différentes prestations*, de un à trois jours, en s’adaptant aux desiderata des clients, qu’elle recrute via l’hôtel Touristra de la forêt des Tines : randonnées glaciaires, ski de randonnée ou hors-piste, traversée de la Vallée Blanche, ascensions dans les massifs du Mont-Blanc, de Oisans ou du Valais suisse… « J’adore partir avec les clients. Quand tu es guide, c’est à toi de prendre les décisions en permanence. » Et la pharmacie, dans tout ça ? Elle vient juste de retrouver un mi-temps compatible avec son activité de guide. « La montagne, c’est mon côté masculin, et la pharmacie, mon côté féminin, où je conseille, apaise, rassure… » Dans ce subtil équilibre du Yin et du Yang, est venu s’immiscer le tango que la jeune femme a découvert par hasard. Une fois par semaine, Sara troque ses crampons à glace pour des escarpins aux talons vertigineux et dans la salle de bal, elle se laisse étourdir par la magie d’une danse sensuelle… C’est à son tour de se laisser guider. •
* Pour plus de renseignements, contacter Sara Berthelot, tél. : 06 88 49 14 61, sara.berthelot@yahoo.fr.
Sara Berthelot
Âge : 30 ans.
Formation : préparatrice en pharmacie et guide de haute montagne.
Lieu d’exercice : Chamonix.
Ce qui la motive : Tout sauf la routine : la gentillesse, l’amour, les gens, bref, la nouveauté…
Portrait chinois• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? L’arnica, une fleur de montagne robuste, qu’on trouve dans les éboulis où rien ne pousse.
• Si vous étiez une forme galénique ? Un patch : il agit sans intrusion. Je préfère l’action aux mots, délivrer un message en faisant découvrir la montagne par exemple.
• Si vous étiez un médicament ? Un antibiotique à large spectre pour son efficacité. J’aime me sentir utile.
• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Une prothèse de genou. Une seconde chance pour remplacer quelque chose qui marche mal. On pense que plus rien n’existe, mais il y a encore des possibilités.
• Si vous étiez un vaccin ? Contre les IST, pour ôter toute culpabilité, notamment celle de la religion qui empêche d’aimer.
• Si vous étiez une partie du corps ? Un oeil clair, franc et avec lequel on communique sans parler. En montagne, tu regardes beaucoup.
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