Délégation de tâches : les médecins lâchent du lest

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Délégation de tâches : les médecins lâchent du lest

Publié le 12 octobre 2022
Par Magali Clausener
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Les 7 ordres des professions de santé ont remis, le 13 octobre 2022, leurs propositions au ministre de la Santé et de la Prévention pour répondre à la problématique de l’accès à la santé. Et prônent le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé.

Comment améliorer l’accès à la santé dans les territoires ? Le Comité de liaison interordres (CLIO) Santé, saisi par le ministère de la Santé, émet des propositions autour de 4 axes thématiques :

– améliorer l’accès au médecin traitant en développant le partage d’actes et d’activités entre médecins et professionnels de santé ;

– accélérer la mise en œuvre des mesures existantes en faveur de l’élargissement des missions des professionnels de santé, des transferts d’activités et assurer la mise en cohérence de la réglementation ;

– améliorer la lisibilité du système de santé au travers d’une organisation définie et partagée entre les professionnels de santé et la population ;

– valoriser les compétences des professions de santé au travers des dispositifs de formation et garantir une démographie des professionnels de santé cohérente avec les besoins de la population.

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Intervention des autres professionnels de santé

Le CLIO a travaillé en partant de deux situations concrètes : le patient a un médecin traitant, exerçant ou non dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné, ou il n’a pas de médecin traitant.

Il émet deux propositions à mettre en œuvre conjointement :  

– développer dans chaque territoire les partages d’actes et d’activités des médecins vers les professionnels de santé exerçant au sein d’équipes de soins primaires et de proximité pour dégager du temps supplémentaire au médecin traitant afin d’augmenter le nombre de patients pris en charge par les médecins ;

– à défaut de médecin traitant disponible, confier aux autres professionnels de santé une mission en termes d’orientation du patient dans le système de santé, en assurant une première prise en charge, et en organisant avec les autres acteurs du territoire, l’orientation vers un médecin traitant.

En clair, les médecins acceptent enfin de lâcher du lest sur leurs prérogatives. « Avec les médecins et les autres professionnels de santé, nous nous engageons dans une nouvelle organisation pour gagner du temps médical. L’Ordre des médecins a poussé vers cette proposition innovante du CLIO Santé », commente Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens.

Une organisation qui s’appuie sur l’exercice coordonné. Pour le déployer, le CLIO propose d’étendre « la notion de coordination à tout regroupement de professionnels de santé qui s’unissent pour définir entre eux et de façon contractuelle, une organisation territoriale des prises en charge par le partage des actes et des activités entre médecins et professionnels de santé ». Ce qui doit se traduire sur le terrain par une plus grande souplesse. « On peut considérer qu’un médecin et un pharmacien pourraient passer une convention. Cela serait un premier niveau d’exercice coordonné et permettrait, par exemple, de mettre en œuvre la dispensation protocolisée. Mais nous voulons élargir le cercle de l’exercice coordonné entre les médecins et les autres professionnels de santé comme le CLIO le préconise dans ses propositions », explique Carine Wolf-Thal.

L’organisation prônée par le CLIO nécessite également que professionnels de santé et patients soient informés sur les périmètres des prises en charge par chaque profession. « Nous devons déjà, entre professionnels de santé, mieux connaître les compétences de chacun, observe Carine Wolf-Thal. Par exemple, nous pourrions orienter une femme pour sa contraception vers une sage-femme au lieu d’un gynécologue ou d’un médecin généraliste. Et ensuite, il faut informer les patients. »

Etendre les missions du pharmacien

Ces propositions communes constituent un cadre. Chacun des ordres du CLIO Santé va émettre des propositions individuelles s’y inscrivant. Ce 13 octobre, l’Ordre des pharmaciens propose ainsi « de premières actions concrètes dans la continuité du CLIO Santé ». Deux concernent directement les pharmaciens d’officine. La première vise à « déployer plus largement la dispensation protocolisée » en étendant la liste des pathologies et en simplifiant les conditions de réalisation pour un déploiement plus massif. La deuxième porte sur la mise en œuvre et le développement du rôle du pharmacien correspondant : l’Ordre souhaite élargir les missions et valoriser ce rôle sur l’ensemble du territoire, « sans se limiter aux zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ».

Il veut aussi renforcer le rôle du biologiste médical en lui permettant de prolonger la validité d’une ordonnance d’examens de biologie médicale, ajuster au besoin les posologies ou encore participer à la pertinence des prescriptions d’antibiotiques et les ajuster le cas échéant.

« A partir du 14 octobre, tous les ordres ont chacun rendez-vous avec la ministre Agnès Firmin-Le Bodo. Nos propositions ne vont pas être mises en œuvre dès demain. Il y aura peut-être des mesures dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale, NdlR) pour 2023. Si elles s’inscrivent dans le CNR (conseil national de la refondation, NdlR), il faudra attendre le printemps pour qu’elles se concrétisent. Mais d’autres, comme l’application de décrets ou la généralisation d’expérimentations, peuvent être rapidement mises en place, à la fin de l’année ou début 2023 », précise Carine Wolf-Thal.