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Dessine-moi un préparateur
Par Claire Bouquigny, Dominique Fonsèque-Nathan, Christine Julien et Franck L’hermitte
Si vous pouviez donner votre avis, à quoi ressembleraient le métier et la formation du préparateur de demain ? Comment appeleriez-vous ce professionnel de la pharmacie ? Est-il si différent du pharmacien ? Les préparateurs et les pharmaciens interrogés dans les pages suivantes ont fait des propositions. Malgré des parcours ou des âges différents, certains points communs émergent. Le futur diplômé serait un « technicien ou un assistant pharmaceutique ». Il ferait deux ou trois ans d’études axées sur la pharmaco et la physio, les sciences humaines et la vente, mais se spécialiserait. Enfin, une alternance revue et corrigée avec un contrôle du maître de stage et davantage de présence à l’école sont souhaités.
Préparatrice
Caroline Claess 28 ans, préparatrice à la pharmacie Haddad à Orléans (BP en 2007)
Elle assure plusieurs vacations de formatrice au CFA d’Orléans.
Mes activités à l’officine
• Des activités en lien avec la clientèle : l’accueil des malades, la délivrance des ordonnances et les conseils associés, l’écoute des malades et les réponses aux demandes spontanées. Des activités liées à la gestion de stock, le déballage, la saisie des commandes et la mise en rayon. La réalisation de préparations.
Mes points forts
• Par ma formation, je suis plus à l’aise dans la délivrance des médicaments et dans les conseils associés.
Mes points faibles
• Je manque de connaissances théoriques, technique de communication, psychologie, connaissance de l’environnement social du malade (assistantes sociales, structures d’aide à domicile). J’ai des problèmes avec le conseil en dermatologie et en cosmétique, avec le commentaire d’une ordonnance d’homéopathie (domaine qui se développe), d’orthopédie ou de petit appareillage. Parfois la barrière de la langue pose des problèmes.
Le temps consacré à la préparation
• Les préparations représentent une petite partie de mon activité. Le temps consacré à l’enseignement des préparations au CFA peut paraître excessif, mais les élèves n’ont aucune notion dans ce domaine. Pour réaliser peu de préparations, un savoir suffisant requiert un certain volume horaire. Les cours de TP mettent en pratique les connaissances théoriques sur les formes galéniques et permettent d’acquérir une méthodologie de travail. Les connaissances sur les excipients et les principes actifs aident à interpréter la composition d’un produit parapharmaceutique.
Mon idée préconçue du métier
• Je pensais aux préparations et à la mise en rayon. J’ignorais qu’il y aurait autant de délivrance et de conseils.
Ma différence avec les pharmaciens
• La quantité de connaissances et leurs capacités à analyser les pathologies. Ils sont chargés de gérer une entreprise et une équipe. Ce sont eux qui prennent les décisions dès qu’il y a un problème avec une ordonnance ou avec une personne.
Mes activités propres, différentes ou complémentaires de celles des pharmaciens
• Je pense que j’ai les trois à la fois. J’ai déjà une activité propre car je réalise les préparations. Des activités différentes, surtout dans la gestion des stocks. Nos activités sont complémentaires lors de la délivrance des médicaments. Nous sommes complémentaires, en équipe, nous avons besoin les uns des autres.
Ma formation idéale
• La dermatologie est un domaine à développer. J’accentuerais également la formation sur les conseils qui sont de plus en plus demandés. Une année de formation supplémentaire permettrait de se spécialiser dans les préparations, la dermatologie, l’homéopathie… Il faudrait aussi plus de centres de formation.
C.B.
Pharmaciens
Damien Chesnel, 32 ans, pharmacien adjoint
Il effectue des remplacements en Bretagne, en Normandie et en Pays de Loire depuis 2009.
Il est Président de l’association des pharmaciens adjoints de Bretagne (APAB).
De l’aisance des préparateurs
• Certains sont très à l’aise dans l’exercice de leur profession et très au fait de leur environnement social, d’autres moins. Comme dans toutes les professions, cela dépend beaucoup des qualités humaines de chacun, de l’ouverture d’esprit, de l’intérêt porté au métier et de leur investissement personnel.
Du temps consacré aux préparations
• Les préparations représentent aujourd’hui une partie infime du temps de travail et du chiffre d’affaires officinal. Dans la mesure où elles continuent à exister, il est indispensable qu’elles soient exécutées par des professionnels qualifiés et entraînés. Il me semble donc primordial que la formation y consacre le temps nécessaire. Cet enseignement est incontournable mais pourrait faire l’objet d’une spécialisation, à condition de garantir un nombre suffisant de préparateurs formés pour toutes les préparations réalisées en officine.
À propos des missions des préparateurs
• En dehors de la gestion, domaine réservé du pharmacien titulaire, toutes les tâches sont confiées aux préparateurs. Au-delà de la dispensation des médicaments, cela va de la manutention au marketing, en passant par la négociation auprès des fournisseurs. Les attributions des missions dépendent de la motivation et des aptitudes de chacun, du niveau de confiance accordé et de la structure de l’officine.
De la pertinence des études et de l’apprentissage
• L’essentiel du temps de la formation par alternance est consacré à l’entreprise. L’enseignement de ces activités dépend de l’investissement du maître de stage. Un apprenti embauché pour faire de la manutention à moindre coût sera moins bien formé que celui à qui l’équipe officinale montrera les ficelles du métier.
De la différence entre préparateur et pharmacien
• Aujourd’hui, le cœur du métier est la dispensation des médicaments. Les pharmaciens peuvent faire bénéficier l’équipe de leurs compétences lorsqu’une question d’ordre scientifique se pose. Les pharmaciens adjoints ont en théorie un statut de cadre, mais de nombreux titulaires se réservent cette fonction d’encadrement. En pratique, les pharmaciens adjoints sont davantage employés par nécessité légale que pour leurs compétences propres. Du coup, ce qui différencie les activités des pharmaciens de celles des préparateurs dans de nombreuses officines, c’est souvent… la blouse.
À propos des rôles propres du préparateur
Définir un rôle propre du préparateur reviendrait à en exclure le pharmacien. Je ne vois pas de justification à retirer un pan de l’activité officinale du domaine de compétence des pharmaciens.
De la formation future des préparateurs
Quelles matières, savoirs ou compétences leur souhaiter ? Pharmacologie, conseil, préparations, marketing, psychologie et communication, connaissance de l’économie de la santé et du monde médical et paramédical.
C.B.
Véronique Juhel, 47 ans, pharmacienne adjointe à Acigné (Ille-et-Vilaine)
Elle enseigne également au CFA d’Orléans depuis 1998 la biochimie, la microbio et l’immuno, la phyto et la pharmacognosie, la gestion, le droit du travail et la toxico.
Les lacunes de l’enseignement
• Le manque de connaissances théoriques, l’absence de techniques de communication ou de psychologie, la méconnaissance de l’environnement social (des autres professionnels œuvrant autour du patient). Leur programme de formation vise une formation théorique équivalente à celle du pharmacien. C’est trop rapide pour être acquis. Cela pose des problèmes lorsque les ordonnances sont complexes. Malgré tout, mes jeunes collègues préparateurs ont pas mal d’autonomie et sont conscients d’avoir besoin du pharmacien pour des cas complexes.
Leur aisance
• Dans la réalisation des préparations, la gestion des stocks, le rangement des commandes et sur la pratique indiscutablement.
Le temps consacré aux préparations
• Je suis partagée. Actuellement, il est un peu excessif dans la formation et surtout pour l’obtention du diplôme, compte tenu du peu de préparations effectuées à l’officine. En même temps, en évaluant les élèves en pratique, on évalue aussi leur organisation, la rigueur et la propreté. De plus, seuls les préparateurs ont cette formation technique. On ne peut pas s’en passer. Pourquoi ne pas orienter cet enseignement vers une mise en application pratique, dans la cosmétique par exemple ?
Les missions confiées aux préparateurs
• Accueil clients, gestion des stocks, rangement, merchandising, tâches administratives, gestion du préparatoire et du conditionnement, préparations. J’ai toujours travaillé dans des officines où la polyvalence est de mise. Les tâches sont peu attribuées, on les partage selon notre disponibilité.
La formation adaptée aux activités
• Ils ne sont pas assez formés sur l’accueil client, la communication, le conseil…
Les différences entre préparateur et pharmacien
• Beaucoup de clients ne font pas la différence. Dans un premier temps, certains préparateurs aussi, puis ils reconnaissent que les enjeux sont différents. La non-responsabilité fait que pour beaucoup de tâches, le préparateur demande l’avis du pharmacien : ordonnances complexes, conseils au comptoir, gestion de l’entreprise.
Du rôle propre du préparateur
• Je ne suis pas sûre que ce soit nécessaire. Le préparateur est là pour seconder le pharmacien.
Mes souhaits pour la formation
• Orthopédie, maintien à domicile, diététique, conseils en pharmacie familiale, mais aussi un approfondissement en physiologie, anatomie, pathologie et pharmacologie. Je souhaite surtout une évaluation sur le lieu de formation. Un élève peut avoir d’excellentes notes théoriques sans pour cela être un bon préparateur.
Les moyens de la formation
• Il serait souhaitable d’augmenter le temps de formation théorique avec pourquoi pas, des formules de stages plutôt que l’actuelle alternance. On pourrait imaginer un stage long de quatre mois de juin à septembre, puis quinze jours par mois durant l’année sur des thèmes précis à valider à chaque stage. La formule de l’apprentissage ne me semble plus trop adaptée aujourd’hui. Il y a moins de savoir-faire à transmettre, les jeunes ont du mal à trouver des pharmacies qui les acceptent comme apprentis, et les CFA en forment de moins en moins (malgré la pénurie de préparateurs). Cependant, l’alternance permet de réguler l’entrée en formation et responsabilise les élèves.
Une durée de formation
• Trois ans à condition que le programme soit enrichi. Deux ans si le contenu reste identique pour éviter l’essoufflement des élèves. Le niveau de diplôme doit aussi être réévalué. Pratiquement, tous les apprentis ont leur bac et font deux ou trois années d’apprentissage en plus.
Un nouveau nom
• J’aime assez « technicien en pharmacie » ou « technicien pharmaceutique », terme assez juste par rapport à leur niveau.
C.J.
Préparateur
David Desmaretz, 33 ans, préparateur à Aix-en-Provence (BP en 99)
Responsable du rayon diététique et nutrition, il a une licence de micronutrition (fac de Poitiers, 2009). Il est formateur pour Nutergia, laboratoire de micronutrition.
Mes activités à l’officine
• La vente, la dispensation de médicaments et les conseils nutritionnels. Je suis spécialisé en diététique et nutrition. L’équipe oriente les clients vers moi dans ce domaine. Dans l’officine, chacun est spécialisé.
Mes points forts
• Les conseils en compléments alimentaires (j’ai suivi plusieurs formations), et mes cinq ans de formation.
Mes points faibles
• Je n’ai pas de problèmes car je me suis formé. La communication, les techniques de vente et le conseil manquent aux jeunes qui sortent de l’école.
L’intérêt des préparations magistrales
• Elles ne sont plus réalisées à l’officine, hormis les mélanges de deux tubes ou d’huiles essentielles. La formation en préparations magistrales est excessive.
Les différences entre préparateur et pharmacien
• La responsabilité au comptoir. Sinon le préparateur fait la même chose que le pharmacien, hormis les stupéfiants, et encore… Le pharmacien est là pour la législation. Le pharmacien ne contrôle pas toujours les ordonnances mais ça ne se dit pas. On dit que nous sommes des « sous-pharmaciens ». Il est difficile d’imaginer des activités propres aux préparateurs sans un changement radical de l’organisation de l’officine. Par exemple, qu’il ne puisse plus délivrer d’ordonnance. Ce qui nous différencie vraiment, c’est le salaire. À bac + 2, le salaire est à peine supérieur au smic.
Sur la formation des préparateurs
• La formation n’est pas adaptée aux attentes des pharmaciens qui gagnent moins d’argent avec les médicaments. Les clients viennent chercher du conseil, de la « para », dont l’enseignement est absent des cours. La formation continue n’est pas assurée. Les préparateurs devraient choisir une spécialisation : aroma, homéo, diététique, cosméto… Cela devrait venir du pharmacien. Le gros problème est le manque de temps. Beaucoup de préparateurs ont l’envie et les capacités de se former, mais certains pharmaciens refusent de les laisser se spécialiser.
Ils craignent des demandes d’augmentation de salaire et des départs en cas de refus.
Des idées pour la future formation
• Apprendre à communiquer, revoir la durée de la formation et se spécialiser pendant les études. Il faut consolider nos compétences par des mises à niveau régulières.
C.B.
Préparateurs
Francis Liaigre, 53 ans, préparateur à la pharmacie Lansard à La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie)
Il est le créateur et l’administrateur du site Pharmechange depuis 2002 (www.pharmechange.com) et président de l’association Aspharcom (http://aspharcom.free.fr) dont l’objet est de favoriser la communication entre professionnels du médicament. Aspharcom a lancé une pétition rassemblant des propositions pour le métier de préparateur.
Mes activités à l’officine
• Comptoir, préparation, informatique, comptabilité, gestion du tiers-payant, je suis polyvalent dans une entreprise de petite taille. Une officine moyenne en France, c’est un CA de 1 à 2 millions d’euros, avec un ou deux pharmaciens et trois à six préparateurs. L’officine n’a pas les moyens d’employer du personnel spécialisé. Le préparateur doit avoir des compétences dans plusieurs domaines. En fait, 90 % de l’activité officinale est consacré au médicament. Sa délivrance ne peut être réservée au pharmacien.
Les activités où je suis à l’aise
• Mon expérience a pris le pas sur ma formation déjà ancienne (plus de 20 ans). La formation initiale apprend des choses, mais les compétences sont acquises en cours de carrière, grâce à la formation continue. Je ne suis pas resté au niveau de ma formation de base.
Celles où je le suis moins
• Nous n’avons pas l’expertise pharmaceutique du pharmacien. Il faut connaître ses limites lorsque l’aspect scientifique nous dépasse. L’expérience compense les manques, mais la formation devrait tenir compte d’une réalité de notre métier consacré essentiellement au comptoir, en relation avec les malades et leur famille. Or, les sciences humaines sont absentes du cursus initial. Il est nécessaire d’engranger des compétences en homéopathie, phytothérapie aromathérapie, MAD, cosmétologie, diététique, soins de première urgence, informatique, communication, conseil, psychologie, merchandising… La formation initiale n’a pas pour objet d’approfondir toutes ces matières, mais la formation en alternance doit apporter un minimum requis dans ces domaines.
À propos des préparations
• Je le regrette mais la préparation n’est plus le cœur de notre métier. Le faible volume des préparations fait recourir à la sous-traitance. La place de son enseignement dans la formation initiale est aujourd’hui excessive. Cependant, un enseignement minimum doit être conservé. C’est quand même notre histoire ! Et nos collègues qui font carrière dans la sous-traitance ont besoin de cet enseignement. Pourquoi ne pas créer un certificat de qualification professionnelle ?
Mes idées sur le métier
• J’aime mon métier, mais j’ai la nostalgie de l’officine de mes débuts. Tout a changé avec la montée du tiers-payant et de sa gestion, les baisses de marge successives… La clientèle a changé, elle est plus informée, parfois mal. Nous avons moins de temps à consacrer à l’écoute. Il faut toujours faire plus pour conserver une marge équivalente.
Les différences entre préparateur et pharmacien
• Nous n’avons pas le même niveau d’études, ni les mêmes compétences scientifiques. Le pharmacien a appris à apprendre et son architecture de pensée le limite moins que nous. Au fil du temps, avec une remise à niveau constante, les différences peuvent se gommer. Le métier de pharmacien est plus à réinventer que le nôtre. Pourquoi faire autant d’études pour être l’exécutant du médecin ? Comment justifier qu’à bac + 6, il se perde dans des tâches qui pourraient nous être confiées ? L’officine gère mal ses ressources humaines…Le pharmacien est le spécialiste du médicament. Il doit dialoguer d’égal à égal avec le médecin qui fait très peu de pharmacologie. Le rôle du pharmacien devrait être déterminant dans le choix du traitement, l’ajustement des posologies… Cela peut paraître utopique, mais c’est pratiqué dans certains pays anglo-saxons, notamment au Canada. Si le pharmacien prenait cette place, il se libèrerait du rôle d’exécutant, assumé alors par le préparateur. La délivrance d’un traitement particulier, lourd ou nouveau, nécessite la compétence scientifique du pharmacien. La délivrance de traitements installés, de renouvellement ou de pathologies saisonnières, pourraient, sans risque, être confiée au préparateur. Le conseil courant est accessible au préparateur. En cas de doute ou de limite de compétence, le préparateur en réfère au pharmacien, toujours présent à l’officine.
Des activités propres au préparateur
• Je le souhaite. À quoi ça sert que le préparateur soit un « sous pharmacien » ? Il est vital pour l’avenir du métier de trouver au plus vite une identité propre, et ne pas se prendre pour des pharmaciens. En se démarquant, on justifiera notre utilité. Si on définit les activités propres du pharmacien, le préparateur doit être en mesure d’effectuer toutes les autres. Il est dommage qu’un pharmacien s’enferme dans un bureau pour gérer le tiers-payant !
Les savoirs à acquérir pour le préparateur
• Il faut imaginer le préparateur. La formation d’aujourd’hui ne colle pas à la réalité. La formation, la fonction et l’avenir du préparateur sont toujours décidés par la branche (ndlr : la CPNE), au service et pour le bénéfice de l’entreprise « officine ». Ce métier souffre d’être directement rattaché à l’officine. Or, il est possible d’exercer ailleurs qu’à l’officine. Par exemple, le préparateur pourrait être en charge de la partie médicamenteuse dans le maintien à domicile : préparation des piluliers, gestions du suivi de la prise en charge… Le préparateur deviendrait alors un auxiliaire ou un assistant pharmaceutique. Le statut et le mode de formation de l’infirmière peuvent servir de base de réflexion pour notre métier.
Remettre en question l’alternance
• L’alternance est une bonne chose pour les métiers techniques. Les conditions dans lesquelles elle se déroule aujourd’hui ne permettent pas de former avec certitude des professionnels de qualité. Le maître d’apprentissage n’est pas contrôlé sur la qualité et la quantité de l’enseignement prodigué. Un apprenti reçoit 800 heures de formation en CFA et 2 500 heures en entreprise. Il n’y a actuellement, aucune définition du contenu de ces 2 500 heures. L’alternance a par ailleurs un rôle de goulot d’étranglement, en ne formant que le nombre de professionnels dont la pharmacie a besoin. On pourrait imaginer un quorum, une sorte de quota, comme pour les pharmaciens.
Concilier apprentissage théorique et pratique
• La formation pourrait se faire sous forme de modules. Elle alternerait périodes de formation théorique et stages. Ce système aurait l’avantage de donner une formation équitable à chaque apprenti. Un stage égale un contenu, une validation. De plus, un cursus en trois ans procurerait un bagage suffisant pour travailler dans des officines de tailles différentes. Une troisième année de spécialisation élargirait nos compétences.
C.J.
Hélène Fratta-Dureux, 41 ans, préparatrice à Sennecey-les-Dijon (BP en 1994)
Elle travaille dans une petite pharmacie avec un titulaire, un adjoint et elle-même. Elle est également Présidente de l’amicale « le Pilon Bourguignon ».
Mes activités à l’officine
• Je fais le même travail qu’un adjoint. La seule différence est le salaire, même si le mien est correct. Je délivre au comptoir, je conseille, je fais les commandes, je reçois les représentants, je passe les commandes, je fais les télétransmissions etc. Je négocie les prix. J’établis la politique de prix. Je fais aussi quelques préparations. Par rapport au titulaire, je ne signe pas les chèques et je ne m’occupe pas de la gestion financière de l’officine. J’ai eu la chance de travailler avec des pharmaciens qui m’ont donné des responsabilités. Certains amis ne peuvent émettre un avis et se contentent de délivrer.
Mes difficultés
• Je me sens à l’aise dans tout ce que je fais, sauf la négociation avec les représentants. Je suivrais des cours type « Ecole de Commerce » si j’en avais le temps. Quand on est curieux, quand on sait poser les questions pour obtenir des réponses et quand on fait des formations, il n’y a pas de problème.
Mon idée sur la formation actuelle
• J’ai enseigné au CFA de Talant. Les préparateurs qui sortent d’un CFA ne savent pas vendre et faire du conseil associé à l’ordonnance. Ce sont ces compétences qui sauveront le métier de préparateur.
Un bon vendeur est convaincu que le produit qu’il propose est le bon et donne des arguments. Les techniques de vente ne sont pas enseignées.
Mes souhaits sur la formation future
• Trois années de formation en alternance me paraissent un bon compromis pour acquérir les bases du métier. Cela permettrait de renforcer la présence à l’officine et de convaincre les titulaires de prendre des apprentis. Les formations complémentaires devraient être enseignées après le BP (cosméto, phyto, etc). On ne peut pas tout apprendre en trois ans. Il manque à la profession des remises à niveau régulières. Comment peut-on exercer ce métier pendant vingt ans sans suivre de formation ?
Mon avis sur l’alternance
• L’alternance serait une bonne formule avec davantage de contrôle des maîtres d’apprentissage. Prendre quelqu’un en apprentissage demande du temps et des conditions. Certains titulaires n’ont pas de préparatoire. C’est comme si un apprenti boucher faisait un stage chez un fleuriste !
Les rôles spécificiques du préparateur et de l’adjoint
• Dans les pharmacies rurales, les rôles ne sont pas distincts. Je suis persuadée que les patients n’en voient aucune. Personnellement, je ne me vois pas dire à un patient qui pose une question : « Demandez-le au pharmacien ». Ce serait dévalorisant. Les pharmaciens ont un savoir différent mais, face à un patient à qui on délivre une ordonnance, les rôles sont identiques. Il ne faut pas mettre de barrière entre les deux. C’est un travail d’équipe dont l’objectif est de satisfaire le patient.
Mes souhaits pour l’avenir
• Pourquoi le préparateur ne pourrait pas prendre des parts dans des SEL ? Travailler pour soi est plus motivant. On pourrait changer le nom de préparateur en pharmacie qui ne correspond plus à la réalité.
Le préparateur trouve sa place à l’officine si l’équipe est organisée. Chacun doit avoir des responsabilités et les exercer selon ses compétences, acquises par l’expérience ou par la formation. Il faut intéresser les préparateurs au CA. La politique de prix et de marges doit être transparente pour que l’équipe puisse orienter le client vers des produits à marge plus élevée.
D.F.
Préparatrice
Sylvie Wagner, 42 ans, préparatrice à la pharmacie Saint-Vorles à Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or), (BP en 1990)
Elle a un DU de diététique et nutrition. Elle a gagné le prix du « Préparateur expert » des Initiatives Pharmacie en 2009.
Mes activités à l’officine
• C’est principalement le comptoir car mon patron met l’accent sur cet aspect du métier. Je suis responsable de plusieurs gammes de dermocosmétique. Je m’occupe de la gestion des représentants et des commandes, de la mise en place. Je vois la politique de prix avec mon titulaire. Je me donne des limites car ce n’est pas mon carnet de chèques ! Je fais quelques préparations pour garder la main, mais il y a un chef du préparatoire (cinquante préparations mensuelles en moyenne, certaines étant sous-traitées).
Mes points forts
• À l’époque, la formation me semblait adaptée à mon métier. J’avais un bac D (scientifique) et j’avais commencé la fac de pharmacie. J’ai eu la chance d’avoir des patrons qui m’ont guidée et accompagnée correctement. C’est essentiel. De mon côté, j’ai creusé les points non abordés durant mes études. Ce que je sais maintenant, je l’ai acquis grâce à ma formation personnelle : presse professionnelle, bouquins spécialisés, DU de diététique.
Mes points faibles
• Les techniques de vente et de conseil, la psychologie du patient, le merchandising, tout ce qu’on nous demande de faire aujourd’hui. J’ai suivi des formations adéquates, mais on pourrait l’apprendre plus tôt. Il serait aussi intéressant de faire des modules de spécialisation en nutrition, homéopathie, phyto, aroma.
Le temps consacré à la préparation
• Si le temps consacré aux préparations pendant la formation est comparable à mon époque, ça me semble excessif. Je suis attachée aux valeurs et à la mémoire de mon métier, mais faire un diplôme basé et noté sur ces compétences me paraît absurde. Un quota de ces heures pourrait être consacré à d’autres apprentissages.
Mon idée préconçue du métier
• Grâce à mes patrons, j’ai évolué en salaire, formation et responsabilité. Une amie a arrêté, dégoûtée par l’absence de responsabilité. La formation doit être adéquate et évoluer pour être complémentaire du terrain. Grâce aux maîtres d’apprentissage et au travail personnel, les préparateurs deviennent compétents et autonomes. Nous n’avons pas d’autres opportunités pour évoluer si ce n’est cet octroi de responsabilité.
Ma différence avec le pharmacien
• Sur le niveau d’études et les connaissances en physiologie et en pharmacologie, il n’y a pas photo ! La différence porte également sur le salaire (!) et le niveau de responsabilité. La compétence spécifique du pharmacien a trait au médicament. C’est d’ailleurs là que je suis le moins à l’aise. Si les moyens nous sont donnés, nous sommes capables d’être compétents.
Les pharmaciens aussi doivent se mettre à niveau. Les activités quotidiennes peuvent les éloigner d’une mise à jour essentielle. Ils n’ont pas la science infuse !
Mes activités propres, différentes ou complémentaires de celles des pharmaciens
• Je suis favorable à davantage de responsabilités par les spécialisations pour une place motivante au sein de l’officine. Peut-on appeler ça un « rôle propre » du préparateur ? Les pharmaciens pourraient déléguer davantage, mais de là à se différencier par tâches…
La formation idéale
• Elle serait basée sur les pathologies et les médicaments, notamment sur le diabète, la cancérologie, la maladie d’Alzheimer, toutes ces « grosses » pathologies souvent rencontrées dans notre exercice.
Elle aborderait également la psychologie et les techniques de vente. Au comptoir, nous devons être compétents, avoir de l’empathie. La manière de vendre et délivrer le médicament s’apprend. Des modules de spécialisation choisis selon l’inclinaison de chacun engendreraient des compétences et un statut qui augmenteraient la motivation au travail et la valorisation de notre métier.
Le pharmacien pourrait exploiter ces compétences. Deux ans, c’est court pour apprendre un métier. Plutôt trois ans.
Un nouveau nom pour le métier
• Technicien en pharmacie ressemble à « technicien de surface » ! Il faudrait un nom parlant et valorisant, pourquoi pas « assistant en pharmacie » ou « assistant pharmaceutique » ?
C.J.
Pharmacienne
Gisèle Colombani, 57 ans, titulaire à Cabannes (Bouches-du-Rhône) depuis 20 ans
Elle a enseigné au CFA de Bains (Haute-Loire) presque toutes les matières durant 8 ans.
Les lacunes des préparateurs
• Ils manquent peut-être de connaissances théoriques, comme nous, pharmaciens. On peut développer la curiosité. C’est aussi un métier essentiellement tourné vers les autres. Pour un même diplôme, savoir communiquer, écouter et transmettre, fera la différence. Une formation « psychologique » spécifique pourrait être un plus, même si je pense que la capacité d’écoute est davantage « personne-dépendante » que « formation-dépendante ».
Leur aisance
• S’ils sont davantage au comptoir que le pharmacien, ils peuvent y être plus à l’aise. Ils connaîtront les familles, les traitements, et sauront poser les bonnes questions. C’est une question de temps passé au comptoir.
Le temps consacré aux préparations
• Aujourd’hui, soit on utilise des POD (produits officinaux divisés), soit on fait appel à un préparatoire certifié. Je pense que ce temps pourrait être consacré à autre chose.
Les missions confiées aux préparateurs
• Il n’y a pas beaucoup de différence, si ce n’est la gestion. Le pharmacien détient une culture globale grâce à un enseignement très vaste qui dure six ou sept ans. C’est le seul diplômé à avoir des connaissances sur les plante ou les champignons. En revanche, je fais partie des pharmaciens qui partagent leur savoir avec les préparateurs et leur confient des tâches. Leurs connaissances peuvent alors égaler ou dépasser celles du pharmacien s’ils ont fouillé un domaine auquel le pharmacien n’a pas de temps à consacrer.
Les différences entre préparateur et pharmacien
• Beaucoup de clients ne font pas la différence. Dans un premier temps, certains préparateurs aussi, puis ils reconnaissent que les enjeux sont différents. La non-responsabilité fait que pour beaucoup de tâches, le préparateur demande l’avis du pharmacien : ordonnances complexes, conseils au comptoir, gestion de l’entreprise.
Les rôles propres du préparateur
• Les mêmes rôles qu’un pharmacien avec une différence sur la vue d’ensemble de l’entreprise. Le pharmacien gère la pharmacie, il doit savoir tout ce qui se passe dans l’officine, tout ce qui est commandé, etc. Le préparateur gère davantage un rayon.
La formation future
• Je privilégierais la pharmacologie parce que c’est notre boulot. De même la microbiologie, la biologie et la biochimie qui sont étroitement liées à la diffusion du médicament et à la pharmacocinétique. On pourrait diminuer la chimie, pas très utile, mis à part les émulsions, les dilutions ou les calculs qui peuvent être vus en cours de galénique. Ce que j’attendrais, c’est d’avoir des assistants. Le terme « assistant » est remplacé par « adjoint » pour les pharmaciens non titulaires. Je trouve que le terme « préparateur » ne correspond plus à une réalité. Les préparateurs pourraient devenir des « assistants » ou des « techniciens en pharmacie ». Une formation en deux ou trois ans – plutôt trois d’ailleurs –, pour aborder toutes les options en fin de cursus. Cela permettrait aux titulaires de recruter des préparateurs qualifiés en herboristerie, phytothérapie, dermocosmétique, vétérinaire ou autre. J’aurais volontiers vu un diplôme d’État qui dépende de l’Éducation nationale.
Le nouveau diplôme
• Je verrais un diplôme national, ou académique, qui corresponde à une formation DUT ou BTS pour des bacheliers. Un stage d’initiation de quatre semaines avant de rentrer dans une école, afin de voir si le métier convient avant de s’engager dans une formation. Une formation d’un an, suivie d’un stage de quatre à six semaines à temps plein pour apprendre le déballage, visualiser la classification et le rangement. Une seconde année de formation suivie d’un second stage de fin d’études de douze semaines pouvant déboucher sur un emploi dans l’entreprise ou ailleurs, car on ne peut plus garantir l’emploi en fin de formation. Un examen de fin de stage de deuxième année complèterait l’examen de fin de formation à l’école. Le stagiaire pourrait être interrogé sur son lieu de stage, en situation, comme cela se faisait avant.
Et la délivrance
• Quelqu’un de formé, avec une structure et une culture, verrait la délivrance de l’ordonnance dans la formation et saurait rechercher les conditions de la recevabilité. Il connaîtrait les règles de la législation et saurait calculer pour délivrer un ou trois mois. Il connaîtrait les médicaments par la pharmacodynamie. Tous les programmes donnent les contre-indications. Le commentaire serait vu dans la formation de base aussi puisqu’on supprimerait les matières peu utiles ou celles qui reprennent les notions de terminale.
Est-il nécessaire de connaître la formule de l’acétone ? Le maître de stage peut prendre dix minutes par jour pour faire délivrer une ordonnance à son stagiaire. Cela va quand même demander des élèves prédisposés. Cette formation ne correspondrait pas à des élèves de fin de troisième. Les BEPCSS devraient faire un bac pro à la limite, avant d’intégrer la formation.
C.J.
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