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l’interruption volontaire de grossesse

Publié le 1 septembre 2010
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Chirurgicale ou médicamenteuse, les méthodes autorisées pour interrompre volontairement une grossesse suivent un protocole médical et réglementaire strict. En post-IVG, la surveillance des complications et la réévaluation du mode de contraception sont capitales.

L’IVG

Définition

L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est faite par un médecin à la demande d’une femme enceinte, majeure ou non, qui estime que son état la place dans une situation de détresse. Seule la femme concernée peut en faire la demande. En France, l’IVG est autorisée jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse, ce qui correspond à la fin de la quatorzième semaine d’aménorrhée ou SA (délai depuis le début des dernières règles). Les mineures peuvent subir une IVG de façon anonyme, sans l’autorisation de leurs parents ou représentant légal. Elles doivent néanmoins nécessairement être accompagnées d’un adulte.

Deux méthodes

• La méthode chirurgicale. Elle consiste à aspirer l’œuf de façon mécanique, sous anesthésie locale ou générale, dans un bloc opératoire d’un centre de soins agréé.

• La méthode médicamenteuse. Elle consiste à « provoquer » une fausse couche en deux temps, à l’aide de deux médicaments. Le premier interrompt la grossesse ; le deuxième provoque l’expulsion de l’œuf. Elle est réalisée par un médecin formé à cette pratique et ayant signé une convention avec un établissement de santé qui accueillera si besoin la patiente, en établissements de santé, en cabinet médical de ville (gynécologues et généralistes), dans certains centres de protection maternelle et infantile (PMI), du Mouvement français pour le planning familial (MFPF) ou d’éducation et de planification familiale (CEPF).

Stratégie de prise en charge

Démarches préalables obligatoires

La demande d’IVG implique obligatoirement des démarches médicales, administratives et un temps de réflexion (voir infographie).

Choix de la méthode

La méthode est choisie en fonction :

• De l’âge de la grossesse en cours. L’IVG chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse (ou de la 14e SA). L’IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée que jusqu’à la fin de la cinquième semaine de grossesse (ou 7e semaine d’aménorrhée). En structure médicalisée uniquement, les recommandations professionnelles autorisent l’IVG médicamenteuse jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.

• D’éventuelles contre-indications (voir « Méthode » plus loin).

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• De la préférence de la femme. L’IVG médicamenteuse implique d’être capable de suivre le déroulement de la méthode, d’être vigilante à domicile sur les signes pouvant apparaître et de se rendre en moins d’une heure dans un établissement de santé avec lequel le médecin a passé convention (ce qui limite le recours des mineures sans autorisation parentale à cette méthode).

• De l’accessibilité des méthodes. En pratique, le choix peut être influencé par la proximité des centres de santé, leur pratique exclusive de l’une ou l’autre des méthodes, la surcharge de certains services.

Prise en charge financière

Le tarif des IVG est un forfait variable selon les modalités choisies (méthode, type d’établissement, anesthésie, consultations), pris en charge par l’Assurance-maladie à 80 % en établissement de santé et à 70 % en ville. Le reste étant pris en charge par les mutuelles. Les IVG des mineures non émancipées sans consentement parental sont prises en charge à 100 % par l’assurance-maladie.

Complications

• Les décès. Estimé, en France, à 332 en 1963, le nombre de décès annuel en lien avec un avortement oscille aujourd’hui entre 0 et 2. Le taux global des complications immédiates a considérablement diminué avec la médicalisation de l’IVG.

• Les hémorragies. Plus fréquentes avec la méthode médicamenteuse, elles sont sévères dans 1,5 cas pour 1 000 IVG et peuvent nécessiter une transfusion ou un curetage hémostatique.

• Les infections post-abortum. Elles sont rares. L’antibioprophyllaxie systématique n’est pas justifiée, sauf chez les femmes à haut risque infectieux ayant des antécédents connus d’infection génitale haute ou de cardiopathies.

• Les traumatismes du col de l’utérus. Déchirure cervicale, perforation utérine, ces traumatismes liés à la méthode chirurgicale sont rares, d’autant plus si cette méthode est pratiquée par un opérateur expérimenté (risque « opérateur-dépendant ») et sous anesthésie générale.

• Les échecs d’IVG. Ils désignent à la fois les grossesses évolutives et les rétentions ovulaires qui, dans tous les cas, nécessitent une nouvelle intervention chirurgicale. Le taux d’échec d’une IVG chirurgicale est estimé à 2,3 ‰. Le taux d’échec de la méthode médicamenteuse ayant conduit à une aspiration chirurgicale secondaire est évalué à 2,5 %.

La méthode médicamenteuse

Déroulé

Deux médicaments, la mifépristone puis le misoprostol, sont pris par voie orale lors de deux consultations espacées de 36 à 48 heures. La loi impose que la prise se fasse en présence du médecin. En pratique, pour les IVG de ville notamment, la prise se fait souvent à domicile pour éviter l’apparition des effets médicamenteux, parfois violents, pendant le trajet de retour et pour améliorer ainsi le confort des femmes. Ces médicaments, disponibles en officine de ville, sont délivrés seulement à un médecin ayant signé une convention avec un établissement de santé publique ou privé réalisant des IVG, sur présentation d’une ordonnance. Elle doit préciser le nombre de boîte(s), la mention « usage professionnel », le nom de l’établissement et la date de signature de la convention. Au moment du protocole, le médecin doit donner des informations détaillées sur les effets indésirables possibles, indiquer les coordonnées précises du service de l’établissement de santé dans lequel la femme peut se rendre si nécessaire, et remettre à la patiente une fiche de liaison contenant ses coordonnées et autres renseignements utiles. En cas d’échec de la méthode médicamenteuse, un recours à la technique chirurgicale est impératif.

• La mifépristone ou RU 486 (Mifégyne). Mécanisme d’action : la mifépristone est un antagoniste de la progestérone (hormone nécessaire au maintien de la grossesse) destiné à interrompre la grossesse. Administration : le ou les comprimés sont administrés en une seule prise. Les recommandations en vigueur font état de deux protocoles possibles avec un ou trois comprimés de mifépristone, l’administration d’un seul comprimé – ayant fait preuve de son efficacité – est la plus utilisée. Précautions : la prise peut être suivie de saignements d’intensité variable. Exceptionnellement, l’œuf peut déjà être évacué à ce stade. En cas de vomissement dans les deux heures suivant la prise de mifépristone, contacter le médecin pour renouveler la prise. Contre-indications : insuffisance surrénale chronique, suspicion de grossesse extra-utérine, asthme sévère non contrôlé par le traitement, porphyrie héréditaire.

• Misoprostol (Cytotec, Gymiso). Bien que Cytotec n’ait pas d’AMM dans cette indication, il reste largement utilisé en ville comme en centre de santé en raison de son faible coût. Pour mémoire, le misoprostol est aussi utilisé comme anti­ulcéreux en gastro-entérologie. Mécanisme d’action : analogue de la prostaglandine E1, le misoprostol a pour rôle d’augmenter les contractions utérines afin de provoquer l’expulsion de l’œuf. Cette dernière se produit dans les quatre heures suivant la prise dans 60 % des cas, et dans les vingt-quatre à quarante-huit heures dans 40 % des cas. Il s’accompagne de saignements, qui se prolongent en général durant une dizaine de jours. Administration : dose en une fois, par voie orale ou sublinguale, jamais par voie vaginale. Les contractions étant généralement douloureuses, la prise de misoprostol s’accompagne généralement d’une prescription d’antalgiques. En théorie, le paracétamol devrait être préféré aux AINS (aspirine comprise), inhibiteurs des prostaglandines. En pratique, aucun risque de diminution de l’efficacité de la méthode n’ayant été démontré, l’ibuprofène, particulièrement efficace contre ces douleurs, est généralement prescrit. En ville, la fiche de liaison est mise à jour par le médecin, et la femme peut repartir chez elle après avoir été informée des suites normales de la méthode. En centre de santé, la femme est surveillée pendant quelques heures. Contre-indications : antécédents d’allergie aux prostaglandines, grossesse non confirmée biologiquement ou par échographie, suspicion de grossesse extra-utérine (GEU).

La méthode chirurgicale

Elle se fait en deux temps, dilatation puis aspiration.

Dilatation du col

Avant l’intervention, le col est dilaté pour réduire le risque de douleurs. Un protocole courant recommande soit la prise de 200 mg de mifépristone 48 heures avant l’intervention, soit 400 µg de misoprostol en sublingual ou per os deux à trois heures avant l’IVG pour favoriser l’ouverture du col utérin. Les ovules Cervageme contenant du gémeprost, autre analogue des prostaglandines E1, réservés à l’usage hospitalier, sont peu utilisés en France en raison de leurs modalités de conservation (réfrigérateur), de leur prix et d’effets indésirables plus fréquents. Au moment de l’intervention, après la mise en place du spéculum, des bougies de calibre adapté et croissant sont progressivement utilisées pour obtenir la dilatation qui convient à l’âge de la grossesse en cours (les bougies de Hegar sont des petits cylindres en métal permettant de dilater le col utérin).

Aspiration

L’intervention est réalisée sous anesthésie locale ou générale. Elle consiste à insérer dans le col de l’utérus une canule de Karman (transparente et à bout biseauté) de calibre adapté à l’âge de la grossesse, reliée à un système d’aspiration commandé électriquement. D’une durée de quelques minutes, cette intervention est suivie de quelques heures d’hospitalisation. Les femmes reçoivent généralement 400 mg d’ibuprofène auparavant pour prévenir les douleurs des contractions utérines de fin d’intervention.

Surveillance

Des saignements

L’abondance des saignements – normaux après l’une ou l’autre des méthodes – doit être évaluée pour détecter une éventuelle hémorragie. Ils sont généralement moindres, voire quasi nuls, après une intervention chirurgicale. Après une intervention médicale, ils sont variables selon les femmes. Chacune d’entre elles doit être informée qu’ils peuvent être abondants, chargés de caillots, et prolongés (de une à trois semaines). Les femmes sous contraception hormonale qui ont pour référence des règles peu abondantes (« fausses règles ») doivent particulièrement être prévenues. Les saignements qui surviennent après la prise de misoprostol peuvent être particulièrement importants et s’accompagnent de contractions douloureuses qui justifient la prise systématique d’un antalgique.

Orienter la femme vers une consultation d’urgence en cas d’hémorragie importante et persistante : arbitrairement, le saignement est anormal lorsque la femme remplie complètement quatre grosses serviettes hygiéniques « nuit » ou plus en deux heures.

Du risque infectieux

Après une intervention et jusqu’à la consultation de contrôle, quelques précautions sont nécessaires : préférer les serviettes hygiéniques aux tampons, les douches aux bains. Orienter la femme vers une consultation en présence de fièvre pendant plus de 24 heures, de douleurs pelviennes résistant au traitement antalgique prescrit, de pertes mal­odorantes et/ou jaunâtres, de malaise.

Contraception post-IVG

Rapports sexuels

Les rapports sexuels ne sont pas contre-indiqués immédiatement après une IVG, qu’elle soit médicamenteuse ou chirurgicale.

La prochaine ovulation

L’ovulation intervient en moyenne entre 15 et 20 jours après l’IVG, le retour des règles entre 28 et 35 jours. Une contraception régulière, choisie pendant les divers entretiens du protocole IVG, doit idéalement être mise en place immédiatement (le jour même ou le lendemain) après l’intervention, quelle que soit la méthode. La contraception peut être prescrite par les médecins, les médecins gynécologues et les sages-femmes.

Le choix de la méthode

Immédiatement après l’IVG, aucune méthode n’est formellement contre-indiquée, sauf les dispositifs intra-utérins (stérilets) si une infection est survenue ou a été découverte au cours de l’IVG.

• En l’absence d’épisode infectieux : les DIU au cuivre ou hormonaux peuvent être mis en place au cours de l’intervention, dès la fin de l’aspiration. La mise en place est alors indolore. Sinon, l’insertion peut être différée d’une quinzaine de jours.

• Les méthodes hormonales : œstroprogestatives ou progestatives (pilule, patch, implant), elles sont suivies le jour même ou le lendemain. L’implant peut être mis en place le jour même d’une intervention chirurgicale, mais il faudra attendre la confirmation d’interruption de grossesse après une intervention médicamenteuse.

• Les préservatifs : ils peuvent être utilisés dès la reprise des rapports. Ils ont l’avantage de protéger contre les IST.

* Sources : études et résultats 2009, « Les interruptions volontaires de grossesse en 2007 », « Les établissements et les professionnels, réalisant des IVG », Dress. Rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) « Évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2001 ».

* Les coordonnées des centres et permanences par département sont disponibles sur le site www.sante.gouv.fr > dossier « Contraception et IVG » > rubrique « Renseignements pratiques ».

Les chiffres de l’IVG en France*

• 213 380 IVG en métropole en 2007 (chiffres stables depuis 2000), soit 14,7 ‰ de femmes âgées de 15 à 49 ans (taux en moyenne deux fois plus important dans les DOM TOM).

• 83 % des IVG concernent des femmes de 20 à 39 ans, avec une prédominance entre 20 et 24 ans.

• 40 % des femmes ont recours dans leur vie à une IVG.

• 72 % des IVG concernent des femmes qui déclarent être sous contraception. Dans 42 % des cas, cette contraception est une méthode médicale réputée très efficace (pilule ou DIU).

• 1 IVG sur 2 est aujourd’hui réalisée par voie médicamenteuse, dont 1 sur 6 en cabinet libéral.

Pour une information fiable

1. Consulter rapidement un médecin : pour choisir la solution qui convient en connaissance de cause et débuter rapidement le protocole administratif :

– un médecin généraliste,

– un gynécologue,

– un médecin consultant dans un centre de planification et d’éducation familial* (CEPF) ou dans un établissement d’information, de consultation et de conseil familial* : associations comme le Mouvement français pour le planning familial ou centres d’information des femmes et des familles (CIF-CIDF).

2. Trouver du soutien par téléphone :

– Les permanences téléphoniques régionales*, créées en 2000 dans chaque région sous la responsabilité de la DRASS, informent et orientent les couples.

– Le Fil Santé Jeunes : Tél 0800 235 236 ou 3224, numéro vert gratuit, tous les jours de 8 heures à minuit.

– L’Écoute sexualité contraception avortement, numéro vert proposé par l’association du Mouvement français pour le planning familial : Tél 0 800 803 803 (nord de la France) ou Tél 0 800 105 105 (sud de la France).

3. Sur Internet : attention ! Certains sites à l’allure très « officielle » sont pilotés par des associations anti-IVG ou « pro-vie » et n’offrent pas forcément une information impartiale.

Les sites de référence :

– www.sante.gouv.fr, rubrique « Santé », dossier « Contraception, interruption volontaire de grossesse ».

– www.service-public.fr, rubrique « Social-Santé » > « Soins et prévention » > « Contraception, interruption de grossesse » > « IVG ». Un dossier détaillé sur les démarches à entreprendre et les coordonnées de toutes les structures par régions.

– www.planning-familial.org, site du Mouvement français pour le planning familial, qui regroupe 20 fédérations régionales.

– www.ancic.fr, site de l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception.

4. Le guide d’information sur l’IVG pour les femmes

Remis aux femmes lors de la première consultation médicale préalable à l’IVG, ce guide apporte toutes les informations sur la réglementation, les démarches, le cas particulier des mineures, les techniques, la prise en charge, et donne aussi toutes les adresses et coordonnées utiles par régions. Il peut être téléchargé sur le site www.sante-gouv.fr.