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Les benzodiazépines et apparentés

Publié le 1 février 2011
Par Christine Julien
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Les benzodiazépines et les médicaments apparentés sont très largement utilisés comme tranquillisants en France. Les règles de dispensation et les effets indésirables, non négligeables, sont à connaître.

Des propriétés communes

Du fait de leur structure chimique, les benzodiazépines (BZD) ont des propriétés communes : anxiolytique, myorelaxante, sédative, hypnotique, anticonvulsivante et amnésiante. Il existe entre elles des différences :

– pharmacodynamiques : certaines ont un effet dominant et sont plus sédatives ou plus anticonvulsivantes (en raison de substitutions moléculaires) ;

– pharmacocinétiques : la rapidité et la durée d’action de certaines molécules expliquent les indications préférentielles au sein de cette classe chimique.

Des indications précises (voir tableau)

• Au comptoir

– L’anxiété sous ses formes sévères et/ou invalidantes. Les BZD sont des médicaments symptomatiques qui soulagent le patient et favorisent son adaptation à une situation difficile.

– L’insomnie occasionnelle (voyage…) et/ou transitoire (événement grave). Les BZD agissent sur l’endormissement et sur la durée du sommeil.

– La prévention et le traitement du delirium tremens et autres manifestations du sevrage alcoolique.

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– Les épilepsies généralisées et partielles par voie orale et le traitement d’urgence de l’état de mal épileptique par voie parentérale. Prévention des convulsions fébriles chez l’enfant pour le diazépam.

Le tétrazépam (Myolastan…) est prescrit dans le traitement des contractures musculaires douloureuses, mais la Commission de la transparence (HAS) a donné un avis défavorable au remboursement de Myolastan

(rapport efficacité/effets indésirables défavorable).

• Indications hospitalières

– La sédation vigile (situation d’urgence, transport médicalisé) chez l’adulte et l’enfant dès 6 ans pour le midazolam (Hypnovel, Versed), dont l’action sédative et hypnotique est intense (voie parentérale). Son administration nécessite une équipe médicale formée et un équipement de réanimation à disposition.

– Anesthésiologie : l’Hypnovel (usage hospitalier) est utilisé, notamment en prémédication, afin d’induire une somnolence, et une diminution de l’appréhension et de la mémorisation préopératoire.

– Soins palliatifs. Le midazolam est également utilisé pour induire une sédation.

– Antidote : le flumazenil (Anexate et génériques), antagoniste ou « antidote » des BZD est aussi une BZD (usage hospitalier) indiquée pour neutraliser les effets sédatifs des BZD. Son mécanisme d’action sur les récepteurs est différent.

Des durées d’action variables

Les BZD ainsi que certains de leurs métabolites ont des demi-vies très variables. Elles peuvent être très longues avec un risque d’accumulation (clorazépate) ou courtes (3 à 6 heures pour zopiclone et zolpidem, 5 à 8 heures pour le témazépam). Certaines ont un effet rapide et de courte durée (midazolam).

Des traitements courts

En majorité, le traitement ne doit pas excéder (période de réduction posologique comprise) :

– pour l’anxiété : 8 à 12 semaines ;

– pour la prévention et le traitement du delirium tremens et sevrage alcoolique : 8 à 10 jours ;

– pour les insomnies : occasionnelles, 2 à 5 jours ; transitoires, 2 à 3 semaines.

Une durée de prescription limitée

Pour des motifs de santé publique, la durée de prescription des BZD et apparentés a été limitée. Toutes sont sur liste I (substances vénéneuses) et soumises à une durée de prescription limitée à 12, 4 ou 2 semaines selon l’indication de l’AMM.

– « Insomnie » : pas plus de 4 semaines. Les renouvellements à l’intérieur de ce délai sont autorisés : il est possible de prescrire « 2 semaines, à renouveler ». Le flunitrazépam (Rohypnol) a une durée de prescription limitée à 14 jours.

– « Anxiété » : pas plus de 12 semaines.

Lorsqu’elle contient plusieurs molécules hypnotiques et anxiolytiques et a l’indication « insomnie » sur son AMM, une spécialité est soumise à la réglementation la plus stricte.

Une dispensation encadrée

• Validité de l’ordonnance

– Présentation d’une ordonnance datant de moins de 3 mois. Pour le flunitrazépam (Rohypnol) : ordonnance sécurisée avec mention du nom du pharmacien dispensateur.

– La délivrance en dépannage de médicaments dans le cadre d’un traitement chronique est interdite.

• Durée de traitement délivrable

– Délivrer pour 4 semaines ou 30 jours.

– Pour le flunitrazépam : 14 jours avec délivrance fractionnée de 7 jours maximum, sauf mention expresse du prescripteur « délivrance en une fois » ; ordonnance exécutée dans sa totalité si elle est présentée dans les 3 jours suivant sa date d’établissement. Au-delà, délivrer la durée de traitement restant à couvrir.

• Transcription à l’ordonnancier

Selon les règles de la liste I, excepté pour le flunitrazépam. Pour ce dernier : mentionner nom et adresse du porteur de l’ordonnance s’il n’est pas le malade (s’il est inconnu de la pharmacie, vérifier son identité avec une pièce justificative) et conserver 3 ans la copie de l’ordonnance.

• Le renouvellement

Possible à l’intérieur de la durée de prescription (12, 4 ou 2 semaines) et si le prescripteur a précisé le nombre de renouvellements ou la durée de traitement.

Des précautions d’emploi à respecter

L’alcool, déconseillé, majore l’effet sédatif des BZD, comme les autres dépresseurs du système nerveux central. Attention à la conduite automobile, fortement déconseillée avec les hypnotiques. Risque majoré de dépression respiratoire en association à la buprénorphine (Subutex, génériques), aux barbituriques, à la clozapine et aux morphiniques. Certaines associations médicamenteuses sont à prendre en compte selon les molécules (itraconazole, clarithromycine, rifampicine, phénytoïne… Voir les RCP).

Des effets indésirables limitants

– L’efficacité des BZD diminue au fur et à mesure de leur utilisation (tolérance pharmacologique). Elle peut conduire à une augmentation des doses par le patient.

– Risque de dépendance physique et psychique : il dépend de la dose employée, de la durée du traitement et d’antécédents d’autres dépendances (alcoolique ou médicamenteuse).

– Syndrome de sevrage (apparition de signes nouveaux dus à l’arrêt ou à la diminution de la prise) : tout consommateur chronique y est exposé en cas d’arrêt brutal. Signes fréquents : anxiété, insomnie, céphalées. Plus graves : confusion, hallucinations, troubles de la vigilance, convulsions, coma. Les signes peuvent apparaître pendant la réduction de posologie et durer jusqu’à quelques jours après la dernière prise. Leur atténuation est progressive. La sévérité et la durée de ce syndrome dépendent des personnes, du type de BZD (surtout pour les BZD à demi-vie courte) et de la rapidité de la diminution posologique.

– Amnésie antérograde* et altération des fonctions psychomotrices. Les BZD peuvent engendrer un oubli des événements survenant après la prise, et qui va durer tant que la BZD agit (d’où leur utilisation frauduleuse dans les actes de « soumission » chimique).

– Troubles du comportement. Chez certaines personnes peuvent être observés une altération de la conscience et des troubles du comportement et de la mémoire : agressivité, confusion, excitabilité, irritabilité, hallucinations (réactions paradoxales), voire idées délirantes, désinhibition, euphorie, suggestibilité, aggravation de l’insomnie… Comportement auto ou hétéroagressif, conduite automatique avec amnésie postévénementielle.

– L’action myorelaxante explique les troubles occulo-moteurs parfois observés (diplopie).

– Amertume buccale avec la zopiclone.

Une pharmacovigilance nécessaire

L’importante consommation de BZD, leur prescription parfois hors AMM, leur tolérance pharmacologique (diminution de l’efficacité) et leurs effets indésirables incitent à reconsidérer toute prescription de longue durée et à ne pas banaliser leur usage. L’association de plusieurs benzodiazépines risque d’accroître le risque de pharmacodépendance.

Les BZD sont à l’origine d’effets néfastes chez la personne âgée et peuvent provoquer des chutes et des troubles de la mémoire. Elles favoriseraient la survenue d’accidents de la route. chez les conducteurs Orienter vers le médecin en cas d’usage prolongé.

* Trouble de l’apprentissage et de la mémoire à court terme intéressant l’enregistrement de faits nouveaux ou de faits survenus depuis le début de la maladie ou du traumatisme.

Particularités

• Les benzodiazépines (BZD) constituent le groupe principal des anxiolytiques ou tranquillisants. Il s’agit d’une famille chimique (noyau benzodiazépine) plutôt que d’une classe pharmacologique.

• Les BZD suivent des règles de prescription et de délivrance particulières. En raison du risque de mésusage, celles du flunitrazépam (Rohypnol) sont très encadrées.

• Les BZD like, ou apparentés (zopiclone, zolpidem), n’ont pas la structure chimique des BZD, mais en ont les mêmes propriétés. Elles agissent sur les mêmes récepteurs et sont assimilées, par leurs effets, aux BZD.

• La dépendance implique un arrêt progressif au-delà de 4 semaines de traitement.

Repères

L’anxiété est un état affectif, une émotion courante susceptible d’être éprouvée par tout individu. Elle se caractérise par un sentiment désagréable de crainte, d’appréhension et de mise en alerte, presque toujours associée à des symptômes neurovégétatifs par l’activation du système nerveux autonome (tension musculaire, tremblements, troubles digestifs, sueurs, palpitations, vertiges…). L’anxiété désigne à la fois un symptôme et une maladie. La différence entre anxiété physiologique et pathologique n’est pas toujours facile à faire, elle dépend des individus et des situations. D’où l’importance du diagnostic pour sa prise en charge.