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L’otite aiguë

Publié le 1 mars 2011
Par Nathalie Belin
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L’otite aiguë peut atteindre l’oreille externe ou moyenne. Un traitement antalgique soulage la douleur dans tous les cas. L’antibiothérapie est indiquée si l’otite est bactérienne.

Définition

L’otite aiguë est une inflammation de l’oreille. Elle se manifeste par une douleur souvent très vive et lancinante au niveau de l’oreille. Selon la localisation de l’inflammation, il peut s’agir d’une otite moyenne aiguë ou d’une otite externe.

L’otite moyenne aiguë (OMA)

Elle a pour origine une infection de la muqueuse de l’oreille moyenne. On distingue deux formes d’OMA :

• L’otite moyenne aiguë congestive. Dans 90 % des cas d’origine virale, l’otite congestive est généralement associée à une rhinopharyngite. Le tympan apparaît rouge mais non bombé. Elle peut régresser spontanément ou évoluer vers une otite purulente.

• L’otite moyenne aiguë purulente (ou suppurée). Elle est d’origine bactérienne, Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae sont les germes le plus souvent rencontrés. Le tympan est rouge et bombé. L’OMA purulente est la complication la plus fréquente des rhinopharyngites de l’enfant de moins de 2 ans. La fièvre est présente, parfois associée à d’autres symptômes : diarrhée, conjonctivite purulente…

L’otite externe

C’est une maladie de la peau. Elle correspond à une inflammation du conduit auditif externe sans fièvre. En population générale, c’est la plus fréquente des otites. Elle peut être d’origine infectieuse (baignades) ou favorisée par des traumatismes répétés (Coton-Tige).

Stratégie thérapeutique

Objectif du traitement

Le but est de soulager la douleur et de prévenir les complications bactériennes. Dans le cas de l’OMA, ce sont surtout la mastoïdite (inflammation de l’os situé derrière l’oreille moyenne), la paralysie faciale, et les complications endo­crâniennes (méningite, œdème cérébral…).

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• Traitement symptomatique

Il repose sur la prise d’un médicament antalgique et antipyrétique ; paracétamol en première intention en raison de sa marge de sécurité, aspirine ou ibuprofène en seconde intention. L’association paracétamol-codéine est justifiée en cas de douleurs intenses.

• Traitement antibiotique

– L’antibiothérapie n’est pas recommandée d’emblée en cas d’otite externe et d’OMA congestive. Pour cette dernière, les symptômes doivent s’améliorer en 48 à 72 heures. Sinon, le traitement est réévalué, avec une antibiothérapie probable dans un second temps.

– En cas d’OMA purulente, l’antibiothérapie probabiliste est recommandée d’emblée chez l’enfant de moins de 2 ans. Chez l’adulte et l’enfant de plus de 2 ans, un traitement antibiotique s’impose en cas de symptomatologie bruyante (fièvre élevée > 38,5 °C, otalgie importante) ou si le patient présente un risque infectieux particulier (immunodépression, antécédent de mastoïdite…). Dans les formes modérées, sans complications, il est possible de ne pas prescrire d’antibiotiques, sous réserve d’une amélioration clinique franche dans les 48 à 72 heures.

Choix de l’antibiotique

Les antibiotiques indiqués en première intention (antibiothérapie probabiliste) sont ceux qui sont susceptibles d’agir sur les principales bactéries responsables d’une OMA purulente.

• Chez l’enfant. Les antibiotiques recommandés sont l’association amoxicilline-acide clavulanique, le cefpodoxime-proxétil (céphalosporine de troisième génération, C3G) ou le céfuroxime-axétil (C2G). En cas de contre-indication aux bêtalactamines, l’association érythromycine-sulfafurazole est recommandée chez l’enfant de moins de 6 ans. Si l’enfant a plus de 6 ans, la pristinamycine est indiquée. La durée de l’antibiothérapie : 8 à 10 jours chez l’enfant de moins de 2 ans, 5 jours au-delà.

En cas d’échec de ces traitements (persistance des signes cliniques plus de 48 heures après le début de l’antibiothérapie ou réapparition des symptômes dans les quatre jours suivant la fin du traitement), un isolement bactériologique (paracentèse ou prélèvement de l’écoulement) est recommandé. Le traitement repose alors sur de fortes doses d’amoxicilline par voie orale (150 mg/kg/jour) ou sur la ceftriaxone injectable (Rocéphine).

• Chez l’adulte. Les antibiotiques indiqués sont l’association amoxicilline-acide clavulanique, le céfuroxime-axétil, (CG2) le cefpodoxime-proxétil (CG3) ou le céfotiam-hexétil (CG3). La pristinamycine est indiquée en cas de contre-indication aux bêtalactamines. Durée du traitement : de sept à dix jours.

Indications des gouttes auriculaires

– Les gouttes auriculaires sont indiquées pour traiter l’infection et pour soulager la douleur en cas d’otite externe. Les gouttes avec des antibiotiques n’ont pas d’indication dans le traitement de l’OMA. Celles avec décongestionnants ou anesthésiques locaux peuvent être utiles pour soigner les otites congestives.

– En cas d’otorhée (écoulement) sur aérateur transtympanique, seuls l’ofloxacine (Oflocet) et la rifamycine (Otofa) sont indiqués.

Antibiotiques oraux

Une hypersensibilité antérieure à une des classes d’antibiotiques contre-indique sa prescription.

Bêtalactamines

Ces antibiotiques agissent par inhibition de la paroi bactérienne.

Amoxicilline/acide clavulanique. Antibiotique à large spectre du groupe des aminopénicillines (pénicilline A). L’acide clavulanique (inhibiteur des bêtalactamases) permet à la molécule de conserver son efficacité. Administration : de préférence en début des repas. Contre-indication : antécédent d’atteinte hépatique liée à la prise du médicament.

Céphalosporines

On distingue les céphalosporines de deuxième génération (C2G), qui contiennent du céfuroxime axétil, de celles de troisième génération (CG3), qui ont une meilleure résistance aux bêta-lactamases : céfotiam hexétil et cefpodoxime proxétil. Administration : afin d’améliorer la biodisponibilité ou la tolérance digestive, prise de préférence quinze à trente minutes après les repas (céfuroxime axétil), avant le repas (céfotiam hexétil), au cours du repas (cefpodoxime proxétil). Contre-indications : pour le céfotiam hexétil, insuffisance rénale sévère, insuffisance hépatique.

Streptogramines

La pristinamycine est un antibiotique de la famille des streptogramines (synergistines), qui empêche la traduction de l’ARN messager. Administration : au cours du repas. Précautions : arrêt du traitement en cas de survenue d’un érythème généralisé fébrile associé à des pustules en début de traitement. Contre-indications : allergie, antécédent d’éruption pustuleuse avec la pristinamycine, patients présentant une allergie au blé (autre que la maladie cœliaque), allaitement.

Macrolides

Seul l’érythromycine/sulfafurazole est indiqué (sa fabrication est provisoirement suspendue). L’érythromycine est un antibiotique de la famille des macrolides qui inhibe la synthèse protéique ; le sulfafurazole, un sulfamide qui inhibe la synthèse bactérienne de l’acide folique. Administration : fractionnée en 3 prises par jour. Précautions : surveillance en cas d’insuffisance hépatique (transaminases) ou rénale, et en cas d’antécédents hématologiques (hémogramme). Nombreuses interactions médicamenteuses, car l’érythromycine est un inhibiteur enzymatique. Contre-indications : allergie, nourrissons de moins de 2 mois, allaitement si le nourrisson a moins de un mois.

Traitements locaux

Gouttes auriculaires

• Antibiotiques seuls. Les quinolones empêchent la réplication de l’ADN bactérien : Ofloxacine (Oflocet). La rifamycine (Otofa) inhibe la synthèse de l’ARN messager.

• Antibiotiques associés. La polymyxine B, de la famille des polypeptides, agit sur la membrane bactérienne. La néomycine et la framycétine sont des aminosides qui agissent sur la traduction des ARN messagers en protéines ; oxytétracycline est une tétracycline inhibant la synthèse protéique. Ces antibiotiques sont associés à un corticoïde (fluocinolone, dexaméthasone, fludrocortisone) ou à un antimycosique, comme la nystatine. Exemples : Antibio-Synalar (polymixine B + néomycine + fluocinolone), Auricularum (oxytétracycline + polymyxine B + nystatine + dexaméthasone), Corticétine (framycétine + dexaméthasone), Framyxone (polymyxine B + framycétine + dexaméthasone), Panotile (polymyxine B + néomycine + fludrocortisone), Polydexa (polymyxine B + néomycine + dexaméthasone).

• Autres. Sont utilisés des antiseptiques (hexamidine…) avec des anesthésiques locaux (lidocaïne, tétracaïne…) : Aurigoutte, Otipax, Otomide…; des vasoconstricteurs (éphédrine…), pour leur action décongestionnante et antalgique, avec des anesthésiques locaux : Otylol. Des antiseptiques et des vasoconstricteurs Osmotol. Administration : instiller dans le conduit auditif de l’oreille atteinte. Précautions : Otofa (rifamycine) peut tacher les vêtements ; Auricularum une fois reconstitué se conserve huit jours entre 2 et 8 °C. Contre-indications : perforation du tympan, sauf Oflocet et Otofa (Auricularum est contre-indiqué uniquement en cas de perforation tympanique sèche), porteurs de « yo-yo », sauf Oflocet et Otofa. Pour les corticoïdes : infection virale du conduit auditif externe. Pour les vasoconstricteurs : pas d’association à d’autres sympathomimétiques (pseudoéphédrine…) en raison du risque de vasoconstriction et/ou de crise hypertensive. Effets indésirables : réactions locales variables (gêne ou irritation). Pour les aminosides, risque d’ototoxicité en cas de tympan ouvert.

Eau oxygénée boratée

Préparation antiseptique généralement indiquée pour nettoyer le conduit auditif au cours des otites externes ou dans certaines formes d’otites chroniques. Dissolution à froid de 2,5 g d’acide borique et 0,5 g de borate de sodium dans 100 ml d’eau oxygénée à 10 volumes. Administration : en bains d’oreille. Précautions : la solution préparée de manière extemporanée se conserve une semaine. Stopper les applications en cas de perforation du tympan (risque de douleurs).

Prévention

Otite externe

• Éviter la stagnation de l’eau dans l’oreille : il est recommandé de bien sécher le pavillon de l’oreille et le début du conduit auditif après chaque baignade, douche ; recourir aux bouchons d’oreille (en cas de natation…) pour éviter l’entrée de l’eau dans le conduit auditif.

• Éviter toute hygiène excessive des oreilles : utiliser le jet de la douche ou une pulvérisation d’une solution d’hygiène auriculaire (Audispray, C Fluid…) pas plus d’une fois par semaine (2 fois par semaine pour les personnes sécrétant beaucoup de cérumen). Pas de Coton-Tige ou autre objet qui fragilise et irrite le conduit auditif externe (et risque de léser le tympan !).

OMA

• Limiter les facteurs de risque d’une rhinopharyngite : tabac et tabagisme passif, collectivité précoce chez les enfants en bas âge. Encourager l’allaitement au sein (qui joue un rôle protecteur contre les épisodes infectieux).

• Hygiène nasale et auriculaire. Inciter les enfants à se moucher régulièrement dans la journée (utiliser un mouche-bébé pour les nourrissons). Au cours des séances de piscine, il faut éviter que l’eau n’entre par le nez et ne bouche la trompe d’Eustache (ou trompe auditive). L’eau de mer est en revanche bénéfique en termes de prévention des rhinopharyngites ainsi que des otites.

Vie quotidienne

Soulager la douleur

La chaleur a tendance à calmer la douleur : utiliser un bonnet, une compresse chaude, ou appuyer contre l’oreille une bouillotte ou une poche de chaud/froid (Cold­Hot…).

Hygiène

Éviter toute agression au niveau de l’oreille. Suspendre l’utilisation de solutions d’hygiène auriculaire. Éviter que l’eau ne pénètre dans l’oreille en utilisant des bouchons d’oreilles pendant la douche ou le bain.

En cas de port de yo-yo, il convient d’empêcher toute pénétration d’eau au niveau du conduit auditif (risque de douleur et d’otite aiguë). Recommander le port de bouchons d’oreilles lors du bain ou au moment du lavage des cheveux. Les bouchons d’oreilles réalisés sur mesure par un audioprothésiste sont ceux qui offrent la meilleure garantie d’étanchéité.

L’otite séromuqueuse

L’otite séromuqueuse est une forme d’otite chronique d’apparition progressive. Elle est très fréquente chez l’enfant. L’otite séromuqueuse n’est pas douloureuse, mais elle peut induire une baisse plus ou moins importante de l’audition, d’où un risque de retard d’apprentissage du langage chez le petit enfant et/ou de retard scolaire. Cette forme d’otite survient généralement à la suite d’un ou de plusieurs épisodes d’otite moyenne aiguë. Elle est liée à un mauvais drainage des sécrétions et à une accumulation de liquide au niveau de l’oreille moyenne.

Le traitement est fonction des troubles induits : l’antibiothérapie n’est indiquée que s’il existe un contexte d’otite moyenne aiguë à répétition. Les corticoïdes peuvent être employés. En cas de baisse significative de l’audition, la pose d’aérateurs transtympaniques (yo-yo ou diabolos), souvent associée à une adénoïdectomie (ablation des végétations adénoïdes, tissu lymphatique situé au fond de la gorge), est proposée.

Gros plan

Qu’est-ce qu’un aérateur transtympanique ?

L’aérateur transtympanique, encore appelé « yo-yo » ou « diabolo » selon les régions, est un drain mis en place au niveau de la membrane tympanique (sous anesthésie générale chez l’enfant, parfois sous anesthésie locale chez l’adulte).

En faisant communiquer l’oreille externe et l’oreille moyenne, il favorise le drainage des sécrétions et permet ainsi de restaurer une audition normale et de diminuer la fréquence des épisodes infectieux (otites aiguës).

Il n’est pas indiqué avant l’âge de un an (minimum).

Il en existe deux types :

• Ceux qui s’expulsent spontanément au bout de six à sept mois environ sont les plus couramment utilisés. En forme de bobine, ils se posent généralement à l’automne. Une fois expulsé dans le conduit auditif (au printemps), le drain est retiré par l’ORL au court d’une séance de routine.

• Les aérateurs type T tube (en forme de T) sont mis en place pour dix-huit mois environ. Ils ne s’expulsent jamais spontanément. Ils sont indiqués en cas d’otite séreuse risquant de durer plusieurs années (enfants ayant des anomalies crânio-faciales).