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l’hépatite C

Publié le 1 septembre 2011
Par Thierry Pennable
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Le traitement repose sur une bithérapie associant interféron pégylé et ribavirine, pour une durée de six mois à un an. Ses effets indésirables particulièrement lourds sont redoutés des patients.

La maladie

Définition

L’hépatite C est une inflammation des cellules du foie, causée par le virus de l’hépatite C appelé VHC. Sa sévérité dépend de l’étendue de l’atteinte des cellules hépatiques (hépatocytes). Elle peut être aiguë ou chronique lorsqu’elle dure plus de 6 mois. La gravité de l’hépatite C – le plus souvent asymptomatique – est liée à son passage fréquent à la chronicité dans 60 à 80 % des cas, avec le développement d’une fibrose plus ou moins importante (sorte de « cicatrice » fibreuse des hépatocytes atteints). Elle peut alors évoluer vers la cirrhose (désorganisation de l’architecture du foie) et ses complications (voir infographie), ou le décès.

Plusieurs génotypes

La grande variabilité du VHC, virus à ARN (acide ribonucléique), a conduit à distinguer six génotypes de virus différents (ensembles de caractères génétiques). Cette variabilité permettrait au virus d’échapper à la réponse immunitaire en favorisant ainsi le passage à la chronicité. Elle expliquerait également la résistance aux traitements. La détermination du génotype sert à évaluer les chances de guérison par le traitement, plus efficace sur les génotypes 2 et 3, et à déterminer sa durée. En France, les plus fréquents sont les types 1, 2 et 3.

Le diagnostic

Il consiste à dépister les anticorps anti-VHC, témoins du contact, à mettre en évidence le virus et son génotype, à doser les transaminases (ALAT/SGPT), enzymes libérées par le foie en cas d’agression. Selon les cas, notamment en présence d’un génotype 1, une ponction biopsie hépatique permet d’évaluer la gravité des lésions.

• Les anticorps anti-VHC sont dépistés à partir d’une prise de sang. Un test positif est confirmé par une seconde prise de sang.

• L’augmentation des transaminases signe en général une hépatite, c’est-à-dire une inflammation du foie.

• La présence du virus VHC dans le sang est révélée par la technique de la « PCR » à partir d’une prise de sang. La Polymerase Chain Reaction (PCR), ou amplification génique, mesure la charge virale, c’est-à-dire le nombre de virus présents dans un ml de plasma.

En cas d’anticorps positifs, alors que le VHC est indétectable dans le sang par PCR, cela signifie que la personne a été en contact avec le virus mais l’a spontanément éliminé. Elle est considérée comme guérie.

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• La ponction biopsie hépatique (PBH). Examen de référence dans l’évaluation d’une fibrose ou cirrhose hépatique (voir infographie), la PBH consiste à prélever un échantillon de cellules hépatiques à l’aide d’une aiguille, sous anesthésie locale. La PBH est aujourd’hui proposée en seconde intention si l’évaluation par une technique non invasive n’est pas satisfaisante (voir encadré p. 22).

Les objectifs du traitement

– Éradiquer le virus ;

– réduire l’activité de la maladie ;

– diminuer la progression de la fibrose ;

– prévenir la survenue d’une cirrhose ou d’un carcinome hépatocellulaire.

Le traitement actuel de l’hépatite C se traduit par un échec thérapeutique chez plus d’un patient sur deux selon les caractéristiques du virus. Dans ce contexte, l’arrivée de nouveaux médicaments, prévue pour 2012, est très attendue par les acteurs de la lutte contre la maladie (voir encadré p. 21).

Les stratégies thérapeutiques

Dans l’hépatite C aiguë

Si le VHC est encore présent dans le sang 3 mois après la contamination, le traitement peut réduire le passage à la chronicité. En présence d’ictère (coloration jaune de la peau, du blanc de l’œil et des muqueuses par accumulation de bilirubine dans le sang, « jaunisse »), le traitement n’est pas immédiat, compte tenu de guérisons spontanées dans environ 50 % des cas. Le traitement sera alors instauré 12 semaines après le début de l’ictère si le virus est toujours détecté dans le sang. Le traitement est une monothérapie par interféron standard (IFN) ou pégylé (IFN PEG).

Dans l’hépatite chronique

• Traitement de référence : bithérapie, IFN PEG-α2a ou IFN PEG-α2b associé à la ribavirine, pour une durée de 6 mois à 1 an ;

• Si contre-indication à la ribavirine : IFN PEGα-2a ou IFN PEGα-2b en monothérapie ;

• En cas de primo-infection au VHC et/ou chez les patients dialysés : monothérapie IFN-α ou IFN PEGα-2a ou IFN PEGα-2b.

Quand la transplantation hépatique est nécessaire

La greffe du foie est indiquée en cas : de cirrhose sévère (la vie du malade est en jeu à court terme, sans amélioration possible avec un traitement médicamenteux), de carcinome hépatocellulaire si lésion unique inférieure ou égale à 5 cm, ou au maximum trois nodules ne dépassant pas 3 cm chacun. Elle est possible en cas de co-infection avec le VIH. En 2005, les hépatites virales représentaient 20 % des indications de transplantation hépatique en France.

Les médicaments

Les interférons -α (INF-α)

• Mode d’action. Les interférons confèrent aux cellules une résistance aux infections virales. Ils freinent ou stoppent la multiplication virale (effet antiprolifératif). Les interférons agissent rapidement, avec une normalisation du taux de transaminase dès le premier mois. Toutefois, la réponse biochimique (virus indétectable dans le sang) n’est obtenue que dans 35 % des cas d’hépatite C. Les INF-α auraient aussi un effet antifibrosant.

• Standards ou pégylés. Les interférons pégylés sont des interférons conjugués à du polyéthylène glycol (PEG). La pégylation diminue la clairance rénale et allonge donc la demi-vie de l’interféron. En procurant une concentration plasmatique d’interféron plus stable et plus prolongée, elle permet une seule injection par semaine au lieu de trois avec l’interféron standard. Les interférons standard sont aujourd’hui rarement prescrits.

• Administration. Les interférons sont administrés par voie parentérale, essentiellement en sous-cutané (face externe du bras ou antérolatérale de la cuisse, abdomen) en changeant de site à chaque injection.

• Conservation. Au frais entre + 2 et + 8 °C. À sortir du réfrigérateur 30 ? minutes avant l’injection. Exceptionnellement, ils peuvent être transportés durant 48 heures à une température inférieure à 25 °C.

La ribavirine

Cet antiviral à large spectre d’action est efficace sur les virus à ADN, et surtout à ARN. Son action antivirale reste imprécise. La ribavirine est utilisée en association avec les interférons pégylés pour son action complémentaire. Administrée seule, elle fait baisser les transaminases mais pas la charge virale et n’améliore pas la fibrose. La ribavirine aurait surtout une action immunomodulatrice (stimulation du système immunitaire). La dose est adaptée au poids du patient.

Prescription

Les interférons et la ribavirine sont des médicaments soumis à une prescription initiale hospitalière réservée aux spécialistes et/ou services spécialisés en gastro-entérologie, hépatologie, médecine interne ou infectiologie. Ils sont prescrits pour une période de 24 à 48 semaines selon les cas. Le médecin traitant peut assurer le renouvellement du traitement et le suivi du patient.

Contre-indications

• Interférons et ribavirine : atteinte cardio-vasculaire sévère ou antécédent ; insuffisance hépatique sévère ou antécédent ; cirrhose du foie décompensée.

• Interférons : trouble du système nerveux central (évaluation psychologique avant mise en route de traitement à cause du risque suicidaire si état dépressif); enfant de moins de 3 ans. Roféron (interféron α-2a) est également contre-indiqué si : insuffisance rénale et/ou médullaire sévère, épilepsie non contrôlée, convulsions.

• Ribavirine : hémoglobinopathies (thalassémies, drépanocytose…); altération importante de l’état général ; grossesse (pouvoir tératogène de la ribavirine) ; allaitement.

Rebetol est aussi contre-indiqué chez les patients en insuffisance rénale chronique, avec une clairance de la créatinine < 50 ml/min et/ou sous hémodialyse.

Gérer les oublis

• Interféron pégylé. Le patient s’en rend compte 1 ou 2 jours après la date prévue : il doit s’injecter la dose prévue le plus tôt possible et l’injection suivante le jour normal prévu. 3 à 5 jours après : prendre la dose prévue le plus tôt possible et faire les injections suivantes tous les 5 jours jusqu’à retomber sur le jour de la semaine initialement prévu. 6 jours après la date prévue : attendre et prendre la dose le lendemain, jour normalement prévu.

• Interféron standard. En cas d’oubli, ne pas prendre de dose double pour compenser.

Le suivi du patient

Consultations médicales

Il faut consulter le médecin traitant ou le médecin spécialiste toutes les 4 semaines pendant le traitement antiviral. Après un traitement efficace et en l’absence de fibrose sévère, une consultation tous les 6 mois est conseillée pendant 2 ans. Les patients non-répondeurs doivent bénéficier d’un suivi biochimique et échographique régulier, de fréquence établie par le spécialiste.

Évaluer l’efficacité

L’efficacité du traitement est marquée par la normalisation du dosage des transaminases et un ARN viral indétectable par PCR. Une réponse virologique prolongée (RVP), c’est-à-dire une charge virale indétectable (< 50  UI/ml) six mois après l’arrêt du traitement, signe en général la guérison de l’infection. Une recherche du virus dans le sang peut être proposée 12 à 24 mois après la fin du traitement pour dépister les exceptionnelles rechutes tardives.

• Dosage des transaminases. Tous les mois en cours de traitement, et tous les 2 mois au cours des 6 mois qui suivent son arrêt. Lorsqu’une RVP n’a pas été obtenue, un contrôle des transaminases est indiqué 1 ou 2 fois par an.

• La ponction biopsie hépatique (PBH) n’est pas utile dans le suivi des malades ayant une réponse virologique prolongée. En cas d’échec virologique, une PBH n’est indiquée que si elle est susceptible de modifier la prise en charge.

Tolérance au traitement

Les effets indésirables fréquents peuvent justifier des consultations spécialisées : hématologue, psychiatre, cardiologue, endocrinologue, dermatologue, ophtalmologue, pneumologue.

• Effets indésirables des interférons. Les effets secondaires psychiatriques sont parmi les plus graves. Ils peuvent aller d’une irritabilité à un syndrome dépressif sévère chez un tiers des patients. La prescription d’un antidépresseur sur avis spécialisé prend en compte les symptômes psychiatriques, la sévérité de l’atteinte hépatique et les facteurs prédictifs de réponse au traitement antiviral. Le syndrome pseudo-grippal peut être prévenu par une prise de paracétamol lors de l’injection (maxi 3 g par jour) ou d’ibuprofène (en l’absence de cirrhose).

Les complications thyroïdiennes à type d’hyper ou d’hypothyroïdie sont fréquentes. Un dosage de la TSH est effectué tous les 3 mois, 1 fois par mois en cas d’anomalies thyroïdiennes préexistantes. Les effets indésirables hématologiques (neutropénie et thrombopénie) peuvent survenir très rapidement après le début du traitement. Ils sont plus marqués avec l’IFN PEG qu’avec l’IFN standard. Surveillance de l’hémogramme, 2 fois le premier mois, puis 1 fois par mois pendant toute la durée du traitement. L’utilisation d’érythropoïétine (EPO) permet parfois de poursuivre le traitement antiviral en cas d’anémie. De rares cas de modifications oculaires (rétinopathies) ont été rapportés avec les interférons. Tous les patients doivent être soumis à un examen ophtalmologique initial, et un suivi régulier s’impose en cas de troubles ophtalmologiques préexistants. Tout patient se plaignant d’une baisse ou d’une perte de la vision doit être immédiatement soumis à un examen ophtalmologique complet.

• Effets secondaires de la ribavirine. La survenue d’une anémie hémolytique justifie une surveillance régulière de l’hémogramme à la même fréquence que pour les IFN. Une diminution de la posologie doit être envisagée en cas d’anémie sévère. L’utilisation d’érythropoïétine (EPO) permet parfois de poursuivre le traitement en cas d’anémie. Le pouvoir tératogène de la ribavirine la contre-indique chez la femme enceinte. Une contraception des deux partenaires est indispensable durant le traitement. La contraception doit être poursuivie pendant 4 mois après arrêt du traitement chez une femme et 7 mois chez un homme. Une surveillance mensuelle des bêta-HCG est également recommandée chez la femme traitée.

La vie quotidienne

Le malade et son entourage doivent être informés du retentissement du traitement de l’hépatite ? C sur la qualité de leur vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle.

Les troubles de l’humeur ou de la libido peuvent faire de l’objet de consultations impliquant les proches.

Alimentation

En cas d’excès pondéral, une perte de poids favorise la réponse thérapeutique antivirale. Elle contribue aussi à repousser le développement d’une fibrose ou d’une cirrhose. En dehors de cette situation, aucun régime alimentaire n’est nécessaire.

Alcool

Une consommation d’alcool régulière augmente la réplication virale et la progression vers la cirrhose. De plus, l’alcool peut diminuer l’efficacité du traitement. Il faut conseiller au malade de ne pas boire d’alcool ou de ne pas dépasser un verre par jour (aucune consommation sans risque n’a été déterminée). Les malades atteints de cirrhose ou fibrose sévère doivent arrêter toute consommation d’alcool.

Tabac et cannabis

Les études ayant mis en évidence un rôle fibrosant du tabac au niveau du foie doivent être confirmées. Des données scientifiques tendent à montrer le même rôle pour le cannabis. Toutefois, le sevrage tabagique fait partie d’une prise en charge globale de sa santé par la personne malade.

Vie sexuelle

Le VHC se transmet essentiellement par voie sanguine, le risque de transmission sexuelle est très faible. Elle reste possible en cas de rapports pendant les règles, d’infections génitales (herpès…) ou de lésions des organes sexuels. L’emploi du préservatif est recommandé dans ces situations. Dans tous les cas, conseiller au partenaire d’une personne infectée de faire une sérologie VHC. Pas de risque de transmission par un simple baiser.

Vie familiale et sociale

Les effets indésirables des interférons peuvent être douloureux et doivent être appréhendés comme de tels troubles non liés à un médicament. Irritabilité, troubles du caractère ou du sommeil doivent être signalés au médecin.

En l’absence de plaie ou de partage d’objets en contact avec du sang, le risque de contamination est pratiquement nul. Conseiller de ne pas partager rasoir, ciseaux à ongles, brosse à dents et matériel d’épilation. Placer les objets souillés par du sang (tampons, fil ou soie dentaire, aiguilles, pansements, etc.) dans un récipient protecteur. En cas de coupure, la personne infectée doit immédiatement couvrir largement la plaie d’un pansement, après désinfection avec du Dakin ou de l’eau de Javel diluée à 1/10e. L’isolement est inutile à la crèche ou à l’école pour les enfants, comme dans la vie professionnelle pour les adultes.

Usagers de drogues

L’usage de drogue par voie nasale ou intraveineuse est le mode le plus fréquent de contamination par le VHC. Ne pas partager seringues ou matériel de préparation, ni la paille en cas de prise par voie nasale.

De nouveaux médicaments

Depuis janvier 2011, le bocéprevir (Victrelis) et le télaprévir (Incivo), deux inhibiteurs de protéase, sont utilisés en trithérapie, en association avec le peg-interféron alfa-2b et la ribavirine, dans le cadre d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation). Ils sont attendus en ville avec une AMM à partir de 2012.

Indications :

• traitement de l’hépatite C chronique de génotype 1, en cas de cirrhose ;

• patients adultes rechuteurs à un traitement préalable par bithérapie (virus indétectable à la fin du traitement et de nouveau détectable pendant la période de suivi) ou non-répondeurs avec réponse partielle (diminution de la charge virale VHC à la 12e semaine de traitement, mais virus détectable à la 24e semaine).

L’Association française pour l’étude du foie (Afef) projette que « le gain apporté par trithérapie par rapport à la bithérapie devrait être de – 26 % pour l’incidence de la cirrhose et de – 19 ?% pour la mortalité liée au VHC ».

Mesure de la fibrose et de la cirrhose hépatique*

La ponction biopsie hépatique (PBH) est un examen banal pour les médecins, mais la douleur qu’elle occasionne est redoutée par les malades. Avec pour conséquence l’absence de suivi de nombreux patients. La PBH était le seul examen de mesure de la fibrose ou de la cirrhose hépatique. Depuis 2008, de nouvelles méthodes non invasives de mesure sont indiquées dans l’évaluation d’une hépatite chronique C non traitée et sans comorbidité chez l’adulte, hors diagnostic évident de cirrhose.

• Fibroscan : application cutanée d’une sonde à ultrasons en regard du foie dans un espace intercostal. La mesure de la vitesse de propagation d’une onde mécanique dans le foie permet d’estimer un coefficient d’élasticité.

• Fibrotest, FibroMètreV et Hepascore : réalisés à partir de simples prélèvements sanguins, ils portent sur la combinaison de plusieurs marqueurs sanguins.

* Source : « Méthodes non invasives de mesure de la fibrose/cirrhose hépatique », Haute autorité de santé, décembre 2008.

Adresses utiles

Hépatites Info Service

www.hepatites-info-service.org

Tous les jours, de 8 h à 23 h. Appel anonyme, confidentiel et gratuit à partir d’un poste fixe.

SOS hépatites

www.soshepatites.org

De 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h, appel gratuit depuis un poste fixe.

« Hépatite C, du dépistage au traitement »

www.inpes.sante.fr

Livret de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, avec questions-réponses et fiches thématiques. À télécharger ou à commander au 01 49 33 22 22.