Savoirs Réservé aux abonnés

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Publié le 1 novembre 2011
Par Nathalie Belin
Mettre en favori

La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin évoluant fréquemment par poussées. Des traitement permettent la rémission des symptômes et de limiter les rechutes.

La pathologie

Définition

La maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH) sont des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) qui débutent plutôt chez des sujets jeunes, entre 20 et 30 ans. Elles se caractérisent par une réaction inflammatoire chronique au niveau de la muqueuse intestinale, liée à une hyperactivation du système immunitaire intestinal. La cause reste inconnue. Des gènes de prédisposition ont été identifiés. Aucun facteur alimentaire n’a pu à ce jour être incriminé. Le tabac augmente le risque de développer une MC et aggrave cette pathologie ; à l’inverse, il exerce un rôle protecteur au cours de la RCH.

Les signes cliniques

Les MICI évoluent habituellement par poussées, entrecoupées de rémissions plus ou moins longues. La sévérité des symptômes est très variable d’un patient à l’autre. La MC peut atteindre n’importe quel segment du tube digestif, mais se localise principalement au niveau de l’intestin grêle terminal et du côlon. La RCH atteint uniquement le côlon et le rectum.

• Au niveau digestif. Les manifestations cliniques sont principalement digestives et dépendent de la localisation des lésions : diarrhée (avec des besoins d’aller à la selle, de façon souvent extrêmement urgente), douleurs abdominales, syndrome dysentérique (faux besoins, émission de glaires et/ou de sang en dehors des selles, douleurs abdominales très importantes).

• Les signes généraux. Au moment des poussées, la fatigue est importante. Dans les formes sévères, l’état général est altéré avec fièvre fréquente, pâleur, fatigue, amaigrissement. La perte de poids est liée à une réduction des apports alimentaires (crainte de manger de peur de déclencher des douleurs abdominales ou une diarrhée) ou à une diminution de l’assimilation des aliments dans la MC.

• Autres. Les patients peuvent souffrir d’atteintes extradigestives, évoluant le plus souvent en parallèle des poussées intestinales : articulaire (polyarthrite rhumatoïde), atteintes cutanées, oculaires, pancréatiques…

Les complications

Elles sont nombreuses : dénutrition, sténose (rétrécissement de l’intestin grêle lié à la cicatrisation d’anciennes lésions par exemple) pouvant être à l’origine d’une occlusion, colite aiguë grave dans la RCH, abcès, fistules, perforation intestinale, hémorragies…

Objectif du traitement

Même si les MICI sont des maladies chroniques, la prise en charge actuelle permet de contrôler la maladie et d’obtenir des périodes de rémission parfois très prolongées.

Publicité

Au cours d’une poussée, le traitement instauré, associé à un régime alimentaire pauvre en fibres, vise à obtenir la rémission des signes cliniques. Entre les poussées, et selon leur fréquence, un traitement de fond peut permettre de prévenir une poussée, de limiter la progression des lésions et le risque de complications.

La stratégie thérapeutique

Régime sans fibres

Un régime sans fibres (voir le chapitre Vie quotidienne) n’est recommandé qu’au moment des poussées afin de limiter l’aggravation des symptômes. En dehors des poussées, l’alimentation doit être la plus diversifiée possible – y compris fruits et légumes – pour pallier toute carence et dénutrition.

Traiter les poussées

• Dans la rectocolite hémorragique. Les aminosalicylés, et en particulier la mésalazine du fait de sa bonne tolérance, sont indiqués par voie locale et/ou orale selon les localisations des lésions et l’intensité des symptômes. En cas d’échec, on recourt aux corticoïdes par voie orale et/ou locale, souvent associés à la mésalazine.

• Dans la maladie de Crohn. Les aminosalicylés étant peu efficaces, le traitement des poussées repose sur le budésonide, un corticoïde oral à libération ciblée au niveau de la partie terminale de l’iléon et du début du côlon. Il induit moins d’effets indésirables systémiques que les corticoïdes oraux classiques, prednisone ou prednisolone notamment. Ces derniers sont toutefois nécessaires dans les formes plus sévères ou dans les autres localisations de la maladie (dose d’attaque de 0,35 à 1,2 mg/kg/jour de prednisone ou prednisolone chez l’adulte).

Dans tous les cas, une poussée grave nécessite une prise en charge hospitalière avec selon les cas, nutrition artificielle, corticoïdes intraveineux ou recours aux anti-TNF-alpha.

Traitement de fond

Quasiment systématique, il dépend du rythme des poussées et de leur intensité.

• Dans la rectocolite hémorragique. Les aminosalicylés par voie orale et/ou rectale ont une bonne efficacité dans la prévention des rechutes. En cas d’échec ou de corticodépendance, on recourt aux immunosuppresseurs, en particulier à l’azathioprine, voire à un anti-TNF-alpha (infliximab à l’hôpital) ou les deux associés.

• Dans la maladie de Crohn. L’arrêt du tabac est essentiel pour limiter les récidives. Lorsqu’un traitement de fond est nécessaire (corticodépendance), l’azathioprine ou le méthotrexate hors AMM sont utilisés. Les immunomodulateurs anti-TNF-alpha (infliximab, adalimumab) sont généralement indiqués en cas d’échec des précédents.

La place de la chirurgie

Elle est réservée aux complications et aux échecs du traitement médical et/ou lorsque la qualité de vie du patient n’est plus satisfaisante. Dans ce dernier cas, elle consiste à réséquer (ôter) les parties atteintes. Dans la RCH, l’ablation totale du côlon et du rectum (proctocolectomie) permet la guérison.

Autres traitements

Durant les poussées, les antispasmodiques peuvent être utiles. Vitamines et minéraux, notamment fer, acide folique, calcium, magnésium sont nécessaires en cas de carences.

Les médicaments

Les aminosalicylés

Molécules : mésalazine (acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA), olsalazine, sulfasalazine (une molécule de mésalazine reliée à un sulfamide), para-aminosalicylate de sodium (4-ASA).

Mode d’action : action anti-inflammatoire locale par réduction de la libération de médiateurs pro-inflammatoires (interleukines…). Par voie orale, agissent au niveau du grêle et/ou du côlon pour la mésalazine, du côlon pour l’olsalazine et la sulfasalazine. Administration : au coucher pour les suppositoires et les lavements. Les « garder » le plus longtemps possible. Pour la voie orale, généralement au cours des repas ou juste après pour l’olsalazine. Précautions : surveillance hématologique (atteintes des lignées sanguines, surtout avec la sulfasalazine), de la fonction rénale (risque de néphropathies) et hépatique recommandée. Arrêt du traitement en cas de réaction allergique sévère (syndrome de Lyell…). Contre-indications : hypersensibilité aux salicylés, insuffisance rénale ou hépatique grave, allaitement.

Les corticoïdes

Les molécules utilisées par voie orale sont le budésonide à action locale et la prednisone ou la prednisolone à action systémique. Par voie rectale : hydrocortisone (Colofoam), bétaméthasone (Betnesol).

Mode d’action : inhibition de la production de médiateurs pro-inflammatoires. Le budésonide a une libération ciblée au niveau iléocolique grâce à des microgranules résistants. Administration : pour la voie orale, généralement en une prise le matin ou en deux prises matin et midi si la dose journalière est importante. Pour la voie rectale, au coucher. Précautions : une action locale limite le risque de passage systémique, mais ne met pas complètement à l’abri des effets indésirables classiques des corticoïdes. En cas de traitement prolongé de 3 à 4 mois, réduire progressivement la posologie, surveiller la kaliémie, la glycémie et l’HTA chez les sujets diabétiques, hypertendus ou prédisposés, et adopter un régime pauvre en graisses. En cas de traitement poursuivi au-delà de 3 à 4 mois, surveillance ophtalmique (glaucome, cataracte) et de la densité osseuse avec supplémentation en calcium et vitamine D si besoin. Contre-indications : ulcère gastroduodénal en évolution, état infectieux ou psychotique non contrôlé par un traitement spécifique.

Les immunosuppresseurs

Le seul utilisé est l’azathioprine (Imurel).

Mode d’action : non élucidé. Les propriétés cytotoxiques et immunosuppressives seraient issues d’une compétition avec les bases de l’ADN et de l’ARN. L’azathioprine inhiberait la biosynthèse des nucléotides normaux et empêcherait la prolifération des cellules participant à la réponse immune. Administration : au cours des repas pour limiter les effets indésirables digestifs. Précautions : l’efficacité n’est obtenue qu’après plusieurs mois de traitement, d’où l’association fréquente à un corticoïde le temps que le traitement agisse. Surveillance de l’hémogramme (neutropénies), du risque infectieux (rare toutefois). Contre-indication : allaitement.

Les immunomodulateurs

L’adalimumab (Humira) est uniquement indiqué dans la maladie de Crohn. L’infliximab (Remicade) est utilisé à l’hôpital dans les MC et RCH.

Mode d’action : ces anticorps monoclonaux se lient à la TNF-alpha et l’empêchent d’agir. La TNF-alpha est une cytokine, une protéine qui intervient dans les mécanismes de l’inflammation et dans la réponse immunitaire. Elle est présente en trop grande quantité dans les MICI. Administration : en sous-cutanée pour l’adalimumab et en perfusion pour l’infliximab à l’hôpital, en association à un corticoïde – sauf contre-indication – qui sera progressivement diminué. L’efficacité du traitement est jugée par le médecin au bout de 12 semaines. Précautions : surveillance du risque infectieux jusqu’à 5 mois après l’arrêt du traitement (appel en urgence au médecin !), bilan hépatique. Conservation entre 2 et 8°C pour Humira. Contre-indications : tuberculose ou autre infection sévère évolutive, insuffisance cardiaque modérée à sévère. Conditions de délivrance pour Humira : médicament d’exception dont la prescription initiale hospitalière valable un an et le renouvellement sont réservés à certains médecins spécialistes (en rhumatologie, gastroentérologie, chirurgie digestive, dermatologie, pédiatrie, médecine interne).

Vie quotidienne

Alimentation

• Au cours des poussées. éviter les aliments riches en fibres qui aggravent les symptômes : légumes verts, fruits, son… Les produits laitiers ne sont déconseillés que s’ils sont mal tolérés. Fromages et yaourts sont souvent mieux supportés que le lait. Boire suffisamment. Augmenter les apports en sel en cas de diarrhée importante.

• En cas de sténose. Déconseillez les aliments favorisant l’obstruction intestinale : filandreux (poireaux, champignons..), oléagineux (cacahuètes…)

• Après une poussée. Réintroduire peu à peu les fruits et les légumes en fonction de la tolérance.

• En période de rémission. L’alimentation doit être normale et diversifiée pour éviter toute carence en vitamines et en minéraux.

• Sous corticoïdes au long cours (plusieurs mois de traitement). Adopter un régime pauvre en graisses pour éviter une prise de poids liée à la stimulation de l’appétit ; un régime peu salé n’est pas utile (la prise de poids n’étant pas liée à une rétention hydrosodée), sauf en cas de pathologie associée le nécessitant (insuffisance cardiaque…).

Tabac

Inciter au sevrage, notamment dans le cas de la maladie de Crohn, dont le tabac aggrave l’évolution.

Activité physique

Il est classique d’être fatigué au moment des poussées de la maladie. Cet état persiste tant que l’inflammation n’est pas correctement contrôlée. La fatigue peut aussi refléter une carence en vitamines, une tendance dépressive ou un mal-être. Ne pas hésiter à l’évoquer avec le médecin.

Vie sociale et familiale

Le retentissement de la maladie sur la vie familiale, professionnelle et affective peut être important (poussées gênantes et invalidantes, fatigue…). Un soutien psychologique (psychiatre, psychologue, associations) peut être utile. Se faire aider au besoin.

Vie génitale

• Grossesse. Lorsque la maladie est stabilisée, en période de rémission, la grossesse se déroule le plus souvent normalement, la maladie n’ayant généralement pas tendance à s’exacerber. En revanche, tant que la MICI n’est pas stabilisée par le traitement, les projets de grossesse sont déconseillés en raison des complications possibles pour la patiente et l’enfant (risque de fausse couche).

• Contraception. Elle est obligatoire sous méthotrexate, en raison du risque de malformation fœtale. Elle doit se poursuivre 3 mois après l’arrêt du traitement chez la femme, 4 mois chez l’homme.

Prévention et traitement

• Surveiller les infections. Sous anti-TNF-alpha, alerter le médecin en cas de fièvre ou de signes évocateurs d’infection (ORL, dentaire, urinaire…). Ne poursuivre le traitement ou le reprendre qu’avec son accord. Attention aussi aux infections sous immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate hors AMM…).

• Vaccination. Les vaccins vivants sont déconseillés sous immunosuppresseurs, corticothérapie au long cours et anti-TNF-alpha. Par prudence, il est recommandé de respecter un délai de 3 mois entre l’arrêt du traitement et la vaccination.

• Médicaments. L’isotrétinoïne (traitement de l’acné) pourrait jouer un rôle dans la survenue ou l’aggravation des MICI. Déconseiller les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène…) en automédication car ils sont une cause reconnue de déclenchement de poussées.

Comment diagnostiquer une MICI ?

• Les signes qui alertent. Une diarrhée persistante (plus d’une semaine), la présence de sang dans les selles, un syndrome dysentérique (douleurs abdominales, faux besoins, évacuations de glaires et/ou de sang) doivent amener à consulter un médecin sans tarder.

• Le diagnostic. Il est généralement confirmé par l’iléocoloscopie, avec prélèvements de la muqueuse. L’aspect des lésions permet de distinguer une maladie de Crohn d’une rectocolique hémorragique.

• Examens complémentaires. En cas de maladie de Crohn, ils sont généralement réalisés afin de rechercher d’autres localisations : endoscopie oeso-gastro-duodénale, imagerie de l’intestin grêle par entéroscanner ou entéro-IRM (permettant de détecter d’éventuelles complications : abcès, occlusions…). Selon les cas, évaluation de l’état nutritionnel.

Pour bien administrer Humira

• Afin de minimiser la douleur et les réactions au point d’injection, sortir le médicament du réfrigérateur 15 à 20 minutes avant et appliquer une poche de froid sur le site d’injection afin de désensibiliser cette zone.

• Choisir une zone sur la cuisse ou l’abdomen espacée d’environ 3 cm par rapport à l’injection précédente. La désinfecter à l’aide du tampon d’alcool fourni. Lors de la première administration, où deux injections sont nécessaires, en faire une dans chaque cuisse.

• Piquer la peau selon un angle de 45° avec la seringue, 90° avec le stylo.

• Avec le stylo : continuer à appuyer et maintenir le stylo (bouton prune) avec une pression constante durant environ 10 secondes pour garantir une injection complète.

• Comprimer le site d’injection sans frotter durant 10 secondes.

Au 0 800 71 80 80 (numéro vert, appel gratuit depuis un poste fixe), le patient peut faire la demande d’un sac isotherme et d’un collecteur pour l’élimination des seringues ou stylos usagés.

En savoir plus

Association de patients

Association François-Aupetit (AFA)

www.afa.asso.fr

Tél. : 0 811 091 623.

Site internet

www.vousnetespasseul.fr

Livre

Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, Pr Laurent Beaugerie, Médi-Text, 2005.