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Gérer la confidentialité est un droit et un devoir

Publié le 1 décembre 2011
Par Fabienne Rizos-Vignal et Christine Julien
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La confidentialité est un peu l’arlésienne de la pharmacie. Tout le monde en parle, mais personne ne l’a vue. Pourtant, elle est primordiale. Nos suggestions…

Un « triste » constat

Chut ! C’est un secret

L’intimité concerne ce qui est « au plus profond de quelqu’un, qui est caché des autres et appartient à ce qu’il y a de tout à fait privé », dit le Larousse. Le Petit Robert définit la confidentialité comme étant « le maintien du secret des informations ».

Tout sur tous

Il suffit de se rendre dans une pharmacie pour constater qu’on y sait à peu près tout sur tout le monde. La boulangère croise la prof de gym et Madame Durand sait que le petit du voisin tousse. Peut-être pensez-vous que de claironner un « Bonjour Madame Gauthier », comme l’apprennent certains experts en communication, suffit à créer proximité et lien commercial, mais rien n’est moins sûr. Qui vous dit que cette cliente a envie que la personne derrière elle sache son nom ? Vos savoirs pharmacologiques suffisent à débusquer la dépression du client qui vous précède rien qu’en voyant les boîtes sur le comptoir. Bien en évidence la plupart du temps. Vos clients connaissent peut-être aussi le nom des médicaments ou des pathologies…

Attention aux apparences

La notion de confidentialité diffère selon chacun. « Il existe des personnes qui sont contentes d’exposer leur intimité », relève Agnès Rettel, psychothérapeute, coach et formatrice. Elles clament haut et fort que le médecin a dit que leur diabète est mal équilibré, mais « cela les regarde. Le secret médical appartient au patient, c’est lui qui choisit de le divulguer ou pas ». Parler de ses mycoses peut être moins gênant que d’évoquer son acné, tout dépend. « Certains se sentent plus reconnus en tant que personne quand les autres savent ce qu’elles ont. Si ce sont elles qui le disent, ce n’est pas grave. »

L’importance du « caché »

Protéger l’intimité et la confidentialité des patients et leur information est essentiel. Ils sont mal à l’aise pour discuter de sujets personnels comme la maladie dans des lieux où ils ont le sentiment que d’autres peuvent les observer ou tendre l’oreille. Le manque d’intimité les décourage d’aborder ou d’exposer leurs problèmes, avec pour résultat de les détourner d’écouter vos conseils. Être assurés de la confidentialité leur permet de se sentir à l’aise pour vous donner des renseignements indispensables à la délivrance active. « Le besoin de confidentialité existe à l’officine, mais ce n’est pas fait », regrette Agnès Rettel.

Le secret professionnel

Ce que dit la déontologie

• Il est obligatoire. « Le secret professionnel s’impose à tous les pharmaciens dans les conditions établies par la loi » (art. R. 4235-5 du code de déontologie). Les informations sur la pathologie, le traitement et les médicaments dispensés ne doivent pas être divulguées. Y compris au patient lui-même ! « Le pharmacien doit s’abstenir de formuler un diagnostic sur la maladie au traitement de laquelle il est amené à collaborer » (art. R. 4235-63 du code de déontologie). D’autant que le médecin peut avoir caché une partie de la vérité à son patient. L’article R. 4127-35 du code de déontologie médicale permet au praticien de tenir son patient dans l’ignorance d’un grave diagnostic ou pronostic.

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• Il est suivi. Le secret professionnel doit être respecté par l’équipe officinale : pharmaciens, préparateurs, apprentis, employés, étudiants stagiaires. « Tout pharmacien doit en outre veiller à ce que ses collaborateurs soient informés de leurs obligations en matière de secret professionnel et à ce qu’ils s’y conforment. »

• Il est sanctionné. La révélation d’une information soumise au secret constitue un délit avec peine d’emprisonnement jusqu’à un an, et 15 000 € d’amende (art. 226-13 du Code pénal). Peu importe que la divulgation résulte d’une intention, d’une négligence ou d’une simple méprise.

Délimitez un espace

Ce que dit le droit

« L’accueil de la clientèle et la dispensation des médicaments s’effectuent dans des conditions de confidentialité permettant la tenue d’une conversation à l’abri des tiers » (art. R. 5125-9 du code de la santé publique). Si un jour les entretiens pharmaceutiques sont actés,un espace de confidentialité sera la condition sine qua non.

En pratique

Pour tenir à l’écart les oreilles indiscrètes, certains aménagements créent des espaces intimes : délimiter par un marquage au sol la ligne de confidentialité à ne pas franchir par les clients qui attendent ; aménager un poste isolé (près de l’homéopathie, en bout de comptoir…), voire un espace dédié (bureau du titulaire, local d’orthopédie…) pour les patients mal à l’aise, bouleversés ou en demande ; proposer des rendez-vous en affichant un panneau où est inscrit à la vue de tous « Vous voulez nous parler en privé de certains sujets, c’est possible » ; un fond sonore discret pour masquer les conversations ; des séparateurs à mi-hauteur entre les postes ; des couleurs douces (bleu, vert, violet) pour le calme…

Les bonnes attitudes

Repérer

« C’est l’attitude de la personne qui guide le comportement à adopter, explique Agnès Rettel. Si elle n’a pas envie d’être écoutée, elle parle bas, elle s’approche de vous, voire regarde en arrière si personne n’écoute. Elle peut même laisser passer les autres pour attendre qu’il y ait moins de monde. »

Adopter

• Envers les clients. Si le patient se rapproche de vous, faites-le aussi. Se placer à une distance de 0,60 à 1,20 m crée le sentiment d’une conversation personnelle. Usez d’un ton de voix plus calme, maintenez le regard et inclinez légèrement le corps vers l’avant. Si vous sentez que des connaissances à lui perturbent votre client, dites-leur : « Je vais terminer avec Monsieur, vous lui parlerez quand nous aurons fini ? » ou « Pourriez-vous rester en arrière ? » Si le client vous questionne sur le diagnostic, dites : « Que vous a dit le médecin ? » Faire dire et valider les informations que vous donne le patient : « Eh bien, si le médecin vous a dit que… alors ». Éviter d’exposer les boîtes et faire en sorte que le patient fasse barrière entre elles et les autres derrière lui. Soyez précis pour le client, mais sans dire le nom du produit, plutôt « ce médicament ».

• Au sein de l’équipe. Ne pas discuter d’un patient dans l’espace de vente, ni citer son nom. Soyez vigilant quant aux commentaires d’ordonnance.

Ce que dit la Cnil

Parce qu’elles relèvent de l’intimité et de la vie privée des patients, les informations contenues dans les fichiers informatiques doivent faire l’objet d’une protection renforcée. Le guide des professionnels de santé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) fait le point sur les droits et les obligations prévues par la loi Informatique et libertés (sur www.cnil.fr ou Allô Cnil au 01 53 73 22 22). La simple détention du numéro d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) ou numéro de Sécurité sociale est soumise à des règles strictes ! Informations sur les pathologies, DP, « la négligence ou l’absence de mesures de sécurité peuvent être sanctionnées de 300 000 € d’amende et de cinq ans d’emprisonnement » (art. 226-17 du code pénal).

Cogiter ensemble

Toutes les méthodes doivent être réfléchies en équipe. N’hésitez pas à vous réunir pour poser le problème de la confidentialité, lister et regrouper les différentes idées afin de mettre en place une stratégie propre à votre équipe : s’informer de la réglementation, se former à la communication non verbale, créer des espaces, instaurer des procédures de discrétion à adopter lors des appels téléphoniques. À vous de jouer maintenant !