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Un adulte traité pour une maladie de Basedow

Publié le 2 octobre 2012
Par Nathalie Belin
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Hélène B., 38 ans, a consulté son médecin il y a quelques semaines suite à une fatigue importante, un amaigrissement, des « bouffées de chaleur » et des accès de tachycardie. Elle a commencé un traitement comportant Thyrozol et propranolol.

Prescription

Dr H.
Endocrinologue

Thyrozol 20 mg
continuer 1 cp par jour le matin.

Levothyrox 75 mg
1 cp le matin à jeun.

Propranolol 40 mg
1/2 cp si besoin.
Stopper Lexomil.

Jasminellecontinu
1 plaquette.

Mme Hélène B., 38 ans,
52 kg, 1,65 m

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

L’ordonnance est conforme à la législation. Il n’y a pas de médicaments à délivrance particulière.

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Contexte

C’est quoi ?

Cette ordonnance vise à prendre en charge des troubles thyroïdiens car la présence de Thyrozol, « freinateur » de la thyroïde, indique qu’il s’agit d’une hyperthyroïdie. Ici, il s’agit d’une maladie de Basedow, la plus fréquente des hyperthyroïdies. C’est une maladie auto-immune à large prédominance féminine (sept femmes pour un homme). Madame ? B a été récemment licenciée, ce qui pourrait expliquer le déclenchement de la maladie. En effet, celle-ci survient souvent au décours d’un choc émotionnel ou d’un événement de la vie génitale (puberté, grossesse, ménopause).

Les signes d’une thyrotoxicose

L’élévation des hormones thyroïdiennes (T3 et T4) entraîne un état d’hypermétabolisme avec amaigrissement, alors que l’appétit est conservé, fatigue, tachycardie, palpitations, nervosité, troubles du sommeil, sueurs, mains chaudes et moites, exophtalmie (saillie du globe oculaire hors de l’orbite)…

Objectifs

Bloquer la synthèse hormonale

La première étape du traitement vise à stopper la production d’hormones thyroïdiennes grâce à un antithyroïdien de synthèse (Thyrozol) et à contrôler par un traitement symptomatique les effets périphériques des hormones thyroïdiennes (tachycardie, anxiété…).

Rétablir l’euthyroïdie

Au bout de quatre à six semaines environ, un contrôle hormonal permet de vérifier l’efficacité du traitement. L’antithyroïdien de synthèse (ATS) est poursuivi sur une durée de dix-huit mois à deux ans pour limiter le risque de récidive. Il peut être nécessaire de supplémenter le patient en hormones thyroïdiennes (lévothyroxine), comme c’est le cas pour Madame ? B, pour pallier l’hypothyroïdie induite par l’ATS.

Médicaments

Thiamazole (Thyrozol)

Indiqué ici pour corriger l’hyperthyroïdie induite par une maladie de Basedow. Il inhibe l’incorporation de l’iode dans la tyrosine, et donc la nouvelle synthèse d’hormones thyroïdiennes.

Lévothyroxine sodique (Levothyrox)

Cette hormone thyroïdienne proche de l’hormone endogène est indiquée ici pour corriger l’hypothyroïdie induite par le thiamazole.

Propranolol

C’est un bêta-bloquant non cardio-sélectif indiqué dans la correction des manifestations cardio-vasculaires de l’hyperthyroïdie (palpitations, tachycardie). Le traitement est désormais prescrit à la demande. Il pourra être complètement stoppé une fois l’équilibre thyroïdien rétabli, c’est-à-dire à la disparition des palpitations.

Jasminellecontinu (éthinylestradiol, drospérinone)

Une contraception est nécessaire car le thiamazole peut avoir des effets embryotoxiques. L’endocrinologue prescrit ce contraceptif oral estroprogestatif monophasique pour un mois afin de dépanner la patiente car elle n’a pas eu le temps de revoir son gynécologue.

Repérer les difficultés

Lévothyroxine sodique

Cette substance est dite « à dose critique » compte tenu de la difficulté à ajuster la posologie chez certains patients. Pour équilibrer au mieux le traitement, le patient doit toujours respecter les mêmes modalités de prise (voir La patiente me demande). Par ailleurs, il n’est pas recommandé de substituer le médicament prescrit (générique ou princeps). La lévothyroxine expose à des interactions médicamenteuses : décalage des prises avec les sels de fer, de calcium, de magnésium, les topiques gastro-intestinaux.

Thyrozol

En raison du risque d’agranulocytose sous ATS, rare mais grave, un contrôle systématique de la NFS (numération formule sanguine) est demandé avant et après le début du traitement. Une agranulocytose est une absence ou une diminution importante du taux de globules blancs polynucléaires dans le sang circulant avec un tableau clinique de type grave infection.

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

« Comment vous sentez-vous à présent ?? Je vois que le traitement prescrit est efficace puisque le médecin ajoute un médicament pour corriger l’hypothyroïdie ». « Apparemment, vous n’avez plus besoin de Lexomil et vous prenez de moins en moins de propranolol ». Prescrit à dose efficace, le traitement par ATS corrige progressivement les symptômes de l’hyperthyroïdie, qui disparaissent en trois à quatre semaines environ.

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

→ L’antithyroïdien de synthèse a permis de bien réduire l’hyperthyroïdie. Il faut continuer ce traitement sur une période suffisamment longue, dix-huit mois environ, pour limiter le risque de récidive.

→ La sécrétion d’hormones thyroïdiennes étant désormais insuffisante, le médecin prescrit des hormones thyroïdiennes à dose substitutive pour compenser cet effet.

→ Les traitements symptomatiques (propranolol, Lexomil) sont progressivement stoppés.

Les horaires d’administration

→ Thyrozol : le matin, pendant ou après le petit déjeuner.

→ Levothyrox : classiquement le matin à jeun, 30 minutes avant le petit déjeuner du fait des interférences possibles avec l’alimentation. Autre prise : voir encadré.

→ Propranolol : un demi-comprimé en cas de tachycardie. Éviter la prise le soir en raison du risque de cauchemars.

→ Jasminellecontinu : à peu près à la même heure, sans arrêt entre les plaquettes.

Les effets indésirables

→ Thyrozol : des troubles du goût sont possibles ; ils sont réversibles à l’arrêt du traitement. L’apparition d’une fièvre ou d’une angine ou de tout signe infectieux doit être signalée au médecin et doit conduire à réaliser un hémogramme. Une agranulocytose est une contre-indication définitive à l’usage de tout antithyroïdien de synthèse.

→ Levothyrox : signaler et rapporter au médecin les signes de surdosage (tachycardie, sueur, diarrhée…), ou de sous-dosage (constipation, frilosité…).

→ Propranolol : des cauchemars ou des rêves désagréables sont possibles.

→ Jasminellecontinu : les contraceptifs oraux estroprogestatifs augmentent le risque thromboembolique, qui croît avec l’âge, en cas de tabagisme ou d’immobilisation prolongée. La survenue d’une douleur et/ou d’un œdème inhabituel au niveau d’une jambe peut être le signe d’un événement thromboembolique veineux. Des saignements irréguliers sont possibles les premiers mois. Chez certaines femmes, les hémorragies de privation peuvent ne pas survenir durant la prise des comprimés placebo. Si la contraception a été prise normalement, cela ne pose pas de problème. Sinon, il faut s’assurer de l’absence de grossesse.

J’accompagne

Surveillance

Il est classique sous ATS de surveiller régulièrement la NFS les deux premiers mois de traitement. Toutefois, une neutropénie ou une agranulocytose peut survenir, même plusieurs mois après le début du traitement. Y penser devant tout signe infectieux. Informez Madame B. d’alerter le médecin si cela se produisait.

Cette ordonnance est l’occasion de s’enquérir des connaissances de Madame ? B. sur la gestion d’éventuels oublis de pilule.

Hygiène

→ Reprendre petit à petit ses activités : la maladie étant très fatigante, un repos complet est indispensable au cours des premiers jours.

→ Pour favoriser la reprise de poids : recommandez une alimentation suffisamment énergétique avec des féculents (pâtes, céréales) et riche en protéines (viande, volaille, œufs, poisson) pour pallier la fonte musculaire.

→ Pour les troubles digestifs : qu’il s’agisse de diarrhée en cas d’hyperthyroïdie ou de constipation en cas d’hypothyroïdie, les troubles digestifs seront corrigés une fois la patiente en euthyroïdie. En attendant, ils peuvent être limités par les recommandations classiques : hydratation suffisante, limitation des fibres en cas de diarrhée, alimentation suffisamment riche en fruits et légumes verts en cas de constipation.

→ Attention au tabac : le tabagisme est un facteur de risque de rechute dans la maladie de Basedow. Si la patiente est fumeuse, ouvrez le dialogue en lui demandant si le médecin a évoqué l’arrêt du tabac. L’orienter si besoin vers un centre de tabacologie pour se faire aider.

Vente associée

Vous pouvez proposer une cure de fenugrec. Riche en protéines et en glucides, il peut donner un coup de pouce à la reprise de poids.

La maladie de Basedow s’accompagne souvent d’anxiété, de nervosité, voire de troubles du sommeil. Le médecin ayant stoppé la prise de Lexomil, proposez si besoin une alternative en phytothérapie (Euphytose, Spasmine…).

Point de pharmaco

Quelles recommandations en cas d’oubli de prise de la lévothyroxine ?

La demi-vie de la lévothyroxine est longue, environ sept jours, ce qui garantit des taux plasmatiques stables. Il n’est pas nécessaire de rattraper un oubli. Mieux vaut éviter des prises trop rapprochées et tout risque de surdosage (tachycardie) ; recommandez de reprendre le traitement à l’heure habituelle le lendemain, sans modifier la posologie.

La patiente me demande…

« Une amie hypothyroïdienne me dit qu’elle prend Levothyrox au coucher. Est-ce normal ? »

Certains spécialistes recommandent ce type de prise pour limiter le risque d’interférence des hormones thyroïdiennes avec la prise de nourriture. En pratique, il faut essayer de toujours prendre le médicament dans les mêmes conditions, c’est-à-dire à un même horaire de prise et à une même distance par rapport au repas.

« Existe-t-il un risque de récidive de cette maladie ? »

Oui, cela est possible, même après un traitement médical par antithyroïdien de synthèse bien conduit. En cas de rechute dans les mois ou les années qui suivent l’interruption du traitement, il peut être discuté un traitement radical : par iode 131 (ou une intervention chirurgicale). Il est également possible d’instaurer un traitement par antithyroïdien de synthèse au long cours, à faible posologie.