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Un jeune homme traité pour un psoriasis

Publié le 30 octobre 2012
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Jérôme, 33 ans, souffre de psoriasis palmo-plantaire traité par Soriatane depuis six mois. Les lésions du talon ont disparu, mais des plaques limitées résistent au niveau de la paume des mains. Son dermatologue poursuit Soriatane et remplace Daivobet par Dermoval en traitement local sur les lésions résiduelles.

Prescription

Dr B. Dermatologue

Jérôme M., 33 ans, 68 kg

Soriatane 10 mg

1 le soir au milieu du repas, 2 mois.

Dermoval crème

Le soir sur les deux mains, 2 tubes par semaine. 2 mois Arrêt Daivobet.

Baume Trixéra+

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Plusieurs fois par jour.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

Cette ordonnance respecte la législation car le patient n’est pas une femme en âge de procréer. Pour ces femmes, de nouvelles conditions de prescription et de délivrance sont en vigueur depuis le 1er octobre 2012 (voir encadré p. 36).

Contexte

C’est quoi ?

Cette ordonnance prend en charge un psoriasis, dermatose inflammatoire chronique non contagieuse qui apparaît chez des individus génétiquement prédisposés. La maladie est liée à un renouvellement anormalement rapide de la peau (prolifération des kératinocytes) et évolue par poussées, déclenchées ou aggravées par divers facteurs : stress, infection, traumatisme cutané, alcool, froid, médicaments comme les bêtabloquants…

Les symptômes

Lors des poussées, apparaissent des plaques erythémato-squameuses épaisses de localisation variable. Ici, il s’agit d’un psoriasis palmo-plantaire, d’aspect généralement pustuleux, qui touche exclusivement la paume des mains et la plante des pieds. Les lésions plantaires sont invalidantes car fréquemment douloureuses, les lésions palmaires sont difficiles à traiter du fait d’une sollicitation permanente des mains.

Objectif

Le but du traitement n’est pas de guérir la maladie, mais de contrôler son évolution, les poussées, et de faire disparaître les lésions inesthétiques, parfois douloureuses, qui peuvent altérer la qualité de vie. Les produits prescrits visent à :

– freiner la prolifération cellulaire (Soriatane) ;

– limiter l’inflammation et le prurit qui y est lié (Dermoval) ;

– hydrater et nourrir la peau (avec Trixéra+) pour favoriser la desquamation, renforcer la fonction barrière de la peau et compenser la sécheresse cutanée provoquée par les traitements.

Médicaments

Acitrétine (Soriatane)

Cet analogue de synthèse de l’acide rétinoïque aux propriétés kératinolytiques vise à normaliser les processus de prolifération cellulaire et de kératinisation de l’épiderme. Il a été prescrit pour une poussée qui dure depuis des mois et ne répondait pas suffisamment aux traitements locaux utilisés seuls.

Clobétasol (Dermoval)

Ce corticoïde à action très forte est indiqué ici pour traiter les plaques résistantes du psoriasis à la place de Daivobet (corticoïdes + analogues de la vitamine D). La forme crème est plus particulièrement destinée aux lésions aiguës, suintantes.

Baume émollient au selectiose (baume Trixéra+)

Ce soin contient des actifs apaisants et anti-irritants (eau thermale d’Avène, selectiose dérivé du rhamnose aux propriétés anti-inflammatoires) et nourrissants (céramides…). Il est adapté aux peaux très sèches et sensibles.

Repérer les difficultés

L’acitrétine

Si les risques tératogènes ne concernent pas directement ce patient, il doit être averti de l’interdiction de donner son sang durant le traitement et lors des deux années suivantes car l’acitrétine est transformée en étrétinate, également tératogène et avec une demi-vie très longue (120 jours). Ce délai de sécurité évite que les molécules tératogènes ne soient transmises à une femme enceinte lors d’une transfusion. Par ailleurs, les effets indésirables potentiels imposent de vérifier que le patient a bien saisi leur nature, les précautions à prendre et l’intérêt d’une surveillance biologique.

Le clobétasol

L’utilisation prolongée d’un corticoïde local, a fortiori d’action très forte, peut provoquer une fragilité/atrophie cutanée, voire des effets systémiques s’il est employé sur des zones étendues et/ou sous occlusion. Respect des posologies et surveillance du nombre de tubes utilisés sont essentiels. Dans le cas du psoriasis, un arrêt brutal n’est pas souhaitable, même si les lésions régressent.

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

« Apparemment, les lésions se sont améliorées, le traitement local ne concerne plus que les paumes des mains. Comment supportez-vous Soriatane ? Souffrez-vous d’effets indésirables comme une forte sécheresse de la peau ou la perte de cheveux ? » Même s’il améliore fréquemment l’évolution du psoriasis, Soriatane peut occasionner des effets indésirables difficiles à supporter. Le patient, qui avait commencé le traitement à 20 mg/jour, se plaignait de desquamations palmaires et d’une sensation de « paumes en carton ». Il le supporte mieux ramené à 10 mg et ne se plaint plus que de sécheresse labiale.

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

→ Le traitement oral soigne les symptômes, mais ne guérit pas le psoriasis. Il a réduit considérablement les lésions, c’est pourquoi le médecin le poursuit à une dose identique.

→ Il n’est pas rare que les lésions des mains, souvent sollicitées, soient difficiles à traiter. Le nouveau traitement anti-inflammatoire local tente de soigner les plaques résistantes et de réduire les démangeaisons.

→ Hydrater et nourrir la peau plusieurs fois par jour est un soin de complément important. Il permet aussi de soulager les démangeaisons.

Les horaires d’administration

→ Soriatane : un comprimé le soir au milieu du repas.

→ Dermoval : le soir, appliquer le produit en touches espacées au niveau des lésions, l’étaler en massant légèrement jusqu’à ce qu’il soit entièrement absorbé. Veiller à ne pas dépasser deux tubes par semaine. Ne pas arrêter brusquement sans avis médical, sous peine d’un éventuel effet rebond. Bien se rincer les mains après usage.

→ Baume Trixéra+ : appliquer plusieurs fois par jour sur les mains. Penser également à en mettre sur la plante des pieds matin et soir.

Les effets indésirables

→ Soriatane : les plus fréquents sont essentiellement cutanéomuqueux, en général réversibles à l’arrêt du traitement. Il s’agit de chéilite (inflammation des lèvres) et fissures des commissures labiales, sécheresse buccale, desquamations sur tout le corps, sécheresse des muqueuses, chute de cheveux, fragilité des ongles, dermites « aux rétinoïdes » (érythème, peau moite et prurit). Une atteinte hépatique et/ou une élévation des triglycérides et du cholestérol sont parfois rapportées.

→ Dermoval : l’utilisation prolongée de corticoïdes locaux peut générer une atrophie cutanée, des télangiectasies, des vergetures, des éruptions acnéiformes, des dépigmentations, des infections… Appliqués sur de grandes surfaces ou sous pansement occlusif, ils peuvent entraîner les effets systémiques d’une corticothérapie générale.

J’accompagne

Surveillance

Surveillance régulière des transaminases (avant traitement, tous les 15 jours lors des deux premiers mois de traitement, puis tous les deux mois), du cholestérol total et des triglycérides sériques lors du traitement à long terme et chez les sujets à haut risque (obésité, diabète…).

Rappeler au patient qu’il ne devra pas donner son sang durant tout le traitement et au moins dans les deux ans qui suivent, qu’il doit avoir pris connaissance des informations de la notice patient et qu’il ne doit donner ce médicament à aucune autre personne, en particulier une femme.

Hygiène de vie

→ Si le patient porte des lentilles de contact : rappeler qu’il peut ressentir une gêne liée à la sécheresse oculaire et lui conseiller de privilégier le port des lunettes.

→ Troubles oculaires : Soriatane pouvant troubler la vision ou diminuer la vision crépusculaire, attention avant de prendre le volant.

→ Limiter les facteurs aggravants : repérer et agir contre les facteurs qui aggravent le psoriasis, tels le tabac, l’alcool, le froid, le stress, les produits ménagers (porter si possible des gants doublés en coton avant de les manipuler)…

→ Halte au grattage : gratter les lésions ou les frotter pour accélérer la desquamation risque de les aggraver. En cas de prurit intense, appliquer le baume Trixéra+ et/ou un baume d’eau thermale gardé au réfrigérateur pour un effet froid apaisant.

→ Hygiène adaptée : éviter les bains trop chauds et toujours y ajouter une huile de bain qui ramollit les squames et favorise leur élimination. Sécher les lésions par tamponnement avec un linge propre. Enfin, éviter tout pansement occlusif, en particulier sur Dermoval.

Vente associée

Proposez des produits d’hygiène et de soin spécifiques qui nettoient la peau sans l’agresser, l’apaisent et favorisent la desquamation : Ikeriane pain exfoliant Ducray, Psocalm Dermagor dermonettoyant, Psoriane Saint-Gervais Crème lavante, Trixéra+ Bain nettoyant émollient… Pensez aussi aux baumes labiaux hautement réparateurs : Kerlipial Baume labial, Eucerin Peau sèche Baume lèvres calmant…

Le patient me demande…

« J’envisage de partir au Vietnam, est-ce compatible avec mon traitement ? »

Pourquoi pas ! Mais si vous devez prendre un antipaludéen, parlez de ce traitement au médecin ; il est contre-indiqué avec les cyclines qui pourraient être prescrites en raison d’un risque d’hypertension intracrânienne. Pensez aussi à bien vous protéger du soleil par des vêtements, un chapeau et une crème d’indice élevé car Soriatane peut provoquer des photosensibilisations.

Point de législation

Depuis le 1er octobre 2012, en raison du risque élevé de malformations congénitales, la délivrance de l’acitrétine aux femmes en âge de procréer est soumise aux mesures du Programme de prévention de la grossesse (PPG) :

– l’ordonnance n’est valable que pour un mois et n’est pas renouvelable ;

– la prescription doit dater de moins de sept jours et les mentions obligatoires détaillées ci-dessous doivent figurer sur le carnet-patiente.

Lors de la première prescription :

– signature de l’accord de soins et de contraception ;

– mise en place d’au moins une méthode de contraception efficace depuis au moins un mois ;

– évaluation du niveau de compréhension de la patiente ;

– date et résultat du test de grossesse datant de moins de trois jours.

Lors des prescriptions suivantes, la contraception efficace doit être poursuivie et les date et résultat du test de grossesse datant de moins de trois jours, vérifiés.

Enfin, la date de délivrance doit être reportée dans le carnet-patiente.