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Les anti-TNF alpha

Publié le 5 mars 2013
Par Nathalie Belin
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LE TNF ALPHA

Qu’est-ce que c’est ?

> Le TNF alpha (Tumor Necrosis Factor alpha – facteur de nécrose tumorale alpha) appartient à la famille des cytokines, cellules médiatrices de l’immunité (les cytokines sont des protéines qui permettent la communication entre les cellules du système immunitaire). Il est sécrété par les macrophages, les monocytes, les lymphocytes, et les mastocytes.

> Le TNF alpha a de très nombreux effets directs et indirects sur l’hématopoïèse, la protection infectieuse, la régression tumorale, la surveillance immunitaire… ; il a aussi des effets anorexigène, pyogène, métaboliques et pro-inflammatoires…

> Il est impliqué dans les processus inflammatoires observés lors de maladies inflammatoires chroniques : rhumatismes articulaires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique, arthrite juvénile), MICI (Crohn, rectocolite hémorragique), psoriasis. Il semble jouer un rôle dans l’athérosclérose et l’insuffisance cardiaque.

> Ainsi, et selon les conditions, ses effets peuvent être soit bénéfiques, soit excessifs, d’où le rôle des anti-TNA alpha.

Comment agit-il ?

Le TNF alpha agit en se fixant au niveau de récepteurs membranaires présents sur les cellules. Il existe aussi, dans le plasma, des récepteurs solubles dont le rôle est de fixer le TNF alpha pour l’empêcher de stimuler les récepteurs membranaires.

LES ANTI-TNF ALPHA

Que sont ces médicaments ?

Ce sont des biothérapies, thérapies dérivées de molécules biologiques naturelles. Elles ont pour cible un composé spécifique de l’organisme.

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Les anticorps monoclonaux. Ils sont produits par synthèse par un clone de cellules spécialisées du système immunitaire. Ce sont des « copies » d’anticorps naturellement présents dans l’organisme, ciblant un antigène précis. Leur dénomination commune internationale se termine par « mab ».

Les immunosuppresseurs, tel l’étanercept, protéine produite par génie génétique. Les anti-TNF alpha se présentent en solution injectable administrée en sous-cutanée en ville et en intra-veineuse à l’hôpital.

Comment agissent-ils ?

Il y a trois façons de s’opposer au TNF alpha : réduire sa fabrication, le neutraliser après production et bloquer ses cibles. Les médicaments diminuant sa production – lenalidomide et thalidomide –, ne seront pas étudiés ci-après.

Les anticorps monoclonaux anti-TNF alpha se lient au TNF alpha et l’empêchent d’agir : adalimumab (Humira), certolizumab pegol (Cimzia), golimumab (Simponi), infliximab (Remicade, hôpital).

L’étanercept (Enbrel), récepteur soluble, fixe le TNF alpha circulant et l’empêche de se fixer sur ses récepteurs membranaires.

LA PRESCRIPTION

Pour quels patients ?

En cas de réponse inadéquate ou d’intolérance aux autres traitements de fond, et dans les formes modérées à sévères de ces pathologies.

Comment ?

Prescrits seuls ou associés aux autres traitements : antalgiques, AINS, dérivés salicylés (dans les MICI), immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate…), etc.

Quelle législation suivent-ils ?

> Prescription sur une ordonnance de médicaments d’exception.

> Prescription initiale hospitalière (PIH) valable un an. Durant cette période, le renouvellement peut être réalisé en ville par un spécialiste (voir ci-après). Présenter la PIH à chaque renouvellement.

> Prescription initiale et renouvellements réservés à certains spécialistes selon l’indication du médicament : rhumatologues, dermatologues, gastro-entérologues, pédiatres, services de médecine interne (infos sur le site www.meddispar.fr).

LES EFFETS INDÉSIRABLES

Vigilance face au risque infectieux

Les anti-TNF alpha augmentent le risque infectieux, notamment en s’opposant à l’activité phagocytaire des leucocytes et par d’autres mécanismes mal élucidés.

Précautions avant traitement : recherche systématique et traitement de toute infection (dentaire, ORL, urinaire…). Dépistage de la tuberculose avec examen clinique, intradermoréaction à la tuberculine et radiographie thoracique. Selon le cas, les sérologies hépatites B et C et VIH, après accord du patient, sont demandées. Mise à jour des vaccinations.

Effets indésirables : les plus fréquents sont des infections des voies respiratoires supérieures, bronchites, sinusites, pharyngites, infections cutanées, cystites… Certains, moins fréquents, peuvent mettre en jeu le pronostic vital : pneumonies, septicémies, cellulites (inflammations du tissu sous-cutané, secondaires à une infection), réactivation d’hépatite B…

Des signes neurologiques

Confusion, fourmillements, troubles visuels…, l’apparition de signes neurologiques impose l’arrêt du médicament et la consultation du spécialiste. Des signes cliniques évoquant une sclérose en plaques ou un Guillain-Barré (faiblesse musculaire, fourmillements dans le haut du corps) sont rapportés.

Gare à l’insuffisance cardiaque

Les anti-TNF alpha sont utilisés avec prudence en cas d’insuffisance cardiaque, au risque de l’aggraver. Tout signe de décompensation (œdème, essoufflement…) impose l’arrêt et une consultation. Adalimumab, certolizumab pegol et golimumab sont contre-indiqués dans l’insuffisance cardiaque modérée à sévère.

Effets gérables ou indéterminés

Très fréquents et bénins : réactions au point d’injection à type de douleurs, gonflement, rougeurs…

Fréquents et souvent bénins : douleurs musculo-squelettiques, réactions allergiques (urticaire, prurit…) ; parfois vertiges, fatigue, céphalées…

Indéterminés ou rares : risque augmenté de tumeurs malignes (cancer du sein, du poumon, voire lymphome…) et cutanées ; troubles hématologiques (neutropénie, anémie…) ; maladie interstitielle pulmonaire.

LES ASSOCIATIONS

Contre-indiquées : vaccins vivants, rougeole, oreillons, rubéole (ROR, Priorix), rougeole (Rouvax), rubéole (Rudivax), varicelle (Varilrix, Varivax), fièvre jaune, BCG.

Non recommandées : anakinra (antagoniste de l’interleukine 1) et abatacept (immunosuppresseur, à l’hôpital) car augmentation du risque d’infections sévères.

L’INJECTION SC

Les modalités pratiques

Sortir le médicament du réfrigérateur 15 à 30 minutes avant l’injection. Nettoyer et désinfecter le plan de travail à l’eau de Javel diluée ou à l’alcool. Se laver les mains. Désinfecter le site d’injection (haut de la cuisse ou abdomen à au moins 5 cm du nombril) avec le tampon alcoolisé fourni ou une compresse imbibée d’alcool à 70°. Pincer la zone de peau désinfectée et piquer au sommet du pli avec l’angle approprié ; se référer à la notice : généralement à 90° avec le stylo et de 45 à 90° avec la seringue préremplie. Relâcher la peau. Injecter lentement.

Limiter les réactions

> Placer une poche de froid sur la zone concernée avant la désinfection pour désensibiliser la peau.

> Ne pas masser ni frotter la peau après l’injection. Si la sensation douloureuse persiste après quelques minutes, replacer une poche de froid.

> Varier les sites d’injection en les espaçant d’au moins 3 cm.

À DIRE AUX PATIENTS

Gérer le risque infectieux

Prévention : lavage fréquent des mains ; désinfection de toute plaie ; une bonne hygiène dentaire, changer régulièrement sa brosse à dents ; vaccination antigrippale recommandée.

En cas de suspicion d’infection sans fièvre (toux, brûlures urinaires…) : consulter rapidement.

En cas de fièvre : ne pas faire l’injection, avertir le spécialiste, qui renverra certainement au médecin traitant pour poser le diagnostic et mettre en route une antibiothérapie. Reprendre les injections avec l’accord du généraliste et du spécialiste.

Anticiper : informer le spécialiste avant toute intervention chirurgicale, y compris dentaire type extraction, traitement d’un abcès… pour mettre en place une prophylaxie (traitement anti-infectieux).

Grossesse

Une contraception efficace est recommandée pour les femmes en âge de procréer durant le traitement et cinq à six mois suivant son arrêt ou trois semaines pour l’étanercept. Le fœtus et/ou l’enfant est considéré comme immunodéprimé pendant les six mois suivant la dernière injection (environ quinze jours pour l’étanercept).

LE SUIVI

L’efficacité du traitement se juge après deux-trois mois. En cas d’inefficacité, un autre anti-TNF alpha peut être proposé.

Surveillance clinique et biologique : recherche d’éventuels effets indésirables ; hémogramme et, selon le cas, bilan hépatique et surveillance des paramètres de l’inflammation (VS, protéine C réactive).

Bilan dermatologique annuel : recommandé par certaines équipes, notamment en cas d’antécédents de naevi.

À l’arrêt du traitement : tout signe infectieux survenant jusqu’à six mois après l’arrêt (un mois sous étanercept) nécessite de consulter.

Mémento délivrance

– Vérifier l’aspect législatif : prescripteur, ordonnance d’exception.

– Indiquer les règles de conservation : au réfrigérateur entre + 2 et + 8 °C ; à transporter dans un sac isotherme (à demander aux laboratoires respectifs).

– Donner un collecteur de déchets : fourni par le labo.

– En cas de rupture de la chaîne du froid : appeler le service d’information médicale du laboratoire afin de vérifier si le médicament peut encore être utilisé.

– Orienter vers le médecin : en cas de signes infectieux.