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Un dérivé du cannabis bientôt en officine ?
La ministre de la Santé a demandé à l’ANSM d’examiner le dossier d’autorisation de mise sur le marché de Sativex, un spray de cannabinoïdes indiqué dans les douleurs de la sclérose en plaques. En parallèle, un malade myopathe a été condamné à Belfort le 13 mars pour « usage et détention » de cannabis.
NOTRE EXPERT INTERROGÉ
François Chast, pharmacien des hôpitaux, chef du service pharmacologie-toxicologie de l’Hôtel-Dieu (AP-HP).
Quelles propriétés médicales attendre du cannabis. ?
Le Cannabis sativa indica ou chanvre indien est une plante cannabinacée dont les principaux actifs sont les cannabinoïdes. Parmi eux, on attribue au delta-9-transtétrahydrocannabinol ou THC – outre les effets psychoactifs recherchés pour une consommation « récréative » – diverses propriétés thérapeutiques : analgésique, myorelaxante, anxiolytique, antiémétique, stimulant de l’appétit, bronchodilatateur…(1) Certains de ces effets sont retrouvés pour le cannabidiol, autre cannabinoïde sans effets psychoactifs.
Quelles sont les applications possibles ?
Malgré la disparité des études cliniques, le cannabis et ses dérivés ont montré des preuves d’efficacité probables dans les nausées et vomissements chimio-induits notamment, l’anorexie et la cachexie liées à certaines affections (VIH, cancers), les douleurs rebelles y compris neuropathiques (paresthésies…), les troubles du mouvement (dystonies…). Autres indications avancées(1) : allergies, inflammations chroniques, dépression, troubles bipolaires, glaucome…
Quelle est la position actuelle de la France sur le cannabis thérapeutique ?
Cette notion n’existe pas dans le droit français. Le cannabis et les dérivés cannabinoïdes, y compris sous forme médicamenteuse, sont interdits et classés comme stupéfiants. Leur usage, importation, vente, transport et production sont un délit et exposent à des poursuites. Les dérogations, accordées à des fins de recherche et de contrôle, ainsi que de fabrication de dérivés après autorisation par le directeur de l’ANSM, comme prévu par l’article R 5132-86 du code de la santé publique, ne concernent pas leur usage thérapeutique.
Aucun malade français ne bénéficie donc d’un traitement à base de cannabis ou dérivés ?
Si, à titre exceptionnel, dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) nominatives, autorisées depuis 1999 par l’ANSM. Parmi les produits commercialisés à l’étranger, seul le Marinol a fait l’objet d’ATU, sous forme de capsules à avaler dosées à 2,5 ou 5 mg de dronabinol, forme synthétique du THC naturel. Depuis 2001, 74 ATU ont été délivrées, principalement pour des douleurs et affections inflammatoires du système nerveux ne répondant pas aux traitements standard.
Le gouvernement a demandé l’examen d’une AMM pour Sativex. C’est quoi ?
Ce médicament à base de cannabinoïdes est développé par la société britannique GW Pharmaceuticals dans le traitement de la spasticité (contracture) sévère et résistante de la sclérose en plaques, actuellement en développement dans les douleurs cancéreuses et neuropathiques. Il contient du THC et du cannabidiol qui, outre ses propriétés médicales propres, atténuerait les effets « néfastes » du THC psychoactif (sensation de planer, troubles cognitifs…) et diminuerait le risque d’addiction. Ce spray, à pulvériser sous la langue ou à l’intérieur des joues, est déjà autorisé aux États-Unis, Canada, Suisse et Grande-Bretagne. Toutes les ATU demandées pour le Sativex en France ont été refusées.
Quels avantages a un médicament par rapport au cannabis fumé ou ingéré ?
Les médicaments par voie orale ou perlinguale limitent les effets cardiovasculaires et pulmonaires du cannabis fumé. Leur formulation pharmacologique peut atténuer les effets délétères psychoactifs, donc addictifs, du cannabis naturel. Leurs standardisation et contrôle assurent un usage sécurisé pour le patient. Enfin, le recours possible à un médicament éviterait aux patients des comportements actuels de consommation illégale.
Quelles sont les conditions pour le dépôt éventuel d’une AMM en France ?
Légalement, il faudrait une modification des textes pour permettre l’usage thérapeutique des cannabinoïdes. Socialement, il faudrait aussi que l’opinion publique, y compris le corps médical, avance sur l’amalgame fréquent cannabis médical/drogue et dissocie le débat concernant l’autorisation de l’usage médical du cannabis et de ses dérivés de celui de la dépénalisation du cannabis à des fins récréatives.
(1) Liste sur le site de l’Association internationale pour le cannabis médical : www.cannabis-med.org.
Repères
→ 1925 : interdiction internationale du cannabis par la Convention de Genève, suivie par la France.
→ 1953 : le cannabis disparaît de la pharmacopée française.
→ 1970 : la loi du 31 décembre classe l’usage de produits stupéfiants, dont fait partie le cannabis, dans les délits. Ses usage, importation, vente, transport et production sont strictement interdits et passibles de sanctions.
→ 1999 : des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) concernant les cannabinoïdes peuvent être délivrées en France à titre personnel ou de cohorte.
→ Février 2013 : Marisol Touraine demande à l’Agence nationale de sécurité du médicament d’examiner le dossier d’AMM de Sativex.
→ Le cannabis médical est délivré légalement sous conditions dans certains États américains depuis la fin des années 1990, au Canada et en Espagne depuis 2001, aux Pays-Bas depuis 2003, en Allemagne depuis 2008…
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