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La polyarthrite rhumatoïde
C’est une maladie auto-immune polyfactorielle. La polyarthrite rhumatoïde est un rhumatisme inflammatoire chronique caractérisé par des douleurs articulaires associées à un enraidissement matinal et un gonflement articulaire appelé synovite. Elle présente parfois des manifestations extra-articulaires. Les douleurs atteignent le plus souvent les mains, les poignets ou les pieds de façon symétrique.
L’inflammation chronique est à l’origine de déformations des articulations, elles-mêmes responsables de douleurs et d’un handicap fonctionnel plus ou moins important.
La maladie
PHYSIOPATHOLOGIE
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire et auto-immune, à l’origine d’une déformation et d’une destruction des articulations. C’est le rhumatisme chronique le plus fréquent.
Inflammation de la synoviale
La maladie se caractérise par une inflammation de la synoviale, membrane qui entoure et protège l’articulation. Celle-ci s’enflamme – c’est une synovite – , entraînant la sécrétion d’un liquide synovial inflammatoire en grande quantité, créant un épanchement synovial. L’articulation est gonflée et douloureuse, caractéristique d’une arthrite.
Destruction articulaire
Parallèlement, la membrane synoviale s’épaissit du fait d’une prolifération cellulaire ; on parle de pannus synovial. Des cytokines pro-inflammatoires, tels le TNF alpha, les interleukines-1 et 6…, jouent un rôle clé dans l’inflammation chronique et la prolifération cellulaire. Associés à d’autres substances – enzymes, radicaux libres… – , elles favorisent la destruction progressive du cartilage, puis de l’os en stimulant certaines cellules (macrophages, ostéoclastes…). À la longue, cela aboutit à des destructions et des déformations articulaires.
SIGNES CLINIQUES
Douleurs à caractère inflammatoire
Le début de la maladie est souvent insidieux avec des douleurs articulaires et parfois des signes généraux, tels un fébricule, une fatigue. Les douleurs sont de type inflammatoire ; non soulagées par le repos, elles surviennent plutôt en deuxième partie de nuit et sont associées à un dérouillage matinal long, d’au moins 30 à 45 minutes et parfois de plusieurs heures. Elles atteignent le plus souvent les mains, les poignets ou les pieds de façon symétrique.
Plus rarement, la maladie se révèle par une monoarthrite, généralement du poignet ou du genou, ou par une polyarthrite aiguë fébrile avec importante altération de l’état général.
Déformations articulaires
Elles apparaissent au bout de plusieurs années d’évolution de la maladie, à la phase d’état. Le diagnostic de la maladie est alors facile car les déformations de la polyarthrite rhumatoïde sont caractéristiques ; classiquement, déviation des doigts « en coup de vent » ou « en boutonnière », pouce « en Z » (voir infographie).
Des atteintes de l’avant du pied et des orteils gênant la marche et le chaussage sont également fréquentes.
Les ténosynovites, inflammations du tendon et de la gaine qui l’entoure exposent au risque de rupture tendineuse.
Le rachis cervical est touché dans les formes les plus sévères.
Manifestations extra-articulaires
Elles traduisent le caractère systémique de l’affection. Non systématiques, elles surviennent généralement dans les formes évoluées : nodules rhumatoïdes (nodules sous-cutanés, indolores siégeant au niveau des doigts ou de l’avant-bras et du coude), syndrome sec (voir Dico+), syndromes canalaires et notamment syndrome du canal carpien, vascularites, atteintes cardiaques, pleuro-pulmonaires…
FACTEURS DE RISQUE
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie polyfactorielle impliquant des facteurs hormonaux et environnementaux sur un terrain génétique particulier (notamment les gènes HLA-DR4 et HLA-DR1). Des facteurs infectieux, bactéries, virus…, pourraient être incriminés dans l’initiation de la maladie.
Celle-ci est fréquemment déclenchée par un choc psycho-affectif (accident, deuil…), ce dernier pouvant aussi intervenir dans le déclenchement des poussées.
Parmi les facteurs environnementaux impliqués, le tabagisme est à la fois un facteur de risque et un facteur aggravant.
ÉVOLUTION
Le plus souvent, la maladie évolue par poussées sur un fond continu d’inflammation articulaire. À chaque poussée, les lésions existantes s’aggravent et peuvent atteindre d’autres articulations.
Au long cours, le développement est très variable selon les patients. Certains souffrent d’une gêne mineure, même après plusieurs années ; chez d’autres, la maladie est douloureuse et invalidante, aboutissant à un handicap fonctionnel important.
La maladie est associée à une surmortalité cardiovasculaire en grande partie liée à l’inflammation chronique ; l’espérance de vie est réduite de cinq à quinze ans. Les manifestations cardiovasculaires observées sont aussi favorisées par certains traitements, principalement la corticothérapie.
DIAGNOSTIC
Il repose sur un ensemble de critères cliniques, radiologiques et biologiques et l’élimination des diagnostics différentiels : polyarthrites infectieuses, autres rhumatismes chroniques tels que spondylarthrite, goutte, lupus érythémateux systémique…
Les critères de diagnostic définis en 2010 par l’European League Againt Rhumatism (Eular) reposent sur l’établissement d’un score prenant en compte plusieurs paramètres : nombre d’articulations douloureuses, mais aussi syndrome inflammatoire, positivité des anticorps, durée d’évolution des symptômes de plus de six semaines… Ils permettent un diagnostic plus précoce (dès lors que le score est supérieur à 6), et donc un traitement plus précoce.
La clinique
Le signe clinique caractéristique à la palpation est le gonflement articulaire ou synovite des petites articulations distales – surtout les mains et poignets – de façon symétrique. L’atteinte de plusieurs articulations périphériques (doigts, poignets, avant-pieds, mais parfois genoux, coudes ou épaules), une durée d’évolution des symptômes supérieure à six semaines et/ou une raideur matinale de plus de 30 à 45 minutes, évoquent le diagnostic et nécessitent une consultation rhumatologique.
Examens complémentaires
Le bilan biologiqueIl évalue notamment le syndrome inflammatoire (VS, protéine C réactive…) et recherche des auto-anticorps : facteur rhumatoïde, anticorps anti-IgM non spécifiques de la maladie, et surtout des anticorps anti-protéines citrullinées (anti-CCP), très spécifiques de la maladie.
La radiologieDes radiographies des mains, poignets, pieds ou de toute articulation symptomatique sont réalisées, bien qu’elles soient le plus souvent normales au cours des premiers mois d’évolution de la maladie.
Des examens plus sensibles (échographie, IRM) confirment ou montrent précocement la synovite. Rare, une biopsie synoviale permet le diagnostic différentiel d’une arthrite chronique infectieuse.
AutresLes manifestations cardiovasculaires sont recherchées : dyslipidémie, HTA…
Le risque ostéoporotique est régulièrement évalué car l’inflammation articulaire chronique et la corticothérapie systémique favorisent la déperdition osseuse. Une ostéodensitométrie est envisagée dans les formes évolutives et chez les femmes ménopausées.
SUIVI
→ Un suivi rapproché, tous les mois, est nécessaire lors d’une polyarthrite débutante et jusqu’à obtenir une rémission ou un état de faible activité de la maladie. Il est clinique (nombres d’articulations gonflées et douloureuses…), biologique (évaluation du syndrome inflammatoire et surveillance des traitements prescrits) et radiologique (radio des mains, poignets, pieds tous les six mois au début de la maladie).
→ Un suivi dermatologique et gynécologique régulier est préconisé sous anti-TNF alpha, notamment d’un éventuel risque cancéreux cutané que ces traitements pourraient « faire flamber ».
→ Il est recommandé au malade de noter dans un carnet de suivi, disponible auprès des associations de patients, les poussées, leur durée et leur intensité pour faciliter la communication avec le médecin et améliorer la prise en charge.
Son traitement
OBJECTIF
La guérison est impossible, mais l’objectif est de soulager les douleurs, freiner ou arrêter l’évolution, et ainsi prévenir des handicaps majeurs à long terme.
L’instauration précoce d’un traitement de fond, idéalement dans les premiers mois d’évolution de la maladie, permet le plus souvent d’obtenir une rémission ou une faible activité de la maladie.
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
Il faut traiter vite et parfois de manière agressive d’emblée. Ainsi, le traitement de fond débuté dès le diagnostic vise à prévenir les poussées et les destructions articulaires. Cette mise en place précoce est importante car les premiers mois de la maladie sont critiques par la suite en raison du retentissement articulaire et du handicap.
Il est associé à un traitement symptomatique qui, en attendant la pleine efficacité du traitement de fond, soulage la douleur et la raideur articulaire. De même, une réadaptation fonctionnelle est proposée d’emblée (voir p. 30).
Traitement de fond
Il fait appel à des immunomodulateurs plus ou moins spécifiques, médicaments qui stimulent ou freinent ou empêchent les réactions immunitaires de l’organisme.
En première intention→ Le méthotrexate par voie orale est le traitement de référence. Son efficacité est évaluée après trois à quatre mois. En cas d’intolérance digestive ou d’inefficacité, le recours à la voie injectable est proposé (Metoject en seringue préremplie en auto-injection).
→ En cas d’échec, sont proposés : léflunomide (Arava) ou sulfasalazine (Salazopyrine). L’hydroxychloroquine (Plaquenil) est utilisée en association à d’autres traitement de fond pour renforcer leur effet : classiquement méthotrexate + sulfasalazine + hydroxychloroquine.
→ En cas d’échec d’un traitement de fond conventionnel bien conduit (méthotrexate ou autre à dose optimale tolérée durant au moins trois mois) : une biothérapie.
→ Dans les formes de polyarthrite associées à un mauvais pronostic (présence d’érosions articulaires aux radiographies dès le diagnostic) : biothérapies d’emblée (voir plus bas).
Dans les formes sévères→ Avec présence de facteurs de mauvais pronostics : une biothérapie, de préférence en association au méthotrexate ou autre traitement de fond afin d’augmenter l’efficacité, ou utilisée seule en cas de contre-indication au traitement de fond associé.
Un anti-TNF alpha est souvent prescrit en premier, mais d’autres biothérapies peuvent aussi l’être : abatacept ciblant les lymphocytes T (produit hospitalier), tocilizumab ciblant le récepteur de l’IL-6. Le rituximab ciblant les lymphocytes B est, lui, prescrit en deuxième intention. L’anakinra, qui présente une action moins puissante que les autres biothérapies dans la polyarthrite, est moins souvent utilisé.
La réponse au traitement peut débuter rapidement, une à deux semaines après la première injection, ou nécessiter plus de temps. Deux à trois mois sont nécessaires avant de conclure à l’inefficacité du traitement.
→ En cas d’échec d’un anti-TNF alpha : changer d’anti-TNF alpha ou de biothérapie.
Traitements symptomatiques
La prise d’antalgiques, paracétamol seul ou associé à la codéine en première intention, antalgiques de palier 2 voire 3, ou d’AINS, se justifie pour soulager le patient lors des poussées.
Les corticoïdes sont souvent employés à l’instauration d’un traitement de fond en attendant sa pleine action afin de soulager rapidement les poussées. Il s’agit le plus souvent de la prednisone (Cortancyl) en raison d’une action moindre sur la dépression de l’axe hypothalamo-hypophysaire et la rétention hydrosodée.
Ils s’emploient sur une durée la plus courte possible en raison notamment de l’augmentation du risque cardiovasculaire, et à une dose généralement inférieure à 8 mg par jour de prednisone (et souvent moins au long cours).
La corticothérapie intra-articulaire est indiquée en cas d’inflammation locale persistante.
Réadaptation fonctionnelle
Le traitement de la polyarthrite est global et doit prendre en charge tous les aspects de la maladie. La notion d’« économie articulaire » est enseignée au patient afin qu’il ménage ses articulations atteintes. Elle se fait au travers de l’ergothérapie et de la kinésithérapie.
L’ergothérapieElle inclut la réalisation d’appareillages de repos (orthèses des doigts, du poignet, de la main ou des orthèses plantaires…) qui réduisent la douleur, l’éducation gestuelle (le patient doit connaître les gestes à éviter pour protéger ses articulations) et le recours à des aides techniques qui facilitent les activités quotidiennes.
La kinésithérapieUtile dès le début de la maladie et adaptée au moment des poussées, la kinésithérapie permet notamment d’entretenir l’amplitude articulaire et de lutter contre l’enraidissement ; elle limite les déformations articulaires et a aussi pour objectif le renforcement musculaire, notamment chez des patients peu « sportifs ». Elle renforce l’endurance cardiorespiratoire en vue de limiter les comorbidités cardiovasculaires.
La chirurgie
→ Une synovectomie (ablation du pannus synovial), la stabilisation d’une articulation… sont proposées en cas d’inflammation synoviale persistante malgré le traitement médicamenteux. Elles sont réalisées de façon précoce lorsque l’état articulaire et musculaire n’est pas encore trop dégradé.
→ Une synoviorthèse consiste à détruire la membrane synoviale par un procédé médical ou radioactif. Elle est proposée après échec d’une ou deux infiltrations d’un corticoïde.
→ En dernier recours, la pose de prothèse est proposée (hanche…).
LES MÉDICAMENTS
Les immunosuppresseurs
Méthotrexate→ Mécanisme d’action : cytotoxique appartenant au groupe des antifolates. Il inhibe la synthèse de l’ADN, et donc la prolifération cellulaire. Il a des propriétés anti-inflammatoires et immunodépressives à faible dose.
La tolérance du méthotrexate, digestive, hépatique, rénale… est améliorée par la coprescription d’acide folique (Spéciafoldine, 5 à 15 mg par semaine). Celle-ci s’effectue en décalé par rapport à celle du méthotrexate (généralement 48 heures après) afin de ne pas limiter l’efficacité du médicament (antifolate).
→ Effets indésirables : troubles digestifs, hépatiques, hématopoïétiques, rénaux, pulmonaires, réactions de photosensibilité, chute de cheveux possible.
→ Surveillance : hématologique, rénale, hépatique, généralement tous les quinze jours les trois premiers mois de traitement, puis mensuelle. Contraception efficace chez l’homme et la femme traités. Vérifier la prise hebdomadaire (voir Conseils aux patients).
Léflunomide (Arava)→ Mécanisme d’action : antinéoplasique inhibant la synthèse de l’ADN. Il présente des caractéristiques immunomodulatrices/immunosuppressives, se comporte comme un agent antiprolifératif et possède des propriétés anti-inflammatoires.
→ Effets indésirables : troubles digestifs (diarrhées, nausées, vomissements, douleurs abdominales), lésions de la muqueuse buccale (stomatite aphteuse ou aphtes buccaux), hépatiques, hématopoïétiques, rénaux, réactions allergiques cutanées (dont syndrome de Lyell), pulmonaires, HTA, neuropathies périphériques.
→ Surveillance : hématologique et hépatique au début, toutes les deux semaines durant six semaines, puis toutes les huit semaines. Contraception efficace chez l’homme et la femme traités.
→ Législation : prescription réservée aux spécialistes en rhumatologie et médecine interne.
La sulfasalazine
Elle associe un dérivé salicylé et un sulfamide.
→ Mécanisme d’action : anti-inflammatoire intestinal induisant une déplétion en folates, d’où son action immunomodulatrice. La sulfasalazine aurait une éventuelle action anti-oxydante et inhibitrice de la synthèse des immunoglobulines par les lymphocytes.
→ Effets indésirables : troubles digestifs généralement transitoires, hématologiques, hépatiques, manifestations allergiques cutanées ou muqueuses. Réactions de photosensibilité.
→ Surveillance : numération formule sanguine (NFS), bilan hépatique régulier.
Les immunomodulateurs spécifiques
→ Les familles. Il s’agit d’agents biologiques ou biothérapies qui signent l’avènement d’une immunomodulation ciblée. Certains vont agir contre des cytokines, d’autres contre des populations de lymphocytes.
Les anti-TNF alpha bloquent le Tumor Necrosis Factor (TNF alpha), une cytokine médiatrice de l’immunité impliquée dans les différentes étapes de l’inflammation et de la destruction articulaire au cours de la polyarthrite (voir Porphyre n° 490). Ils comprennent :
– des anticorps anti-TNF : ils se lient au TNF, le neutralisent et l’empêchent d’agir. Exemple : adalimumab, certolizumab pegol, golimumab, infliximab (produit hospitalier) ;
– les récepteurs solubles du TNF : administrés au malade, ils fixent le TNF endogène et l’empêchent d’agir. Exemple : l’étanercept (Enbrel).
Les anti-IL-1 : l’anakinra est un anti-IL-1, un inhibiteur du récepteur de l’interleukine-1, cytokine impliquée dans les mécanismes inflammatoires.
→ Effets indésirables : risque de neutropénie, augmentation du risque infectieux, notamment en cas d’association à d’autres immunodépresseurs, risque de réactivation d’une tuberculose, hausse du risque d’apparition de certaines tumeurs cutanées, réactions au site d’injection.
→ Surveillance : clinique (risque infectieux), biologique (NFS, paramètres de l’inflammation…), dermatologique (notamment si antécédent de naevi). Contraception efficace recommandée sous traitement jusqu’à cinq ou six mois après l’arrêt de l’anti-TNF alpha (sauf étanercept : trois semaines après arrêt). Toute suspicion d’infection bactérienne ou de grossesse impose l’arrêt du traitement.
→ Conservation : entre 2 et 8 °C. Enbrel se garde quatre semaines à température ambiante à moins de 25 °C. Sortir le médicament 15 à 30 minutes avant l’injection.
→ Législation : médicaments d’exception. Prescription initiale hospitalière valable un an, réservée à certains spécialistes (rhumatologie, gastro-entérologie, chirurgie digestive, dermatologie, pédiatrie, médecine interne). Renouvellement par ces mêmes spécialistes.
Conseils aux patients
OBSERVANCE
Par rapport aux traitements
Informations générales→ Vérifiez que le rythme de surveillance, les modalités de prise et les effets indésirables potentiels sont connus ; s’ils surviennent, le patient doit savoir comment réagir.
→ Rappelez de ne jamais interrompre un traitement de fond, hormis en cas de fièvre sous anti-TNF alpha, ni une corticothérapie au risque d’une insuffisance surrénalienne.
Dans tous les cas, au moindre doute sur la conduite à tenir, il doit pouvoir contacter son rhumatologue ou, à défaut, son médecin traitant.
→ Signaler aux différents professionnels de santé les traitements de fond prescrits pour éviter tout risque d’interactions ; exemple : pas de Bactrim sous méthotrexate.
Au cas par cas→ Sous antalgiques et AINS : prendre selon prescription médicale au moment des poussées. Une prise au coucher est possible pour une meilleure efficacité sur les douleurs de fin de nuit et l’enraidissement matinal avec une collation (yaourt, fruit…) pour les AINS. Certaines molécules sont sensibilisantes, d’où la nécessité d’une protection solaire.
→ Sous corticoïdes. En cas de fortes doses – plus de 15 mg par jour d’équivalent prednisone – ou de traitement prolongé plus de trois mois, adapter l’alimentation pour limiter la prise de poids et autres troubles métaboliques : peu salée, réduction des graisses et des sucres rapides.
Si le traitement se prolonge : surveillance de la kaliémie, glycémie, de l’HTA, du bilan lipidique, surveillance ophtalmique (glaucome, cataracte), supplémentation en calcium et vitamine D. En règle générale, prise unique le matin pour limiter les troubles du sommeil et la freination de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Une prise fractionnée matin et soir peut être essayée pour une meilleure action sur les douleurs nocturnes et matinales.
→ Sous traitement de fond. Le risque infectieux est à surveiller étroitement. Il est majoré par l’association de plusieurs traitements de fond : méthotrexate, cortisone au long cours, anti-TNF alpha… Recommandez une bonne hygiène générale : lavage fréquent des mains, désinfection de toute plaie, soins de pédicure si nécessaire, une bonne hygiène dentaire également en raison des parodontopathies (voir Info+ p. 28).
Toute suspicion d’infection (toux, brûlures urinaires…) nécessite de contacter rapidement un médecin. En cas de fièvre, interrompre les injections d’anti-TNF alpha. Les autres traitements seront si nécessaires stoppés sur avis du médecin. Sous anti-TNF alpha, le risque infectieux persiste plusieurs mois après leur arrêt.
→ Sous méthotrexate. Sa prise orale s’effectue en une prise unique par semaine, la posologie s’exprimant en mg/semaine. Attention, une prise journalière, par erreur du patient ou de prescription peut être fatale en raison de la toxicité hématologique du méthotrexate.
Risque de photosensibilisation, bien se protéger du soleil.
→ Sous léflunomide (Arava) : contrôler régulièrement la pression artérielle. Signaler au médecin l’apparition d’aphtes pouvant témoigner d’une posologie trop élevée.
→ Sous sulfasalazine. Se protéger du soleil (protection vestimentaire, solaire haute protection) car risque de photosensibilisation. Arrêt immédiat du traitement en cas de manifestations allergiques cutanées ou muqueuses.
→ Sous anti-TNF alpha et inhibiteur de l’interleukine-1. Rappelez les modalités d’auto-injection : sortir le médicament du réfrigérateur de 15 à 30 minutes avant l’injection, placer une poche de froid sur le site d’injection avant la dé-sinfection pour désensibiliser la peau, varier les sites (cuisse, abdomen) en les espaçant d’au moins 3 cm.
Si une intervention chirurgicale est programmée, il faut arrêter l’anti-TNA alpha plusieurs semaines auparavant.
Par rapport à l’automédication
L’automédication est à éviter. Notamment pas d’AINS, ni d’aspirine pour ne pas interférer avec les AINS éventuellement prescrits ou les autres traitements (corticothérapie, majoration de la toxicité du méthotrexate…).
Pour la vaccination
Les vaccins vivants (fièvre jaune, rougeole, oreillons, rubéole, varicelle, BCG) sont contre-indiqués ou déconseillés avec les traitements immunosuppresseurs (méthotrexate, léflunomide, biothérapies, corticoïdes au long cours…).
La vaccination annuelle contre la grippe est recommandée. La vaccination antipneumococcique (tous les trois à cinq ans) est, pour sa part, proposée à tous les patients, notamment aux personnes à risque (diabétiques, insuffisants respiratoires…). La vaccination contre Haemophilus influenzae est à prescrire selon le terrain, notamment sous abatacept (Orencia, à venir).
VIE QUOTIDIENNE
Soulager les douleurs
Les applications de chaud (douche chaude…) peuvent aider à soulager l’enraidissement matinal. En revanche, une articulation très inflammatoire en cas de poussée est soulagée par le froid. La confection de semelles par un podologue peut être utile en cas d’atteinte de l’avant du pied.
Au cours des poussées inflammatoires, mettre au repos les articulations atteintes ; la kinésithérapie est maintenue, mais adaptée. Le port des orthèses de repos prescrites est recommandé au moins la nuit car elles réduisent la douleur en immobilisant l’articulation.
Activité physique
→ L’activité physique régulière (natation, marche, vélo…) et/ou les exercices de kinésithérapie préviennent la fonte musculaire et entretiennent souplesse et équilibre. Les activités manuelles (poterie…) aident à préserver l’agilité des doigts et des mains.
→ En concertation avec l’ergothérapeute, apprendre à ménager ses articulations atteintes : porter une charge à deux mains, en s’aidant des avant-bras et non à la seule force des poignets, éviter les torsions des doigts en usant de ciseaux ergonomiques, d’ouvre-bouteille… Certains de ces objets sont disponibles sur les sites des associations de patients et sur www.hacavie.fr.
→ Les cures thermales sont déconseillées dans les deux premiers mois suivant l’introduction d’un traitement immunosuppresseur. Durant cette période où le risque infectieux est élevé, le patient serait exposé aux infections transmises par les autres curistes, notamment ORL. Dans tous les cas, une cure est réalisée avec l’accord du médecin.
Alimentation
Il faut éviter la fonte musculaire et une prise de poids importante qui fragilise les articulations. Adopter une alimentation riche en calcium et vitamine D, équilibrée, de type méditerranéenne (huiles, poissons…) privilégiant les oméga 3 (qui auraient une action légèrement anti-inflammatoire) et bénéfique dans la prévention du risque cardiovasculaire. Modérer la consommation d’alcool qui accroît la toxicité hépatique des médicaments : méthotrexate…
Tabac
Si besoin, recommander son arrêt car il est un facteur aggravant de la maladie.
Fatigue
Elle existe à tous les stades de la maladie même si elle diminue durant les périodes de rémission. Le patient doit apprendre à « vivre avec » : se ménager des périodes de repos, savoir stopper son activité avant d’avoir mal… Ne pas négliger l’exercice physique modéré (sauf si poussées douloureuses) qui aide à lutter contre la fatigue.
Vie sexuelle
Une contraception est indispensable sous méthotrexate et léflunomide, y compris chez l’homme.
Une grossesse doit être programmée de manière à pouvoir arrêter si nécessaire les traitements avant la conception – pour certains, plusieurs mois avant – ou les modifier.
Psychologie
La fatigue, les réveils nocturnes, l’incompréhension de l’entourage peuvent à la longue retentir de manière importante sur le patient et aboutir à un état dépressif. Si nécessaire, encourager le patient à aller consulter un spécialiste.
Info+
Maladie auto-immune : maladie au cours de laquelle le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre ses propres organes.
Info+
Les parodontopathies sont plus fréquentes chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde que dans la population générale.
Info+
Les gènes HLA-DR4 et HLA-DR1, retrouvés chez 80 % des patients, sont des marqueurs de susceptibilité et de sévérité de la maladie, mais qui n’ont pas de valeur diagnostique.
Info+
Au moment du diagnostic, des facteurs pronostiques de sévérité doivent être recherchés : âge jeune au début de la maladie, apparition radiologique précoce d’érosions articulaires, atteintes extra-articulaires, syndrome inflammatoire élevé (notamment CRP), taux élevé d’anticorps anti-CCP, terrain génétique particulier.
Info+
D’autres immunosuppresseurs sont indiqués, mais beaucoup plus rarement utilisés car peu efficaces dans la polyarthrite : les sels d’or (Allochrysine), la ciclosporine (Neoral, Sandimmum), l’azathioprine (Imurel), le cyclophosphamide (Endoxan).
Principales contre-indications des médicaments
Méthotrexate : insuffisance rénale ou hépatique sévère, allaitement, conception (chez l’homme et la femme), insuffisance respiratoire chronique, syndrome d’immunodéficience acquise.
Léflunomide : insuffisance hépatique ou rénale sévère, immunodéficience ou infection grave, conception (chez l’homme et la femme, contraception jusqu’à deux ans après arrêt du traitement sous léflunomide sauf si procédure de wash-out : administration de cholestyramine), allaitement.
Salazopyrine : hypersensibilité connue aux sulfamides ou aux salicylés.
Anti-TNF alpha : tuberculose évolutive ou infections sévères, antécédents de cancer (sauf guéri depuis plus de cinq ans), insuffisance cardiaque modérée à sévère, sclérose en plaques.
Anakinra : insuffisance rénale sévère, antécédents de cancer (sauf guéri depuis plus de cinq ans), neutropénie sévère.
Info+
Orencia (abatacept), anti-lymphocyte T, sera disponible en ville par voie sous-cutanée dans les mois qui viennent. Il impose les mêmes précautions d’emploi que les anti-TNF alpha, notamment par rapport au risque infectieux.
Info+
La corticodépendance est l’impossibilité de réduire la corticothérapie sans réactiver la maladie.Elle peut amener à modifier le traitement de fond. À défaut de la stopper, elle est maintenue à dose minimale efficace : 0,1 à 0,15 mg/kg.
InterviewDr Laurent Grange
rhumatologue, CHU de Grenoble, président de l’Association française de lutte anti-rhumatismale (Aflar)
En cas de rémission, l’arrêt du traitement est-il envisageable ?
C’est très rare. En cas de rémission, on peut parfois arriver à stopper progressivement le traitement, mais le risque de reprise de la maladie n’est jamais à écarter, d’où la nécessité d’une surveillance constante.
En cas de rémission prolongée depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, on commence par diminuer la corticothérapie, puis le méthotrexate, puis progressivement l’anti-TNF alpha. Ce dernier est généralement maintenu à la dose minimale efficace, par exemple en espaçant les injections et en surveillant toute reprise des lésions articulaires.
Que faut-il penser des régimes d’exclusion ?
Aucun régime particulier n’a montré sa supériorité dans le contrôle de la maladie elle-même et surtout pas les régimes d’exclusion (sans lait, sans gluten…) qui exposent à des carences. Si, malgré tout, les patients souhaitent suivre un tel régime, il faut leur recommander de consulter une diététicienne.
Quels autres messages vous semblent-ils importants de relayer ?
D’abord, faire en sorte que le diagnostic soit le plus précoce possible. Par exemple, il ne faut pas laisser un patient sous corticothérapie seule pendant plusieurs mois parce que c’est le seul traitement qui le soulage. Il faut inciter ces malades à consulter au plus vite un rhumatologue. Ensuite, insister sur l’observance qui n’est pas bonne sous biothérapie au long cours. Il faut expliquer au patient que le traitement doit être poursuivi avec la même régularité même s’il va mieux.
Il faut insister sur l’importance d’une activité physique, adaptée au goût et à l’état clinique. Les patients avec une activité physique régulière ont une meilleure qualité de vie. Enfin, les professionnels de santé doivent encourager les malades à suivre un programme d’éducation thérapeutique. Mis en place au sein des services de rhumatologie des hôpitaux, ces derniers existent depuis de nombreuses années dans la polyarthrite rhumatoïde et avaient à l’origine pour dénomination les Écoles de la polyarthrite. Ils ont évolué pour être conformes aux recommandations de la HAS, avec notamment la mise en place d’entretiens individuels en plus des séances d’éducation collective.
Info+
Le RCP des anti-TNF alpha recommande une contraception efficace, mais dans certaines situations, ils sont poursuivis au cours d’une grossesse. Le plus souvent, ils sont arrêtés dès le diagnostic de grossesse posé.
Info+
Sous anakinra (Kineret), les recommandations en cas de fièvre sont les mêmes que sous anti-TNF alpha, mais sa demi-vie plus courte permet davantage de souplesse dans la gestion du risque infectieux.
Info+
Les patients sous anti-TNF alpha ne sont pas immunodéprimés au même sens qu’un patient atteint du sida ou sous anticancéreux. Les biothérapies multiplient toutefois par deux le risque infectieux. Les autres immunomodulateurs (méthotrexate…) augmentent aussi le risque infectieux, mais à un degré moindre.
Témoignage
Élodie, 24 ans“Le problème est de devoir dépendre des autres pour certaines tâches”
« J’étais en terminale lorsque la maladie a débuté, c’était l’année de mes 17 ans. J’ai commencé à avoir mal aux doigts, mais j’ai mis ces douleurs sur le compte du volley que j’avais choisi comme option en sport. Puis, progressivement, cela s’est aggravé. Je ne pouvais presque plus tenir un stylo ni porter une carafe d’eau. Le diagnostic a finalement était posé suite à une échographie de mes mains car les radios ne montraient aucune lésion articulaire, et au bilan sanguin révélant un marqueur HLA. J’ai alors eu droit à toute une série de traitements de fond – méthotrexate, salazopyrine, Enbrel, biothérapies à l’hôpital… – qui ont été stoppés à chaque fois à la suite d’effets indésirables. Heureusement, la maladie s’est stabilisée jusqu’à récemment où, suite à un décès dans ma famille, les poussées douloureuses sont réapparues. Je suis sous corticoïdes et traitement de fond. Malgré cela, il me faut une heure le matin avant de pouvoir utiliser mes mains “efficacement”. Je fais avec. Le problème est de devoir dépendre des autres pour porter les courses ou soulever quelque chose de lourd. Je préfère souvent me débrouiller toute seule, même si ensuite j’ai mal et que mes mains gonflent. »
Témoignage
Danielle, 65 ans“J’avais des douleurs aux mains qui se sont progressivement étendues”
« Ma polyarthrite a été diagnostiquée en 1990, j’avais 42 ans. Mais cela faisait déjà plusieurs années que j’avais des douleurs au niveau des mains, qui se sont progressivement étendues et aggravées. Le pire, c’était le matin. Tirer les draps du lit me faisait mal et il me fallait trois quarts d’heure avant de pouvoir effectuer quoi que ce soit avec mes mains. Depuis plus de vingt ans maintenant, je suis sous méthotrexate et sous cortisone (4 mg par jour), associés à un anti-TNF alpha depuis 2001. J’ai été opérée à plusieurs reprises. Ces traitements sont très lourds, mais ils m’ont permis de retrouver un usage correct de mes mains et de reprendre des activités physiques et manuelles ; je fais de la peinture sur porcelaine, de la marche et de l’aquagym. Ce qui est essentiel dans toutes ces épreuves, c’est la relation que l’on a avec le médecin et les professionnels de santé qui nous entourent. Il faut pouvoir poser toutes les questions que l’on souhaite et être écouté. »
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