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Un homme souffrant d’un zona surinfecté

Publié le 6 mai 2013
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Depuis 48 heures, Jean R., 67 ans, maçon, a sur le thorax et le flanc droit des placards rouges semés de vésicules qui le démangent vivement. Persuadé d’une réaction à une piqûre d’insecte, il s’est gratté, les mains souillées. La douleur, à type de décharges électriques, le pousse à consulter. Le médecin diagnostique un zona et craint une surinfection. Il prescrit un antiviral et un antibiotique.

Prescription

Dr B., généraliste

M. Jean R., 67 ans, 92 kg, 1,82 m

Valaciclovir 500 mg : 1g 3 fois/j pendant 7 jours.

Pyostacine : 1g 2 fois/j pendant 10 jours.

Dafalgan codéiné : 1 à 2 si douleur, maxi 6 par jour pendant 10 jours. Espacer selon amélioration.

Diaseptyl : en application locale, 2 fois/j.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

L’ordonnance est conforme, sans médicaments à délivrance particulière.

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Contexte

C’est quoi ?

Cette ordonnance prend en charge un zona qui est la récurrence du virus varicelle-zona. Après la primo-infection (varicelle) qui a lieu neuf fois sur dix avant 14 ans, le virus reste latent dans les ganglions sensitifs nerveux ; il peut se réactiver, le plus souvent après 50 ans et/ou en cas d’immunodépression (cancer, greffe…). Environ 20 % de la population déclare un zona (incidence maximale après 75 ans).

Les symptômes

Typiquement, il s’agit d’une éruption cutanée vésiculeuse douloureuse, limitée au territoire du ganglion sensitif dans lequel a lieu la réactivation, le plus souvent au niveau du thorax, du visage, des yeux. La poussée dure généralement moins d’un mois. Principales complications : douleurs neurologiques post-zostériennes très handicapantes durant plusieurs mois ; affections oculaires graves. Parfois, l’éruption se surinfecte (streptocoques et staphylocoques surtout).

Objectif

Soulager la douleur

La douleur souvent intense de la phase aiguë justifie un antalgique de palier 2 d’emblée. Ici, Dafalgan codéiné.

Limiter le risque de complications

La prescription d’un antiviral chez le sujet immunocompétent est systématique après 50 ans pour prévenir la survenue de douleurs post-zostériennes plus fréquentes à partir de cet âge.

Traiter la surinfection

→ Une antibiothérapie orale antistaphylococcique et antistreptococcique est recommandée : amoxicilline ± acide clavulanique, macrolide ou pristinamycine.

→ Dans les formes non surinfectées, un antiseptique local prévient les surinfections. Dans le cas de surinfection traitée par un antibiotique oral, il n’est pas systématiquement préconisé.

Médicaments

Valaciclovir

Le valaciclovir est un antiviral, prodrogue de l’aciclovir, l’antiviral actif. Il inhibe la réplication virale, par un mécanisme de compétition avec les bases puriques de l’ADN du virus varicelle-zona. Prescrit ici pour prévenir le risque de complications du plus de 50 ans, il doit être débuté dans les 72 premières heures de l’éruption.

Pyostacine (Pristinamycine)

Antibiotique de la famille des synergistines couvrant la plupart des infections cutanées et des tissus mous pour lesquelles le traitement dure de huit à quatorze jours.

Dafalgan codéiné (paracétamol + phosphate de codéine)

Associe un antalgique périphérique de palier 1 et un antalgique central opioïde dont l’activité serait supérieure à celle de chacun des composants pris isolément.

Diaseptyl (chlorhexidine)

Antiseptique local du groupe des bisdiguanides. C’est un bactéricide à large spectre efficace sur les germes Gram+, à moindre degré sur les Gram– et fongicide sur Candida albicans.

Repérer les difficultés

→ Inciter à débuter le traitement le plus vite possible (première prise à l’officine), l’antiviral doit être pris dans les 72 heures après le début de l’éruption.

→ Faire comprendre que les traitements antiviraux et antibiotiques oraux doivent être poursuivis, même si amélioration.

→ Mettre en garde sur l’utilisation d’antiseptiques locaux sur une peau lésée (risque d’allergie) et sur l’emploi de tout autre topique.

→ Vérifier le risque d’associations médicamenteuses déconseillées comme la codéine avec d’autres morphiniques ou sédatifs, y compris en automédication

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

« La résurgence de la varicelle à votre âge est assez fréquente. Elle n’en reste pas moins douloureuse et doit être traitée pour éviter les complications, en particulier ces douleurs persistantes dont vous avez sans doute entendu parler. Rassurez-vous, avec les antiviraux, c’est plus rare, à condition de prendre le traitement dans les trois premiers jours ».Vous connaissez bien Monsieur R. et comme beaucoup d’hommes de son âge, il risque de bouder les médicaments dès amélioration ; ajoutez alors : « Et de les poursuivre jusqu’au bout ».

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

→ Le traitement oral ne guérit pas le zona, mais limite le risque de complications, soigne la surinfection probable des lésions par une bactérie et soulage la douleur qui peut être très aiguë.

→ Les lésions vont se dessécher en sept à dix jours, puis s’effacer en deux à trois semaines.

→ Le traitement local, censé prévenir les surinfections, devient secondaire puisqu’un antibiotique oral est prescrit.

→ L’anti-douleur de palier 2 suffit généralement pour calmer les douleurs. Si elles deviennent insupportables, d’autres produits plus forts peuvent être prescrits.

Les horaires d’administration

→ Valaciclovir 500 mg : 2 comprimés matin midi et soir, dans les 72 heures suivant l’éruption et durant sept jours, pendant ou à distance des repas.

→ Pyostacine 500 mg : 2 comprimés matin et soir pendant dix jours, aux repas.

→ Dafalgan codéine 500 mg/30 mg : selon intensité des douleurs, 1 à 2 comprimés à renouveler si besoin au bout de 6 heures (4 au minimum). En cas de douleurs plus intenses, la posologie maximale peut être augmentée jusqu’à 8 par jour.

→ Diaseptyl : pulvériser directement sur les lésions, après lavage et séchage.

Les effets indésirables

→ Valaciclovir. Les principaux sont des nausées et des céphalées. Des troubles neurologiques sévères (confusion, hallucinations, convulsions…) ont été rapportés, le plus souvent chez des insuffisants rénaux pour qui la dose n’avait pas été adaptée ou chez des sujets très âgés.

→ Pyostacine. Vomissements, diarrhées, pesanteur gastrique. Des réactions d’hypersensiblité sont possibles (urticaire, œdème de Quincke…) et comme tout antibiotique, l’apparition de colites aiguës hémorragiques (« pseudo-membraneuses ») doit faire stopper le traitement.

→ Dafalgan codéine. Ceux de la codéine surtout : myosis, rétention urinaire, constipation, sécheresse des muqueuses, nausées, sédation, vertiges, dépression, dysphorie, dépression respiratoire… Le risque de dépendance au traitement est minimisé si Monsieur L. respecte les doses et la durée du traitement.

→ Diaseptyl. Risque d’allergie locale qui se manifeste généralement par un eczéma de contact. La peau de Monsieur L. étant lésée, il existe de plus un risque d’allergie générale. Prévenir de ne pas multiplier les applications et de les arrêter si les lésions n’évoluent pas favorablement (séchage des vésicules, diminution du prurit).

J’accompagne

Surveillance

→ Le valaciclovir impose une surveillance pour les insuffisants rénaux et les personnes âgées : adaptation des doses selon clairance de la créatinine, surveillance des troubles neurologiques qui doivent faire arrêter le traitement. Boire régulièrement pour limiter le risque de confusion ou d’atteinte rénale liée au valaciclovir.

→ Le paracétamol à dose > 3 g/j impose une surveillance accrue de l’INR chez les patients sous anticoagulants oraux. Ce n’est pas le cas de Monsieur L.

→ Éviter l’alcool avec la codéine (sédation accrue) ; manger des fruits et légumes frais pour limiter la constipation.

→ Alerter sur l’apparition, en début de traitement, d’un érythème généralisé associé à des pustules (risque de pustulose exanthématique aiguë généralisée, rare mais grave avec la pristinamycine) qui doit faire stopper ce produit.

→ Attention à l’automédication : pas d’AINS (ibuprofène, aspirine…) en raison d’un risque de complications cutanées graves et d’un syndrome de Reye, pas de corticoïdes locaux ou oraux qui risqueraient de faire « flamber » le zona, pas d’autres opioïdes (antitussif…).

Prendre soin des lésions

→ Laver les lésions une ou deux fois par jour (sous la douche) avec un savon doux, les sécher soigneusement en tamponnant avec un linge propre.

→ Ne pas gratter ou percer les vésicules. Couper les ongles courts pour limiter les lésions de grattage et la contamination.

→ Porter des vêtements amples et légers pour laisser les lésions sécher.

→ N’utiliser aucun autre topique : ni crème, ni talc, ni gel, aucun antibiotique, anesthésique ou antiprurigineux.

Limiter la contagion

→ Éviter le contact avec les personnes à risque de varicelle : femmes enceintes, immunodéprimés, personnes âgées…

Vente associée

Conseiller un nettoyant sans savon, hypoallergénique, spécialement formulé pour peaux sensibles ou irritées, de préférence liquide pour faciliter l’application : Dermazero Peaux sensibles, Uriage Surgras liquide dermatologique, A-Derma peaux irritées gel moussant…

Le patient me demande…

« Est-ce que ma femme va l’attraper ? »

Non, car un zona est la réactivation d’un virus interne à l’organisme. Par contre, si elle n’a jamais eu la varicelle, elle pourrait l’attraper, les vésicules contenant le virus de la varicelle. Dans ce cas, évitez les contacts avec les lésions et ne partagez pas votre linge de toilette. La période de contagiosité cesse quand les vésicules sont sèches, une semaine environ après l’éruption.

« Je peux couvrir les lésions et continuer mes travaux ? »

On pourrait placer un pansement non adhérent, mais ce n’est pas conseillé : sueur, poussière et macération ne sont pas les conditions adéquates pour que les lésions s’améliorent. De plus, les douleurs et la fatigue occasionnées par l’infection nécessitent du repos.

Zoom sur le vaccin

Zostavax est un vaccin vivant atténué contre le zona non commercialisé en France. Il est indiqué après 50 ans dans la prévention des complications post-zostériennes, à raison d’une injection. Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) ne recommande pas, dans l’état actuel des connaissances, la vaccination large contre le zona, et reconsidérera sa position dès que des données seront disponibles sur son efficacité à long terme et sur l’intérêt d’un éventuel rappel.

Sources : BEH n° 14-15 du 19 avril 2013, Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2013, Guide des vaccinations 2012 Inpes.