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Un peu de reconnaissance, merci
Une délégation de tâches, un simple remerciement ou des « sous » en plus, tous les salariés revendiquent un besoin de reconnaissance au travail. Cette notion, complexe, est avant tout une question de rapports humains. La reconnaissance des clients/patients est acquise au préparateur en tant que professionnel de santé, mais les signes de la part de l’employeur se font parfois désirer.
« Nous avons besoin de reconnaissance », s’insurgeait déjà, en 1995, un préparateur engagé syndicalement (Le Quotidien du pharmacien, juin 1995). La demande de reconnaissance au travail n’est pas nouvelle et touche tous les salariés. Elle est devenue un thème récurrent dans les revendications salariales dans un contexte d’incertitude sur les perspectives d’avenir pour des salariés à qui on en demande de plus en plus. Souvent ramenée à la rémunération du travail, la reconnaissance revêt pourtant bien d’autres formes plus symboliques. Ainsi, un simple « merci » est autant une attention portée au travail effectué qu’à la personne qui l’a exécuté. Les préparateurs, qui ont le sentiment de ne pas toujours être récompensés de leurs efforts, peuvent compter dans tous les cas sur la reconnaissance des clients.
Un concept difficile à définir
« Quand on est polyvalent et qu’on s’investit dans son travail mais qu’on n’a rien en retour, pas même un merci, quel est l’intérêt, si ce n’est notre autosatisfaction ? », s’interroge Clothilde, préparatrice. Dans le cadre du travail, « la reconnaissance est un mot valise dont la définition est complexe, car chacun a des attentes différentes. Certains aspirent à se sentir reconnus par une augmentation de salaire, quand d’autres souhaiteraient un mot de reconnaissance de la part du patron ou des clients », fait remarquer Christèle Pierre, chargée de mission auprès de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Cette spécialiste de la reconnaissance en milieu professionnel propose une définition : « Être reconnu dans son travail, c’est être reconnu sur trois choses : l’identité, (“Je suis préparatrice en pharmacie, mais je ne suis pas tout à fait comme ma collègue, j’ai un parcours particulier”) ; le résultat (“j’obtiens des résultats conformes à ce qui m’est demandé et je capitalise des acquis pour moi-même”) et l’activité, au sens de l’effort que je fais pour arriver à un résultat ». Elle ajoute trois ingrédients indispensables : la confiance dans la relation de travail, le respect par des conditions de travail favorables et l’estime dans les relations interpersonnelles. Pour Laurent, préparateur en officine, « l’estime, le respect et la confiance se méritent, mais quand vous obtenez les trois, vous êtes, comme moi, un préparateur heureux, dévoué à son titulaire et à sa profession. Pourvu que ça dure ! ».
Si le concept de reconnaissance n’est pas facile à définir, deux points semblent pourtant bien établis. D’une part, parce qu’elle est un élément majeur de la constitution de l’identité de chacun (voir l’entretien avec le docteur Liénard p. 25), l’absence de reconnaissance engendre des souffrances qui ne peuvent être ignorées. Et d’autre part, l’acte de reconnaissance est avant tout une question de rapports humains, une interaction entre deux ou plusieurs personnes.
Le salaire symbolique
Le salaire est souvent considéré comme une reconnaissance matérielle, or « il a aussi un aspect symbolique, souligne Christèle Pierre. Au point que certains salariés peuvent dire : quand je reçois ma fiche de paie, je vois que je ne vaux rien ». Pour être considéré comme une marque de reconnaissance, le salaire doit au moins être jugé équitable en contrepartie du travail fourni. Il est le plus souvent pris comme un dû. Au même titre, une augmentation sera considérée comme une reconnaissance par certains et comme un dû au regard de l’expérience qui la justifie par d’autres. En l’occurrence, la grille des salaires des préparateurs apparaît peu motivante pour certains. « La progression est lente et son maximum est ridicule, observe Cécile*, préparatrice. Si on s’en tient à la grille, il faut vingt ans de carrière pour arriver à un coefficient 290, avec moins de 1 500 € net. Heureusement que des pharmaciens paient au-delà de la grille. C’est une reconnaissance ». Pour sa part, Guillaume, préparateur en pharmacie hospitalière, estime que son salaire n’est pas satisfaisant avec ses nouvelles fonctions de responsable d’équipe de production en stérilisation pour le matériel de bloc opératoire. D’autant que ses collègues, infirmiers spécialisés, gagnent plus que lui. Or, dans un cadre collectif, l’égalité de traitement entre ceux qui exercent les mêmes fonctions est aussi un élément de reconnaissance de chacun. En revanche, dans les cas où « la grille de progression des salaires n’est pas respectée, il y a une atteinte à la reconnaissance du travail. Les critères de base et l’équité au sein de la profession ne sont même pas respectés », précise Christèle Pierre.
Rien en retour
« Lorsque le titulaire vous propose spontanément de vous libérer un peu plus tôt le soir pour une réunion d’école, une activité ou un rendez-vous sans attendre de contrepartie, comment ne pas accepter de déborder parfois un peu sur ses horaires dans ces conditions ? », reconnaît Laurent, préparateur. Ce type d’échange entre employeur et salarié relève du don/contre-don pour les spécialistes. Car dans les relations de travail, deux logiques se combinent : le donnant-donnant et le don/contre-don. La première reprend la logique des échanges commerciaux, basée sur la valeur marchande. Tout est transparent et sans surprise. Ainsi, le contrat de travail prévoit une rémunération en contrepartie d’une contribution précise. Dans le donnant-donnant, l’employé à qui l’on demande de partir deux heures plus tard donnera son accord à condition d’arriver deux heures plus tard le lendemain. À l’inverse, la logique du don/contre-don se réfère plutôt aux relations amicales ou sociales. Ici, la contrepartie réciproque du don est incertaine. « Après avoir invité un ami à déjeuner, je n’attends ni qu’il me promette de me rendre une invitation de la même valeur, ni qu’il en fixe la date précisément », prend comme exemple Christèle Pierre. L’équilibre entre le don et le contre-don est espéré, mais reste tacite. C’est le cas, par exemple, lorsque l’employeur favorise l’accès à des formations sans être sûr que le salarié restera dans l’entreprise(1). « Si la formation touche à un domaine dont je m’occupe plus particulièrement, je le prends encore plus comme un signe d’estime de mon investissement et de mon évolution personnelle », remarque Clothilde. Dans le don/contre-don, il y a une confiance faite à l’autre, qui reste libre d’agir en contrepartie ou pas. Cette confiance est la reconnaissance que l’autre est capable de tenir sa place dans l’échange. Alors que le donnant-donnant ne laisse pas de place à la confiance.
Jusqu’à quitter l’officine
« Pourquoi en faire toujours plus si on n’a rien en retour ? » Ce leitmotiv des revendications salariales se retrouve aussi chez les préparateurs. Ce sentiment a de nombreuses conséquences, qui font partie des conditions de travail et du mal-être auxquels sont rattachés les risques psychosociaux. Dans une étude de l’Institut de veille sanitaire(2), le déséquilibre effort/récompense est significativement associé au mal-être au travail. Pour Clothilde, le manque de considération pour les efforts accomplis est aussi une source de stress : « Demander d’en faire toujours plus, d’être polyvalent, pour effectuer toutes les tâches de la pharmacie sans avoir en retour de marque de reconnaissance pour un tel investissement, ça peut pousser au stress ». Effectivement, si l’objectif atteint n’est pas reconnu, le salarié est maintenu en situation de toujours devoir surmonter de nouvelles exigences (voir notre enquête sur le stress, Porphyre n° 489, février 2013). Un avis corroboré par Laurent : « La reconnaissance, c’est en premier lieu le fait qu’on vous respecte pour ce que vous êtes, c’est-à-dire un être humain et non une machine qui peut rapporter du profit et que l’on va faire tourner à plein régime jusqu’à épuisement. Lorsque la reconnaissance est insuffisante ou inexistante, cela induit un stress quotidien néfaste qui inhibe le dynamisme et les facultés à s’épanouir pleinement dans son travail ». Avec désengagement, absentéisme, voire démission et turn-over à la clé. « J’ai quitté une officine pour ça », nous ont dit plusieurs préparateurs. D’autres, qui sont restés pour des raisons extérieures, n’en pensent pas moins. « Lorsque l’on creuse, on trouve toujours, comme principal facteur de départ, la question de la reconnaissance », confiait le responsable des ressources humaines d’une entreprise à l’Anact(1).
Une fonction mal déterminée
Pour le salarié, la définition claire de ses tâches est une marque de reconnaissance de sa fonction. Pour le préparateur, on est loin du compte. « C’est de moins en moins clair, estime Clothilde. On est de plus en plus au comptoir pour délivrer des ordonnances alors que le préparateur, comme son nom l’indique, était auparavant cantonné au préparatoire. Les limites de notre métier ne sont pas clairement définies, on fait un peu tout ce qu’il y a à faire ». La reconnaissance porte aussi sur le contenu du travail et le responsable doit préciser qui fait quoi à l’officine. « Il y a une perte de reconnaissance au fil du temps en fonction de l’évolution quand on en demande de plus en plus au salarié. Le champ de compétence doit avoir du sens et des responsabilités, et ne pas se limiter à un rôle d’exécutant », souligne Christèle Pierre de l’Anact. Ce qu’apprécie Clothilde : « La pharmacienne, qui nous pousse à faire tourner l’officine au niveau de la vente et des conseils, lâche un peu de lest de temps en temps en nous autorisant à faire quelques commandes. C’est gratifiant pour nous d’avoir affaire aux représentants des labos. On n’est plus “que” des vendeuses. C’est aussi une marque de confiance ». Confier au préparateur de nouvelles missions est une source de motivation, comme le montre l’expérience de Cécile : « Au bout de dix ans, j’en avais ras-le-bol de faire toujours pareil. J’ai eu la chance de tomber dans une pharmacie où les titulaires trouvaient normal de déléguer. Je gérais le stock de matériel médical et les nouveautés sous le contrôle des pharmaciens, qui vérifiaient de temps en temps que tout se passait bien ». Cécile ressent toutefois un manque de reconnaissance statutaire de la part de la profession : « Le préparateur ne se contente plus de faire du déballage et du rangement. Il accepte de nouvelles tâches et se forme pour cela. On ne veut plus être considérés comme la cinquième roue du carrosse, mais être reconnus comme des professionnels de la pharmacie à part entière. La définition du statut de préparateur doit être actualisée ». À l’hôpital,, les fonctions de Guillaume sont clairement identifiées « par des fiches de poste détaillées. À la différence de l’officine où le préparateur fait parfois la même chose que l’adjoint. Cela a contribué au sentiment de revalorisation de mon métier lors de mon passage à l’hôpital ».
Travailler en sécurité
Dans une profession en contact avec le public, la reconnaissance du salarié concerne aussi les éléments de « sécurisation » de l’exercice. À l’officine, le préparateur doit savoir comment l’équipe prend en charge la relation aux clients en cas de situation conflictuelle par exemple. « Les limites aident le salarié dans son poste. Il sait à quel moment il peut dire non, et il sait qu’il aura le soutien de la structure qui ne laisse pas tout reposer sur ses épaules », explique Christèle Pierre. Le salarié doit connaître la marche à suivre en cas de problème, selon un procédé clairement énoncé et admis par tous. « Savoir réagir quand on sort des limites du champ d’action du préparateur, c’est une question de bon sens. Si on est bien formé, on pose les questions adéquates au client. Si on décèle un risque d’interaction ou de compréhension, c’est à nous de savoir en référer à l’adjoint ou au titulaire », explique Cécile, préparatrice depuis plus de vingt ans. Et de préciser : « C’est possible pour ceux qui connaissent les produits qu’ils vendent. Ce n’est pas toujours le cas à la sortie de l’école, avant d’avoir bénéficié d’une formation sur le tas ou en externe ». De même, un nouvel arrivant ou un retour après un long arrêt doit être encadré par l’employeur. « Il faut être prudent au moment de l’intégration et lors de transitions professionnelles. La mise en place d’un système de tutorat entre les anciens et les nouveaux favorise le “travailler ensemble” », souligne la spécialiste de l’Anact.
Déléguer et impliquer sont désirés
Pour être considérées comme une marque de reconnaissance, les missions du salarié doivent être accompagnées d’un pouvoir d’agir, d’une autonomie et de ressources matérielles et/ou d’information. Tous les préparateurs interviewés sont demandeurs de nouvelles fonctions. « Qu’on nous laisse faire des choses, s’insurge Cécile. S’occuper d’un rayon de parapharmacie, ou se voir attribuer telle ou telle gamme pour compter le nombre de boîtes, n’est pas suffisant. C’est un début de confiance, mais on voudrait des spécialisations comme l’orthopédie, la phytothérapie, le merchandising, etc. ». Impliquer le salarié dans les projets de la pharmacie est une autre façon de reconnaître sa compétence. Guillaume a été préparateur en pharmacie hospitalière pendant cinq ans, « avec un chef de service très reconnaissant, qui faisait confiance à ses équipes ». Lors de la mise en place d’une démarche qualité, « tous les préparateurs étaient impliqués et chacun pilotait sa partie. C’est à la fois une marque de confiance et une reconnaissance ». Dans l’officine où exerce Laurent, « les projets sont mis en place en commun accord. Nous avons même été consultés lors des projets de travaux. Le sentiment d’être intégré à une équipe est aussi un signe de reconnaissance de nos efforts ».
Reconnaissance donc performance
« La reconnaissance augmente la performance des salariés, qui ont besoin d’implication et d’engagement, souligne Christèle Pierre. En effet, reconnaissance et performance forment un cercle vertueux ». Au contraire, s’intéresser aux seuls résultats économiques instaure une morosité peu propice à la performance lorsque la conjoncture nécessiterait l’engagement de tous. Préparateur dans une pharmacie où les salariés sont « bien rémunérés », et où « les efforts sont reconnus », Laurent considère que « la reconnaissance contribue à donner le meilleur de soi-même chaque jour ». À l’inverse, son absence – quand elle n’entraîne pas le départ du salarié – peut conduire à un retrait larvé et à un manque d’implication que confirment les enquêtes sur « Le bien-être et la motivation des salariés français » du baromètre Ipsos-Edenred 2011 : le taux de satisfaction en matière de reconnaissance dans le travail baisse régulièrement, 41 % en 2011 contre 44 % en 2007 ; la motivation au travail décroît régulièrement pour tomber à 40 % en 2011 ; et le manque de reconnaissance est le « premier facteur de démotivation » pour les salariés interrogés. « Aujourd’hui, on est dans un système qui survalorise le résultat. On oublie un peu l’activité, les efforts nécessaires pour y arriver, ainsi que l’identité du travailleur, c’est-à-dire son parcours professionnel », prévient la spécialiste de l’Anact.
Pour éviter cela, certains moments sont propices à la reconnaissance. Les réunions de régulation ne prennent pas forcément beaucoup de temps – un quart d’heure en début de semaine peut suffire –, elles sont l’occasion de juguler les tensions et les difficultés. À l’hôpital, Guillaume bénéficie de « réunions d’information » tous les quinze jours : « Chacun peut prendre la parole, ce qui nous place en situation d’acteurs. On se sent comme des professionnels de santé à part entière. Ça manque à l’officine ». Les entretiens annuels sont aussi des moments privilégiés, à condition qu’ils permettent d’échanger sur l’exercice et sur les objectifs.
Les clients, le titulaire et les collègues
Tous les préparateurs sont unanimes sur un point. « On a la reconnaissance des clients. C’est ce qui fait qu’on aime ce métier. Et qu’on le fait même quand il n’y a pas d’autres marques de reconnaissance », affirme Cécile. « Dès lors qu’ils nous confient leur état de santé, ce qu’ils ne feraient pas avec certaines de leurs relations privées, c’est une reconnaissance de notre profession et de notre professionnalisme », complète Clothilde. « Avec une valeur personnelle ajoutée quand certains souhaitent être servis par un préparateur en particulier ». Néanmoins, la reconnaissance du titulaire garde une place privilégiée. « Si mon titulaire est content, je sais que je peux continuer dans ma façon de travailler, qui est appréciée », dit Clothilde. D’autant que son attitude aurait aussi une influence sur l’avis des autres. « L’équipe nous perçoit également en fonction de la manière dont le titulaire nous voit, pense Cécile. Et les marques de reconnaissance entre collègues se feront d’autant plus que le titulaire les exprime lui-même. Et s’il met en valeur l’équipe, la reconnaissance se développera au sein de ses membres ». Car, selon Clothilde, « entre collègues, on peut s’entendre ou pas, et ce n’est pas toujours facile de reconnaître les qualités des uns ou des autres. Cela arrive quand même, notamment lorsqu’une préparatrice a fait le travail d’une collègue en difficulté pour l’aider ».
L’adjoint est un « tampon »
En abordant le sujet de la reconnaissance, le titulaire peut craindre d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications auxquelles il ne pourra pas forcément répondre par manque de moyens financiers, humains ou techniques. Avec le risque de créer un sentiment encore plus fort de frustration et de non-reconnaissance. « C’est un sujet polémique parce qu’il est abordé par les questions monétaires. Alors que si la reconnaissance est sincère, elle ne va pas forcément engendrer de demande financière », assure Christèle Pierre. Avec une place différente, le pharmacien adjoint peut agir sur l’état d’esprit de l’équipe lorsqu’il prend le temps de communiquer avec les préparateurs. D’ailleurs, lorsque cela se passe bien dans une officine, on repère parfois l’intervention de l’adjoint, qui agit alors comme un « tampon » entre le titulaire et les préparateurs. « Dans ma première expérience d’officine, il y avait un bon esprit d’équipe grâce à l’attitude du pharmacien adjoint, se souvient Guillaume. Il a créé une dynamique en communiquant et en nous apprenant plein de choses ».
L’affaire de tous pour tous
Même si les titulaires ont un rôle clé dans sa mise en œuvre, la reconnaissance au travail concerne tout le monde, quel que soit le niveau hiérarchique et de responsabilité. Chacun est à la fois en situation d’attendre des marques de reconnaissance, mais aussi d’en donner aux autres. La reconnaissance est un échange et les titulaires en ont également besoin, car pour eux aussi, c’est une question de construction de l’identité…
(*) Le prénom a été changé à la demande de la préparatrice interviewée.
(1) Agir sur… la reconnaissance au travail, Cristèle Pierre et Christian Jouvenot, Éditions de l’Anact, 2010.
(2) Mal-être et environnement psychosocial au travail, programme Samotrace, Institut de veille sanitaire (INVS), 2009. L’objectif de cette étude est de décrire les liens entre des symptômes de santé mentale et l’environnement psychosocial au travail.
(3) Troubles musculosquelettiques et travail : quand la santé interroge l’organisation, Fabrice Bourgeois, Éditions de l’Anact, 2006
l’interviewOser demander de la reconnaissance, nous libère de l’attente de cette reconnaissance
Questions au docteur Yasmine Liénard*, psychiatre, instructeur de groupes de thérapie cognitive, ancien chef de clinique de l’hôpital Sainte-Anne à Paris.
En quoi la reconnaissance est-elle constitutive de l’identité ?
L’enfant se constitue une idée de lui-même, en tant que personne qui a une place sociale et un pouvoir de décision, à travers le regard de la mère et du père. Par l’approbation du parent à faire ceci et non cela, il va définir les contours de sa personnalité. La façon dont le parent « reconnaît » l’enfant est cruciale. Dans la reconnaissance de ses parents, l’enfant cherche à être aimé, c’est une ressource nécessaire pour pouvoir s’affirmer par la suite. Si je suis accepté et aimé, alors j’ai ma place dans ce monde, je vaux quelque chose, j’ai donc le droit de m’exprimer.
Le besoin de reconnaissance perdure-t-il après l’enfance ?
Ce besoin est toujours présent et il est plus important et invalidant lorsque l’enfance n’a pas été suffisamment nourricière en estime de soi. Jusqu’à une recherche désespérée à l’âge adulte, et inadaptée car personne ne peut remplacer les parents. Le besoin de reconnaissance n’est jamais complètement comblé, il est donc crucial pour entrer dans l’âge adulte de travailler à vivre avec cette faille, ce manque. C’est le chemin d’individuation où l’on est son propre guide, où l’on admet que l’on mérite d’exister comme tout le monde, et que nos imperfections sont celles de tout être humain.
Le travail est-il un lieu important pour la constitution d’identité ?
Le travail fait partie de l’identité s’il est en lien avec sa vraie nature. Si l’on exprime spontanément ce que l’on est, en lien avec ses valeurs profondes, on fera le travail qui est juste pour nous. Celui dans lequel on se sentira « comme un poisson dans l’eau ». À l’inverse, chercher des succès professionnels pour se prouver qu’on est quelqu’un n’amène souvent que déception et amertume. Il faut d’abord trouver sa voie, accepter que ce soit rude et que certains ne nous approuveront pas. On saura alors où l’on va, indépendamment des avis des uns et des autres.
Le manque de reconnaissance peut-il devenir une souffrance handicapante ?
Oui, beaucoup de gens souffrent de ne pas être reconnus. Je crois que notre société est très violente dans les rapports humains et n’accorde pas de temps pour prendre soin les uns des autres. Pour survivre dans un monde individualiste, il vaut mieux n’avoir besoin d’aucune reconnaissance.
Quels conseils pour quelqu’un qui souffre d’un manque de reconnaissance ?
Au lieu de chercher la reconnaissance, il est urgent d’en donner. Cela fait beaucoup moins souffrir et nous ne sommes plus en attente, et donc pas frustrés. En plus, le sentiment de faire du bien autour de soi participe au sentiment de bonheur. Les activités extra-professionnelles doivent faire plaisir. C’est l’occasion de se ficher la paix et d’arrêter de penser à « qui suis-je » ou à « ce que je vaux ». Prendre soin de soi est bien plus ressourçant.
Plus gravement, les sentiments d’être seul, exclu, victime de tous, de ne plus arriver à se sentir aimé ou à donner de l’amour, la répétition d’échecs amoureux ou professionnels, et évidemment les signes de dépression, sont des signaux pour débuter une thérapie.
Un salarié a-t-il intérêt à faire connaître son besoin de reconnaissance à son employeur, en disant par exemple : « Ça serait plus motivant pour moi si vous reconnaissiez la qualité de mon travail de temps en temps » ?
Oui, c’est bien d’oser demander à être entendu, à ce que l’on prenne soin de soi. C’est aussi une façon de se dire à soi-même « Je mérite d’être bien traité », et donc de faire un pas vers soi-même et sa propre autonomie. Paradoxalement, le fait de demander de la reconnaissance nous libère de l’attente de cette reconnaissance.
Retrouver l’intégralité de cette interview sur le blog du docteur Lienard : http://pleine-conscience.fr/blog. À lire : Pour une sagesse moderne, les psychothérapies de la 3e génération, docteur Yasmine Liénard, Éditions Odile Jacob, 2011.
Les formes de la reconnaissance*
1. Reconnaître la personne
S’intéresse aux personnes en tant qu’êtres singuliers.
La reconnaissance porte sur l’individu et non sur l’employé. Elle s’adresse à Laurent ou Fanny, et non au préparateur. Résultats : impression d’exister, besoins pris en considération, intégrité et identités respectées.
2. Reconnaître les résultats du travail
Porte sur les résultats, le rendement, la contribution des employés à l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
Souvent de nature formelle (prime, augmentation, etc.). Résultats : salariés reconnus pour leur contribution dans l’atteinte de résultats, sentiment d’utilité et d’efficacité.
3. Reconnaître l’effort
Reconnaissance de la manière d’exécuter le travail englobant les comportements, les compétences et les qualités professionnelles de l’employé. Résultats : sentiment d’être reconnu par rapport à son expertise, ses compétences, son ingéniosité, ses qualités professionnelles. Sentiment d’estime accru.
4. Reconnaître l’investissement dans le travail
Reconnaissance de la participation et de la contribution en termes d’efforts consentis et d’énergie déployée sans égard aux résultats. Cette reconnaissance prend en compte les motivations et les difficultés des employés, sachant que les salariés peuvent redoubler d’efforts sans que les résultats suivent.
Résultats : sentiment d’être vu et apprécié en rapport à l’effort indépendamment du résultat.
(*) D’après La reconnaissance au travail : des pratiques à visage humain, Jean-Pierre Brun, professeur en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université de Laval (Québec).
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