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La personne âgée dénutrie

Publié le 4 juin 2013
Par Thierry Pennable
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La dénutrition protéino-énergétique est un état pathologique consécutif à un déséquilibre persistant – quantitatif ou qualitatif – entre les apports nutritionnels et les besoins en protéines et en calories de l’organisme. Elle est due à une diminution des apports et/ou une augmentation des besoins et/ou un défaut d’absorption ou d’utilisation des nutriments (syndrome de malabsorption intestinale). Elle est caractérisée par une perte de masse maigre, notamment musculaire, souvent accompagnée d’une perte de masse grasse.

La maladie

CONTEXTE

À l’heure où l’obésité et la surcharge pondérale dominent les questions sur la nutrition en santé publique, la dénutrition touche une partie importante de la population, particulièrement les personnes âgées. En institution, sa prévalence varie de 15 à 38 % ; elle peut atteindre de 50 à 60 % chez les malades âgés à l’hôpital ; elle est de 4 à 10 % à domicile.

En 2001, le premier Programme national nutrition santé (PNNS) faisait de la prévention et de la prise en charge de la dénutrition l’un de ses axes majeurs. Le PNNS 2 (2006-2010) ciblait une réduction de 20 % du nombre de personnes âgées de plus de 70 ans dénutries. Les différents plans et les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) ont fait évoluer la prise de conscience et des progrès ont été réalisés, sans toutefois que les objectifs ne soient atteints. À noter que la HAS et le PNNS considèrent une personne âgée à partir de 70 ans.

BESOINS NUTRITIONNELS

En énergie

Comme les adultes plus jeunes, les personnes âgées ont besoin d’une alimentation abondante, variée et de qualité.

Pour une activité équivalente, leurs besoins énergétiques sont supérieurs à ceux des sujets plus jeunes à cause d’un moins bon rendement métabolique des nutriments.

Les apports nutritionnels nécessaires sont évalués à 36 kcal/kg/j, ce qui correspond à 2 160 kcal par jour pour un sujet de 60 kg. Ils ne doivent pas être inférieurs aux apports conseillés définis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), fixés à 30 kcal/kg/j.

En protéines

Les besoins en protéines ne sont pas plus faibles que chez l’adulte jeune. L’Anses les a évalués à 0,8 g/kg/j en moyenne.

L’Agence recommande un apport nutritionnel journalier de 1 g/kg de poids corporel, et de 1,2 à 1,6 g/kg/j en cas de dénutrition ou de pathologie aiguë.

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En cas d’agression sévère (infection, intervention chirurgicale…), l’apport doit être augmenté jusqu’à 1,5 g, voire 2 g/kg/j.

CAUSES DE DÉNUTRITION

Facteurs liés au vieillissement

« Anorexie liée à l’âge »

La diminution progressive des apports alimentaires au cours de la vie adulte est liée à une baisse de la sensation d’appétit le matin à jeun et à une hausse de la sensation de satiété après le repas. Les mécanismes encore méconnus impliqueraient divers facteurs : capacités sensorielles, hormones…

Pas de compensation

Après une période de sous-alimentation associée à une pathologie, une hospitalisation ou un stress psychologique (deuil), les personnes âgées n’augmentent pas spontanément leurs apports alimentaires comme le font les individus plus jeunes.

Diminution du goût et de l’odorat

La sensibilité du goût et de l’odorat, essentielle dans la régulation de l’appétit, régresse avec l’âge :

– seules les saveurs et les odeurs les plus concentrées sont perçues. C’est particulièrement le cas pour le goût salé, ce qui explique la désaffection pour la viande et les légumes. Avec, à l’inverse, un plus grand attrait pour le goût sucré ;

– les saveurs et les odeurs complexes sont moins bien distinguées. D’où une tendance à trouver les aliments plus fades et plus monotones.

État bucco-dentaire

Un mauvais état bucco-dentaire favorise une alimentation pauvre en fruits, fibres et protéines et représente un risque de malnutrition.

Sarcopénie liée à l’âge

La diminution progressive de la masse musculaire (sarcopénie), associée au vieillissement physiologique, est aggravée par une dénutrition. Comme il n’y a pas de réserve de protéines dans l’organisme, en cas d’apports insuffisants, celui-ci puise dans certains tissus, particulièrement dans les muscles. La sarcopénie affaiblit le sujet et participe à son tour au risque de dénutrition.

Maladies et traitements

Pathologies en cause

– Les pathologies ORL, neurodégénératives ou vasculaires entraînent des troubles de la déglutition.

– Les troubles psychiatriques : syndromes dépressifs, maladie d’Alzheimer et autres syndromes démentiels.

– Les affections qui ont pour conséquence douleur, constipation sévère, escarres…

– Le diabète, la cirrhose et les néphropathies occasionnent des pertes constantes en protéines.

Régimes

Les régimes restrictifs au long cours (sans sel, amaigrissant, diabétique, hypocholestérolémiant, sans résidu) présentent tous un risque de dénutrition pour les personnes âgées. À part quelques exceptions très rares et limitées dans la durée, ils doivent être évités car ils sont plus néfastes que bénéfiques après 75 ans.

Médicaments

Ils affectent l’appétit lorsqu’ils sont pris en début de repas ou chez les personnes qui prennent plus de trois médicaments par jour. Nombre d’entre eux, par leurs effets indésirables, sont susceptibles d’induire une perte de poids :

– médicaments anorexigènes : cardiovasculaires (digoxine, amiodarone…), gastro-intestinaux (cimétidine, interféron), psychiatriques (phénothiazines, lithium, imipramine, IRS…), la plupart des antibiotiques, antirhumatismaux (AINS…)… ;

– médicaments entraînant une malabsorption : laxatifs, cholestyramine, méthotrexate, colchicine… ;

– médicaments augmentant le métabolisme (consommateurs d’énergie) : théophylline, L-thyroxine en excès, triiodothyrosine en excès, D-pseudoéphédrine.

Facteurs psycho-socio-environnementaux

Ils affectent particulièrement les personnes âgées : isolement social (le repas est pris seul), difficulté à faire les courses et à préparer les repas, difficultés financières, état dépressif, absence d’aide pour la prise des repas, hospitalisation.

Ces facteurs favorisent une alimentation plus souvent monotone, une baisse du nombre de repas et un abandon de certains groupes d’aliments comme les produits laitiers, la viande ou les fruits et légumes.

CONSÉQUENCES DE LA DÉNUTRITION

→ La dénutrition protéino-énergétique entraîne les personnes âgées dans une spirale de conséquences graves : altération de l’état général, risque accru de chutes et fractures, escarres, ou survenue de nouveaux épisodes pathologiques (voir infographie p.29).

→ La durée du séjour à l’hôpital est multipliée par deux à quatre chez un malade dénutri, avec un risque accru de contracter des infections nosocomiales liées à l’immunodépression consécutive à la dénutrition, particulièrement des infections respiratoires, du site opératoire et des voies veineuses, les bactériémies et les infections urinaires.

→ Chez des patients âgés de 70 à 79 ans hospitalisés, la mortalité est trois fois supérieure lorsque l’IMC était inférieur à 18 par rapport à un IMC compris entre 32 et 40(1).

→ La dénutrition constitue un facteur important d’apparition ou d’aggravation de la fragilité, définie par un risque accru de morbidité, de dépendance fonctionnelle, d’hospitalisation, d’entrée en institution ou de mortalité.

DIAGNOSTIC

Les critères de diagnostic ont été définis par la Haute autorité de santé (HAS). Après 70 ans, un seul des quatre critères suivants suffit à poser un diagnostic.

La perte de poids

C’est le critère le plus révélateur. Idéalement, la mesure du poids se fait sans vêtements avec la vessie vide, si possible le matin à jeun. La perte de poids est évaluée par rapport à une mesure du poids antérieure ; à défaut, par rapport à un poids habituel déclaré par le patient ; un poids mesuré deux-trois ans auparavant suffit. À domicile, il est utile d’inciter les personnes âgées à se peser au moins une fois par an. Cette mesure servira de référence en cas de pathologie ou d’hospitalisation.

Après 70 ans, une perte de 2 kg en un mois ou de 4 kg en l’espace de six mois doit alerter le médecin. Une personne est dénutrie si la perte de poids est supérieure ou égale à 5 % en trois mois, ou supérieure ou égale à 10 % en six mois.

L’indice de masse corporelle (IMC)

Chez le sujet âgé, un IMC (poids en kg divisé par la taille au carré en m2) inférieur à 21 est un critère de dénutrition. Il est supérieur à celui appliqué à l’adulte plus jeune (IMC  21 ne signifie pas forcément qu’il n’y a pas dénutrition. Chez les patients qui ont été en surpoids ou obèses, l’IMC peut facilement rester normal de façon prolongée alors que la perte de poids est significative.

Le Mini Nutritional Assessment (MNA)

Ce questionnaire développé en 1991 pour l’évaluation du risque de dénutrition chez les personnes âgées comporte dix-huit items dans sa version complète. Une version courte du MNA est utilisable par tout professionnel de santé pour le dépistage de la dénutrition (voir encadré p. 31).

L’albuminémie

C’est le marqueur nutritionnel le plus ancien et le plus couramment utilisé. Une albuminémie < 35 g/l montre un état de dénutrition. Toutefois, le taux d’albumine étant influencé par un état inflammatoire, un dosage des protéines C-réactives, associé à l’albuminémie, est recommandé pour évaluer un syndrome inflammatoire.

En cas de dénutrition, l’albuminémie permet de distinguer une carence d’apports (albumine normale) d’une dénutrition associée à un syndrome inflammatoire ou à un hyper-catabolisme (albuminémie basse).

Son traitement

OBJECTIF

Atteindre un apport énergétique de 30 à 40 kcal/kg/j et un apport protidique de 1,2 à 1,5 g de protéine/kg/j chez la personne âgée dénutrie. Sachant que les besoins nutritionnels varient d’un sujet à l’autre et en fonction du contexte pathologique.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La renutrition orale

Les facteurs de dénutrition doivent être si possible corrigés : suppression de régimes, soins bucco-dentaires, aide aux repas… La prise en charge nutritionnelle repose alors sur un plan d’alimentation adapté au patient, souvent complété d’emblée par des compléments nutritionnels oraux hypercaloriques et hyperprotidiques (voir p. 32).

L’alimentation artificielle

La nutrition entérale

Elle est envisagée en cas d’impossibilité, de contre-indication ou d’insuffisance de l’alimentation orale, à condition que le tube digestif soit fonctionnel, le plus souvent dans le cadre d’une dépendance lourde et chronique : séquelles d’AVC, démences et autres maladies neurodégénératives.

L’alimentation parentérale

Le recours à une administration par voie veineuse est exceptionnel ; elle est mise en œuvre dans des services spécialisés dans le cadre d’un projet thérapeutique.

La nutrition parentérale est indiquée dans :

– les malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles ;

– les occlusions intestinales aiguës ou chroniques ;

– l’échec d’une nutrition entérale bien conduite (mauvaise tolérance).

LES CONSEILS ALIMENTAIRES

Trois repas et une ou deux collations

Maintenir un rythme alimentaire de trois repas par jour et ajouter un goûter ou une collation pour bien répartir les apports dans la journée et réguler la glycémie. Espacer les repas et le goûter d’au moins trois heures car, avec l’âge, la digestion est plus longue et plus difficile.

→ Le petit déjeuner. Il n’est pas à négliger car il permet à l’organisme de se recharger en énergie après le jeûne de la nuit. Pour éviter le risque d’hypoglycémie, le petit déjeuner doit être pris moins de douze heures après le dîner de la veille. Si la personne a très faim le matin, elle ne doit pas se priver.

Exemple : une boisson + un produit céréalier (pain, biscottes…), un produit laitier (lait, yaourt, fromage…) et un fruit (éventuellement pressé) ou un jus de fruits.

→ Le déjeuner. Il doit rester si possible structuré et se composer d’une entrée, d’un plat, d’un fromage et d’un dessert. Il doit apporter des protéines : viande ou poisson ou œufs.

→ Le goûter. Il est nécessaire pour la régulation de la glycémie, les glucides étant stockés plus difficilement dans le foie et les muscles, et pour compenser des apports insuffisants en cas de repas plus léger au déjeuner.

Exemples : un ou deux fruits, pain ou biscuits, produits laitiers, accompagnés d’une boisson chaude ou froide.

→ Le dîner. C’est une erreur de penser qu’une soupe légère, un fromage blanc et une compote sont suffisants pour le soir. Il est important que le dîner comporte des produits céréaliers (pâtes, riz, semoule…), qui vont recharger l’organisme en glucides complexes pour la nuit et contribuer à un meilleur sommeil.

→ Une collation le soir. Elle est d’autant plus conseillée que le dîner a été pris tôt. Une petite collation (fruit, laitage, compote…) peut également aider à retrouver le sommeil.

Conserver le plaisir

Les professionnels comme les proches doivent aborder l’alimentation sous l’angle du plaisir et prendre garde à ne pas infantiliser les adultes plus âgés. Les personnes âgées doivent être encouragées à écouter leurs envies plutôt que d’appliquer des règles qui ne sont plus adaptées, comme les restrictions drastiques de sel qui incitent à la monotonie et aux repas fades.

Le pain est une source importante d’énergie (glucose) ; lorsque la texture du pain n’est pas adaptée aux capacités masticatoires, il faut penser au pain de mie.

La consommation de saveurs variées préserve le sens du goût. À l’inverse, la monotonie favorise la perte du goût. Les plats relevés avec des épices permettent de pallier la perte de l’odorat.

Enrichissement des repas

L’enrichissement de l’alimentation par des produits alimentaires courants hautement énergétiques et/ou protidiques tels que les œufs, le fromage râpé, le lait en poudre, l’huile, le beurre, la crème fraîche permet d’accroître la densité nutritionnelle des plats sans en augmenter le volume.

Exemples :

– en ajoutant aux potages des pâtes à potage, de la crème fraîche, du beurre, du fromage (gruyère, crème de gruyère…), du lait en poudre, des œufs, du jambon… ;

– les gratins et les purées enrichis avec du lait en poudre, du gruyère, de la crème fraîche, du beurre, des œufs (jaunes d’œufs pour les purées), de la viande hachée (gratins)… ;

– enrichir les pâtes et le riz avec du parmesan ou gruyère râpé, beurre, crème fraîche, jaunes d’œufs (comme pour une carbonara), lardons, jambon, viande hachée (comme pour la bolognaise), petits pois ou avec des morceaux d’omelette (comme pour le riz cantonnais).

LES COMPLÉMENTS NUTRITIONNELS ORAUX

Définition

Les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont des mélanges nutritifs prêts à l’emploi.

Leur composition répond aux besoins en énergie, macronutriments (lipides, glucides et protéines) et micronutriments ; elle permet un apport de densité élevée sans nécessiter de préparation culinaire.

Les CNO appartiennent au groupe des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS) inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP). Remarque : le Cétornan est le seul produit sur le marché avec un statut de médicament.

Objectifs thérapeutiques

Les compléments nutritionnels oraux sont utilisés par voie orale en complément de l’alimentation orale habituelle, qui doit être maintenue et favorisée. Ils ne se substituent pas aux repas. Les CNO sont poursuivis tant que les apports oraux spontanés ne sont pas quantitativement et qualitativement satisfaisants.

Les compléments nutritionnels oraux font partie du traitement médical et devraient être proposés précocement chaque fois que l’alimentation orale d’un patient dénutri est insuffisante. De même, lorsque les apports alimentaires couvrent moins des deux tiers des besoins nutritionnels alors que le tube digestif est fonctionnel et que les possibilités de déglutition sont satisfaisantes.

Posologie

Elle correspond à un objectif nutritionnel individuel ; elle doit donc être précise.

La complémentation doit apporter au minimum 30 g de protéines ou 400 kcal par jour, et au maximum 80 g de protéines ou 1 000 kcal par jour. En général, le médecin prescrit deux à trois prises au quotidien, réparties sur la journée. Les apports totaux sont adaptés en fonction du niveau qualitatif et quantitatif de l’alimentation orale spontanée.

Contre-indications

Les CNO sont contre-indiqués en cas de fausses routes ou vomissements répétitifs, troubles de la conscience, occlusions intestinales, diarrhées sévères, fistules digestives ou pancréatite aiguë.

Offre en CNO

La composition des produits de la complémentation nutritionnelle orale est définie à la LPPR qui distingue également deux types d’inscription : par ligne générique essentiellement, et par nom de marque (exemple : Oral Impact de Nestlé Nutrition, voir tableau p 32).

L’apport spontané oral étant le plus souvent déficitaire en protéines, l’objectif de la nutrition orale est d’apporter en priorité des protéines avec suffisamment d’énergie. La classification, comme pour la nutrition entérale, est basée sur le contenu protéique des compléments nutritionnels oraux, qui constitue l’élément essentiel du support nutritionnel.

La HAS recommande, en cas de fonction intestinale normale, le recours aux CNO :

→ normoprotidiques : quand les apports spontanés sont insuffisants par rapport aux besoins estimés ;

→ hyperprotidiques : en cas d’hypermétabolisme ou d’hypercatabolisme, de carence d’apport en protéines (< 0,9 g/kg/j) et en cas de nécessité de restriction hydrique.

Classification

Les CNO ne sont pas destinés à se substituer à la nutrition orale classique et ne doivent donc pas être la seule source d’alimentation des malades. De ce fait, les exigences nutritionnelles des produits ne sont pas aussi strictes que celles définies pour la nutrition entérale, qui peut être exclusive. En effet, les apports totaux dépendent du niveau qualitatif et quantitatif de l’alimentation orale spontanée.

Les mélanges polymériques

Ils apportent protéines, glucides, lipides, vitamines, électrolytes et oligo-éléments. Ils sont hypercaloriques (HC) quand ils fournissent au moins 1,5 kcal/ml, et/ou hyperprotidiques (HP) quand ils apportent plus de 7 g de protéines par 100 ml ou par 100 g.

→ Normoprotidiques et hyper-énergétiques

– Protéines entières animales ou végétales : entre 4,5 et 7 g/100 ml (ou 100 g).

– Énergie : 1,5 kcal/ml (ou g).

– Lipides à base d’huiles végétales ou animales : entre 5 et 45 % des apports énergétiques totaux (AET) du mélange.

– Glucides : quantité suffisante pour (QSP) 100 % des AET du mélange.

Conditionnements : 100 à 150, 200 à 250 et 300 à 350 grammes ou millilitres.

→ Hyperprotidiques (HP)

– Protéines entières animales ou végétales : ≥ 7 g/100 ml ou 100 g.

– Lipides à base d’huiles végétales ou animales : entre 5 et 45 % des AET du mélange.

– Glucides : QSP 100 % des AET du mélange.

Conditionnements : 100 à 150 grammes ou millilitres ; 200 à 250 g ou ml ; 300 à 350 g ou ml.

Avec deux sous-classes :

→ les HP normoénergétiques : valeur énergétique comprise entre 1 et 1,5 kcal/ml (ou g) ;

→ les HP hyperénergétiques : valeur énergétique ≥ 1,5 kcal/ml (ou g).

Les glucido-protidiques dépourvus de lipides

Ces mélanges à base de fruits ou de légumes ou d’arômes de fruits ou de légumes sont dépourvus ou très pauvres en lipides. Ils incluent les jus de fruits/légumes, compotes et gelées.

– Protéines (entières animales ou végétales) : teneur supérieure à 3,75 g/100 ml (ou g).

– Énergie : valeur énergétique supérieure ou égale à 1,35 kcal/ml (ou g).

– Lipides : à base d’huiles végétales ou animales. Apport inférieur à 5 % des AET du mélange.

– Glucides : QSP 100 % du mélange.

Conditionnement : 200 à 250 g ou ml.

Ces produits sont très utilisés en gériatrie en raison de leur palatabilité (agréables au palais) et de leur acceptation par les patients. En cas d’échec (fréquent) d’optimisation de l’alimentation orale, ces jus de fruits ou de légumes constituent la seule possibilité pratique pour assurer un apport protéino-énergétique satisfaisant, notamment aux patients intolérants aux produits lactés.

Les monomériques

Ces produits contenant un seul macronutriment sont destinés à l’enrichissement de l’alimentation, ils contiennent des protéines seules, glucides seuls ou lipides seuls.

→ Protéines seules. À base de protéines entières. Apport : supérieur ou égal à 95 % des AET du mélange.

Conditionnement : 200 à 500 grammes.

→ Glucides seuls

À base de maltodextrines. Apport : supérieur ou égal à 95 % des AET du mélange.

Conditionnement : 200 à 500 grammes.

→ Lipides seuls. Il s’agit d’huiles ou de margarines à base de triglycérides à chaînes moyennes (TCM). Apport : supérieur ou égal à 95 % des AET du mélange. Indications spécifiques : mal-absorption lipidique et épanchements chyleux.

Conditionnement : 450 à 1 000 grammes.

Remboursement

La prise en charge est assurée chez les patients de plus de 70 ans dénutris ou à risque de dénutrition dont la fonction intestinale est normale, si :

– perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois ;

– ou IMC ≤ 21 ;

– ou MNA (Mini Nutritional Assessment) ≤ 17 ;

– ou albuminémie < 35 g/l.

Il existe un prix limite de vente pour chaque catégorie de produits, donc pas de supplément à payer pour les patients. Les produits normoprotidiques et normoénergétiques de composition normale ne répondent pas à des besoins nutritionnels spécifiques et ne relèvent donc pas du remboursement.

Prescription

Les CNO appartiennent au groupe des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS), spécialement traités ou formulés pour répondre aux besoins nutritionnels des patients, soumis à prescription médicale par tout médecin.

→ Première prescription pour un mois maximum, avec réévaluation de l’observance recommandée après deux semaines de traitement.

Pour favoriser l’observance, présenter les CNO comme des médicaments, en expliquant la posologie, les objectifs médicaux et les bénéfices concrets pour le patient (lutter contre la maladie, accélérer une cicatrisation, prévenir les chutes, améliorer l’humeur…).

→ Renouvellements pour trois mois maximum, après une réévaluation du poids, de l’état nutritionnel, de l’évolution de la pathologie, du niveau des apports spontanés par voie orale, de la tolérance et de l’observance de la CNO.

Adaptation au patient

→ La gamme étendue de textures (boissons lactées, fruitées, barres, compotes, crèmes, mixés…) permet de varier les apports et de s’adapter aux capacités de déglutition et à la dextérité des personnes. Les nombreux arômes disponibles (sucré, salé, neutre…) respectent les préférences gustatives, condition primordiale pour une bonne observance.

Par exemple, un patient parkinsonien appréciera d’être autonome et de manger avec une paille, alors que d’autres préféreront manger une crème à la cuillère.

→ Pour les produits lactés, il faut tenir compte de la symbolique alimentaire. Pour la génération des personnes âgées, le lait et les laitages sont associés à la croissance et à l’enfance, et certains (les hommes surtout) refusent le fromage blanc, préfèrant les entremets ou les crèmes. La crème hyperprotidique aura plus de succès que la brique avec une paille, qui ressemble à une brique de lait et peut paraître « régressive ».

Conseils d’utilisation des CNO

– Prendre les CNO en plus et non à la place des repas, au moins une heure et demie avant ou après un repas pour ne pas couper l’appétit.

– La consommation d’énergie et de macronutriments est plus élevée si le complément est proposé à distance du repas.

– La satiété est davantage prolongée si le CNO est riche en protéines et en graisses.

– Une fois ouvert, le CNO se conserve pendant 2 heures à température ambiante, et 24 heures au réfrigérateur.

– Alterner selon le goût du patient : sucré et salé, soupes durant l’hiver, boissons fraîches en été, barres ou crèmes, yaourts liquides, compotes en collation…

– Un produit au goût neutre peut être aromatisé avec des sirops de fruits, du caramel, du chocolat en poudre. Les formes crème mises au congélateur deviennent des glaces.

L’EXERCICE PHYSIQUE

C’est un facteur logique de l’état nutritionnel qui repose sur l’équilibre « des entrées et des sorties » énergétiques. Chez les personnes âgées fragiles, ou après une hospitalisation pour une pathologie aiguë, un exercice physique adapté améliore la force musculaire et l’autonomie fonctionnelle. Il potentialise l’effet d’une prise en charge nutritionnelle et stimule l’appétit et la synthèse des protéines.

Toutefois, la reprise d’un exercice physique dans le cas de la dénutrition ne doit être envisagée qu’en même temps que la renutrition. Inciter un sujet âgé qui sort d’un épisode aigu à marcher sans prise en charge nutritionnelle ne ferait que le fragiliser encore plus.

Conseils aux patients

PRÉVENTION

Les cas de dénutrition à partir de 70 ans sont trop souvent diagnostiqués au moment d’une hospitalisation ou lors de l’entrée en institution d’hébergement, d’autant que, dans la plupart des cas, la dénutrition s’aggrave au cours de l’hospitalisation.

Tous les professionnels sociaux ou de santé peuvent mettre au jour une dénutrition avec des outils simples de dépistage, en premier lieu par la mesure du poids, l’évaluation d’une perte de poids, et le calcul de l’IMC une fois par an à partir de 70 ans. Et avertir du « danger » de l’anorexie.

Les autres critères du dépistage sont la recherche de situations à risque de dénutrition (voir encadré p. 35) et l’estimation de l’appétit et/ou des apports alimentaires.

OBSERVANCE DES CNO

Comme un médicament

Présentez les CNO comme un médicament. Mettez en avant la posologie et les objectifs médicaux avec des bénéfices concrets : lutter contre la maladie en favorisant la synthèse des anticorps, accélérer une cicatrisation, prévenir les chutes en acquérant davantage de muscle, récupérer une meilleure humeur, etc.

Respect du mode d’emploi

Loin des repas

Rappelez de prendre les CNO à distance des repas, au moins une heure et demie avant ou après un repas pour ne pas couper l’appétit. Si le médecin a prescrit deux compléments par jour, il est préférable de les répartir sur la journée pour répondre au mieux aux besoins nutritionnels. En revanche, ce n’est pas parce qu’ils contiennent des vitamines qu’il faut les prendre avant 17 heures ; au contraire, il est préférable de les consommer avant le coucher, afin de diminuer la période de jeûne nocturne.

Proposer des astuces pour le goût

Certains produits lactés au chocolat, café ou cappuccino, et les soupes, peuvent être tiédis au bain-marie ou au micro-ondes, sans toutefois dépasser les 50 °C.

S’adapter aux handicaps

En cas de troubles de la déglutition, il est possible d’épaissir les textures avec une poudre épaississante d’amidon de maïs ou de pomme de terre : Thick & Easy (Fresenius Kabi), Clinutren Instant Thickener, produits non remboursés.

En cas de troubles de la préhension, éviter les ouvertures complexes (canettes, briquettes…)

Utiliser une paille pour les patients alités.

Surveiller

→ Comme pour n’importe quel traitement médicamenteux, surveillez le nombre d’unités consommées et le maintien – prioritaire – d’une alimentation classique.

→ Si la prise des CNO devient un problème pour le patient (lassitude, mauvais goût, etc.), alertez le médecin ou faites essayer d’autres produits ou une autre marque.

VIE QUOTIDIENNE

Prise des repas

Manger doit être un moment convivial, en évitant les repas en solitaire. La prise communautaire est associée à une augmentation de 30 % de la consommation alimentaire. Certaines maisons de retraite ouvrent leurs portes pour les repas. Parmi les clients, surveillez les veuvages récents ou autres circonstances qui peuvent modifier les habitudes de vie, donc les repas.

Penser à informer les personnes âgées d’augmenter leurs apports pendant et après un phénomène infectieux (grippe, bronchite…).

Surveiller son état dentaire

Quelques mesures sont recommandées : détartrages réguliers, hydratation suffisante (pour favoriser la salivation), utilisation d’un dentifrice fluoré, mise en place de prothèses adaptées autant que possible.

En cas de difficultés

Financières

Orienter la personne vers un Centre communal d’action sociale (CCAS). Sinon, il est possible de remplacer la viande par des œufs, des abats, des produits laitiers et l’association de céréales aux légumes secs ou aux produits laitiers (pain + pois cassés, semoule de blé + pois chiches, pâtes + haricots secs, riz + lait, pâtes + fromage).

Motrices

Suggérez de se faire livrer les courses les plus lourdes, de demander de l’aide à son entourage (voisins). Proposez des aides techniques en cas d’arthrose (couverts adaptés).

Se soigner

Prendre les médicaments – sauf indication – à la fin des repas, d’autant plus que le début de la digestion est ralentie.

(1) Nutrition de la personne âgée. Aspects fondamentaux, cliniques et psycho-sociaux, M. Ferry, D. Mischlich, E. Alix, P. Brocker, T. Constans, B. Lesourd, P. Pfitzenmeyer, B. Vellas, Éditions Elsevier Masson, 2012.

Info+

Le nombre de personnes âgées de plus de 70 ans dénutries est estimé en France entre 370 000 et 540 000 (estimation du groupe technique national de définition des objectifs de santé publique ou GTNDO, avis CEPP 2006).

Info+

La ration énergétique.

Pour un individu de 75 ans et 60 kg, l’apport calorique quotidien est en moyenne de :

– pour un homme actif : 2 200 kcal ; peu actif : 1 850 kcal ; alité : 1 430 kcal ;

– pour une femme active : 2 000 kcal ; peu active : 1 840 kcal ; alitée : 1 350 kcal.

Info+

Pour le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC), la taille est exprimée en m2. Lorsque la mesure est problématique, la taille déclarée sur la carte d’identité peut être utilisée même si elle est ancienne car une erreur de quelques centimètres affecte peu le résultat.

Info+

Plus fréquentes chez les individus fragiles ou atteints de pathologies, les conséquences de la dénutrition concernent aussi les personnes âgées apparemment en bonne santé.

MNA SIMPLIFIÉ

Il s’agit d’une version courte du Mini Nutritional Assessment (évaluation), recommandée par la Haute autorité de santé (HAS) pour le dépistage de la dénutrition chez les personnes âgées.

A. Le patient présente-t-il une perte d’appétit ? A-t-il mangé moins ces trois derniers mois par manque d’appétit, problèmes digestifs, difficultés de mastication ou de déglutition ?

0 = anorexie sévère

1 = anorexie modérée

2 = pas d’anorexie

B. Perte récente de poids (< 3 mois)

0 = perte de poids > 3 kg

1 = ne sait pas

2 = perte de poids entre 1 et 3 kg

3 = pas de perte de poids

C. Motricité

0 = du lit au fauteuil

1 = autonome à l’intérieur

2 = sort du domicile

D. Maladie aiguë ou stress psychologique lors des trois derniers mois ?

0 = oui

2 = non

E. Problèmes neuropsychologiques

0 = démence ou dépression sévère

1 = démence ou dépression modérée

2 = pas de problème psychologique

F. Indice de masse corporelle (kg/m2)

0 = IMC < 19

1 = 19 ≤ IMC < 21

2 = 21 ≤ IMC < 23

3 = IMC ≥ 23

Score de dépistage :

– 12 points ou plus : normal, pas besoin de continuer l’évaluation.

– 11 points ou moins : possibilité de malnutrition. L’évaluation doit être prolongée par le MNA complet.

Info+

Il existe un tarif LPPR pour chaque type de produits répondant à certaines caractéristiques : teneur en calories, teneur en protéines, volume de la ration.

Info+

Les CNO sont aussi pris en charge chez les malades de moins de 70 ans dont la fonction intestinale est normale et qui sont dénutris selon les critères suivants :

– perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en six mois ;

– ou indice de masse corporelle (IMC) ≤ 18,5 (hors maigreur constitutionnelle).

Les 12 signes d’alertes(1)

La présence d’un seul des critères suivants suffit à évoquer un risque de dénutrition :

• revenus financiers insuffisants ;

• perte d’autonomie physique ou psychique ;

• veuvage, solitude, état dépressif ;

• problèmes bucco-dentaires ;

• régimes restrictifs ;

• troubles de la déglutition ;

• consommation de 2 repas par jour seulement ;

• constipation ;

• prise de plus de 3 médicaments par jour ;

• perte de 2 kg dans le dernier mois ou de 4 kg au cours des six derniers mois ;

• albuminémie < 35 g/l ou cholestérolémie < 1,60 g/l ;

• toute maladie aiguë sévère.

(1) Livret d’accompagnement destiné aux professionnels de santé, Inpes, septembre 2006.