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Un jeune homme s’est fait mal au dos

Publié le 29 juin 2013
Par Nathalie Belin
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Damien L., 38 ans, a emménagé dans sa nouvelle maison. Depuis quelques jours, il s’occupe de son jardin. Ce matin, il s’est réveillé avec une douleur importante au bas du dos. Son médecin a diagnostiqué une lombalgie aiguë et prescrit Codoliprane, associé à Bi-Profénid et Miorel.

Prescription

Dr G., généraliste

Damien L., 38 ans, 70 kg, 1,80 m

Codoliprane comprimé effervescent

1 à 2 comprimés 3 fois par jour pendant 7 jours.

Bi-Profénid LP 100 mg 2 boîtes

1 comprimé matin et soir pendant 7 jours.

Publicité

Miorel 4 mg Gé 1 boîte de 24 gélules

1 à 2 gélules 2 fois par jour pendant 6 jours.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

L’ordonnance est conforme.

Contexte

C’est quoi ?

La lombalgie aiguë est l’une des affections rhumatologiques les plus fréquentes. Elle est définie comme une douleur lombaire évoluant depuis moins de trois mois et dont l’intensité est telle que l’activité quotidienne ne peut être maintenue au niveau habituel. Le plus souvent, la lombalgie est dite « commune », c’est-à-dire sans cause tumorale, inflammatoire ou infectieuse. Elle survient souvent suite au port répété de lourdes charges. La douleur siège dans le bas du dos, au milieu ou sur le côté, et peut irradier jusqu’à la région fessière.

Quelle en est l’évolution ?

La grande majorité des lombalgies communes aiguës guérit en quatre à six semaines maximum. Grâce au traitement antalgique, les douleurs les plus intenses durent moins d’une à deux semaines.

Une lombalgie chronique est une lombalgie commune évoluant depuis plus de trois mois. Les principaux facteurs de risque de passage à la chronicité sont : âge supérieur à 45 ans, antécédents de lombalgies ou de chirurgie lombaire, prise en charge initiale tardive ou inadaptée, dont notamment le repos strict au lit.

Objectif

La prise en charge a pour but de soulager la douleur et de restaurer rapidement les capacités fonctionnelles du patient. Elle vise aussi à prévenir les récidives et le passage à la chronicité.

Le traitement médicamenteux de première intention des lombalgies aiguës fait appel au paracétamol et/ou aux AINS chez les patients sans risque digestif (moins de 65 ans). En deuxième intention, un traitement par opioïde faible seul et/ou en association avec les antalgiques précédents, voire à un myorelaxant, peut permettre de mieux contrôler la douleur. C’est l’option choisie ici par le médecin.

Médicaments

Codoliprane (paracétamol 500 mg, codéine 30 mg)

Antalgique opioïde faible de palier 2, le paracétamol est un antalgique périphérique, antipyrétique. La codéine est antalgique central. L’association paracétamol-codéine possède une activité antalgique supérieure à celle des composants pris isolément et assure un effet plus prolongé dans le temps.

Bi-Profénid LP 100 mg (kétoprofène)

C’est un anti-inflammatoire non stéroïdien. Les AINS ont des propriétés antalgiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires et anti-agrégantes plaquettaires sur une courte durée.

Miorel (thiocolchicoside)

Myorelaxant d’action centrale, il diminue les contractures musculaires et aide à soulager certaines douleurs en rhumatologie : lombalgies, torticolis…

Repérer les difficultés

Expliquer l’intérêt de la prescription

La prescription de trois traitements à visée antalgique peut sembler excessive à un patient n’ayant pas l’habitude de prendre autant de médicaments. Bien lui expliquer l’intérêt de ce traitement. L’objectif est d’enrayer la douleur rapidement et de ne pas la laisser se réinstaller pour reprendre le plus rapidement ses activités habituelles. En effet, en cas de lombalgie, le repos au lit n’est pas bénéfique car il ne permet pas une bonne réparation des structures musculo-tendineuses atteintes.

Alerter sur les effets indésirables

Il faudra mettre en garde Monsieur L. contre certains effets indésirables des traitements, en particulier une somnolence.

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

« Depuis quand avez-vous mal au dos ? », « Est-ce la première fois que vous souffrez d’une lombalgie ? » permet de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une récidive de lombalgie aiguë ni d’une lombalgie chronique, qui nécessiterait une prise en charge différente (kinésithérapie…). « Avez-vous déjà pris des anti-inflammatoires ? », « Est-ce que vous les supportez bien d’habitude au niveau digestif ? » vérifient la bonne tolérance des AINS.

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

Le traitement prescrit doit soulager rapidement et efficacement la douleur. Pour cela, il est nécessaire de combiner plusieurs antalgiques dont le mode d’action est complémentaire : certains agissent au niveau des terminaisons nerveuses périphériques (AINS, paracétamol), d’autres au niveau central en inhibant la transmission de l’influx douloureux (codéine) ou en diminuant le tonus musculaire (myorelaxant).

Les horaires d’administration

Insister sur une prise à intervalle régulier, systématique, comme prescrit par le médecin, pour que la douleur ne se réinstalle pas.

→ Codoliprane : les deux ou trois premiers jours de traitement, recommander de prendre 2 comprimés par prise, 3 fois par jour, en respectant un intervalle de 4 heures minimum entre chaque prise. Selon l’intensité de la douleur, diminuer ensuite à 1 comprimé 3 fois par jour.

→ Bi-Profénid : prendre 1 comprimé matin et soir au milieu du repas, ou à défaut avec une collation pour limiter les effets indésirables digestifs (gastralgies…).

→ Miorel : recommander de prendre 2 gélules matin et soir pendant ou en dehors des repas, à moduler en fonction de la tolérance (voir « Effets indésirables » et « J’accompagne »).

Les effets indésirables

→ Codoliprane : ils sont liés à la présence de codéine même s’ils sont plus modérés qu’avec des opiacés plus puissants. Il s’agit de somnolence, dépression respiratoire, constipation, nausées, vomissements, myosis, rétention urinaire.

→ Bi-Profénid : sous AINS, les effets indésirables les plus fréquents sont d’ordre gastro-intestinal, nausées, vomissements, douleurs abdominales… Ulcères, perforations et hémorragies gastro-intestinales peuvent survenir, notamment chez le sujet âgé. Les AINS peuvent induire une rétention hydrosodée pouvant majorer une HTA ou aggraver une insuffisance cardiaque. Des photodermatoses et des réactions cutanées graves sont rapportées (fréquence indéterminée).

→ Miorel : des troubles digestifs peuvent survenir, en particulier une diarrhée. Une somnolence est possible, mais de très rares cas sont signalés.

J’accompagne

Surveillance

→ Le traitement doit soulager rapidement. L’absence d’amélioration de la douleur dans les deux ou trois jours nécessite un nouvel avis médical pour réévaluer la prescription et/ou le diagnostic.

→ Lorsque la douleur est suffisamment soulagée pour reprendre une activité habituelle, après deux ou trois jours, il est possible de diminuer le traitement antalgique en commençant par arrêter l’AINS afin de limiter les effets indésirables digestifs.

Effets indésirables

→ Attention au risque de somnolence. Essentiellement lié à la codéine, il peut être majoré par le myorelaxant. Il est prudent que M.? L. évite de conduire durant le traitement. Lui recommander également de ne pas consommer d’alcool car il augmente l’effet de somnolence des traitements.

→ Sous Miorel, en cas de diarrhée gênante, il faut diminuer la posologie à une gélule matin et soir.

→ Suggérer de prendre l’anti-inflammatoire au milieu d’un repas ou au moins avec une collation afin de limiter les effets indésirables digestifs. Une consultation médicale s’impose en cas de gastralgies importantes ou inhabituelles, de sang dans les selles ou de vomissements de sang.

Prévention

→ Le repos au lit n’est pas indiqué ou, s’il s’impose en raison de l’intensité de la douleur, il ne doit être prolongé plus de deux ou trois jours. Les activités doivent être reprises dès que la tolérance à la douleur le permet. De façon modérée au début : pas de sport, ni d’activité brutale !

→ À l’avenir, M. L. doit apprendre à soulever des charges lourdes en épargnant son dos : s’accroupir et garder le dos droit. La pratique d’une activité sportive qui entretient la musculature du dos (natation…) est à encourager.

→ L’ostéopathie peut être recommandée dans les suites récentes d’une lombalgie aiguë ; son action bénéfique sur la douleur est d’autant plus intéressante qu’elle est débutée rapidement. En revanche, l’utilité de la kinésithérapie n’est pas démontrée dans les lombalgies récentes.

Vente associée

La diffusion de chaleur via les patchs chauffants (Arôma, SyntholKiné, Urgo…), les poches chaud/froid (Actipoche, Gel Pack…) ou les ceintures chauffantes (Nexcare ColdHot…) aide à soulager la douleur et peut être conseillée en complément du traitement prescrit.

Le patient me demande…

« Pourquoi le médecin ne m’a-t-il pas prescrit une ceinture lombaire ? Ma femme qui est enceinte et souffre d’une lombalgie en a bien une ! »

Dans les lombalgies aiguës, le bénéfice des orthèses de soutien lombaire est incertain. Elles semblent plus utiles en revanche dans les lombalgies chroniques ou dans celles de la femme enceinte. Leur port s’envisage notamment lors d’activités pénibles, « à risque », comme une marche prolongée ou une station debout prolongée, les longs trajets en voiture ou lors de certaines tâches sollicitant le dos.

Point pharmaco

La codéine est inefficace chez certains patients alors qu’elle est à l’origine d’une insuffisance respiratoire chez d’autres. Pourquoi ?

Pour être efficace, la codéine doit être transformée en morphine au niveau hépatique (5 à 10 % de la dose de codéine). Or, un certain pourcentage de la population ne possède pas l’isoenzyme CYP450-2D6 (ou CYP2D6) nécessaire au métabolisme de la codéine en morphine ; ces « métaboliseurs lents » ne peuvent donc pas tirer avantage d’un traitement par la codéine. À l’inverse, les « métaboliseurs rapides » transforment plus rapidement la codéine en morphine ; chez eux, les taux sanguins de morphine sont plus élevés, ce qui accroît notamment le risque d’insuffisance respiratoire aux posologies habituelles. Ce risque a été souligné récemment chez des enfants sous codéine en postopératoire. En attendant la réévaluation du rapport bénéfice/risque, l’ANSM recommande notamment de ne plus prescrire de codéine chez les moins de 12 ans, ni après amygdalectomie ou adénoïdectomie.