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- Gaffe à l’acide borique et dérivés
Eau oxygénée et glycérine boratées pour lavages oculaires et buccaux, eaux boriquées pour lavage de plaies ulcérées ou toute autre préparation à base d’acide borique et de ses dérivés (borax) ne sont pas si anodines. En cause, des risques de reprotoxicité et de toxicité graves liés au passage systémique de bore et le non-respect des recommandations d’utilisation. L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) a décidé de réévaluer le rapport bénéfice/risque de ces préparations.
En attendant ses conclusions, l’Agence met en garde prescripteurs et pharmaciens dans un communiqué du 27 juillet, dans lequel elle liste les précautions à prendre et fixe une valeur limite d’exposition en équivalent bore par kilo et par jour. Elle recommande aussi « d’évaluer au cas par cas le bien-fondé de l’utilisation de ces prescriptions ».
Le risque reprotoxique est bien connu
L’ANSM indique que 0,2 mg équivalent bore/kg/j est la valeur limite d’exposition assurant l’innocuité de l’acide borique et du borax au regard du risque tératogène, du risque sur la fertilité masculine et sur celui d’atteinte testiculaire (reprotoxicité). Ainsi les préparations exposant à plus de 0,2 mg de bore/kg/j ne doivent pas être administrées chez la femme enceinte ou allaitante, ni chez l’homme lors de la puberté. Elles peuvent l’être chez la femme en âge de procréer, sous couvert d’une contraception efficace un mois avant et après le traitement et durant l’emploi. Les préparations, comme les médicaments* à moins de 0,2 mg de bore/kg/j sont sans risque reprotoxique (voir encadré).
« Dans mon préparatoire, et dans les cas d’eau oxygénée ou d’alcool boriqué de 3 à 5 % aux posologies prescrites, nous sommes sous le seuil toxique. En revanche, la dose pourrait être dépassée lors de lavage de plaies à l’eau boriquée », précise Stéphan Mettefeu, titulaire de la pharmacie Magistrale de Vedène (Vaucluse) et secrétaire de la Société des officinaux sous-traitants en préparations (SOTP). Le pharmacien sait que l’acide borique et ses sels sont reprotoxiques et classés 1B au niveau européen depuis 2008 (risque probable sur la fertilité ou sur le développement chez l’homme).
Le risque de toxicité systémique est grave
L’ANSM indique de ne pas administrer de préparations boriquées et boratées chez les moins de 30 mois et en cas d’hypersensibilité en raison du risque grave de toxicité systémique du bore, notamment par voie transcutanée. Elle évoque quatre observations d’effets indésirables graves suite à l’emploi d’eau boriquée à 3 % dans certains cas. « Les événements cités dans l’avis de l’ANSM concernent des mésusages », nuance Stéphan Mettefeu. Et de préciser : « Je n’ai jamais vu de prescription d’eau boriquée ou d’eau oxygénée boriquée chez les moins de 30 mois. D’ailleurs, les nouvelles règles d’étiquetage imposent d’indiquer si le patient est adulte ou enfant ». Le Cérat de Galien est contre-indiqué en dessous de 30 mois, sa formulation contenant du borate. Pour se prémunir de tout risque systémique, prudence en cas d’utilisation d’acide borique et de borax chez les personnes âgées ou insuffisantes rénales, sur des surfaces étendues, des peaux lésées et sur une longue durée.
Une manipulation sous surveillance
« D’accord pour les principes de précaution. Cependant, l’ANSM n’indique pas les durées de traitement recommandées, pointe Stéphan Mettefeu. Et la dose seuil d’exposition devrait, à mon avis, varier selon la voie et la surface d’administration ». En attendant, ceux qui manipulent doivent « prendre les précautions idoines pour ces matières premières dangereuses, stockées à part et manipulées sous hotte particulière (PSM de type II…), selon des règles précises. Le risque est surtout présent lorsque le produit est pulvérulent », précise-t-il.
Les règles de manipulation de l’acide borique et du borate de sodium décahydraté (borax) sont indiquées dans les fiches de données de sécurité de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). De quoi réfléchir à deux fois avant de peser l’acide borique.
* Dacudoses, Dacryoserum, Dacryum, Glycothymoline 55, Sophtal ou Stéridose.
Calculs de risque
Pour connaître le risque de reprotoxicité d’une préparation à base d’acide borique et de ses dérivés, il faut calculer l’équivalent bore/kg/j de la formule à la posologie pour un patient de poids donné.
→ Formules de l’ANSM
• Il n’existe pas de risque reprotoxique pour les préparations exposant à moins de 0,2 mg équivalent bore/kg/j.
• Quantité de bore = 0,175 x quantité d’acide borique H3BO3
• Quantité de bore = 0,113 x quantité de borax Na2B4O7
→ Prescription
Dans chaque oreille, 6 gouttes 3 fois/j d’eau oxygénée boratée à 3 % pour Claude, 60 kg.
→ Préparation
Un flacon de 60 ml avec 1,5 g d’acide borique et 0,3 g de borate de sodium.
→ Calculs
• Équivalent bore de la préparation :
X g de bore = 0,175 x 1,5 g d’acide borique = 0,262 g de bore.
X g de bore = 0,113 x 0,3 g de borate de sodium = 0,034 de bore.
Au total, il y a 0,296 g (296 mg) d’équivalent bore dans 60 ml de préparation.
• Équivalent bore à la posologie indiquée :
Une goutte = environ 0,033 ml (en prenant 1 ml = 30 gouttes) et la posologie est de 36 gouttes par jour.
La quantité de bore par jour est de 36 x 0,033 ml = 1,188 ml.
D’après une règle de trois (s’il y a 296 mg de bore dans 60 ml, combien y en a-t-il dans 1,188 ml), il y a (1,188 x 296) : 60 = 5,86 mg de bore/j à cette posologie.
• Risque pour 60 kg : aucun avec une dose de 12 mg par jour (0,2 mg x 60).
→ Conclusion
Avec 5,86 mg par jour, on est loin des 12 mg, donc aucun risque pour Claude.
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