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La leucémie myéloïde chronique

Publié le 30 septembre 2013
Par Nathalie Belin
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La leucémie myéloïde chronique (LMC) est un type de cancer du sang. Elle consiste en une prolifération maligne de cellules sanguines myéloïdes à différents stades de maturation, avec une prédominance de polynucléaires. La cause de cette maladie est une anomalie génétique acquise par une cellule souche hématopoïétique qui aboutit à la production d’une protéine anormale. Cette dernière stimule notamment la fabrication de globules blancs dans la moelle osseuse.

La maladie

PHYSIOPATHOLOGIE

Rappels de physiologie

→ Toutes les cellules sanguines circulantes sont produites au sein de la moelle osseuse à partir d’une petite population de cellules souches hématopoïétiques indifférenciées.

→ En proliférant, les cellules souches donnent naissance à un petit nombre de cellules légèrement différenciées, les cellules progénitrices. Ces dernières sont à l’origine de toutes les lignées de cellules sanguines matures : lignées érythrocytaire, mégacaryocytaire, granulocytaire et monocytaire.

Les unes engendreront les cellules de la lignée dite myéloïde : globules rouges, plaquettes, monocytes et granulocytes (polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, basophiles).

Les autres produiront celles de la lignée dite lymphoïde : les lymphocytes B et T.

La LMC

La leucémie myéloïde chronique (LMC) se caractérise par une forte augmentation du nombre de cellules granulocytaires, par la présence de formes immatures dans le sang, et du chromosome Philadelphie dans toutes les cellules leucémiques dérivées de la cellule souche. Non traitée, elle évolue vers une leucémie aiguë presque toujours fatale.

L’anomalie chromosomiquei

La LMC est le résultat d’une anomalie génétique qui apparaît dans les cellules souches de la moelle osseuse.

→ Cette anomalie est due à un échange de matériel génétique entre les chromosomes 9 et 22 (voir infographie ci-contre). Il en résulte la formation d’un chromosome 22 très court, le chromosome Philadelphie (Ph1). Ce dernier comporte une séquence de gènes anormale appelée BCR-ABL.

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→ On retrouve le chromosome Philadelphie dans les lignées de cellules sanguines qui découlent de la cellule souche atteinte, c’est-à-dire essentiellement les polynucléaires (ou granulocytes), et à un degré moindre dans les globules rouges, les plaquettes et les lymphocytes B.

→ Par la suite, au cours de l’évolution de la maladie, d’autres anomalies génétiques peuvent apparaître.

Conséquences

Le gène BCR-ABL est transcrit en ARN messager, lui-même traduit en protéine appelée BCR-ABL. Cette protéine a une activité enzymatique de type tyrosine-kinase. Elle provoque un renouvellement et une prolifération accélérée des cellules qui la contiennent, essentiellement les cellules de la lignée granulocytaire (polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, basophiles). La moelle osseuse fabrique donc ces globules blancs à un rythme effréné. Ils sont ensuite déversés dans le sang.

SIGNES CLINIQUES

L’évolution naturelle de la LMC, c’est-à-dire non traitée, se fait classiquement en trois phases.

Phase chroniquei

→ Elle dure quatre à cinq ans en l’absence de traitement.

→ Durant cette phase, 20 à 30 % des patients sont asymptomatiques. Les symptômes, lorsqu’ils sont présents, sont peu spécifiques : fatigue, perte de poids modérée. Parfois une splénomégalie (augmentation du volume de la rate) apparaît, liée à un hyperfonctionnement de la rate (qui joue un rôle dans l’épuration des cellules sanguines) ; elle se traduit par une gêne ou des douleurs abdominales pouvant irradier vers l’omoplate ou l’épaule gauche.

→ D’autres symptômes liés à l’excès de globules blancs sont possibles à ce stade, mais beaucoup plus rares : priapisme chez l’homme (érection prolongée douloureuse), complications liées à l’hyperuricémie (la lyse des globules blancs libère de l’acide urique) type crise de goutte, colique néphrétique, ou des complications thrombotiques (diminution brutale de l’acuité visuelle…).

Phase accélérée

→ Elle correspond à une progression de la pathologie et aboutit à la phase blastique en trois à dix-huit mois. Au cours de cette phase, le pourcentage de globules blancs dans le sang et la moelle osseuse augmente, ainsi que celui des cellules blastiques (voir Dico+ p. 26).

→ L’état général du patient se détériore avec fièvre, sueurs, amaigrissement, hémorragies.

Phase blastiquei

→ Encore appelée « crise blastique » ou « transformation aiguë », elle correspond à un tableau de leucémie aiguë. Celle-ci porte le plus souvent sur la lignée myéloïde ou parfois lymphoïde. Le taux de cellules blastiques présentes dans le sang continue à augmenter, empêchant les autres cellules de fonctionner normalement.

→ Le tableau clinique associe fièvre, anémie, sueurs nocturnes, douleurs osseuses et spléniques, hémorragies. Le décès survient en quelques mois.

FACTEURS DE RISQUE

Les raisons de l’apparition du chromosome Philadelphie sont inconnues. L’exposition au benzène ou aux radiations ionisantes favorise l’apparition de leucémies, dont la leucémie myéloïde chronique. Le plus souvent, aucune cause n’est retrouvée.

DIAGNOSTIC

Dans 85 % des cas, la LMC est diagnostiquée en phase chronique. La découverte est le plus souvent fortuite, à la suite d’une numération formule sanguine (NFS) dans le cadre d’un bilan de santé. La clinique est souvent peu informative, le diagnostic se fait grâce à la biologie, la ponction biopsie de moelle osseuse (MO) et le caryotype et/ou la biologie moléculaire.

En phase chronique

L’hémogramme

La numération formule sanguine montre notamment une hyperleucocytose (10 à 100 x 109/l) associée à une myélémie (voir Dico+). Une augmentation modérée des plaquettes peut être présente, ainsi qu’une légère anémie.

Le myélogramme

Réalisé après ponction sternale le plus souvent, il confirme la prolifération de la lignée granuleuse dans la moelle osseuse et permet d’établir la phase de la maladie.

Le caryotype (analyse cytogénétique)

Réalisé à partir de la ponction de moelle osseuse, il met en évidence le chromosome Philadelphie dans 95 % des cas et permet aussi de détecter des anomalies génétiques surajoutées.

→ Parfois associé au caryotype, l’hybridation in situ fluorescente (Fish) détecte directement les séquences BCR et ABL grâce à des sondes fluorescentes. Plus sensible que le caryotype, cette technique permet notamment de déceler les remaniements BCR-ABL sans chromosome Philadelphie (dans 5 % des cas, chromosome Philadelphie dit « masqué »).

→ La technique RT-PCR (Reverse Transcriptase-Polymerase Chain Reaction) met en évidence le transcrit du gène BCR-ABL, c’est-à-dire l’ARN, sur un prélèvement de sang ou de moelle osseuse. Cet examen très sensible précise le point de cassure du gène.

En phase accélérée et blastique

L’hémogramme et le myélogramme montrent un pourcentage accru de blastes. Il existe une chute des plaquettes (thrombocytopénie) et, en phase blastique, des globules rouges.

Examens complémentaires

Notamment uricémie, bilan hépatique, typages HLA du patient et de sa fratrie dès le diagnostic posé en prévision d’une éventuelle allogreffe.

Facteurs pronostiques

Lors du diagnostic, des scores pronostiques sont établis pour évaluer les chances pour le patient de « non progression » de la maladie. L’un des scores classiquement utilisé est celui de Sokal. Il est basé sur l’âge du patient, la taille de sa rate, le pourcentage de blastes sanguins, la numération plaquettaire et l’hématocrite chez le moins de 45 ans.

Par ailleurs, une fois le traitement instauré, la réponse aux inhibiteurs de la tyrosine kinase, est étroitement surveillée (voir plus loin). Des résultats satisfaisants permettent de prédire une réponse prolongée et une survie à long terme.

ÉVOLUTION

Depuis l’introduction des inhibiteurs de la tyrosine kinase en 2000 (voir « Traitements »), le pronostic a été transformé puisque 80 % des patients traités sont en vie à moyen terme et peuvent envisager une espérance de vie prolongée. La plupart restent en phase chronique « contrôlée » et vivent ainsi quasi normalement. Beaucoup n’évolueront jamais vers une leucémie aiguë mortelle. Toutefois, chez un certain nombre, une résistance au traitement peut survenir ; en cause, des mutations de la kinase BCR-ABL.

SUIVI

Le suivi du malade sous traitement se fait par un hématologue, de préférence hospitalier :

→ Visite après un mois de traitement : surveillance clinique et biologique. La réponse hématologique doit être complète (NFS et examen clinique normaux). Puis à trois, six, neuf et dix-huit mois. Puis tous les quatre à six mois indéfiniment.

→ Myélogramme au sixième mois pour évaluer la réponse cytogénétique complète, c’est-à-dire la disparition du chromosome Ph1. Si celle-ci n’est pas obtenue, le myélogramme sera répété tous les trois mois jusqu’à obtention de celle-ci.

→ Biologie moléculaire à chaque visite afin de dénombrer le nombre de transcrits et de suivre l’efficacité du traitement. C’est une méthode très sensible qui permet de détecter jusqu’à 1 cellule Philadelphie positive sur 100 000 cellules normales. Elle décèle une éventuelle évolution secondaire sous traitement. Avant même l’apparition de symptômes, elle permet de vérifier si le patient ne résiste pas au traitement.

Son traitement

OBJECTIF

Le traitement a pour but de prévenir la progression de la maladie vers la transformation aiguë en stabilisant le patient en phase chronique ou, en cas de signe de progression, en rétrogradant rapidement la maladie en phase chronique.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Il s’agit de diminuer de façon très importante les cellules portant la translocation, grâce notamment à des médicaments inhibant la tyrosine kinase. La greffe de moelle osseuse n’est envisagée que dans certains cas (voir p. 29).

Phase chronique

→ L’imatinib (Glivec), inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), reste le traitement de première ligne chez la plupart des patients en phase chronique, à la posologie de 400 mg/jour.

→ Chez les patients ayant un pronostic d’emblée plus défavorable (selon le score de Sokal), le nilotinib (Tasigna) peut être proposé en première ligne ; le dasatinib (Sprycel) n’est pas encore remboursé dans cette indication.

→ Dans les formes très hyperleucocytaires et symptomatiques, l’emploi d’un antinéoplasique – surtout l’hydroxycarbamide (ou hydroxyurée) – est nécessaire avant d’instaurer un ITK pour faire diminuer l’hyperleucocytose, et éviter ainsi des complications graves comme des thromboses (syndrome de Budd Chiari, voir Dico+, thromboses des vaisseaux rétiniens, priapisme).

Évaluation de la réponse

La réponse au traitement par ITK est étroitement surveillée sur les plans hématologique, cytogénétique et moléculaire. Une réponse optimale au traitement est définie par :

→ une réponse hématologique complète avant le troisième mois de traitement : NFS normale, il n’y a plus de blastes, la taille de la rate est normale ;

→ une réponse cytogénétique complète dans les douze premiers mois : on ne retrouve plus de cellules porteuses du chromosome Ph1 au caryotype, ou selon la technique d’hybridation in situ ;

→ une réponse moléculaire majeure dans les dix-huit premiers mois : la mesure du taux de transcrits BCR-ABL par PCR est très faible (< 0,1 %).

En cas d’échec

En cas de réponse insuffisante ou de progression de la maladie (passage en phase accélérée ou blastique), plusieurs options sont possibles : augmenter la posologie de l’ITK, changer d’ITK, l’associer à l’interféron alfa ou à la chimiothérapie. Les principaux cytotoxiques utilisés sont la cytarabine (à l’hôpital), généralement associée à l’interféron alfa, et l’hydroxycarbamide. Le busulfan est rarement employé du fait de ses effets indésirables sévères.

MÉDICAMENTS

Inhibiteurs de tyrosine kinasei

Première génération : imatinib (Glivec). Deuxième génération : dasatinib (Sprycel), nilotinib (Tasigna).

→ Mode d’action : ce sont des inhibiteurs spécifiques de la tyrosine kinase BCR-ABL. Ils inhibent donc la prolifération des cellules cancéreuses. Le dasatinib et le nilotinib ont une affinité beaucoup plus forte que l’imatinib pour la kinase BCR-ABL ce qui explique qu’ils soient actifs sur des mutants CCR-ABL, à la différence de l’imatinib.

→ Effets indésirables. Communs : troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées surtout sous imatinib, constipation sous nilotinib, douleurs abdominales…) ; rétention hydrique : œdèmes superficiels pouvant être contrôlés par des mesures hygiéno-diététiques, mais parfois, épanchement pleural, ascite ; fatigue ; myalgie, crampes musculaires ; réactions cutanés : prurit, rash, réactions de photosensibilité ; troubles hématologiques : neutropénie, anémie, thrombopénie pouvant nécessiter une réduction de la posologie ou une suspension temporaire du traitement ; troubles cardiaques notamment en cas de risque d’allongement de l’intervalle QT : patients sous anti-arythmiques… ; troubles hépatiques. Sous imatinib : au long cours, des risques d’apparition de cancers urogénitaux. Sous dasatinib : accidents hémorragiques, œdèmes et épanchements pleuraux parfois sévères. Sous nilotinib : troubles cardiaques plus fréquents.

→ Surveillance : essentiellement hématologique, hépatique, et selon le cas cardiaque. Pulmonaire sous dasatinib (épanchements pleuraux) et vasculaire sous nilotinib (thromboses artérielles).

→ Législation : prescription initiale hospitalière valable six mois. Prescription initiale et renouvellement réservés aux spécialistes en oncologie, en hématologie ou aux médecins compétents en cancérologie (et aux spécialistes en gastro-entérologie pour l’imatinib).

Interféron alfa

Interféron alfa-2a (Roféron-A). Interféron alfa-2b (IntronA).

→ Mode d’action : complexe et mal élucidé. L’interféron alfa est une cytokine physiologique aux propriétés antivirales, immunomodulatrices et antiprolifératives.

→ Effets indésirables : syndromes pseudo-grippaux, troubles neuropsychiques (dépressions, idées suicidaires…), hématologiques, digestifs, thyroïdiens, oculaires (vision trouble), auditifs (vertiges…), cutanés (alopécie, prurit, rash, sécheresse cutanée…), infections, pneumo-pathies interstitielles, dyslipidémie, hypergly-cémie, myalgies…

→ Surveillance : hématologique, hépatique et clinique.

→ Législation : prescription initiale hospitalière valable un an. Renouvellement par tout médecin.

→ Conservation : au réfrigérateur entre + 2 °C et + 8 °C. Une fois ouverts, les stylos multidoses Introna se conservent 27 jours au réfrigérateur ; les autres références se gardent quelques jours à température ambiante (voir RCP).

Cytotoxiques

Hydroxycarbamide (Hydrea)

→ Mode d’action : inhibition de la synthèse de l’ADN.

→ Effets indésirables : hématologiques, digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, constipa– tion…), cutanées (prurit, rash, ulcérations parfois douloureuses…), rarement alopécie.

→ Surveillance : hématologique et rénale.

Busulfan (Busulfan)

→ Mode d’action : agent alkylant inhibant la transcription et la réplication de l’ADN.

→ Effets indésirables : hématologiques, digestifs, toxicité pulmonaire, hépatique, convulsions.

→ Surveillance : hématologique.

ALLOGREFFE DE MOELLE OSSEUSE

Pour qui ?

En raison d’un taux de mortalité non négligeable, la greffe de moelle osseuse n’est généralement indiquée que dans les phases avancées de la maladie ou en cas de risque élevé de progression de la maladie, notamment chez un sujet jeune.

En pratique

Les cellules souches du donneur sont prélevées au niveau de la moelle osseuse ou du sang périphérique ; dans ce dernier cas, le donneur doit recevoir un traitement par facteur de croissance hématopoïétique à forte dose durant trois jours pour mobiliser les cellules souches vers la circulation sanguine. Les cellules souches sont réinjectées par transfusion chez le receveur. Ce dernier a reçu auparavant une chimiothérapie ou une radiothérapie intensive afin d’obtenir une aplasie médullaire.

Conseils aux patients

OBSERVANCE

Du traitement prescrit

→ La rançon du succès des traitements et la chronicisation de la LMC entraînent des problèmes d’observance. Les effets indésirables médicamenteux et l’absence de signes cliniques en sont les principales causes. Insister sur la possibilité de reprise de la maladie en cas de relâchement thérapeutique. Préciser que seuls les médicaments sont capables d’en stopper l’évolution.

→ Ne pas arrêter le traitement, même en cas de maladie indétectable, sauf dans le cadre d’un essai clinique ou pour des raisons médicales (anesthésie générale, interaction médicamenteuse…) et seulement pour une courte période.

Moment de prise des ITK

Quel que soit le traitement, en cas d’oubli, ne pas rattraper la prise. Prendre la dose suivante selon le schéma habituel.

→ Sous imatinib (Glivec) : au cours ou à la fin d’un repas pour limiter les nausées. Selon la posologie, en une (jusqu’à 600 mg) à deux prises matin et soir pour limiter le risque d’irritation gastro-intestinale. Éviter les jus d’agrumes ou les sodas (cola…) pour limiter l’acidité et les œsophagites et certaines interactions. On peut disperser les comprimés dans un verre d’eau ou de jus de pomme (50 ml pour 1 comprimé 100 mg et 200 ml pour le 400 mg), remuer et boire immédiatement après désagrégation complète. Pour restreindre les nausées, privilégier les petits repas avec des aliments tièdes, diminuer les graisses et les épices ; manger des biscuits salés au lever. Le rhizome de gingembre (1 g/j en quatre prises) peut être utile, ainsi que les infusions de thym.

→ Sous nilotinib (Tasigna) : à jeun ; ne consommer aucun aliment deux heures avant la prise et dans l’heure qui suit.

→ Sous dasatinib (Sprycel) : indifféremment.

Automédication

→ Déconseiller l’automédication, en particulier sous ITK, ces derniers étant à l’origine de nombreuses interactions médicamenteuses : ni millepertuis ni de jus de pamplemousse…

→ Éviter le paracétamol ou ponctuellement pour ne pas majorer la toxicité hépatique, sous imatinib surtout, mais par extrapolation aussi sous nilotinib et dasatinib. Préférer l’ibuprofène en cas de douleurs et/ou fièvre.

Coprescriptions

Vérifier toute coprescription émanant d’un médecin autre que l’hématologue et, selon le cas, ne pas hésiter à contacter ce dernier.

VIE QUOTIDIENNE

Gérer les effets indésirables

À l’instauration d’un traitement, il existe un risque de syndrome de lyse tumorale liée à une lyse cellulaire massive des cellules malignes, notamment en cas de forte leucocytose (risque d’hyperuricémie, d’hyperuricosurie, d’hyper-kaliémie…). Durant cette période, boire beaucoup afin d’obtenir une diurèse suffisante.

Sous ITK

Expliquer que la plupart des effets indésirables se résorbent avec le temps, mais parfois seulement après plusieurs mois.

→ Prise de poids et/ou apparition d’œdèmes périphériques (jambes, paupières…) : informer rapidement le médecin. Un diurétique pourra si nécessaire être initié. Manger peu salé, surélever les jambes lorsque c’est possible.

→ Troubles gastro-intestinaux. Ils relèvent de traitements symptomatiques : antinauséeux, antidiarrhéiques. La diosmectite (une prise à au moins deux ou trois heures de distance des traitements) ou le lopéramide en prise ponctuelle peuvent être préconisés si les conseils hygiéno-diététiques classiques se révèlent insuffisants : éviter laitages, légumes verts… ; privilégier riz, pâtes, carottes cuites ; boire suffisamment.

→ Douleurs osseuses et/ou crampes musculaires : l’ibuprofène peut être conseillé ici. Enrichir son alimentation en fruits secs, riches en magnésium. Une supplémentation en magnésium peut être proposée si elle est bien supportée (risque de diarrhée). Si besoin, un traitement par quinine peut être prescrit par le médecin.

→ Réactions cutanées : recommander une photoprotection en cas d’exposition au soleil (vêtements couvrants, protection solaire), notamment sous imatinib.

En cas de réactions cutanées légères sous imatinib ou nilotinib, un corticoïde local durant quelques jours peut être conseillé, en attendant si besoin un avis médical. Sous nilotinib, un prurit, fréquent en début de traitement, peut être calmé par l’application d’un émollient et la prise d’un anti-H1 oral.

Sous cytotoxiques

Maintenir notamment une bonne hygiène buccale en prévention des mucites. Contacter rapidement le médecin en cas de fièvre ou de saignements inhabituels (suspicion de troubles hématologiques).

Sous interféron alfa

Prendre 1 gramme de paracétamol une heure avant l’injection en prévention du syndrome grippal. Sensibiliser l’entourage au risque de survenue de troubles de l’humeur, voire d’un syndrome dépressif, qui nécessitent une consultation médicale. L’auto-injection est possible après apprentissage : sortir l’injection du réfrigérateur un quart d’heure avant ; désinfecter le point d’injection (cuisse, abdomen) ; changer à chaque fois de site d’injection.

Désir d’enfanti

Une contraception efficace est nécessaire chez la femme sous ITK et sous chimiothérapie. Tout désir de grossesse doit être discuté et programmé avec l’hématologue car le traitement devra être interrompu et remplacé par l’interféron alfa.

Chez l’homme, les ITK peuvent entraîner une réduction de la fertilité. Une conservation du sperme peut être proposée avant la mise en route du traitement.

Vie familiale et socialei

→ L’annonce d’une maladie grave, diagnostiquée à un stade où le patient est généralement asymptomatique, est un bouleversement. Le patient doit se sentir soutenu et a besoin d’être écouté. L’encourager à lister les questions qu’il se pose afin d’en parler au médecin et l’orienter au besoin vers les associations de patients.

→ La fatigue est très importante tout au long de la maladie, y compris sous ITK. Elle oblige le patient à modifier ses habitudes et à organiser différemment ses activités en apprenant à se ménager, à déléguer.

Avec la collaboration du Dr Franck Nicolini, service d’hématologie, Hospices civils de Lyon, secrétaire de l’association France intergroupe de la leucémie myéloïde chronique.

Info+

Leucémie myéloïde aiguë ou chronique : dans la LMC, il n’y a pas de blocage de la maturation et on retrouve donc dans le sang des cellules très différenciées (matures) et peu de blastes. À l’inverse, les leucémies aiguës sont caractérisées par la présence dans le sang de cellules très immatures (les blastes).

Info+

Dans 5 à 10 % des cas, le chromosome Philadelphie Ph1 n’est pas retrouvé tel quel, mais sous la forme de « variant ». Une LMC sans chromosome Ph1 est exceptionnelle.

Info+

1 patient sur 4 passe directement de la phase chronique à la phase blastique.

Interview

Docteur Franck Nicolini

service d’hématologie, Hospices civils de Lyon, secrétaire de l’association France Intergroupe de la leucémie myéloïde chronique.

Le traitement Glivec a modifié le cours de la maladie. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de 2e? génération vont-ils permettre d’en guérir ?

C’est trop tôt pour le dire. Chez un très petit nombre de patients sous Glivec, le traitement a pu être arrêté avec succès. Chez eux, la maladie reste indétectable au niveau moléculaire et ils peuvent donc être considérés comme guéris. On espère qu’avec les ITK de deuxième génération, plus puissants, de plus en plus de patients seront dans cette situation. Mais à l’heure actuelle, même en cas de rémission sur une longue durée, l’arrêt du traitement n’est pas envisageable hors essais cliniques car il peut provoquer un« redémarrage » de la pathologie. Il faut donc encourager le patient à suivre rigoureusement son traitement et, comme dans toute pathologie chronique, lui rappeler combien l’observance est importante. Dans la LMC, on estime qu’elle doit être supérieure à 90 % pour maintenir l’efficacité du traitement. Une mauvaise observance ou une diminution de la concentration de l’ITK à la suite d’une interaction médicamenteuse peut être mise facilement en évidence en demandant un dosage plasmatique du médicament.

Un patient sous ITK est-il immunodéprimé ?

Pas vraiment. Les ITK ne sont pas de puissants immunodépresseurs même si Sprycel l’est un peu plus que Glivec et Tasigna. Pour les patients traités depuis de nombreuses années, une NFS est réalisée au moins tous les trois mois. Si la dernière est normale, il n’y a pas lieu de se précipiter chez le médecin au moindre signe infectieux.

Quand recourir à l’interféron alfa ?

Essentiellement au cours de la grossesse ou dans le cadre d’un protocole particulier associant ITK et petites doses d’interféron alfa. Ce protocole, proposé à des patients répondant mal à un traitement par ITK seul, permet d’obtenir davantage de réponses moléculaires complètes.

Info +

Environ 30 % des patients sont intolérants à l’imatinib ou présentent une résistance à ce traitement. Un ITK de 2e génération est alors indiqué (dasatinib, nilotinib).

Info+

La LMC n’est pas héréditaire car l’anomalie génétique ne concerne pas les cellules de la reproduction.

Principales contre-indications des médicaments

Interféron alfa : affection cardiaque sévère préexistante ou antécédent de maladie cardiaque, insuffisance rénale sévère, hépatique ou médullaire, épilepsie non contrôlée et/ou atteinte des fonctions du système nerveux central, hépatite chronique décompensée, présence ou antécédents de troubles psychiatriques sévères, troubles thyroïdiens non contrôlés.

Hydroxycarbamide : grossesse, allaitement.

Info +

Des interférons retard (Pegasys, Viraféronpeg) à administration hebdomadaire sont souvent prescrits hors AMM.

Témoignage

“En 2003, on m’a dit qu’il ne me restait que six mois à vivre”

Mina, 43 ans, présidente de l’association LMC France

Le diagnostic est tombé en 2003 alors que je venais de me marier et que j’avais deux jeunes enfants de 2 et 4 ans. À l’époque, on m’a dit qu’il ne me restait que six mois à vivre… et les recherches que je faisais sur Internet pour en savoir plus sur la maladie ne me laissaient pas non plus beaucoup d’espoir ! Glivec était sorti depuis peu et j’en ai bénéficié pendant six ans, mais j’ai passé ces six années alitée du fait des effets indésirables du traitement : diarrhées, vomissements et surtout des crampes la nuit dans l’ensemble de mon corps. Mais ce n’était pas grave car, même alitée, j’étais toujours vivante et à côté de mes enfants. En 2009, je suis passée sous Tasigna qui venait d’être lancé. J’ai beaucoup mieux supporté ce traitement que Glivec. Au bout de dix jours, j’ai pu à nouveau me lever et j’ai décidé de créer l’association. Nous avons depuis mis en place la journée mondiale de la LMC, qui a lieu tous les 22 septembre, ou 22/9 comme les chromosomes impliqués dans cette maladie ! Récemment, les médecins m’ont proposé d’arrêter Tasigna car je suis en rémission moléculaire complète depuis plusieurs années. Les thérapeutiques actuelles sont un vrai espoir pour tous les malades. Quand on a une LMC, on peut vivre avec ses proches.