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Bilans partagés de médication : derniers conseils avant de se lancer
Il est temps de (re)lancer les BPM dans son officine. Un accompagnement précieux pour le patient âgé et pas si compliqué à mettre en œuvre. Il est aussi un formidable outil pour établir ou renforcer le lien interprofessionnel. Témoignages de celles et ceux qui ont intégré cette mission dans leur pratique.
Trouver les bons mots pour recruter les patients et s’adresser aux médecins
« Définissez d’abord qui dans l’équipe effectue des entretiens pharmaceutiques et à quel moment de la semaine fixer les rendez-vous. Pour mon officine, par exemple, c’est le jour où le médecin du village ne consulte pas », témoigne Julien Gravoulet, pharmacien titulaire à Leyr (Meurthe-et-Moselle) et élu à l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Grand-Est. Au même titre que la vaccination antigrippale, les entretiens font l’objet d’une démarche active de la part de l’équipe. Le bilan partagé de médication (BPM) est présenté comme étant pris en charge par l’Assurance maladie et réalisé en temps limité. Ce suivi est effectué en lien avec le médecin traitant et il est possible d’y mettre fin librement. Quand on recrute, on ne demande pas « s’il y a des problèmes avec le traitement » sinon le patient vous répondra qu’il n’en a pas, conseille le titulaire. Demandez-lui plutôt s’il est partant pour faire le point et pour échanger sur son traitement. « En cas de refus, n’insistez pas. S’il n’accepte pas tout de suite, cela pourra être plus tard lorsqu’il en sentira le besoin. » Des patients qui ont apprécié le dispositif en parleront certainement autour d’eux. Les médecins du secteur, qui peuvent en avoir écho, sont prévenus au préalable par un courrier d’information. Lors de l’entretien de recueil, le patient est incité à s’exprimer librement. « Je lui précise que des informations vont être transmises au médecin et que cela entraînera peut-être des adaptations. » Pour ce faire, le titulaire établit un compte rendu. « Faire remonter au médecin que le traitement se passe bien est une information en soi. » Il utilise des phrases standard, sur le modèle d’un compte rendu médical et préconise d’être sélectif dans les propositions d’optimisation thérapeutique. « Dans un cartouche en haut du document, j’indique une ou deux actions prioritaires. Elles sont documentées par des références bibliographiques ou issues de bases de données. Ces propositions ne sont pas exposées aux patients. C’est au médecin de décider s’il les mettra en œuvre. » Le patient ne reçoit pas ce document mais un plan de prise et des conseils écrits lors de l’entretien conseil. Celui-ci se tient idéalement lorsque le patient revient pour renouveler son ordonnance, ce qui donne l’occasion de manipuler les boîtes de médicaments si besoin.
Un modèle original pour impliquer les médecins traitants
Victoria Grall a achevé ses études de pharmacie à la faculté de Strasbourg (Bas-Rhin) en juin dernier. « Dans le cadre de ma thèse sur les BPM et avec l’aide de ma directrice de thèse pharmacienne hospitalière à Haguenau, j’ai pris le parti de ne pas en proposer directement aux patients éligibles. Une liste de patients est dressée, puis validée en coordination avec leur médecin traitant », explique l’adjointe, qui exerce désormais à Sélestat (Bas-Rhin). Les praticiens du territoire ont donc été contactés par l’officine et informés de l’initiative. Deux d’entre eux se sont montrés intéressés et une quinzaine de patients ont ainsi été inclus. « Il n’y a pas forcément besoin de relever des difficultés manifestes pour déclencher un entretien », rapporte-t-elle. Le cadre mis en place ne procède pas d’une coordination formalisée mais les échanges y sont facilités. La pharmacie dispose, par messagerie sécurisée, des antécédents médicaux et de résultats biologiques. Par ailleurs, l’officine travaille en lien avec la pharmacie de l’hôpital de Sélestat qui lui transmet les comptes rendus d’hospitalisation des patients. « Le retour au médecin traitant s’effectue sur ce modèle de compte rendu qui comprend l’analyse pharmaceutique, l’automédication, l’organisation de la prise des médicaments, les effets indésirables, le suivi des pathologies mais aussi les régimes spécifiques et les compléments alimentaires, détaille la pharmacienne. Le document est également remis au patient, qui l’aura en sa possession s’il devait être hospitalisé ». In fine, une liste de propositions est établie à l’attention du médecin traitant, qui peuvent concerner par exemple une réévaluation par un spécialiste, la modification ou l’arrêt d’un traitement.
Une dynamique d’équipe et le cadre d’une maison de santé
« Notre clientèle comporte une proportion importante de patients âgés dont nous connaissons bien les traitements. Nous n’avons donc pas de difficultés à recruter », expliquent Agnès Tarodo de la Fuente, pharmacienne titulaire, et Cécile Ferraz, adjointe à Saint-Amans-Soult (Tarn). Avant de se lancer, une réunion d’équipe a été organisée. Chaque collaborateur a pour mission de solliciter les clients et de prendre rendez-vous pour ce qui est présenté comme un contrôle pris en charge par la Sécurité sociale. Ce suivi est mentionné sur le site internet de l’officine et fait l’objet de communications régulières dans l’espace de vente. Les patients éligibles en sont informés. « Il faut au moins le leur proposer. Il y a des refus mais il y a aussi des personnes qui se montrent tout de suite intéressées. Nous précisons bien que nous ne modifierons pas ce qui a été prescrit. » Chacune des trois pharmaciennes impliquées se fixe de réaliser un BPM tous les mois. Le groupement auquel adhère la pharmacie lui a fourni une plateforme pour faciliter la prise en main des entretiens pharmaceutiques. « Nous évoquons son traitement avec le patient et nous nous assurons que les médicaments sont pris au bon moment. Sur l’observance uniquement, il y a un travail immense à faire et accessible à tout pharmacien », assurent les officinales. Elles recommandent de se lancer assez vite après s’être formé, de sorte que le déroulé de ces entretiens devienne un automatisme. « Au début, le fait que nous soyons plusieurs à nous lancer en même temps nous a donné de l’assurance. Nous pouvions nous concerter. Avec le temps, nous en ressentons moins le besoin. De plus, ce sont souvent des ordonnances assez similaires. » Le temps passé avec le patient doit s’inscrire dans une fourchette de 30 à 45 minutes. Le retour au médecin traitant est systématique. A l’issue du bilan, une synthèse est établie au format Word. Elle est remise au patient ainsi qu’à son médecin traitant. « Nous ne bénéficions pas de retour direct mais constatons souvent que nos remarques sont prises en compte. » Le travail est facilité par l’inclusion de l’officine dans une maison de santé pluriprofessionnelle. « Le logiciel médical partagé nous permet d’aller chercher les antécédents des patients et leurs analyses biologiques. » Un maximum de BPM sont donc réalisés dans ce cadre. « Certains médecins y voient leur intérêt et les prescrivent désormais. »
VICTORIA GRALL, pharmacienne adjointe à Sélestat (Bas-Rhin).
JULIEN GRAVOULET, pharmacien titulaire à Leyr (Meurthe-et-Moselle) et élu à l’URPS pharmaciens Grand-Est.
AGNÈS TARODO DE LA FUENTE, pharmacienne titulaire, et CÉCILE FERRAZ, adjointe à Saint-Amans-Soult (Tarn).
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