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Le circuit du médicament en Ehpad sous le feu des contrôles
Les inspections-contrôles dans les Ehpad se sont intensifiées depuis le début de l’année. Cela fait suite à la mise en cause d’un Ehpad du groupe Orpea dans les Hauts-de-Seine. Conséquence : le circuit du médicament, comprenant la préparation des doses à administrer par les officines, est systématiquement passé au crible.
Un contrôle systématique des 7 500 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés, publics et associatifs sur deux ans. En commençant par les établissements déjà signalisés comme posant problème. C’est l’une des mesures phares du plan gouvernemental lancé au printemps en réaction au scandale Orpea. Une démarche volontariste qui se prolonge au travers du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Il s’agit de pérenniser les moyens accordés aux agences régionales de santé (ARS) pour effectuer ces inspections-contrôles. Celles-ci comprennent un contrôle sur pièces et une inspection sur site. Elles sont suivies par la rédaction d’un rapport et d’une lettre d’intention avec des projets d’injonctions, de prescriptions et de recommandations. L’établissement doit ensuite apporter des éléments complémentaires et des réponses lors d’une phase contradictoire. « La fréquence de ces visites a clairement augmenté ces derniers mois », constate Paul-Emile Haÿ, directeur médical et qualité du groupe d’Ehpad Colisée France. Au cœur de ces procédures, les questions relatives à la gestion des risques sont prédominantes. Et notamment concernant la sécurisation du circuit du médicament. « Le contrôle ne rentre pas plus dans le détail qu’il y a 10 ou 15 ans, mais on sait aujourd’hui qu’on n’y coupe pas. Tous les contrôles sans exception ont questionné le circuit du médicament et tous les rapports associés comportent une rubrique à ce sujet. » Les ARS se donnent les moyens de leur mission. « Lors des visites, il y a davantage de pharmaciens inspecteurs qui accompagnent les médecins inspecteurs pour avoir une vision plus poussée du circuit du médicament », relève Christophe Wilcke, pharmacien titulaire à Spincourt (Meuse) et président de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Grand-Est. Cette dernière a proposé un modèle de processus pour le circuit du médicament applicable aux Ehpad avec audit et fiches d’actions. « Certains établissements ont été sommés de rentrer dans ce dispositif par l’ARS. »
Turnover à risque
Les premières étapes du circuit sont celles de la prescription et de la préparation des doses à administrer (PDA) à l’officine. En bout de chaîne sont effectuées l’administration au résident et la surveillance thérapeutique. La mise en œuvre dans les Ehpad relève généralement de procédures centralisées et d’une politique de groupe, souligne le directeur médical et qualité de Colisée France. La présence du médecin coordonnateur est également un critère placé sous surveillance lors des contrôles. A ce jour, le tiers des établissements n’en serait pas pourvu. Au niveau des ressources humaines, la pénurie de personnel et le recrutement de vacataires fragilisent le bon fonctionnement du circuit du médicament et figurent comme point de vigilance prioritaire au cours des visites, pointe Paul-Emile Haÿ. « Face au turnover du personnel soignant et des directeurs d’établissement, le pharmacien constitue un point fixe », rappelle Christophe Wilcke. La mise en place de procédure par les soignants de l’établissement est renforcée par l’intervention d’un pharmacien référent en Ehpad, mission facultative et non rémunérée à ce jour. « Nous avons proposé que, lorsque le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) est renouvelé, tous les trois à cinq ans, ce soit pour l’ARS l’occasion d’y inscrire la présence d’un pharmacien référent. Elle abonderait pour subventionner ce poste », souligne le président de l’URPS pharmaciens. A noter que le contrôle de l’Ehpad n’enclenche pas celui de l’officine qui l’approvisionne. « Les contrats avec les professionnels libéraux et la convention entre l’officine et l’Ehpad font bien sûr l’objet de remarques. Cependant, la PDA n’est pas jugée dans sa composante de préparation mais sur le produit fini », affirme Paul-Emile Haÿ. Elle n’est d’ailleurs pas la panacée pour sécuriser le circuit du médicament. « Dans plus de 90 % des cas, les erreurs médicamenteuses se produisent en amont, lors de la retranscription des ordonnances ou après la préparation, au moment de l’administration aux résidents », constate Christophe Wilcke.
Scandale Orpea : l’Ehpad incriminé pèche contre les règles du médicament
A la mi-juillet, une centaine d’inspections sur un effectif total de 707 établissements franciliens ont été réalisées par l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France et le conseil départemental des Hauts-de-Seine. Cible de l’ouvrage Les Fossoyeurs paru début 2022, l’Ehpad Les Bords de Seine du groupe Orpea, situé à Neuilly-sur-Seine, a été inspecté fin janvier. Six prescriptions sur le circuit du médicament devaient être mises en œuvre sous un délai d’un mois. L’inspection a notamment relevé une transmission des prescriptions à la pharmacie par e-mail non conforme à la réglementation, un manque de lisibilité des écritures sur le pilulier, ainsi que l’absence de consultation de la liste des médicaments écrasables.
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