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In vino veritas
Le vin est la dernière coqueluche des gestionnaires de patrimoine et des conseillers bancaires haut de gamme. Tentant, non ? A condition de séparer le bon grain de l’ivraie.
Investir dans le vin, pourquoi pas ? Voila un bien réel, bien de chez nous, à mille lieues des produits financiers hypercomplexes habituels. Pendant longtemps, les épargnants n’ont investi dans le vin qu’à travers le vignoble, en achetant de la terre ou des GFV (groupements fonciers vinicoles). Rarement en misant dans des fonds ou des caves en direct. C’est ce que proposent pourtant, depuis quelques années, une poignée de gestionnaires rompus aux arcanes de l’œnologie. Leur repère ? Le Liv-Ex, cet indice des grands bordeaux « investissables ». Il a gagné 258 % depuis 2005 alors que le CAC40 a perdu, lui, 18,5 % dans le même temps ! Pour surfer sur cette performance alléchante, une demi-douzaine de sociétés se sont créées. Elles s’appellent Cavissima, La Bergère Winters, Patriwine et R & S Corp. Elles proposent d’investir dans des caves gérées, c’est-à-dire dans des séries de bouteilles de grands (ou de moins grands) crus. D’autres ont constitué de véritables « sicav », comme la Financière d’Uzès (Uzès Grands Crus) et le Luxembourgeois Elite Advisers (fonds Nobles Crus).
Sur le papier, l’opération paraît sensée et les noms font rêver : Pétrus, Cheval-Blanc, Lafite-Rothschild… Sauf que le diable se cache parfois dans les détails et qu’il faut bien étudier les « portefeuilles » avant de parier sur les grands crus. Méfiance tout d’abord au moment de l’achat. Un analyste belge indépendant et reconnu, Jean Walravens, a montré que la société Elite Advisers surestimait fortement certains des vins de sa cave. De fait, le fonds affiche des rendements jusqu’à quatre fois plus élevés que la progression du Liv-Ex. Pour leur défense, les créateurs du fonds font remarquer que sa composition diffère totalement de celle du Liv-Ex. Il n’empêche : cet incident révèle, pour le secteur, un certain flou sur les évaluations.
Servir le fisc…
Parlons maintenant revente. Vos précieux flacons sont entreposés (dans des caves bien gardées, et à température constante) avant d’être revendus. Seuls Cavissima et Patriwine proposent de les livrer à leurs propriétaires. Pour les boire ? Mauvaise idée, car la plus-value disparaît alors ! Le plus souvent, ils resteront quelques années (compter au moins cinq ans) en cave avant d’être dirigés, par les gérants de la cave, vers la vente aux enchères ou le négoce spécialisé. Là encore, il vaut mieux ne pas être pressé : les transactions se font par vagues, à intervalles très irréguliers. Attention aussi à ne pas oublier le fisc ! S’il s’agit d’un fonds, type sicav ou FCP, le gain issu de la vente sera ajouté à vos autres revenus et imposé au taux de votre dernière tranche (+ 15,5 % de prélèvements sociaux). S’il s’agit d’une « cave » gérée, le fisc prélèvera 19 % sur les gains (+ 15,5 % de prélèvements sociaux), après application d’un abattement de 10 % par année de détention, au-delà de la deuxième.
… ou remplir sa cave
Reste toujours la possibilité de créer son propre fonds : bien s’informer, se constituer une cave en suivant les cotes, disponibles sur le site du Liv-Ex ou sur les sites d’enchères (comme Idealwine.com), et en veillant à toujours avoir une trace du parcours de la bouteille. Une fois ces précautions prises, il faudra laisser vieillir les vins, puis les revendre lorsque la cote aura progressé, en s’adressant à des négociants ou des marchands spécialisés. Le fisc, là, se fait beaucoup plus discret. Et le propriétaire amateur de bons (beaux ?) crus peut se mettre dans la poche 100 % du gain. Ce doit être cela… la « part des anges »!