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Y a de la concurrence !

Publié le 4 juin 2013
Par Carole De Landtsheer
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Si le marché des préservatifs en pharmacie poursuit son érosion au profit de la grande distribution, les acteurs ne baissent pourtant pas les bras. Lancements, recentrage santé… La bataille à l’attractivité bat son plein.

Le secteur des préservatifs en officine est, depuis plusieurs années, en berne. Et les derniers chiffres confirment le transfert progressif du marché vers la GMS — qui réalise les deux tiers des ventes du secteur : – 5,4 % en valeur et — 8,5 % en volume. Ce sont, au total, 3,7 millions de préservatifs qui sont écoulés annuellement en pharmacie pour un chiffre d’affaires de 16,8 millions d’euros (source Celtipharm, en cumul annuel mobile à février 2013).

D’emblée, une question s’impose : la pharmacie serait-elle moins légitime que les grandes surfaces à proposer des préservatifs ? La réponse est bien évidemment négative. Mais deux principaux freins au développement de ce marché en officine doivent être sérieusement pris en considération. D’abord, « si on parle assez librement de sexe, nos comportements ne s’accordent pas nécessairement à nos discours et peuvent même s’en tenir assez loin », fait remarquer Jean-Marc Bloch, directeur marketing France Manix. Autrement dit, le préservatif ne s’achèterait pas aussi facilement qu’un shampooing ! Or, l’officine, à l’inverse des grandes surfaces, peut être regardée comme un lieu qui manque d’anonymat, l’achat au comptoir impliquant un face-à-face pas toujours évident à soutenir. L’équation à retenir semble simple : « Plus on va faciliter l’achat sans gêne, plus on va vendre », assure notre interlocuteur. Mais le principal motif de la chute enregistrée tiendrait surtout à l’offre particulièrement réduite de la pharmacie versus la GMS. Et « la taille du linéaire a une influence sur l’attraction et sur les achats », fait remarquer Jean-Marc Bloch. « La grande distribution étend ses gammes, l’officine fait le contraire. De plus, elle tend à référencer des produits analogues à ceux des grandes surfaces, avec des produits doublons, et ne joue pas assez la carte de la spécificité », renchérit Patrick Pisa, directeur général de Polidis (fabriquant de la gamme Reflex). Néanmoins, l’officine dispose d’un atout méconnu du grand public, mis en avant par la plupart des acteurs interrogés : les prix moyens pratiqués y sont sensiblement inférieurs à ceux proposés en GMS ! L’autre force du circuit officinal ? « La caution médicale qu’elle apporte aux produits ainsi que le fait qu’elle soit un commerce de proximité », souligne Jean-Marc Bloch.

Manix et Durex au firmament

Présents sur les deux circuits de distribution (officine et GMS), Durex, propriété du groupe Reckitt Benckiser (46,3 % de PDM en valeur) et Manix, marque du laboratoire Ansell (39,1 % de PDM en valeur, source Ospharm, mars 2012/février 2013) s’imposent, plus que jamais, comme les deux blockbusters du secteur. L’immense notoriété de ces marques, soutenues par des campagnes de communication grand public, fait leur leadership, tout comme la largeur de leur gamme (24 références pour Durex et 21 pour Manix, gels compris). Deux offres régulièrement agrémentées de nouveautés qui créent l’attrait et savent réinventer le préservatif en lui apportant des plus-produits autour de la sensation, de la stimulation et de la ludicité. Incontournables, elles font le jeu du marché et les autres acteurs présents doivent émerger parmi les 15 % de parts de marché qu’il leur reste. Et ils ne se bousculent pas ! Leur challenge ? Se démarquer des cadors. Ainsi, la société Radiatex, filiale du groupe japonais Sagami Rubber Industries et produisant les préservatifs Protex (anciennement Prophyltex) continue à défendre la qualité officinale et à proposer une gamme complète de neuf préservatifs. Elle s’assure la troisième place du secteur (9 % de PDM en valeur). À noter que le modèle phare de la marque — Protex Classic Naturel — réalise une belle performance avec 5,4 % de PDM en valeur.

La santé avant le plaisir

Quatrième intervenant, la société Polidis, avec sa gamme Reflex Condoms (2,8 % de PDM, en valeur), revendique un positionnement prix (pratiqué, notamment, sur sa boîte de 12 préservatifs « Sortez couverts ! » vendue 2 euros) et santé pour « répondre aux freins à l’utilisation », souligne Patrick Pisa. S’inscrivent sur cet axe les références Ultra + (à sensations préservées et à épaisseur renforcée pour écarter tout risque de déchirure) et Circum’size, le seul préservatif du marché pour les hommes circoncis, lancé en 2011, qui enregistre une évolution de l’ordre de 30 % en 2012 (source fabricant). Les laboratoires Dermapharm misent quant à eux sur une gamme courte de quatre préservatifs (Star Condoms) « premium et techniques pour plus de sécurité et de plaisir », souligne Alexandre Mallet, directeur commercial. Son système X-Fit, breveté en 2012, assure à deux de ses références (l’Anatomique et le Super Fin) une forme ergonomique « plus confortable et plus facile à mettre », avance notre interlocuteur. Quatre références, pas une de plus, pour clarifier le choix du consommateur au sein d’un univers foisonnant. Si la part de marché de cet acteur reste mineure (0,7 % en valeur), sa stratégie semble payante, avec une croissance de 19,2 % en CAM à février 2012 (source Ospharm). Quant à la société SEMES, propriétaire de Marque Verte Bien-être (Promen’s), elle ne se pose pas en spécialiste du secteur (0,6 % de PDM en valeur) et restreint son offre à deux références (lubrifiés avec réservoir et extrafins), parmi celles les plus vendues du marché.

Place aux sensations

Si le marché reste tourné vers l’innovation, l’heure est cependant « au recentrage vers des références plus classiques », observe Émilie Humbert, chef de produits Marque Verte. En effet, les préservatifs lubrifiés de base (42 % de PDM en volume et 34,7 % de PDM en valeur, source Ospharm) et les extrafins (32,7 % de PDM en volume et 33,4 % de PDM en valeur) composent, en officine, les deux catégories qui se vendent le plus. « On n’a pas forcément l’idée d’acheter des références ludiques en pharmacie », fait remarquer Émilie Humbert. Ni trop la possibilité de s’installer longuement devant le rayon préservatifs pour choisir son modèle… L’officine serait donc perçue comme le lieu où se procurer les grands basiques du moment, qui, en prime, promettent de faciliter la mise en place de la « capote » (« Easy-on », « Easy », « Pull on »…) Ensuite, les préservatifs extrafins constituent l’autre tendance lourde du secteur, l’idéal étant, en effet, de se protéger sans se couper de ses sensations. Le modèle très fin Durex Feeling Gossamer extra Easy-on remporte 8,3 % de PDM, en valeur, et Manix Contact 003 réalise 5,5 % de PDM, en valeur (source Ospharm, mars 2012-février 2013). « Le raisonnement du consommateur est le suivant : s’il lui faut une protection, il souhaite l’oublier. Pour cette raison, l’extrême finesse représente un fort potentiel de développement du marché », explique Jean-Marc Bloch. Aussi, les derniers lancements rivalisent de finesse. Citons le modèle Zéro chez Manix, le plus fin de ses versions latex, et Real Sensation chez Durex, présenté comme le plus fin de la gamme. Rester au plus près de ses sensations, c’est aussi ce que propose la gamme Skyn (Manix), en polyisoprène. Son matériau sans latex très souple donne « la sensation de ne rien porter ». C’est aujourd’hui la gamme phare du laboratoire Ansell (8,2 % de PDM, en février 2013, source fabricant).

Pour elles

Moins légitimes en officine, excepté le segment des références sans latex qui composent une niche à part entière (4,5 % de PDM en volume et 9,5 % en valeur), les catégories de préservatifs axées autour du ludique composent une offre mineure, plus attendue en GMS. Ainsi, les modèles aromatisés ne représentent que 1,3 % de PDM, en volume. Quant aux formes XL qui s’adressent à une frange réduite de la population masculine, elles réalisent 4,9 % de PDM en volume. Signalons l’attrait des Français pour les « panachés » et leur assortiment, qui enregistrent 9,6 % de PDM, en volume (source Ospharm). Quant aux « retardants », supposés prolonger l’acte sexuel, ils ne convainquent pas les foules et ne pèseraient que 2 % du marché. À cette diversité s’ajoute une catégorie en voie de développement qui signe une féminisation du secteur : les préservatifs pensés pour les femmes. Ainsi, les modèles perlés et nervurés représentent 12,3 % de PDM en volume. Sont aussi lancés des modèles « girly » tel le dernier préservatif Égérie, rose et légèrement parfumé de Polidis. On trouve dans cette sphère des références extra-lubrifées, telle l’Aqua pour elle de Protex, pour des rapports plus doux.

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Attraction « on pack »

Les conditionnements les plus vendus sont les boîtes de 4 à 6 préservatifs (33,6 % de PDM en volume et 20,2 % de PDM en valeur), suivis des packs de 8 à 16 unités (32,4 % de PDM en volume et 55,6 % de PDM en valeur) et de 1 à 3 références (28,9 % de PDM en volume et 12,5 % en valeur). Ce succès des « mini-boîtages » vient en partie des ventes en distributeurs automatiques. Notons que le modèle Durex Jeans « easy on » s’impose dans tous ses boîtages : 12 (4,3 % de PDM, en valeur), 3 (3,8 % de PDM) et 24 (3,4 % de PDM, source Ospharm). Autrement dit, l’achat de préservatifs en pharmacie correspond à un dépannage ou à une consommation de court/moyen terme. La nouveauté du moment tient au relooking des packagings notamment pour Star Condoms, Promen’s ou encore Manix, qui a souhaité « une plus grande simplicité de lecture et une image haut de gamme ». Le choix des couleurs permet aussi au consommateur de mieux s’y retrouver. Les packs de la marque Reflex Condoms ont été harmonisés en 2012, « créant un effet de gamme qui a joué à plein », expose Patrick Pisa. Ne l’oublions pas, vendre des préservatifs est, selon Jean-Marc Bloch, une « bataille à l’attractivité ». Les conditionnements jouent un rôle d’autant plus central que certaines marques n’utilisent pas les médias pour communiquer. Cette valorisation actuelle des gammes signe la volonté des fabricants de développer une image premium et de rendre leur offre plus visible et plus lisible. Un biais pour redynamiser un rayon qui a du mal à trouver sa pleine mesure en officine ?

Top 3 des produits en valeur

Source Ospharm en cumul annuel mobile à février 2013.

N° 1

Durex Jeans 15,2 % de PDM

N° 2

Durex Feeling 8,3 % de PDM

N° 3

Manix Super 6,1 % de PDM

Classique

Certaines marques comme Reflex et Promen’s misent sur les références basiques à bas prix.

Hors norme

Les fabricants ont pensé à tous les hommes, même les circoncis (Reflex Circum Size) !

Panaché

Le choix fait vendre, et de surcroît lorsqu’il se trouve dans une même boîte. Pour varier les plaisirs…

Plaisir garanti

L’accent est mis sur les sensations. Durex promet d’emmener les partenaires au 7e ciel !

Girly

Parce que les principaux acheteurs de préservatifs sont des femmes, elles méritent des références spécifiques.

Seconde peau

Fini le latex. Avec la gamme Skyn au polyisoprène, Manix promet de faire oublier le préservatif.

Spécial performance

Et si le préservatif était une aide aux exploits ? Manix Endurance et Durex Performa s’en vantent !

Ultrafins

Désormais, la finesse est un argument marketing utilisé par les marques.