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Mobile, le portefeuille du futur

Publié le 1 février 2009
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Un téléphone portable qui fait office de carte bancaire, de carte de fidélité, qui remplace bons de réduction et bons cadeaux… C’est ce que promet la technologie NFC, qui vise à transformer le virtuel en réalité. La grande distribution est déjà sur les rangs.

Ergosum pour « Ergonomie des services sur mobile ». Ce projet, piloté par le pôle de compétitivité « Industries du commerce » (Picom), dans le Nord-Pas-de-Calais, réunit des acteurs de la distribution (Auchan, Carrefour, Castorama, Fnac, Kinepolis, Jules, Leroy Merlin, le Groupement des Mousquetaires), des services financiers (banque Accord, Cofidis, Finaref, LaSer) et les opérateurs de téléphone mobile. « L’objectif est d’établir un cahier des charges sur les futurs usages du mobile dans le point de vente », explique Didier Lieven, en charge de la R&D au sein du Picom. Cette première phase devrait se terminer au printemps 2009. Les pistes sont multiples. « Le mobile est déjà un ordinateur plus puissant que l’ordinateur portable. Nous avons la conviction qu’à terme, il embarquera tout ce qui est aujourd’hui dans le portefeuille des consommateurs, leur carte bancaire, carte de fidélité, les bons de réduction, les cartes cadeaux… », assure Didier Lieven. Le projet a d’emblée séduit Castorama. « Notre préoccupation est de simplifier et d’accélérer le passage en caisse, souligne Chantal Guilmain, directrice « Interactivité clients » de l’enseigne. Le mobile pourrait servir de vecteur, d’autant que près de 80 % de la population est équipée. »

Mille consommateurs caennais et strasbourgeois en test

Le paiement par mobile en tant que tel est déjà expérimenté depuis novembre 2006 à Strasbourg et depuis un an à Caen. « Nous nous inscrivons dans la continuité de cette opération. Il ne s’agit pas de réinventer ce qui est déjà expérimenté, insiste Didier Lieven, mais d’aller au-delà. » Dans les deux villes, le portable fait office de carte bancaire pour 1 000 consommateurs volontaires. Ils ont reçu des téléphones incluant une puce dite NFC (Near Field Communication) qui transmet des données par radiofréquence à très courte distance. Près de 500 commerçants, dont des pharmaciens, ont quant à eux été équipés d’un terminal de paiement doté d’une fonction carte bancaire et d’une fonction paiement par téléphone portable. L’expérience a montré, selon ses organisateurs, des résultats satisfaisants.

« Selon le bilan, présenté fin octobre 2008, plus de 90 % des clients testeurs interrogés ont trouvé ce moyen de paiement pratique, rapide et simple à utiliser », souligne Jacques Antelme, président de l’Association européenne « payez mobile » (AEPM)* à l’origine du projet. Grâce à la puce NFC, il leur suffit en effet, lors de leurs achats, d’approcher leur mobile du terminal de paiement, le montant étant ensuite directement débité sur leur compte. Si l’achat dépasse les 20 euros, ils doivent taper leur code pin. Quant aux commerçants, ils sont 80 % à avoir apprécié ce mode de transaction. C’est le cas d’Eric Pain, buraliste à Caen. « Je propose cette solution depuis mars. C’était facile à installer car je disposais déjà de l’ADSL. Pour les clients, c’est vraiment pratique car ils n’ont pas besoin d’avoir leur carte bancaire ou des espèces avec eux. »

Le commerce est loin d’être le seul secteur à s’intéresser à ce petit objet devenu en peu d’années un compagnon inséparable pour nombre d’utilisateurs. Le secteur du transport et celui du tourisme réfléchissent également à intégrer le mobile dans leur stratégie. La RATP a multiplié les expérimentations de paiement sans contact : les cartes bancaires sans contact comme le téléphone mobile doté d’une puce NFC à la place du ticket de métro. Les compagnies aériennes misent sur le portable pour réaliser des économies d’échelle, en se débarrassant du papier. Selon la société Sita, spécialisée dans l’équipement informatique du secteur aérien, il pourrait ainsi d’ici à cinq ans contenir la carte d’embarquement au format numérique, les étiquettes des bagages et la facture attestant du paiement du billet électronique.

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Les initiatives fourmillent au point que s’est ouvert à Marseille, en mai dernier, le centre du Near Field Communication. Créé par BabySmart, association leader dans la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur d’Azur des objets portables sécurisés, le pôle de compétitivité « Solutions communicantes sécurisées » et l’opérateur SFR, il offre la possibilité aux sociétés françaises ou internationales ayant des applications ou équipements NFC de venir tester leur interopérabilité. Parmi les projets à l’étude, on y trouve une borne permettant de valider les billets traditionnels, les billets stockés sous forme de code-barre sur un mobile et les billets stockés sur le téléphone mobile NFC qui est en cours de développement. Développée en partenariat avec la société Digitick (dématérialisation de billets), la même borne pourra aussi authentifier le possesseur d’un ticket de théâtre, d’événement sportif présenté sous forme dématérialisée sur son téléphone mobile. Sous l’impulsion des pouvoirs publics a été créé également, en mai dernier, le Forum des services mobiles sans contact, une structure pour favoriser le développement d’applications comme le paiement, l’identification ou l’accès aux transports public par le téléphone portable.

Homogénéiser l’interopérabilité

Le futur succès de la NFC repose sur l’interopérabilité entre les acteurs du marché, opérateurs de téléphonie, banques, fournisseurs de services… C’est aussi l’un des objectifs que s’est fixé Ergosum : trouver une homogénéité entre les différentes enseignes, permettre la fluidité entre les services (cartes de paiement, fidélité, coupons, etc.), s’assurer de la compatibilité avec les systèmes monétiques mis en place, respecter les spécifications définies par l’AEPM. La solution envisagée s’appuiera sur les standards internationaux de la technologie NFC et les spécifications définies par les opérateurs téléphoniques dans le cadre de l’Association française du sans contact mobile.

Autre condition de la réussite : le développement de téléphones équipés de puces NFC en nombre suffisant pour que les consommateurs aient envie d’adopter la technologie. Les fabricants de mobiles ont annoncé le lancement de plusieurs modèles cette année.

* L’AEPM regroupe sept banques (BNP Paribas, Crédit agricole-LCL, Crédit mutuel-CIC, La Banque postale, le groupe Caisse d’épargne, la Société générale et le groupe Banque populaire), et quatre opérateurs mobiles (Bouygues Télécom, Orange, SFR et NRJ Mobile).

Le mobile en chiffres

En 2008, 79 % des Français de 12 ans et plus étaient équipés d’un téléphone mobile personnel et/ou professionnel. Les seniors, qui sont désormais plus d’un sur deux à en posséder un, représentent aujourd’hui 22 % de la population française (enquête TNS Sofres réalisée pour l’Association française des opérateurs mobiles du 22 au 26 août 2008).

Le cabinet d’analyses ABI Research estime à 300 millions le nombre de téléphones mobiles équipés d’une puce NFC en 2012. Ce qui devrait correspondre à 20 ou 30 % du marché des téléphones à cet horizon.

Japon

FeliCa fait le bonheur des usagers

Le Japon est l’un des pays les plus avancés, avec près d’un téléphone sur deux équipé d’une technologie de paiement par mobile. Sony a ainsi développé en 2004 une technologie, FeliCa, qui fait du mobile un moyen de paiement et un titre de transport utilisable dans les trains et le métro de Tokyo, dans la plupart des Convini, ces chaînes de supérettes ouvertes 7 jours sur 7, et chez les deux principales compagnies aériennes japonaises. Aujourd’hui, le parc des mobiles FeliCa, désormais commercialisés par les trois opérateurs de téléphone mobile japonais, a dépassé le seuil de 45 millions d’unités. Les services ont été principalement déployés dans cinq secteurs : transport, monnaie électronique, cartes de crédit, programmes de fidélité et sécurité. En moyenne, les Japonais détiennent chacun une douzaine de cartes de fidélité, un facteur qui a permis d’accélérer la diffusion d’Osaïfu Keitai (« portefeuille mobile » en japonais). Le NFC (Near Field Communication) est en Europe l’équivalent de FeliCa.