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Un licenciement sous pression
Lors d’accusations de harcèlement par un salarié licencié, l’employeur doit apporter les preuves de sa bonne conduite pour écarter les soupçons qui pèsent sur lui. Sinon…
LES FAITS
Le 31 août 1998, Mme E. est embauchée par la pharmacie B en contrat à durée indéterminée. En 2009, l’entreprise est transférée à la pharmacie C. En 2010, la salariée informe son employeur qu’elle subit des faits de harcèlement moral. A compter de janvier 2016, elle enchaîne les arrêts de travail. En 2017, elle est finalement déclarée inapte à son poste par le médecin du travail. Conformément à la procédure, son employeur la licencie pour inaptitude le 2 août 2017. En février 2018, Mme E. saisit le conseil de prud’hommes pour que son licenciement soit reconnu sans cause réelle et sérieuse, en raison du harcèlement moral qu’elle aurait subi de la part de son employeur.
LE DÉBAT
L’article L.1152-2 du Code du travail dispose qu’« aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L.1121-2 », à savoir notamment un licenciement ou une sanction disciplinaire.
Il revient au salarié d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il incombera ensuite à l’employeur de prouver le contraire en justifiant son attitude par des éléments objectifs. En l’espèce, la salariée évoquait plusieurs faits dont le refus à trois reprises des dates de congés payés qu’elle souhaitait, des reproches injustifiés, une agression orale devant des patients. Elle apportait aux juges des certificats médicaux attestant de son état de stress et le témoignage d’un patient présent lors de l’altercation, qui, à la suite de celle-ci, avait « décidé de changer de pharmacie car il estimait que des salariés n’avaient pas à être traités de la sorte ».
En réponse, l’employeur soutient que les preuves n’établissent pas une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité ou d’altérer la santé physique ou mentale de Mme E. Il justifie l’état dépressif de la plaignante par le décès de son père. Le 13 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Grasse (Alpes-Maritimes) déboute Mme E. de l’intégralité de ses demandes, estimant que l’employeur a fait un usage normal de son pouvoir de direction dans sa relation avec elle. La salariée forme un appel.
LA DÉCISION
Le 6 octobre 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) infirme le jugement. Selon elle, les faits évoqués par Mme E. doivent être qualifiés de harcèlement moral et rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel rappelle qu’« il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ». Le juge doit ensuite examiner les preuves apportées par l’employeur, qui cherchera à démontrer que les agissements et les décisions mentionnés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. La cour d’appel considère que l’altercation devant la patientèle, le refus des dates de congés ou encore les menaces de dénonciation à l’Assurance maladie sans diligenter un contrôle médical ne sont pas justifiés par l’employeur et laissent donc supposer un harcèlement moral.
Source : CA Aix-en-Provence, 6 octobre 2022, n° 19-09.788.
À RETENIR
Un harcèlement moral peut être dénoncé par tout moyen de preuve : attestation médicale, témoignage, e-mail, note de service, etc.
Il revient à l’employeur de démontrer que ses décisions étaient justifiées par des arguments objectifs ayant trait à la bonne administration de son entreprise. A défaut, le harcèlement moral est constitué.
Le licenciement prononcé pour inaptitude lié à des faits de harcèlement est sans cause réelle et sérieuse.
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