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Bientôt la fin de la prescription « papier » ?

Publié le 23 novembre 2022
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le « bidouillage » de la e-prescription touche à sa fin. Au 1er janvier 2025, elle sera le seul canal de prescription. Des moyens financiers et techniques sont au rendez-vous. Explications.

Comment fonctionnera la e-prescription ?

Le médecin, via son logiciel métier, rédigera sa prescription. Elle sera envoyée sur la base de données sécurisée gérée par l’Assurance maladie, qui en retour attribuera à la prescription un numéro unique, traduit en un QR Code. Le patient présentera ce QR Code à l’officinal, qui le scannera pour accéder à la prescription. Il pourra alors la modifier, indiquer la délivrance d’un générique ou une autre posologie en accord avec le médecin. La facturation à la caisse sera automatique. « Ce nouvel outil permettra aux pharmaciens de savoir si l’ordonnance est authentique et si elle a déjà été délivrée », précise Pierre-Olivier Variot, de l’USPO (voir Experts).

L’officinal sera-t-il « fliqué » ?

« L’Assurance maladie et le médecin pourront être informés rapidement d’une substitution ou d’un changement de posologie », explique Philippe Besset, de la FSPF (voir Experts). « Ce traçage nous permettra de demander la création d’un acte d’intervention pharmaceutique rémunéré par l’Assurance maladie », annonce Pierre-Olivier Variot. Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance maladie, concède que l’organisme pourrait y réfléchir.

L’ordonnance papier existera toujours ?

Pour l’heure, oui. Et c’est un point de friction avec des syndicats de médecins. « Le médecin peut aussi prescrire des conseils hygiéno-diététiques. Le patient doit les avoir écrits quelque part. Aujourd’hui, le tout numérique est impossible », estime Philippe Besset. Peut-être demain, en modifiant la législation.

Quelle relation entre Mon espace santé et la e-prescription ?

« La e-prescription recouvre deux services socles complémentaires, explique Jean-Baptiste Milone, directeur de projets à la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS). D’un côté, le téléservice de la e-prescription unifiée (EPU), destiné aux professionnels de santé et mis en œuvre par l’Assurance maladie. De l’autre, Mon espace santé, auquel le patient peut accéder, dont la DNS est co-responsable avec l’Assurance maladie, conformément à la feuille de route du numérique en santé ». Ce qui réjouit Philippe Besset : « Le patient pourra par exemple permettre à son pharmacien référent d’accéder à ces prescriptions via son espace santé avant de se rendre à l’officine. »

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Comment accéder au QR Code ?

Outre l’ordonnance papier sur laquelle le QR Code est imprimé, l’officinal peut récupérer la prescription via la messagerie sécurisée du logiciel de la pharmacie grâce à la carte Vitale du patient et à sa carte CPS.

La pharmacie aura un nouveau logiciel ?

Le module de e-prescription est intégré au logiciel métier pharmacie certifié « Ségur vague 1 » (voir Repères). « Au 28 avril 2023, le logiciel devra être certifié Ségur. Cette certification permet d’intégrer dans le logiciel métier le dossier médical partagé, le système de messagerie sécurisée et la e-prescription. C’est à l’éditeur de faire certifier son logiciel », précise Pierre-Olivier Variot.

Et pour l’hôpital ?

« L’écosystème hospitalier est volontaire, même s’il ne faut pas nier que la réforme est lourde à mettre en place et va nécessiter beaucoup de moyens », déclare Marguerite Cazeneuve. Une expérimentation permettra d’établir un cahier des charges pour les éditeurs de logiciels hospitaliers. « Fin 2024, l’hôpital sera au rendez-vous », ajoute-t-elle.

Quand sera-t-elle obligatoire ?

Le principe de la e-prescription a été intégré à la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019. Ce texte habilite le gouvernement à prendre une ordonnance pour « faire de la prescription électronique l’unique vecteur de prescription ». L’ordonnance du 18 novembre 2020 la généralise à tout prescripteur au plus tard le 31 décembre 2024. Au 1er janvier 2025, elle sera le seul canal de prescription.

Que risque la pharmacie à résister ?

« La mise à jour du logiciel est payée par l’État. Passé le 15 mars 2023, la pharmacie devra assumer le coût de la mise à jour », prévient Pierre-Olivier Variot. Au 1er janvier 2025, les récalcitrants seront exclus de missions. « Un pharmacien avec un LGO non certifié Ségur ne pourra plus faire de vaccinations ou ne percevra plus de rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) », ajoute Philippe Besset.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

→ Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance maladie.

→ Jean-Baptiste Milone, directeur de projets à la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS).

→ Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Repères

→ Le Ségur du numérique en santé est un plan d’investissement de 2 milliards d’euros pour soutenir le développement massif et cohérent du numérique en santé. La première phase, « Ségur vague 1 », prévoit de généraliser le partage fluide et sécurisé des données de santé entre professionnels et avec l’usager pour mieux prévenir et mieux soigner. Ce plan d’investissement permet une prise en charge des frais de changement de logiciel par l’État. Passé le 15 mars 2023, plus aucune demande de prise en charge ne sera acceptée. L’installation du logiciel pourra se faire jusqu’au 28 avril 2023.