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Créer un rayon optique
Pour ceux qui souhaitent se spécialiser, la création d’un corner optique peut constituer une opportunité de développement pour leur officine. Voici les six questions qu’il faut se poser avant de se lancer. Pour y voir plus clair et pour mettre tous les atouts de son côté.
L’optique est, au même titre que l’audioprothèse, l’orthopédie ou le matériel médical, une activité qui peut être proposée aux clients d’une officine. Il faut dire que le contexte économique du secteur s’annonce plutôt favorable. Avec un chiffre d’affaires estimé à 5 milliards d’euros, le marché de l’optique a progressé de 2,6 % l’an dernier. S’il est dominé par les chaînes et les enseignes, il laisse encore aux magasins indépendants les moyens de s’en sortir financièrement. Ces derniers représentent encore 47 % des points de vente en France. A l’heure où la marge sur le médicament est vouée à la baisse, certains pharmaciens peuvent être tentés par la lunetterie.
1.Sous quelles conditions ?
D’un point de vue légal, aucune autorisation administrative n’est requise, si ce n’est l’embauche d’un opticien. Cependant l’analyse préalable du marché est essentielle. « Le jeu en vaut la chandelle s’il n’y a pas de concurrence – et a fortiori d’enseigne – à proximité de l’officine », indique Maurice Fihma, titulaire. Ce pharmacien vient d’installer un département optique dans sa pharmacie parisienne du XXe arrondissement, dans le cadre de son transfert. « Je bénéficie désormais de 300 m2 pour diversifier mes activités. »
Il faut donc disposer d’une grande superficie pour valoriser un corner lunetterie. La surface minimale requise ? « Mieux vaut débuter avec au moins 15 m2, mais plus la place réservée au corner est importante, plus les ventes augmentent », avance Michel Cohen, titulaire de la Pharmacie du Rond-point à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise). Son rayon, créé il y a sept ans, a fait l’objet de travaux et occupe désormais 25 mètres carrés.
2. Quel investissement prévoir ?
« Les frais ne sont pas élevés comparés au montant des infrastructures nécessaires pour développer un rayon acoustique. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi l’optique pour me diversifier », confie Bruno Bardasi, pharmacien à Caulnes dans les Côtes-d’Armor. Pour son projet, il a emprunté 70 000 euros, dont 15 à 20 000 euros pour les machines (ajustement des verres). Maurice Fihma, lui, a opté pour un achat du matériel en leasing (600 euros par mois). Côté stock, comptez près de 500 montures, soit 20 000 euros environ. Les dépenses liées aux travaux varient en fonction de l’agencement préexistant. Si l’on considère les meubles de présentation et le décor, le coût ne dépasse pas 5 000 euros. Il vous en coûtera en outre 2 000 euros net de salaire par mois en moyenne. Soit 50 000 euros à l’année avec les charges, auxquelles s’ajoute éventuellement une prime à l’intéressement.
3. Comment se faire connaître ?
La pharmacie elle-même est incontestablement le principal vecteur de communication. « Nous drainons chaque jour un flux important de clientèle. C’est un véritable avantage par rapport aux magasins d’optique, assure Michel Cohen, qui consacre la moitié de ses vitrines à la présentation de lunettes. La signalisation est extrêmement importante car l’optique en pharmacie n’est pas une activité habituelle. » « Nous évoquons notre spécialisation chaque fois qu’un client sort de chez l’ophtalmologiste et nous présente une ordonnance de collyres », annonce de son côté Maurice Fihma.
Par ailleurs, il faut savoir que la publicité dans les journaux est autorisée (lire ci-contre). « J’ai fait paraître des annonces dans la presse quotidienne régionale au début, mais rien ne vaut le passage des clients dans la pharmacie et le bouche-à-oreille », constate Bruno Bardasi.
4. Quelles sont les clés de la réussite ?
« Si nous faisons preuve de professionnalisme dans la délivrance des médicaments, nos clients nous font confiance pour tous les services que nous leur proposons. Nous avons intérêt à ne pas les décevoir en optique. Il faut donc embaucher un opticien à notre image et nous montrer à la pointe de la technicité », explique Michel Cohen.
Car même si une pharmacie offre moins de choix en montures qu’un magasin d’optique, « les clients sont rassurés de se retrouver dans un environnement qu’ils connaissent déjà et qu’ils apprécient. Il faut savoir être patient, écouter leurs demandes et discuter », témoigne Kéline Sultan, opticienne salariée de la Pharmacie Fihma.
Un conseil : en général, placer aux côtés des lunettes de vue des lunettes-loupes permet de déclencher des ventes spontanées.
5.Quelle politique de prix adopter ?
« Nous avons intérêt à être compétitifs car les gens comparent, n’hésitent pas à nous demander des devis », constate Kéline Sultan. C’est pourquoi les pharmaciens interrogés pratiquent des tarifs 20 % moins chers que la plupart des opticiens. Cela laisse encore une marge confortable de 50 % environ si l’on passe par un groupement d’achat (La Centrale des opticiens…) permettant de bénéficier de remises de 20 %. Vous pouvez aussi, comme la Pharmacie Bardasi, jouer le jeu de la seconde paire offerte.
6. Quelle rentabilité espérer ?
Pour amortir le stock et le salaire de l’opticien, il faut arriver à vendre une à deux paires de lunettes par jour ; pour dégager des bénéfices, trois paires.
La typologie urbaine ou rurale de l’officine influe cependant sur le développement économique du projet. En ville, il faut du temps – environ un an – pour se faire une clientèle. Mais, souvent, le facteur chance a son importance. Par exemple, le concurrent le plus proche de la Pharmacie du Rond-point, a périclité en même temps que le centre commercial où il était situé. L’optique représente aujourd’hui 8 % du chiffre d’affaires de l’officine.
Autre exemple, la Pharmacie Bardasi a atteint un bon niveau de chiffre d’affaires de son corner optique (7 000 euros) dès le premier mois d’exploitation. Mais il doit maintenant revoir sa stratégie depuis la récente création d’un magasin d’optique à proximité. Le titulaire dresse donc un bilan en demi-teinte, mais ne baisse pas les bras pour autant. « Vu notre situation géographique éloignée des grandes villes, le potentiel existe. »
Ce que dit la législation
– Présence obligatoire d’un opticien diplômé. u Impossibilité de séparer les locaux de l’officine de ceux de l’optique : ils doivent former un ensemble d’un seul tenant. Toutefois, des lieux de stockage peuvent se trouver à proximité immédiate à condition qu’ils ne soient pas ouverts au public et ne comportent ni signalisation ni vitrine extérieure.
– L’activité d’optique-lunetterie doit faire l’objet d’un rayon individualisé.
– La signalisation est autorisée. Vous pouvez donc inscrire « Optique » sur votre porte et vos vitrines.
– La publicité pour l’optique est légale (sans demande préalable à l’ordre des pharmaciens) dans la presse écrite à condition que les annonces ne dépassent pas 100 cm2.
– Les lettres de présentation adressées aux ophtalmologistes sont formellement interdites par le code de
déontologie des pharmaciens.
avis de l’expert
Marie-Claude Rousselie, opticienne : « L’étude de la zone de chalandise est primordiale »
Après avoir géré un rayon optique dans une officine parisienne, Marie-Claude Rousselie est aujourd’hui propriétaire d’un magasin indépendant à Terrasson-la-Villedieu (Dordogne).
« Avant de créer un département optique en officine, il faut savoir que la concurrence est de plus en plus agressive !, prévient-elle. L’étude de sa zone de chalandise est primordiale. Je pense qu’il y a de réelles opportunités de développement en milieu rural car les gens apprécient le service de proximité et hésitent à faire 30 km en voiture pour acheter leurs lunettes ou leurs lentilles. Dans ce cas, le manque de place et le faible stock de lunetterie en officine n’est pas forcément un inconvénient. Mais il faut rester réaliste. Dans un village, il ne faut pas espérer dépasser 150 000 euros de chiffre d’affaires à l’année. En ville, c’est la notoriété du pharmacien qui prime. Plus il est installé depuis longtemps dans un quartier et plus il connaît sa clientèle, plus il a de chances de s’en tirer. »
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